Chroniques #67

• L’actualité des disques, DVD et livres traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

Bobby Rush

Sitting On Top Of The Blues

Deep Rush Records 10215 / Modulor

Quatre-vingt-deux ans, soixante-quinze ans de carrière, et les rides se font attendre tant sur le visage que dans la musique d’Emmett Ellis, alias Bobby Rush ! Sur les plus grandes scènes avec groupe et danseuse(s) ou seul sur une petite estrade avec guitare ou harmonica, Monsieur Bobby Rush est bien assis « on the top of the Blues », et pas seulement parce que d’illustres vétérans nous ont quittés… Parce que, depuis tout gamin, il joue le blues, il vit le blues, il l’écrit avec la même ferveur, la même énergie, la même envie. En 2017, son sublime album « Porcupine Meat » – couronné d’un Grammy– nous avait fortement ému. À Porretta, en avant-première, comme si c’était son tout premier disque, son émotion fut contagieuse lorsqu’il le présenta à la presse réunie pour l’occasion. Il avait dit en préambule : « pour garder le secret, nous n’écouterons que deux titres ». Il ne put s’empêcher de nous faire entendre la quasi totalité du disque avec les yeux brillants d’un gamin qui vient de réussir sa copie. Un très grand disque de Soul et de Blues, des textes superbes, une équipe de musiciens formidable conduite par Vasti Jackson et une production remarquable sous la houlette de Scott Billington. Deux ans après, sur les mêmes bases, « Sitting On Top of The Blues », son 26ème album studio, apparaît comme une suite bienvenue à ce premier opus. La musique y est encore, au fil des onze titres originaux, superbe, dans la même veine. Rien de mégalomane dans le titre de l’album évidemment. Bobby dit : « I’m sitting on top of the blues. I’m a bluesman who’s sitting on the top of my game, proud of what I do and proud of who I am and thankful for people accepting me for what I am and who I am ». Rien à ajouter. – Marcel Bénédit


Janiva Magness

Change In The Weather, Janiva Magness Sings John Fogerty

Blue Elan Records

Janiva Magness est depuis toujours fan inconditionnelle du Creedence Clearwater Revival en général et de John Fogerty en particulier dont elle admire le talent de compositeur ; elle trouve ses textes forts, engagés et toujours d’actualité. En outre, ses mélodies sont riches et en parfaite harmonie avec ses textes. Pour son quinzième album, elle a choisi de lui rendre hommage en choisissant les douze titres qui l’ont le plus séduite dans son répertoire, que ce soit en solo ou avec Creedence, en y ajoutant sa marque personnelle à base de soul et de passion. Il y a dans sa sélection des grands hits comme Lookin’ Out My Back Door, Lodi, Bad Moon Rising et Fortunate Son dont elle donne des versions intenses et prenantes. Mais elle est aussi allée chercher des morceaux moins connus, en tout cas des non-spécialistes de Fogerty, comme Don’t You Wish It Was True, un mix de country( 65%) et de Mississippi blues (35%), pour lequel elle a invité son ami Taj Mahal à chanter en duo avec elle et, à eux deux, ils en font un morceau phare de l’album, quasi à égalité avec Lodi qui est un autre duo avec le chanteur Sam Morrow cette fois ; ils en font un blues rock en medium avec une pointe de Memphis soul du plus bel effet. Le titre éponyme est un autre moment très fort de l’album avec son rythme trépidant et un chant syncopé et haletant faisant penser à une séance de revival religieux sous tente avec une Janiva Magness qui témoigne avec une fougue impériale en martelant ses propos sur fond de parties de guitare possédées du démon. Mention aussi à Have You Ever Seen The Rain, une belle ballade en tempo lent évoquant un long fleuve tranquille. Someday Never Comes est dédié à son plus jeune frère, Carson, décédé récemment ; il était celui qui n’avait jamais de chance (« il tirait toujours la courte paille »), on lui disait qu’un jour il comprendrait, mais ce jour n’est jamais arrivé… (elle en parle dans son Mémoire « Weeds Like Us » chroniqué dans ce magazine). Ce n’est pas la première fois que Janiva Magness va puiser dans les morceaux composés par Fogerty ; déjà dans son album « Love Wins Again » (nominé aux Grammy Awards en 2016) elle avait repris Long As I Can See The Light avec des touches gospel marquantes. Excellent de bout en bout. – Robert Sacré


Zac Harmon

Mississippi BarBQ

Catfood Records CFR 028
www.catfoodrecords.com

Le CV de Zac Harmon est impressionnant. Celui qui – selon le journaliste Don Wilcox – « allie la sophistication d’un Bobby Bland et le style de Freddy King », a eu jusque-là une carrière passionnante. Il fit ses premières armes avec Dorothy Moore ou encore Z.Z. Hill puis continua ensuite en tant que producteur, arrangeur et songwriter pour des artistes aussi variés que The Whispers ou The O’Jays (pour ne citer qu’eux) et, jusque dans les années 90, pour Alexander O’Neal (Home Is Where The Heart Is/Change of Heart). C’est à partir de 2003 qu’il considère qu’il est temps de retourner à ses racines et se consacrer au Blues. Le présent CD se présente sous une forme relativement classique, lorgnant — grâce à l’apport d’une solide section de cuivres et une approche « soul » – du côté de Robert Cray (Desesparate Love, Since You’ve Been Gone) ou encore de B.B. King (Sunday Morning After Saturday Night). Mais la véritable surprise est la présence du morceau titre de l’album qui est en complet décalage avec la tonalité générale. En effet, Mississippi BarBQ est ouvertement dans le droit fil de la southern soul qui est un genre à lui seul et qui raconte souvent des tranches de vie sudiste au point que la recette du BarBQ réussi est incluse dans le CD ! Nul doute que ce titre, ainsi que Make A Dollar Out A Fifteen Cents, écrit dans la même veine, contribue à lui apporter un nouveau public. À noter une relecture personnelle de Knocking On Heaven’s Door qui lui permet de laisser libre court à sa volubile virtuosité technique. – Jean-Claude Morlot


Tad Robinson

Real Street

Severn Records Severn CD 0076
www.severnrecords.com 

Cinquième album du chanteur Tad Robinson pour Severn Records, le label de David Earl, avec qui on  ne peut plus parler de collaboration mais de véritable complicité, jusque dans l’écriture (Long Way Home). Disons-le d’emblée, c’est un très beau disque. Il faut noter qu’outre le talent de Tad au chant (mais aussi à l’harmonica sur plusieurs des dix titres de l’album), un groupe de rêve participe à la fête, dont la Hi Rhythm Section. Organisée entre Memphis (sous la houlette de Scott Bomar à l’Electraphonic Recording Studio) et Annapolis au Severn Sound Studio de David Earl, cette session regroupe des légendes vivantes telles Charles Hodges (orgie Hammond), Leroy Hodges (basse), Howard Grimes (drums) et l’excellent guitariste Joe Restivo, Kevin Anker (piano), une section de cuivres composée de Marc Franklin (trompette) et Kirk Smothers (saxo) ainsi que Devin B. Thompson (chœurs). On est en pleine southern soul traitée au mieux par des maîtres du genre. Au sein d’une désormais « blue eyed soul » qui compte d’excellents noms, Tad Robinson reste un des tout meilleurs. Cet album, à majorité de compositions originales, le prouve encore. – Marcel Bénédit


Toronzo Canon

The Preacher, The Politician Or The Pimp

Alligator Records ALCD 4995
www.alligator.com

J’ai souvent eu l’occasion d’écouter Toronzo. Sur quelques années, j’ai pu mesurer sa montée en puissance au service d’une ambition musicale légitime. Je l’ai entendu accompagnant des chanteuses, sideman de « grands », leader de formations de circonstances ou avec son groupe régulier, dans des clubs minuscules et sur des grandes scènes. Nous avons affaire aujourd’hui à un artiste parvenu à une réelle maturité, même s’il est en quête du morceau qui sera la clé permettant l’évasion vers d’autres horizons professionnels, même s’il ne voudrait pas que sa musique s’enferme dans l’univers un peu étriqué des « amateurs ». Il conserve, malgré tout, les pieds fermement attachés au terreau nourricier. Écoutez Insurance, tout y est. Billy Branch est particulièrement en verve et contribue à la réussite de ce « néo-classique » bien contemporain.   Nous sommes là dans le vif du sujet. Chicago n’est pas la seule référence stylistique de Toronzo Cannon qui ne dédaigne pas un petit détour vers des ambiances louisianaises avec Stop Me When I’m Lying. Le répertoire de notre homme s’ouvre aussi à des langages bien actuels. I’m Not Scared nous offre un époustouflant festival de guitares. Je n’oublierai pas le sombre She Loved Me Again et sa superbe partie de guitare, un grand moment pour tous les accros des six cordes : envolées vertigineuses, cris sourds de bête blessée, râles. Le manifeste expressionniste d’un maître qui ne confond pas éloquence et bavardage. Le jazz ne lui est pas étranger. Il nous adresse un clin d’œil musical avec un Ordinary Woman qui swingue dans la meilleure tradition de la vieille école. Le piano de Roosevelt Purify tisse une trame apportant au leader une fraîcheur bienvenue. Le chorus tout en nuances donne encore plus de vitalité et de souplesse au groupe. Le morceau s’achève sur un a capella efficace. Tout au long de ce CD, Toronzo est servi par une rythmique de qualité. Pooky Styx est un batteur solide que j’apprécie beaucoup. Ce CD m’a plu. Tout simplement. Toronzo mérite d’entrer enfin dans une carrière à sa mesure. Compositeur de qualité, parolier de talent, instrumentiste accompli, il ne lui manque plus qu’un surcroît de chance. En l’occurrence, Bruce Iglauer sera-t-il l’agent du destin ? Achetez ce disque et, si Toronzo vient dans vote région, ne le ratez pas ! – André Fanelli


Johnny Burgin

Live

Delmark DE 858 – www.delmark.com

En près de 20 années de carrière, le curriculum-vitae de Johnny Birgin est plus qu’élogieux. Il a joué avec des pointures comme Eddie C. Campbell, Tail Dragger, Sam Lay, Eddie Taylor Jr, Jimmy Dawkins, Eddie Shaw, ou encore Little Arthur Duncan, Jimmy Burns, Big Smokey Smothers et le sous estimé L.V. Banks. Le talentueux musicien a dorénavant quitté Chicago pour s’installer sur la Côte Ouest et se retrouve désormais face à un emploi du temps qui jongle avec les fuseaux horaires, tant ses engagements sont nombreux dans le monde entier. Le nouvel album de cet excellent guitariste à été enregistré en janvier dernier au Redwood Café de la ville de Cotati en Californie qui est situé entre la baie de San Pablo et Santa Rosa. À ses côtés, nous retrouvons une distribution de choix, à savoir sur les trois titres Louisiana Walk, Blues Falling et When The Bluesman Comes To Town, le maestro Charlie Musselwhite qui, comme à son habitude, tutoie les anges. Également à l’harmonica, Ali Kumar donne le meilleur de lui-même avec les morceaux Can’t Make It Blues et The Leading Brand, tandis que Nancy Wright au saxophone est impériale sur quatre titres. Le guitariste Kid Andersen épaule la robuste formation sur huit compositions, tandis que, toujours sur cette festive session, la chanteuse de Portland, Rae Gordon, est conviée à donner le meilleur d’elle-même comme sur Late Night Date Night, You Took The Bait et Daddy’s Got The Personal Touch. L’ossature du groupe est sans surprise, puisque nous retrouvons Chris Matheos à la basse et Steve Dougherty derrière les fûts. Toute cette belle équipe avait simplement une soirée pour tout mettre en boîte, le résultat est superbe sur les douze compositions originales proposées ainsi que sur les deux reprises appartenant aux répertoires d’Earl Hooker et du regretté Robert Lockwood Jr. Johnny Burgin délivre ici un album débordant d’énergie et d’enthousiasme qui va tourner en boucle sur votre platine. Une franche réussite. – Jean-Luc Vabres


Terry Hanck

I Still Get Excited

TVR-MUSIC / Vizztone VT-VTR-407
www.vizztone.com

Terry Hanck, surnommé le “renard argenté” par ses amis, est un des meilleurs saxophonistes ténor de la scène blues et soul actuelle. Il chante bien et sait aussi composer d’excellentes chansons. Aussi peut-il se permettre de produire des disques en tant que leader. Ce nouveau CD a été enregistré aux studios Greaseland de Kid Andersen qui co-produit avec Terry Hanck. Pour la petite histoire, c’est Terry Hanck qui convainquit Kid Andersen d’abandonner sa Norvège natale pour rejoindre la Californie en 2001… En studio, Terry Hanck a utilisé son orchestre habituel, ses vieux complices : l’excellent guitariste John “Cat” Soubrand, le batteur Butch Cousins (jeune frère du bassiste Richard Cousins ex Robert Cray) et le bassiste Tim Wager qui a joué avec Lavern Baker, James Cotton, Jimmy McCracklin, Lowell Fulson et Howard Tate. Kid Andersen joue de plusieurs instruments (basse, contre-basse, guitares, Wurlitzer piano et percussions). Quelques invités de marque ont été conviés : le pianiste-organiste Jim Pugh, présent sur toutes les chansons sauf une, le guitariste Chris Cain, l’harmoniciste Rick Estrin, le batteur June Core et la chanteuse Tracy Nelson. Il ne manque que l’ancien leader de Terry Hanck, Elvin Bishop. Un habile dosage de reprises et de compositions originales qui allient fort bien les sonorités classiques de New Orleans, Chicago et Memphis, constitue le menu du disque. Celui-ci s’ouvre avec la chanson manifeste I Still Get Excited où l’excellent solo de guitare de Soubrand est suivi d’une belle intervention de Terry Hanck. Her I Come est une rumba très plaisante. Come On Back débute et se finit par de beaux dialogues entre le saxophone de Terry Hanck et l’harmonica de Rick Estrin dont le solo est remarquable. L’instrumental Jazz Rosita (No Wall Can Hold Your Love) permet d’apprécier le son moelleux, proche de Ben Webster, du saxophone de Terry Hanck. Le guitariste Chris Cain est éblouissant sur la reprise d’Early In The Morning qu’avait gravé Louis Jordan en 1947. Une relecture de Hold It Right There d’Eddie “Cleanhead” Vinson est un choix judicieux. Celles de Howlin’ For My Darlin’ de Howlin’ Wolf et Feel So Bad de Lightnin’ Hopkins sont très réussies. Le saxophone de Terry Hanck hurle, pour notre plus grand plaisir, dès l’ouverture de Why People Like That ? de Bobby Charles. Un des grands moments du disque. Du début à la fin de ce disque, Terry Hanck enchante nos oreilles. – Gilbert Guyonnet


Annika Chambers

Kiss My Sass

Vizztone Label Group VT-AC01
www.vizztone.com

La traduction littérale du titre (« embrasse mon toupet »), ne saurait écarter la connotation chitlin’ volontairement donnée par Annika à cet album. Et le registre soul blues est bien de la partie. Ce qui surprend dès le premier morceau, c’est l’incroyable voix d’Annika, sa puissance, ses nuances, toute sa finesse. Originaire de Houston, Texas, cette jeune artiste monte en puissance disque après disque. Quand on constate qu’il ne s’agit ici que de son troisième album studio, on imagine que la suite ne peut être que couronnée d’une gloire qu’elle a déjà commencé à avoir, notamment avec le Blues Music Award 2019 dont elle fut lauréate au titre de « meilleure artiste soul blues féminine ». Bien accompagnée, secondée par des chœurs très à propos, elle livre ici un album de dix titres qui devrait sans doute lui permettre de fouler encore plus de scènes aux US et ailleurs. – Marcel Bénédit


Various Artists

Battle Of The Blues Chicago VS Oakland

Delta Roots Records  DR-1002
www.deltaroots.com

Après de sérieux ennuis de santé, le batteur Twist Turner a décidé de quitter la Californie pour revenir vivre à Chicago, une ville qu’il connait par cœur après y avoir joué avec toutes les pointures durant de nombreuses années. Lorsque ce dernier résidait sur le secteur d’Oakland, il produisait de nombreuses sessions avec des musiciens de la scène locale. L’épisode médical puis chirurgical, et finalement sa relocalisation dans une cité familière, lui ont donné l’envie de sortir de ses tiroirs les enregistrements qu’il avait produits avec des artistes de la Côte Ouest mais aussi de Chicago et, par là même, de réactiver son label Delta Roots Records. Le casting est tout simplement superbe, puisque nous retrouvons sur les treize titres de l’album – qui navigue avec aisance entre Blues et Southern Soul – des artiste comme Mz Sumac (la fille du bluesman Craig Horton), Del Brown, l’immense Freddie Roulette (qui est époustouflant sur les deux instrumentaux Take It Easy et Red Tide), le regretté Country Pete McGill ou encore Emery Williams Jr. N’oublions pas James Newman, l’ancien équipier à la guitare basse de Magic Sam et Jimmy Dawkins, qui, grâce aux compositions Hit And Run Lover et Me And My Guitar, délivre le meilleur de ce que l’on appelle le West Side sound. Vétéran de cet album et toujours en activité dans la Baie de San Francisco à 91 ans, Nate Bolden étale toute sa classe avec le titre Good Morning Mr Blues tandis que, du côté de Chicago, le “Soul Kepper” de la soul Gerald McClendon nous démontre une nouvelle fois avec Cold In The Streets qu’il faut à juste titre toujours compter sur lui. La précédente production de Twist Turner était une superbe session du sous-estimé Z.Z. Hill Jr, un habitué des clubs du South et West Side de la Windy City qui nous avait enchanté. Cette nouvelle « bataille musicale » qui nous est proposée ici entre Oakland et Chicago nous fait tout simplement chavirer de plaisir. Well done Twist ! Voici un CD hautement recommandable. – Jean-Luc Vabres


Delbert McClinton
and Self-made Men + Dana

Tall, Dark and Handsome

Hot Shot Records / Modulor

Voilà quarante ans, en pleine vague disco, le chanteur et harmoniciste Delbert McClinton nous régalait d’albums ancrés dans le rhythm’n’blues des années cinquante-soixante. Tout en s’offrant plusieurs incursions dans les charts américains. À quarante ans, il était un déjà vétéran dont la carrière débuta à la fin des années cinquante, comme sideman de Sonny Boy Williamson, Bobby Bland ou Jimmy Reed. Quarante ans plus tard, le texan sort son 26è album, accompagné par son orchestre les Self-made Men et le saxophoniste Dana Robbins. McClinton a écrit ou co-écrit les quatorze titres solidement ancrés dans le Texas blues. Si la voix de ce presqu’octogénaire n’a peut-être plus la force d’antan, elle n’en reste pas moins précise et nuancée, voire déchirante sur les deux dernières interprétations, Temporarily Insane et A Poem. Plusieurs « blues revivais » ont émaillé ces trente dernières années, des artistes ont disparu aussi rapidement qu’ils étaient apparus. Très peu ont porté le flambeau avec autant de persévérance et de sincérité que Delbert McClinton. – Dominique Lagarde


Eddie Bo & Chris Barber

The 1991 Sea-Saint Sessions

Proper CD 203

Un petit bijou de grande musique néo-orleanaise paru en 2016, mais qui nous avait échappé jusque-là. En 1991, le tromboniste anglais Chris Barber était venu à N.O. pour un contrat d’un mois avec Dr John, et Barber eut l’idée géniale de louer les studios Sea-Saint de Marshall Sehorn et Allen Toussaint pour deux jours et d’y graver un disque. Eddie Bo sauta sur l’occasion et amena ses amis : le saxophoniste Red Morgan, le bassiste Chuck Moore, Walter Payton au tuba et à la basse, Russell Batiste aux drums et, cerise sur le gâteau, le guitariste Wayne Bennett qu’il est inutile de présenter. Il s’agit là d’une session cool, décontractée, avec des morceaux longs dans lesquels tous les musiciens ont le loisir de s’exprimer (Ah ! ces fantastiques solos de Wayne Bennett). Morceaux lents avec un feeling à la Ray Charles : Careless Love, You’re So Beautiful, et un Eddie BO en état de grâce qui n’a jamais aussi bien chanté, ou morceaux typiques du groove second line avec un énorme duo basse ou tuba et batterie. Il est impossible de ne pas danser en écoutant ces merveilleux musiciens ! Ces enregistrements étaient restés 25 ans dans les archives de Chris Barber, ils sont aujourd’hui disponibles. – Marin Poumérol


Mark Cameron

On A Roll

Cop Records LPM-1679
www.MarkCameronMusic.net 

Cameron est un guitariste-chanteur-compositeur de Minneapolis (Minnesota). Dans le milieu musical depuis une trentaine d’années, il opère avec sa femme Sheri (sax, flûte, percussions), Rick Miller (hca), Scott Lundberg (basse) et Dan Schroeder (dms) et il a composé les quatorze faces de cet opus, seul ou avec ses partenaires. Cameron n’en est pas à son coup d’essai, il a une bonne douzaine d’albums à son actif. L’expérience acquise paie évidemment et il ne manque pas ici de faces de bon niveau comme Dirty Biscuit bien balancé ou Riding The Rails, un road song avec Sheri Cameron à la flûte donnant au morceau un troublant côté Canned Heat. L’ambiance est blues partout mais en particulier dans Next Stop Is The Blues à la Robert Cray, dans Where I Got You From, avec un côté Delta blues à la slide et harmonica ou encore dans Mojo Shuffle (une leçon sur les complexités liées à l’interprétation du blues) de même que dans un Back Seat Boogie à la Louis Jordan. Recommandé. – Robert Sacré


Little Freddie King

Absolutely The Best

Made Wright Records 

L’autre matin je recevais dans ma boîte à lettres ce nouveau CD du vétéran du blues de La Nouvelle-Orléans, Little Freddie King. C’est son drummer et ami “Wacko” Wade qui me l’envoyait avec ces quelques mots écrits de sa main, en français : « Bonjour Marcel, ça fait longtemps. Les choses vont bien pour LFK, nous continuons à jouer du blues “Gut bucket” et à nous amuser. Prends soin de toi, mon ami. » Ces mots pourraient résumer à eux seuls ce qu’on trouve dans ce disque. La musique de Little Freddie King à la ville comme au studio, c’est celle d’une bande de potes qui jouent le blues pour se faire plaisir et en donner aux autres, en toute modestie. Mais derrière cette apparente facilité et une certaine nonchalance, il ne faut pas perdre de vue que LFK – cousin de Lightnin’ Hopkins et oncle de Vasti Jackson – est le dernier représentant de cette génération de bluesmen (Louisianais d’adoption car né à Mac Comb, Mississippi en 1940, mais arrivé à NOLA en 1954) et qu’il porte haut cette musique, comme nous pouvons le constater lorsqu’il se produit sur scène. Autrefois il jouait avec Babe Stovall, Slim Harpo, Boogie Bill Webb, Polka Dot Slim, et son ami Leroy “Guitar Lightnin” Williams. Il a débuté sa carrière au milieu des années 60 chez Booker/Invicta Records par une session qui resta inédite, mais c’est grâce à un LP marquant avec John “Harmonica” Williams sur Ahura Mazda Records à NOLA en 1971 qu’il se fit connaître. Il connut ensuite une longue traversée du désert sur fond d’addiction avant de retrouver le chemin des scènes et des studios 25 ans après avec un album produit par Carlo Ditta pour son propre label Orleans. Fin des années 90 début 2000, il sera également aidé par Tim Duffy et sa Music Maker Relief Foundation. Il n’a, depuis, cessé d’enregistrer. Il sait faire danser, émouvoir, garde malgré son âge une énergie et un jeu de guitare qui forcent le respect. Ce nouvel album de 13 titres – pas moins – est encore là pour le prouver. Avec ses potes, le batteur Thomas W. Wright allias “Wacko” Wade (co-auteur avec LFK de l’ensemble des titres), Bobby (harmonica) et Scott (guitare), Little Freddie King alias “Dr Bones”, nous donne encore du plaisir et fait bouger nos jambes. – Marcel Bénédit


Old Riley & The Water

Biting Through

Frank Roszak Promotions
www.oldrileyandthewater.com

Un trio piloté par le chanteur et guitariste néo-orléanais Sean Riley et qui sonne pourtant beaucoup plus comme un combo rugueux du delta du Mississippi. Dans ce mini-album de sept titres et vingt cinq minutes, on perçoit aussi parfois comme une résurgence du Canned Heat des débuts. Sean Riley est entouré du batteur Ray Micarelli et du bassiste Andrew Landrew, des copains du quartier de Creole Cottage où le groupe s’est formé et répète. Un faux trio en fait, puisque le guitariste Joshua Cook joue sur tous les morceaux et co-écrit six des sept titres, la seule reprise étant le Howlin’ For My Darlin’ d’Howlin’ Wolf. À ceux qui aiment le boogie blues graisseux et funky, mais sans excès, ce petit disque est particulièrement recommandé. – Dominique Lagarde


Coco Montoya

Coming In Hot

Alligator ALCD 4994 – www.alligator.com

Encore un bluesman au parcours atypique tout au long d’une carrière qui totalise une quarantaine d’années. Sa vocation date de 1969, il a 18 ans et un concert d’Albert King lui montre la voie, il sera bluesman et drummer. Cinq ans plus tard, Albert Collins le prend dans son band pour cinq ans et, sous son aile, comme un fils, il le fait passer des drums à la guitare. Quand John Mayall reforme les Bluesbreakers en 1984, il cherche un guitariste… Ce sera Montoya ! En 1993, il forme son propre orchestre, enregistre un premier album en 1995 pour Silvertone-UK (repris par Blind Pig – USA) ; le succès est immédiat et il perdure à ce jour. Après trois albums pour Alligator (2000, 2002, 2007) et deux pour Ruf Records, il est revenu chez Alligator en 2017 (album « Hard Truth ») et voici la suite, un album produit par Tony Braunagel, l’homme aux multiples awards (comme drummer et producteur). On y retrouve Montoya en pleine forme, son chant est toujours aussi rempli d’émotion et d’âme et son jeu de guitare est toujours flamboyant. Braunagel l’a bien entouré avec Mike Finnigan (keyboards), Johnny Lee Schell et Billy Watts (deuxièmes guitares), Bob Gulb et Mike Mennell (basse) et lui-même aux drums. Il y a aussi des invités comme le pianiste Jon Cleary dans l’excellent Coming In Hot sur un rythme enlevé et la pétulante Shaun Murphy au chant en duo avec Montoya dans un beau blues en médium, Ain’t It A Good Thing. À noter un bel hommage à son mentor Albert Collins avec le blues lent Lights Are On But Nobody’s Home où le duo Montoya-Finnigan, bien soutenu par les autres, se met les tripes à l’air et fait le maximum. Un petit regret, il n’y a qu’une seule compo de Montoya, le titre éponyme (et en collaboration), tout le reste est constitué de reprises, mais elles sont bien arrangées, en particulier Witnes Protection (Allison) ou Trouble (Miller) et l’énergique Water To Wine avec ses parties de guitare incisives. – Robert Sacré


Professor Louie and The Crowmatix

Miles of Blues

Woodstock Records WR61

La formation Professor Louie and The Crowmatix, de Woodstock, dans l’État de New York, enregistre et se produit aux États-Unis depuis sept ans. Avec, à leur actif, 14 CD chez Woodstock Records et 150 concerts par an, le groupe a été intronisé au Blues Hall Of Fame. Professor Louie, de son vrai nom Aaron L. Hurwitz, est un chanteur multi-instrumentiste : orgue Hammond, clavier et accordéon. À ses côtés, au chant et à la guitare, John Platania a accompagné Van Morrison pendant plus de 30 ans. Gary Burke a fait carriére en tant que batteur de Bob Dylan, mais il est surtout connu du public pour sa participation à plus d’une douzaine d’albums de Joe Jackson. Miss Marie Spinosa est une chanteuse, compositrice, pianiste et percussionniste de Brooklyn. Elle a co-écrit de nombreuses chansons de Professor Louie et enregistré un CD solo avec The Crowmatix Collection. Enfin, pour compléter le groupe, il y a Frank Campbell à la basse et une section de cuivres sous le nom de Woodstock Horns. La musique de Professor Louie est un parfait mélange des musiques américaines : rock’n’roll, blues, country, gospel. La majorité des morceaux de ce CD peuvent sans problème entrer dans le domaine du blues, avec en prime une reprise de Please Send Someone To Love, magnifique blues que Percy Mayfield a écrit en 1950. À découvrir, sans risque d’être déçu. – Robert Moutet


Vaneese Thomas

Down Yonder

Segue SRVT 2019

Fille de Rufus, sœur de Carla, Vaneese Thomas n’a pas suivi les traces familiales, puisque c’est à New York qu’elle fit ses premières armes en enregistrant en 1987 pour Geffen, l’album « Vaneese » (qui connut un relatif succés avec le titre I Wanna Get Close To You) produit par Beau Huggins (connu par la découverte de Freddie Jackson pour Orpheus Prod). S’en suit une longue décennie où sa participation en tant que « background singer » sera importante. En 2004 parait, déjà chez Segue, l’album « A Woman’s Love » qui doublonne royalement pour dix titres sur douze avec « Talk Me Down » (Unleashthe80s Records) publié en 2001 et qui bénéficiait de la présence de Kirk Whalum, Patti Austin ou encore James D-Train Williams. Le présent CD est un album à la tonalité pop/rock dans lequel Vaneese s’exprime d’une voix puissante et inspirée voire gospelisante au point que Down Yonder semble sorti du répertoire des Staples Singers ou encore dans Legacy Of Pain avec le chanteur Kevin Bacon, où elle évoque des meurtres commis dans le Mississippi et pas encore élucidés. Il faudra se reporter aux titres I Tried/Last Kiss où figurent les cuivres de Lannie Mc Millan et Kirk Smothers (des Bo-Keys) et Wake Me avec Carla dans les chœurs, pour retrouver un peu de l’inspiration de sa ville natale. – Jean-Claude Morlot


Altered Five Blues Band

Ten Tousand Watts

Blind Pig BPCD 5172
www.blindpigrecords.com

Basse (Mike Solveson), batterie (Alan Arber), guitare (Jeff Schroedl), clavier (Rey Tevich) et voix composent ce quintette évoluant dans un registre blues, soul, voire rock. Aux avant-postes, le leader et chanteur Jeff “JT” Taylor possède une voix profonde, grave, puissante, très belle et, derrière, le groupe assure terriblement. Les douze titres sont des compositions de tout ou partie de cette fine équipe qui aborde des thèmes qui souvent ne manquent pas d’humour, à l’image du morceau titre dans lequel Taylor détaille ses nombreux pouvoirs de séduction… On va du blues à la soul en passant par le second line et même la rumba avec une aisance folle, un plaisir à l’évidence partagé par les musiciens et leur producteur, l’excellent Tom Hambridge, et qui vous ravira certainement. Ce groupe est à l’affiche du Luzern Blues Festival 2019… – Marcel Bénédit


Cheyenne James

Burn It Up

Red Shack Recording Studio

Voici encore une pépite qui nous vient du Texas. Cheyenne James est une excellente surprise. Elle déborde d’énergie. C’est une chanteuse au beau timbre de voix, une soprano avec un vibrato occasionnel et discret. Elle a composé six des dix faces (dont une en collaboration). C’est son premier album mais elle a commencé tôt, à 10 ans, sur le répertoire d’Aretha Franklin, Billie Holiday et Etta James pour ses proches et ses amis. Quinze ans plus tard, elle a chanté dans quasi tous les clubs et road-houses du sud-est Texas et il a été temps pour elle de se lancer sur la scène nationale (voire internationale) en gravant son premier opus. De ses propres compos on retiendra les excellents Gypsy Mama et I Didn’t Know, bien enlevés, avec un support on ne peut plus efficace de Steve Krase (hca), Dave Carter (gt), Randy Wall (claviers) et d’une section de cuivres musclée (Eric Demmer sax et Lamar Boulet, tp et flugelhorn), sans minimiser l’apport de la section rythmique (Jim Brady, dms et Rock Romano, basse). Et ce support haut de gamme continue dans Rock en slow et dans deux faces jazzy Roll your coal et la ballade What Does It Mean. Parmi les covers, une mention à Grits Ain’t Groceries (Titus) joliment enlevé ainsi qu’à You Know You Love Me Baby (W. Dixon). À noter aussi une très bonne version soul de Let’s Go Get Stoned (Ashford & Simpson). Ce serait bien de pouvoir aller l’applaudir dans une tournée européenne. – Robert Sacré


Katarina Pejak, Ally Venable, Ina Forsman

Blues Caravan 2019

Ruf Records 1273 – www.rufrecords.de

Depuis 2005, le label Ruf Records nous propose chaque année ses découvertes dans le monde du blues par une tournée européenne. Par le passé, cette tournée, qui a toujours porté le nom de « Blues Caravan », a lancé les carrières en Europe de Candye Kane, Sue Foley, Ana Popovic et bien d’autres. L’ affiche se compose toujours d’un trio de nouvelles vedettes du blues. Mais l’an passé, il y a eu une exception avec la présence de Bernard Allison qui a déjà une belle carrière, et cette année Katarina Pejak ne peut être considérée comme une débutante, avec quatre enregistrements à son actif , dont le dernier « Road That Cross » chez Ruf Records. La tournée 2019 se compose donc de la serbe Katarina Pejak qui, comme sa compatriote Ana Popovic, est certainement promise à un bel avenir avec sa voix très jazz et son jeu de piano remarquable. La deuxième membre du trio est la guitariste texane Ally Venable. En ajoutant une touche moderne au blues du Texas, elle a déjà reçu, malgré son jeune âge, de nombreuses récompenses pour son jeu de guitare incendiaire. Enfin, la dernière chanteuse du trio est la finlandaise Ina Forsman. Avec sa voix suave et jazzy, elle a déjà participé, l’an passé, au festival Cognac Blues Passions. Et pour accompagner ses trois blueswomen il y a Roger Inniss à la basse et Elijah Owings à la batterie. Le concert a été enregistré à Coblence le 15 février 2019, au Café Hahn. Le CD comporte quatorze titres, dont Turtle Blues de Janis Joplin avec un superbe solo de piano de Katarina Pejak. Chacune des vedettes est en solo sur trois morceaux et elles sont ensemble sur les cinq autres titres. Avec le disque, il y a, comme d’habitude, un DVD du concert, avec un bonus de six titres en plus de ceux du CD. On arrive donc à l’intégralité du show qui dure deux heures. Et l’on ne peut que noter la parfaite entente entre ces trois jeunes femmes. C’est certainement le fruit de longues scéances de répétitions qu’elles ont dû faire avant le début de la tournée. En conclusion, comme chaque année, Thomas Ruf nous propose, pour notre plus grand plaisir, un spectacle musical original qui n’a aucun équivalent dans le monde. – Robert Moutet


Ben Levin

Before Me

Vizztone VTBL-002 – www.vizztone.com

Seuls quelques vétérans, tels Henry Gray, Erwin Helfer, jouent encore du bon vieux piano acoustique traditionnel et ses 88 touches quand de nombreux musiciens contemporains pianotent sur des claviers électroniques. J’ai développé un défaitisme endurci quant à l’utilisation du piano dans le Blues. Quelle surprise quand un jeune homme de 19 ans, étudiant à Cincinnati, en vient à démentir mon pessimisme. Ben Levin chante et joue le Blues au piano comme un type qui a connu les juke-joints ou les clubs de Chicago dans les années 1950’s. Cet enregistrement est cautionné par des géants tels le guitariste Bob Margolin, l’harmoniciste Bob Corritore et Philip Paul (93 ans) présent sur deux titres, légendaire batteur des studios King, accompagnateur en particulier de Freddie King, Little Willie John, Wynonie Harris… Leur participation et contribution à ce disque sont remarquables. Le CD s’ouvre par une belle interprétation de I Feel So Good de Big bill Broonzy. On peut comprendre ce choix comme un manifeste : « j’aime le Blues et me sens si bien quand je le joue ». Ce que confirme la suite de ce disque constitué à parts égales de compositions originales et de reprises. Les mânes chéris de Leroy Carr, Roosevelt Sykes (So Soon), Otis Spann (Open Late), Sunnyland Slim, Pinetop Perkins, Barrelhouse Chuck, doivent se réjouir de l’éclosion d’un si remarquable talent. Celui-ci lorgne aussi vers La Nouvelle-Orléans, paradis des pianistes. Deux de ses compositions en témoignent : Before Me où la voix et le jeu de piano rappellent le regretté Fats Domino et l’instrumental Creole Kitchen, hommage à Professor Longhair, James Booker et Allen Toussaint. Il est réjouissant que le très talentueux Ben Levin vienne s’adjoindre aux très prometteurs Quon Willis, Marquise Knox et Kingfish. The Blues will never die ! Voilà un bien beau disque qui permet d’envisager l’avenir du Blues avec optimisme. – Gilbert Guyonnet


The Nick Moss Band
with Dennis Gruenling

Lucky Guy

Alligator ALCD4993 – www.alligator.com

Bassiste à la base, Moss a construit un fameux pedigree en trente ans de carrière à Chicago, d’abord avec Jimmy Dawkins puis avec Willie “Big Eyes” Smith (ex-Muddy Waters), lequel ayant besoin d’un guitariste a convaincu Moss de laisser la basse à un autre et de passer à la guitare.  Moss a ensuite intégré le band de Jimmy Rogers (ex-Muddy Waters encore) avant de former son propre orchestre en 1997 et de sortir le premier de ses treize albums sur son propre label, Blue Bella Records. La suite est une longue liste de concerts et de tournées US et Europe couronnées de succès et d’Awards. Nick Moss est désormais un pilier incontournable de la scène blues ; ce statut enviable est encore monté d’un cran en 2016 grâce à son association avec l’harmoniciste Dennis Gruenling, leur premier album paru en 2018 (« The High Cost Of Low Living » – Alligator ALCD 8981) a fait un malheur dans les charts et chez les amateurs. Revoici donc le duo bien soutenu par Taylor Streiff (p, Hmmond-B3), Rodrigo Mantovani (bass) et Patrick Seals (dms) dans un deuxième opus d’une série qui promet d’être longue et la qualité est toujours au rendez-vous. Il faut savoir que treize des quatorze titres sont des compos originales : onze de Nick Moss et deux de D. Gruenling. La production est de Nick Moss et Kid Andersen, lequel intervient à la guitare rhythmique dans quatre titres et à la mandoline dans un cinquième, le superbe Singled Minded. Dans une autre face, slow, très émouvante, The Comet, Nick Moss et Monster Mike Welch rendent hommage à Mike Ledbetter, chanteur et guitariste mort à 33 ans, il était leur ami très proche, leur frère, il avait travaillé avec eux deux et sa carrière a été en effet une comète. Et puis il y a d’excellentes faces bien enlevées où le duo Moss-Gruenling s’en donne à cœur joie pour notre plus grand plaisir. Les deux compères se complètent à merveille, c’est de la télépathie : 312 Blood, un hommage à Chicago, Lucky Guy qui témoigne de l’amour de Moss pour sa famille (la belle Kate et leur fille), Movin On My Way (de Gruenling), As Good As It Get (une autre ode à la famille de Moss). Des faces en médium comme Me And My friend (ode à l’amitié), Tell Me There’s Nothing Wrong, l’instrumental Hot Zuchini et Full Moon Ache en mode rock’n roll. La cerise sur le gâteau est Sanctified, Holy And Hateful, une critique acerbe du fanatisme religieux qui prône la haine au lieu de la tolérance. A good ‘un aurait dit Otis Rush. À ne pas rater. – Robert Sacré


Scott Sharrard

Saving Grace

We Save Music WSM 001

Le chanteur/guitariste Scott Sharrard (ex musical director du Gregg Allman Band) a profité de la présence des Bo-Keys et de Scott Bomar avec lequel il a produit son album à Porretta pour en faire la promotion. Amoureux fou de Memphis qu’il considère comme « le paradis sur terre », il en a réuni la fine fleur pour nous offrir son hommage mâtiné d’un son rock très incisif. La cohésion est parfaite dans le titre d’ouverture High Cost Of Loving You où la voix de Scott, même si elle n’est pas celle d’un blues shooter, est aussi hargneuse que son jeu de guitare. Difficile de faire un choix tant l’ensemble est séduisant, que ce soit la ballade Words Can’t Say ou les funky Sweet Compromise et Tell The Truth soutenus par une puissante section de cuivres, marque de fabrique des Bo-Keys fidèles à l’esprit de la ville mythique. La seule reprise est celle de Everything A Good Man Needs de Gregg Allman, interprété par Taj Mahal et avec Bernard “Pretty” Purdie à la batterie. – Jean-Claude Morlot


Cisco Herzhaft

Son Of A Watchmaker

Blues N’Trad BT09

Une photographie noir et blanc du beau visage buriné de Cisco Herzhaft orne la pochette de ce nouveau CD. Elle illustre bien le côté baroudeur ou vagabond du blues revendiqué par l’artiste. Cela incite le chaland à découvrir le contenu. Cisco Herzhaft est fils d’horloger, d’où le titre du disque, « Son of a Watchmaker ». Il est aussi le frère du célèbre historien du Blues, Gérard Herzhaft. Adolescent, il est amateur de Folk américain. Mais sa vie bascule quand il croise le chemin des musiciens de Blues en tournée en Europe dans le cadre de l’American Folk Blues Festival. Ces années 1960’s et 1970’s bénies des amateurs de Blues ! Il a même la chance de jouer, lors d’une soirée, après John Lee Hooker, ce qui laissera en lui une marque indélébile. La reprise de Shake It Baby est un beau témoignage d’estime. Cisco Herzhaft est un remarquable guitariste : slide ou fingerpicking n’ont pas de secret pour lui. Ses accompagnateurs, l’harmoniciste Geneviève Dartevelle, le pianiste Fabrice Eulry (écoutez son jeu original sur Just The Man), le contre-bassiste Bernard Brimeur et le batteur Patrick Casssoti, tous de haut niveau, lui permettent d’exprimer le mystère du Blues. La modernité a été invitée avec le beatboxeur MicFlow sur Old Black Train et le rappeur Rockin’Squat sur I’m a Blues Vet, ce qui nous fait passer du passé au présent et du présent au passé sur un même titre. La bonne idée d’associer blues et rap est sapée par la vacuité des paroles rappées, malgré un début emprunté à Verlaine et son poème Nevermore. Le répertoire de ce disque est constitué de trois reprises : John Lee Hooker déjà cité, Cisco Kid de War (un joli clin d’œil) et le traditionnel Poor Boy avec sa magnifique partie de guitare. Cisco Herzhaft a composé les huit autres titres du CD. Chaque auditeur y reconnaîtra les diverses influences, dont celle des Indiens d’Amérique trop longtemps occultée ; Indian Trail Blues introduit subtilement le thème traditionnel cherokee Dance of the Spirit. La partie musicale du CD est superbe. Malheureusement, les paroles ne sont pas du même niveau. C’est là, peut-être, que le bât blesse. Si l’on surmonte la voix limitée et le chant monotone, ce qui est mon cas, et malgré les autres bémols que je lui ai attribués, les qualités de cet ouvrage font pencher largement la balance en sa faveur et le rendent très recommandables. – Gilbert Guyonnet


Susan Williams & The Wright Groove

It’s About Time

Two Bass Publish.Co

Premier album de ce quintet qui exerce son activité dans la région de Chicago, Illinois. Avec la chanteuse Suzan Williams (voix assurée et agréablement voilée), on trouve Mike Gallemore (gt), Daryl Wright (bass), Rob Davis (dms) et Mike Cruse (keys). Chapeau : neuf des onze faces sont de la plume de Williams et les deux autres sont des compos de Gallemore qui est en plus un guitariste top. On a ici des ballades blues en medium et/ou en slow (Tell Me You Love Me, Loving You From A Distance), des blues lents boostés par le jeu de guitare de M. Gallemore (I’m Sorry, One Way Street, Please Come Back To Me, Keep Moving On, Too Little Too Late). Et d’autres bonnes surprises comme I Love What You Do avec guitare slide (Gallemore), un Shame On You bien enlevé (mais avec choeurs, pas forcément à mon goût…), un blues chaloupé Meet Me In The Middle, obsédant et au goût de revenez-y. Bref, un bilan très honnête pour un début. Attendons la suite (et pourquoi pas une tournée dans nos parages) avec impatience. – Robert Sacré


Various Artists

Sacred Sound
Dave Hamilton’s Raw Detroit Gospel 1969-1974

Ace Records CDKEND 484 – www.acerecords.co.uk

Dave Hamilton était un guitariste de Detroit, ayant à son actif de multiples sessions produites sur différents labels qu’Ace Records a déjà réédités sur plusieurs CD. Il commence à enregistrer des groupes de Gospel à partir de l’année 1969 et publie toute une série de 45 tours sur les marques Sacred Sound, New Creation ou encore Motor City Records, qui étaient généralement vendus à la fin des offices dominicaux. Comme à son habitude, le compilateur britannique nous propose 24 superbes compositions avec son lot habituel d’inédits qui combleront le plus grand nombre. La musique proposée est ici superbe, magique et envoûtante. Coup de chapeau d’entrée au guitariste chevronné Mr Bo qui, avec la composition Savior On The Throne, trouve la parfaite alchimie entre musique sacrée et Blues pour nous délivrer avec, en prime, un clin d’œil à B.B King, plus de 4 minutes de bonheur… et dire que ce titre est resté dans les cartons jusqu’à sa réédition au cours de cet été 2019 ! Mention spéciale également pour les Johnson Spiritual Singers qui, avec l’extraordinaire morceau intitulé Little Boy, offrent un hypnotique gospel sur fond de blues du delta du Mississippi. Difficile de faire un choix parmi toutes les formations présentées, à l’image des Pure Heart Travelers, The Jr Echoes ou encore les formidables Reynolds Singers, car elles ont tous les atouts pour satisfaire les amateurs de musique afro-américaine, chacune dans son genre. L’instructif livret signé par Adam Stanfel et les photos qui l’accompagnent témoignent de la vitalité de la scène sacrée durant cette époque. L’ensemble est admirablement mis en valeur par l’actif David Hamilton qui, sans les moyens d’une importante maison de disques, fit néanmoins alors un travail remarquable. Ace Records nous offre une fois encore un superbe album. – Jean-Luc Vabres


The Butler Twins

Not Gonna Worry About Tomorrow
25th Anniversary Reissue

JSP Records  JSP3016 – www.jsprecords.com

Les jumeaux Butler, Clarence et Curtis, naquirent à Florence, Alabama, le 21 janvier 1942. Leur père, métayer, était guitariste de blues. Il avait interdit qu’en son abscence l’on touchât à sa précieuse guitare dont on dit qu’elle lui aurait été offerte par Blind Boy Fuller. Consigne que ne respectèrent jamais les jumeaux. Curtis apprit à jouer de la guitare en cachette, pendant que Clarence chantait et pratiquait l’harmonica. Sous le nom des Houserockers, ils écumèrent les juke joints de l’Alabama et du Tennesse. Au début des années 1960’s, les deux musiciens migrèrent à Detroit. Là, ils travaillèrent dans l’industrie automobile et se lièrent d’amitié avec Bobo Jenkins avant de créer leur propre orchestre. Les Butler Twins furent découverts par la Detroit Blues Society qui produisit, en 1989, un excellent album, « Live in Detroit » (Blues Factory Records BF1001). Dans les années 1990’s, les “blues brothers” enregistrèrent deux CD pour le label anglais JSP : « Not Gonna Worry About Tomorrow » (JSP CD257) et « Pursue Your Dreams » (JSP CD268). Ce qui permit de les voir sur quelques scènes européennes. JSP réédite le premier des deux disques en y ajoutant Inner City Blues qui était sur le second. Nous découvrons avec ce disque un cocktail de downhome blues irrésistibles : de grosses pincées de Muddy Waters et de Little Walter, des zestes de Howlin’ Wolf et Lightnin’ Hopkins parfument les compositions originales essentiellement dues à Clarence Butler. Celui-ci est un excellent chanteur et un bel harmoniciste. Le jeu de guitare de Curtis est très influencé par Jimmy Rogers. La musique produite est, dans l’esprit, proche de celle de Magic Slim, donc du « real blues » dont nous aimons nous délecter. Voici un solide disque de « blues à ras-de-terre » qui était passé inaperçu il y a vingt-cinq ans. Il est encore temps de se racheter en l’acquérant. – Gilbert Guyonnet


Snooks Eaglin

New Orleans Street Singer

Jasmine Records  JASMCD 3132
www.jasmine-records.co.uk

À la fin des années 50 et au début des années 60, le Blues Revival commençait à atteindre l’Europe. Peu d’amateurs avaient une réelle connaissance de cette musique, des conditions et du contexte dans lesquels elle était produite. La chasse aux fossiles du Blues battait déjà son plein. Cette recherche quasi-mystique des cœlacanthes musicaux fut l’occasion, au-delà de la dimension ethnologique, de découvrir des artistes en possession de leurs moyens. Voire des musiciens très jeunes sachant s’exprimer dans des styles anciens. Snooks Eaglin n’avait que 21 ou 22 ans quand il grava sa première session. Mais je n’ai pas l’intention de répéter les informations sur sa carrière contenues dans l’excellente note de Bob Fisher. Ces CD nous donnent un aperçu des talents de ce musicien aveugle capable de revenir aux sources autant que de tenir sa place dans un groupe de Rhythm and Blues. Cet album vient rappeler que le répertoire des anciens – bluesmen et songsters tout à la fois – était singulièrement large. Si vous préférez le blues traditionnel, vous trouverez sans peine votre bonheur. Par exemple, avec des morceaux tels que Come Back Baby et son atmosphère prenante, désolée. Derrière la psalmodie du chanteur, la guitare vient cingler des phrases expressives. Du beau blues dont on ne peut se lasser. Côté songsters, les classiques néo-orléanais comme Careless Love ou High Society répondront à vos attentes. Au passage, notons qu’un air comme High Society – au-delà de la performance technique – nous permet d’imaginer ce qu’était la guitare en un temps où les faiblesses des moyens d’enregistrement nous privaient de pouvoir apprécier un instrument peu sonore. Ces artistes jouant dans des maisons closes, des honky-tonks et autres lieux disparates, devaient souvent récréer – seuls – de véritables accompagnements orchestraux. D’où la plénitude de leur jeu. Et le rhythm and blues ? Comme je l’ai dit plus haut, l’empreinte de Ray Charles se manifeste sans tomber dans la reproduction servile. Au sein d’un petit orchestre, Snooks peut délivrer un mix séduisant entre les climats chers à Dave Bartholomew, à Fats Domino et à quelques autres pionniers. Si vous aimez la guitare, vous allez adorer Truly Yours et Nobody Knows. Si votre âge vous autorise un brin de nostalgie pour les dancings bordant les plages et leurs slow rocks langoureux, vous vous baignerez dans les harmonies estivales de Reality. Autre intérêt de cette sélection : la présence de nombreux morceaux devenus des classiques et cela nous permet de comparer la version de Snooks avec les originaux ou d’autres covers parfois célèbres. La célébrité… Ce malheureux Snooks n’en bénéficia pas, même s’il connut des périodes assez lucratives comme le souligne Bob Fisher. En résumé, je voudrais vous inviter à acquérir ce CD qui, à mon humble avis, ne vous décevra pas. Au contraire, vous allez l’écouter en boucle. En attendant, je vais remettre Travelin Mood sur ma platine… – André Fanelli


Little Ann

Detroit’s Secret Soul

Kent LP 518 – www.acerecords.co.uk

La chanteuse Little Ann Bridgeforth fut longtemps présentée comme l’un des secrets les mieux gardés de la soul de Detroit : un 45 tours Ric-Tic en 1968, un album programmé mais jamais publié, une personnalité énigmatique. Il n’en fallait pas davantage pour bâtir une légende. Little Ann devint à la fin des années 90 une icône de la scène soul au Royaume-Uni et eut l’occasion de venir chanter Outre-Manche, avant sa disparition prématurée. En 2009, le label Timmion leva un autre coin du voile en publiant le 33 tours « Deep Shadows ». De son côté, Kent Soul égrena des morceaux sur ses compilations CD consacrées au producteur Dave Hamilton. Aujourd’hui, dans ce nouvel album vinyl, la marque anglaise publie trois prises annoncées comme inédites, des « altérante takes », dont nous laisserons aux oreilles fines le soin de distinguer les subtiles nuances par rapport à ce qui existe déjà. Plus intéressante est la présence des deux rares et superbes 45 tours édités en 1972 et 1973 par la marque canadienne Celebration sous le nom d’Ann Bridgeforth. Ces dernières années, Kent Soul a créé de toutes pièces plusieurs albums vinyls d’artistes soul – esthétiquement très attractifs – à partir de CD déjà existants. Aujourd’hui, elle franchit un pas en sortant ce disque uniquement au format de grande galette, sans version CD. La juxtaposition des deux albums Timmion et Kent Soul donne une vision assez complète des talents de Little Ann. – Dominique Lagarde


Big Mama Thornton

The Story of my Blues :
Complete singles 1951 – 1961

Jasmine Records  JASMCD 3123
www.jasmine-records.co.uk

Réédition incontournable des grandes faces classiques d’une des plus formidables crieuses de blues de tous les temps. Il y a là l’intégrale des singles Peacock depuis Partnership Blues de 1950 jusqu’aux singles sur Bay.Tone 107 et Irma 13 parus en 1961. Ce sont pour la plupart des chefs-d’œuvre de la musique afro-américaine dont la version originale de Hound Dog avec la guitare incomparable de Pete Lewis et des musiciens comme Johnny Otis ou Devonia Williams au piano ou les orchestres de Bill Harvey ou de Joe Scott. Ces faces ont souvent été rééditées, alors, si vous possèdez le double CD Le chant du monde 2238/39 qui contient 35 titres, vous avez tout ce que propose Jasmine (et même 7 titres supplémentaires). Dans le cas contraire, ce CD est le bienvenu. Après ces sommets, Big Mama continua une longue carrière avec de très beaux disques chez Mercury, Arhoolie et Vanguard et une tournée remarquée en Europe avec l’American Folk Blues Festival en 1965 et influença largement de nombreux artistes, dont Janis Joplin qui reprit son Ball and Chain. Ces faces Peacock sont obligatoires dans toute discothéque qui se respecte ! – Marin Poumérol


Doctor Ross

Boogie Disease 1951-1962
The Very Best of Doctor Ross

Jasmine Records  JASMCD 3124
www.jasmine-records.co.uk

Certains se soignent par les plantes, l’allopathie, ou l’homéopathie ; certains font appel aux guérisseurs. Et puis il y a ceux qui, comme moi, utilisent la médecine du Doctor Ross pour traiter leurs moments de mélancolie, « ce bonheur d’être triste » (Victor Hugo). Voilà plus de soixante-dix ans que l’irrésistible musique de Doctor Ross est un viatique. Des juke joints du Delta du Mississippi d’où Charles Isaiah Ross était originaire aux petits clubs de Flint, Michigan, où il vécut et mourut, en passant par l’Europe où il vint souvent à partir de 1965, la potion magique délivrée par cet homme-orchestre avait conquis le public. Doctor Ross a beaucoup enregistré, à Memphis, pour Sam Phillips. Mais trois superbes 78 tours seulement furent gravés (Chess 1504, Sun 193 et 212) ; ils sont ici présents. C’est en 1972 qu’apparurent pour la première fois douze inédits sur sur l’album « His First Recordings » – Arhoolie LP 1065 (1). Les compilateurs rééditent l’intégralité de cet album Arhoolie ainsi que les excellents singles DIR 101/2, Fortune 857 et Hi-Q 5027 et 5033 enregistrés à Detroit. Les rapports entre Doctor Ross et Sam Phillips n’étaient pas au beau fixe, celui-ci reprochant à celui-là d’avoir favorisé Elvis Presley avec les gains engrangés par sa musique. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Sun publia si peu de disques du Doctor Ross. On remarquera que Doctor Ross jouait seulement de l’harmonica le 29 novembre 1951, au Memphis Recording Service. C’est lors de la séance suivante, datant probablement de fin 1952, qu’il enregistra avec sa guitare. La chanson la plus célèbre de Doctor Ross, Cat Squirrel (Mississippi Blues), très fortement marquée par Catfish Blues gravée par Robert Petway, est présente en deux versions différentes : celle de 1951 inédite jusqu’en 1972 et celle de 1960 (Fortune 857). Cette dernière fut reprise par les anglais Jethro Tull et Cream. Elle est la source d’innombrables histoires. Un jour, Eric Clapton envoya un télégramme à Doctor Ross qui était illettré, lui proposant de lui envoyer une limousine pour venir assister à son concert. Doctor Ross ne répondit pas. Il aurait refusé, arguant que Clapton ne lui avait pas versé un centime pour la reprise de Cat Squirrel. Le soir du concert, Doctor Ross préféra regarder les Tigers de Detroit à la télévision. Une autre fois, Eric Clapton, Jack Bruce et Ginger Baker, en route pour le Ann Arbor Blues Festival, seraient venus chez lui, lui auraient donné 200 dollars et l’auraient conduit au festival où il aurait joué avec eux. Sa réaction : « Well they was nice boys- but awful loud »La musique de ce disque devrait être présente dans toute discothèque de Blues digne de ce nom. Si la musique est indispensable, ce CD l’est-il pour autant ? Oui, si vous n’avez pas « Juke Box Boogie – The Sun Years, plus » – Bear Family BCD 16939. – Gilbert Guyonnet

Note (1) : pour l’intégrale des enregistrements de Memphis, procurez-vous le double CD « Doctor Ross + The Memphis Cuts 1953-1956 » (JSP 4239). Remarquez l’erreur puisque, sur ces disques, les premiers titres de 1951 et fin 1952 sont présents !


Pearl Bailey

Pearl The Albums 1952-1957

Jasmine Records  JASMCD 857
www.jasmine-records.co.uk

Pour être franc, j’ai bougonné tant et plus quand Marcel m’a fait parvenir ce double album. Pearl Bailey ! Pourquoi pas Barbara Streisand voire Petula Clark… Mais pour qui ces albums sont-ils gravés ? Je salue la constance et l’abnégation des maisons de disques qui publient par dizaines les œuvres d’artistes somme toute mineurs même s’ils ont collectionné les classements de BillBoard. Mais il faut bien reconnaître que l’amateur de jazz (et de blues) n’y trouve pas forcément son compte. Pour tout dire, pour moi Pearl Bailey appartenait davantage au monde de la variété qu’à celui du jazz ou du blues. Je me souvenais vaguement de son autobiographie « The raw Pearl » parue chez Harcourt en 60 et rééditée par Pocket Books en 69 et que j’avais lue un peu vite à l’époque… Ce bouquin est très intéressant notamment pour tout ce qui touche à l’engagement de Pearl pour les droits civiques et au « métier ». Mais j’en avais retenu également les préférences de l’artiste, choix qui m’avaient empli de suspicion. En effet, l’amateur péremptoire que j’étais en cet heureux temps ne pouvait que faire la moue devant une liste hérétique où Louis Armstrong voisinait avec Maurice Chevallier ! Devenu plus sage, j’ai rangé les anathèmes dans leur tiroir (ils peuvent resservir !) et ouvert mes oreilles. En premier lieu, il faut admettre que souvent Pearl est plus une « diseuse » qu’une chanteuse. Sa diction impeccable et son aisance en font une interprétation idéale pour les comédies musicales de Broadway. Écoutez donc He ‘s Gone. Presqu’un récitatif sur un fond musical non dénué d’humour. Sa voix possède un timbre très personnel, son chant peut – pas toujours – développer un phrasé « instrumental » générant un swing particulier. Ces deux CD couvrent une large part de sa carrière discographique. Avec Pearl, les disques n’épuisent pas le sujet car elle a connu de grands moments sur les grandes scènes du music-hall. Tout au long de son parcours, elle a bénéficié de l’accompagnement de sidemen de grande classe. J’avoue humblement ne pas être familier des pupitres rassemblés par les maisons de disques. Mais, au-delà de ces requins de studio dont l’identité demeure mystérieuse pour moi, on croise des noms aussi évocateurs que ceux de Charlie Shavers, Sam Taylor, Taft Jordan, Budd Johnson et autres ou en matière de direction et d’arrangements Don Redman, Tadd Dameron ou Gil Evans. Les notes du livret sont bien faites et se révèlent très utiles pour celui qui aborde cette sélection en néophyte. Je ne veux pas vous abandonner sans vous avoir indiqué quelques faces que j’ai plus particulièrement appréciées. Nothing, Nothing Baby (1951) avec une intro délicate, un peu mélancolique qui ouvre un morceau au swing léger, de jolis passages du guitariste Tom Moore et un vocal d’une aisance absolue. My Man (1956) une version qui, en dépit d’un arrangement curieux, génère une sorte de décontraction bien illustrée par Charlie Shavers. Avec Empty Home Blues (1957) Pearl nous offre « son » blues : une ambiance dépouillée, un vocal superbe. Un must. Love’im, Love’im, Love’im (1957) dont le tempo très rapide pouvait faire craindre une certaine raideur. Bien au contraire, Pearl, soutenue par Charlie Shavers et Sam Taylor, nous prodigue un feu d’artifice musical. Il faudrait revenir sur d’autres morceaux… À vous de faire. Ce double album est le reflet d’un univers musical résolument américain qui est fort éloigné du blues ou du rhythm and Blues, bien sûr, mais qui mérite notre attention. – André Fanelli


Various Artists

Stirring Up Some Blues
The original Sound of UK Club Land

Jasmine JASCD 1042 – www.jasmine-records.co.uk

La série « Club Beat », produite par Jasmine, veut illustrer ce que les Anglais écoutaient dans les clubs pendant les années 1960’s. Ska, Jazz, Rhythm & Blues et Gospel ont déjà eu droit à une compilation. Voici celle consacrée au Blues. Il faut avouer que les fêtards noctambules de la perfide Albion étaient gâtés. Il n’est pas étonnant que les musiques afro-américaines aient profondément marqué les apprentis musiciens de l’époque. Andy Summers, ancien guitariste de Police, confiait, dans une interview, qu’il avait eu envie de devenir guitariste en écoutant ces musiques sur disques et dans les clubs de Soho au début des années 1960’s. Il ajouta que pour être intronisé guitariste, il fallait être capable de jouer le Blues. Cette compilation est réalisée sans aucune logique, sauf peut-être pour ceux qui veulent une soirée dansante où le blues sera roi. Le livret est indigent et sans intérêt ; il annonce Willie Cobbs qui ne figure pas sur le CD et ne précise pas que Long John Hunter est le guitariste qui accompagne Dennis Roberts. La musique est exceptionnelle. On peut entendre de grands noms des labels Chess, Vee-Jay, Cobra… (je vous laisse deviner !) que tout le monde possède sur diverses anthologies ; mais aussi des raretés (Dossie Terry, The Nightriders, Sonny Boy Williams, …) disséminées sur des compilations. Le CDd vaut surtout pour deux perles inconnues de la plupart d’entre nous. Nous découvrons ainsi Danny Boy and His Blue Guitar et son excellent Kokomo Baby (Tifco 45-824, 1961, Atlanta) ; p.157 du livre « Red River Blues », Bruce Bastin fait une brève description de la séance d’enregistrement. Et surtout My Love Is Real (arvee 5028, 1961) du magnifique chanteur soul californien Little Joe Hinton dont la discographie est malheureusement réduite à trois 45 tours. Pourquoi clore ce disque constitué de titres up-tempo avec une ballade aussi superbe soit-elle ? À qui est destiné une telle production ? – Gilbert Guyonnet


Various Artists

Stirring Up Some Soul
The Original Sound of UK Club Land

Jasmine Records  JASCD 1043
www.jasmine-records.co.uk

Le terme « soul » ne s’est propagé qu’après 1963. Avant, comme Mr Jourdain, de la prose, on pouvait en faire sans le savoir. C’est un peu l’angle d’attaque de ce CD Jasmine qui rassemble 25 titres « pré -soul », donc de la période 1960-1962. Comme si vous vous trouviez dans un club en Angleterre aux balbutiements du mouvement. Les artistes les plus connus ici, Supremes, Impressions, Irma Thomas, Jr. Walker, Chuck Jackson, étaient encore très underground Outre-Manche avant 1963. Mais il y a beaucoup plus obscur, et qui le reste. N’empêche, la qualité de la sélection n’est jamais prise en défaut : le superbe blues I’m Gonna Try de Billy La Mont est digne du meilleur Johnny Guitar Watson, Baby Don’t You Weep de Fred Bridges vient en droite ligne du gospel Mary Don’t You Weep, et si Johnny Acey s’est approprié Baby Please Don’t Go, l’affaire n’a pas fait à notre connaissance la une de la gazette judiciaire. Plus que sur celles des artistes retenus au casting, les notes de pochette se focalisent sur l’évolution du mouvement soul en Angleterre. Musique pointue pour texte convenu. – Dominique Lagarde


Joe Jones

You Talk Too Much

Jasmine Records  JASMCD 3122
www.jasmine-records.co.uk

Si d’aventure vous êtes un passionné de brocante musicale, ce type de compilation est juste ce qu’il vous faut. Les règles du genre sont là, scrupuleusement respectées. Un tas de trucs plus ou moins défraîchis, quelques machins qui ont encore de l’utilité et, miracle, de petits trésors qui font oublier le reste… Avec ce recueil, nous avons affaire à une musique sans prétention (autre que celle de faire un max de monnaie à la faveur d’un hit national…) conçue pour la danse et la fête. L’écouter comme je le fais calé dans mon fauteuil derrière un bureau encombré n’est pas la meilleure méthode… La compil démarre bien avec des morceaux ancrés dans le blues. Le tempo est agréable et les chorus des ténors, Clarence Ford et Lee Allen sont plaisants et typiques, Edgar Blanchard est toujours aussi captivant à la guitare mais les vocaux… Un vrai gâchis… Nous avons droit ensuite, pour nous remettre des approximations précédentes, au hit célèbre qui donna à Jones une place parmi les grands fournisseurs des charts, You talk too Much. Cette version me semble bien supérieure à la session originale que l’on retrouve plus loin. À noter au passage : vous dégotterez peut-être en chinant aux puces la version immortelle de ce morceau par les… Chaussettes Noires ! I Love You Still suit. Cette interprétation est pour moi bien terne (si l’on peut rapprocher ce terme du mot « sirupeux »). Mais John Broven, autorité incontestée en matière de Rythm and Blues louisianais a trouvé à ce morceau des qualités qui m’ont échappées jusqu’à ce jour. Comme quoi, tout reste relatif, notamment les pensées de la critique. Mais je vois que je commence à parler de toutes les faces. Sachons nous restreindre et rester raisonnables. Les inconditionnels du New Orleans sound possèdent sans doute quelques-uns de ces morceaux mais voudront compléter leur collection. Ceux qui apprécient l’ambiance détendue et bon enfant qui émane de cette musique qu’on imagine facilement diffusée au bord d’une piscine, accompagnant les crépitements du barbecue, ne regretterons pas leur achat. L’écoute répétée vous permettra – comme toujours – de découvrir au fil des 23 morceaux quelques perles. Bonne chasse. Je reste tout de même convaincu que Joe Jones a certes joué un grand rôle dans le monde du show business néo-orléanais, mais que ses capacités de chanteur sont limitées. Il trouve davantage sa voie (et sa voix…) dans des thèmes un peu jazzy comme Please Don’t Talk About Me When I’m Gone immortalisés par Sinatra et Dean Martin. En y réfléchissant, je suis peut-être un peu sévère. Je vais réécouter… – André Fanelli


Etta James

EttaJames & Sings For Lovers plus bonus singles
(2 original albums)

Jasmine Records  JASMCD33128
www.jasmine-records.co.uk

Jamesetta Hawkins a connu une enfance difficile. Tous les détails sont facilement disponibles grâce à internet ou, mieux, son autobiographie « A Rage To Survive » (1995). Johnny Otis la découvre et la baptise Etta James pour la scène. Elle connaît le succès, pour Modern, avec Roll With Me Henry, titre très explicite que le label préféra modifier en The Wallflower. En 1960, son éphémère petit ami de l’époque, Harvey Fuqua, leader des Moonglows, la présente à Leonard Chess. Celui-ci souhaite prendre pied dans le nouveau marché à la mode en ce début des années 1960’s : la Soul music. Etta James a une superbe voix de contralto aux inflexions caressantes et graves. Leonard Chess, avec la complicité de Ralph Bass, va produire une grande quantité de ballades aux violons de plus en plus pesants, aux arrangements de plus en plus sirupeux. Nous avons ici les deux albums de 1962, « Etta James » et « Sings For Lovers » et deux singles, Argo 5418 et 5424. Ces deux LP sont publiés pour la première fois, semble-t-il, en CD officiel avec les notes de pochettes originales. Ce disque est réservé aux fans inconditionnels d’Etta James. Pour les autres, cela dépendra de votre réceptivité à des orchestrations ayant parfois mal vieilli. – Gilbert Guyonnet


James Brown and The Famous Flames

Singles 1958-1962

Jasmine Records  JASCD 1018
www.jasmine-records.co.uk

Après Polygram, il y a déjà quelques lustres, Jasmine se lance à son tour dans la réédition chronologique des 45 tours King de James Brown. Un second volume, bien présenté, qui nous renvoie encore à la toute première partie de carrière du « hardest working man in show business », avant qu’il ne devienne son propre maître, lorsque les hits ne s’enchaînaient pas encore de façon systématique. Avant l’éclosion véritable du style James Brown, aussi, lorsque le producteur Syd Nathan scrutait sans compassion les chiffres de vente de son protégé pour savoir si son contrat serait ou non reconduit. Avec les succès de I Don’t Mind et Night Train, James allait lever une partie des doutes. Sans s’arrêter à ces considérations commerciales, la réécoute de ces titres formateurs, encore ancrés dans les styles de Roy Brown, Billy Ward, Wynonie Harris ou des Five Royales est toujours un vrai bonheur, tant leur interprète est déjà un redoutable « performer ». Quelques semaines après les dernières faces publiées ici, allait sortir le fameux « Live at the Apollo », et là, comme on dit, c’est une autre histoire. – Dominique Lagarde


Weeds Like Us
Un Mémoire

par Janiva Magness

Fathead Records Publishing 2019

Janiva Magness insiste sur le fait que c’est un « mémoire », ce n’est pas une fiction ni une biographie mettant l’accent sur les bons moments d’une vie, les moments glorieux, les succès et quelques accidents de parcours, et encore moins une autobiographie car c’est avec l’aide de Gary Delsohn – un écrivain aguerri – qu’elle s’est lancée dans ce qu’elle appelle « my own chaotic history » (ma propre histoire chaotique). Ses conseils lui ont été précieux pour mettre de l’ordre dans tout ce qu’elle avait à dire et elle dit tout : ses manques, ses défauts, ses dérapages, ses frustrations, ses erreurs, son calvaire et tout ce qui l’a poussée à essayer de se suicider à plusieurs reprises avant d’entamer une reconstruction par la musique. Une phrase résume bien sa galère, son voyage au bout de l’enfer : « violence, bullying, incest, addiction and alcoholism, rape, clinical depression, parental suicide… » (violence, maltraitance, inceste, addictions, alcoolisme, dépression clinique, viols, suicides parentaux…) ; « Tu fais la somme de tout cela et quand je me suis retrouvée fugueuse à 14 ans, j’étais de multiples façons à la fois hypnotisée par mon passé et prisonnière de lui… Quand est venu le moment de raconter mon histoire, je me suis fait une promesse, celle de tout dire en toute honnêteté, sans rien cacher, le bon, le mauvais et l’horrible (the good, the bad and the ugly). » Ce mémoire compte 261 pages réparties en 31 chapitres précédés d’une note de l’auteur (avertissement sur ce qui attend le lecteur) et d’une introduction qui raconte avec verve, humour et émotion la cérémonie des Blues Awards à Memphis en 2009 où elle a été nominée comme B.B. King « Entertainer Of The Year » ; elle est là, heureuse, en compagnie de sa fille Pearl (retrouvée en1991) et, à sa grande surprise, c’est elle qui remporte le trophée remis en ses mains par B.B. King lui-même assisté de Bonnie Raitt ! À la lecture, on partage son émotion, c’est un très beau texte à lire absolument. La suite en 31 chapitres est beaucoup plus sombre, limite horrifique et ce n’est rien de le dire. Les deux premiers tiers de ces chapitres rapportent une horrible et navrante descente aux enfers qui illustre la citation reprise ci-dessus « violence, bullying, rape… » Du suicide de ses parents aux déviances de ses deux frères ainés, de ses nombreux passages de famille d’adoption à une autre et d’une école secondaire à l’autre, aux malheurs qui la frappent (drogues, alcoolisme, viol, dépression), de sa fugue à 14 ans à sa grossesse à 16 ans suivie du placement de son bébé en famille d’adoption et à ses tentatives de suicide, la vie n’épargnera pas Lisa Maria Magness qui, à 18 ans, va commencer par changer son prénom en Janiva (pour conjurer le mauvais sort ?) et qui, contre toute attente, va apercevoir la sortie du tunnel via la musique et en particulier après un concert d’Otis Rush à Minneapolis en 1971 et d’un autre de B.B. King, dans la même ville et la même année qui lui donneront envie de se reconstruire dans le domaine du blues…. Pourtant, le chemin sera encore long avant de pouvoir concrétiser ce souhait. Tout cela est raconté avec verve, en toute franchise et sans complexe et c’est un vrai plaisir de lecture malgré un contenu subversif, terrifiant même et choquant pour les personnes sensibles et émotives (auxquelles on a envie de conseiller de s’abstenir de lire le livre). Après avoir fait des dizaines de petits boulots en continuant sa vie de bâton de chaise et ses excès en tous genres, elle va trouver un poste dans un studio d’enregistrement à Saint Paul ; on y découvre qu’elle a une voix remarquable et elle entame une carrière de choriste, va s’installer à Phoenix, Arizona, au début des années 80 et y fonde son premier band puis elle gagne Los Angeles en 1988 et le succès commence à venir ; sa vie est loin d’être devenue un long fleuve tranquille avec une tendance morbide à se mettre en couple avec les mauvais partenaires, avec des épisodes de dépression et on en passe et des meilleures, mais de fil en aiguille elle s’impose dans le monde du blues comme une excellente chanteuse avec des qualités de businesswoman qui lui permettront de contrôler sa carrière dans une jungle commerciale sans merci, d’enregistrer 14 albums et d’être sur le point de publier le 15è en septembre 2019. Toutes ces péripéties, plutôt heureuses cette fois, sont relatées dans le dernier tiers du mémoire, toujours avec autodérision, avec la même verve spirituelle, la même honnêteté (« je foire encore plein de choses, de temps en temps, personne n’est parfait ! ») et cela se lit comme un thriller. À noter vingt pages de photos (et six par page en moyenne, quasi toutes en noir et blanc) ; on voit toute la famille et Janiva à divers moments de sa vie, avec des amis, des musiciens, etc. En fin de volume, il y a aussi une discographie complète, les 15 albums mais aussi ceux des musiciens qu’elle a accompagnés comme choriste (Kid Ramos, Doug McCloud, R.L. Burnside, Kirk Fletcher, etc). Il y a aussi un curieux – inhabituel mais bienvenu – postcript intitulé Suggest Soundtrack que je trouve intéressant et original : à chaque chapitre est attribué une chanson (titre + interprète) qu’il est suggéré d’écouter tout en lisant le chapitre en question. Cela donne par exemple (entre autres) : « Introduction – B.B.King and Bonnie Raitt – la récompense inattendue : Feeling Good – Janiva Magness » / « Chapter 1 – Pixie Girl l’orpheline Sometimes I Feel Like a Motherless Child – Odetta » / « Chapter 2 – Both Hellfire and Brimstone une famille à problems Born Under a Bad Sign – Albert King » / ……… / « Chapter 9 – Otis Rush LA révélation du blues pur et dur Something’s Got A Hold On Me – Etta James », etc. Et cela marche ! – Robert Sacré