Chris Strachwitz (1931-2023)

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Chris Strachwitz, Down Home Music, 2014. Photo © Daniel E. Porter (courtesy of Houston Chronicle).

Un homme « au rêve habitué »

• Le décès de Chris Strachwitz, le 5 mai dernier, attriste tous les musiciens et amateurs de Blues. Cette infinie tristesse est atténuée par l’immense bonheur musical qu’il nous a procuré grâce à sa passion et son enthousiasme.

Quand ai-je découvert le nom de Chris Strachwitz ? Avec le premier disque qu’il publia et que mon père s’était procuré : « Mance Lipscomb – Texas Sharecropper and Songster » (Arhoolie F1001). Puis j’écoutai Lightnin’ Hopkins, Fred McDowell sur le Teppaz familial. Cette musique me faisait rêver. Le nom de son promoteur resta gravé à jamais dans ma mémoire. C’est toujours avec confiance que j’achetai par la suite les productions de Chris Strachwitz…

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Chris Strachwitz. Photo DR – © Arhoolie Foundation

Chris Strachwitz arriva en Californie en 1947 quand sa famille fuit la Pologne après l’invasion russe. Grâce aux radios, il découvrit les musiques populaires américaines. Lui, le professeur d’allemand, commença à collectionner les disques. Cet homme « au rêve habitué » (Mallarmé) décida d’aller à la rencontre des artistes ignorés des grandes firmes de disques. Il acquit un magnétophone et prit la direction du Sud. Il rencontra, lors de son premier voyage au Texas, Mance Lipscomb. Ainsi naquit Arhoolie Records qui permit à la terre entière de découvrir les musiques vernaculaires américaines. Plus tard, il créa Blues Classics après avoir rencontré Memphis Minnie, handicapée par une attaque cérébrale et vivant dans une grande misère. Quand il apprit qu’elle ne touchait aucun « royalty », il publia un album compilant quelques-unes de ses chansons et lui versa d’appréciables droits d’auteur.

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Chris Strachwitz et Fred McDowell. Photo DR – © Arhoolie Foundation

Arhoolie et Blues Classics étaient l’oeuvre d’un seul homme : Chris Strachwitz enregistrait la musique, compilait à partir de ses propres 78 tours, écrivait les notes des pochettes, photographiait les artistes, passait les commandes aux usines de pressage et expédiait les disques aux distributeurs. Tous les gains étaient réinvestis pour la production de nouveaux disques.

Chris Strachwitz
Chris Strachwitz. Photo DR – © Arhoolie Foundation

En 1965, Country Joe and the Fish, un groupe local, contacta Chris Strachwitz. Il offrit à l’orchestre la séance d’enregistrement contre l’attribution des droits à sa maison d’édition. I Feel Like I’m Fixin’ To Die Rag devint un tel succès grâce au festival de Woodstock, que Chris Strachwitz acheta le bâtiment qui abrite encore sa boutique de disques, Down Home Music, à El Cerrito, Californie.

Chris Strachwitz, Lightnin' Hopkins, ABS Magazine
Chris Strachwitz assis à côté de Lightnin’ Hopkins. Photo DR – © Ahroolie Foundation

Il enregistra tous types de musiques ancrées dans la culture américaine, mais jamais ce qu’il appelait « Mickey Mouse music », c’est-à-dire la pop et le rock : Blues, Tex Mex (Lydia Mendoza, Flaco Jimenez, …), Zydeco (onze albums et trente 45 tours de Clifton Chenier, …), la musique cajun de Louisiane (famille Savoy, …), Jazz.

Chris Strachwitz, Calvin Cooke, ABS Magazine
Chris Strachwitz en compagnie de Calvin Cooke, San Francisco Blues Festival 2007. Photo © Jean-Luc Vabres

Depuis 2016, le riche et impressionnant catalogue Arhoolie appartient à la Smithsonian Institution. En outre, vous pourrez vous délecter de l’importante et fantastique collection de 78 tours de musique Tex Mex de Chris Strachwitz numérisée par la Arhoolie Foundation (https://arhoolie.org).

Simplicité, modestie, générosité, passion, caractérisaient ce géant déjà regretté, Monsieur Chris Strachwitz qui a enchanté notre univers.


Par Gilbert Guyonnet