Addendum à l’article « New Orleans, un peu de préhistoire… »

New Orleans en 1725, Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France

• Dans le n°52 d’ABS Magazine, s’agissant de La Nouvelle-Orléans, « un peu de préhistoire » vous avait été contée. Vous pouvez retrouver une version numérique de cet article ici. Les notes qui suivent visent à compléter ce dossier.

Dans ses Mémoires (année 1720), Saint-Simon blâme vigoureusement la pratique d’expédier des filles de joie enchaînées, des orphelines sans le sou, des criminelles, des religieuses arrachées de leurs couvents, de paysannes volées dans les villages, malheureuses de toute provenance (toutes en âge de procréer) enchaînées et embarquées de force au Havre :

« Ce fut pour les (les vastes pays du Mississippi) peupler qu’on fit à Paris et dans tout le Royaume des enlèvements des gens sans aveu et mendiants valides, hommes et femmes, et de quantité de créatures publiques. Si cela eût été exécuté avec sagesse, discernement, les mesures et les précautions nécessaires, cela aurait rempli l’objet que l’on se proposait, et soulagé Paris et les provinces d’un lourd fardeau inutile et souvent dangereux. Mais on s’y prit à Paris et partout ailleurs avec tant de violence et tant de friponnerie encore pour enlever qui on voulait, que cela excita de grands murmures. On n’avait pas eu le moindre soin de pourvoir à la subsistance de tant de malheureux sur les chemins, ni même dans les lieux destinés à leur embarquement. On les enfermait les nuits dans des granges sans leur donner à manger et dans les fossés des lieux où il s’en trouvait, d’où ils ne pussent sortir. Ils faisaient des cris qui excitaient la pitié et l’indignation. Mais, les aumônes n’y pouvant suffire, moins encore le peu que les conducteurs leur donnaient, cela en fit mourir partout un nombre effroyable. Cette inhumanité jointe à la barbarie des conducteurs, à une violence d’espèce jusqu’alors inconnue et à la friponnerie d’enlèvements de gens qui n’étaient point de la qualité prescrite, mais dont on se voulait défaire, en disant le mot à l’oreille et mettant de l’argent dans la main des préposés aux enlèvements, que les bruits s’élevèrent avec tant de fracas et avec des termes et des tons si imposants qu’on trouva que la chose ne se pouvait plus soutenir. Il s’en était embarqué quelques troupes, qui ne furent guère mieux traitées dans la traversée. » (« Mémoires de Saint-Simon », La Pleiade, tome VII p.644-645).


Par Gilbert Guyonnet