Chroniques #73

• L’actualité des disques, DVD et livres traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

Cha Wa

My People

Single Rock Records / Modulor

Les membres de Cha Wa (*– New Orleans band nominé aux Grammys 2019 – impressionnent depuis leurs premiers enregistrements studio et « live » (At New Orleans Jazz Fest). Ce nouvel album – « My People » – est un hommage magnifique à un peuple, à une culture, à sa musique, mais aussi à une ville (La Nouvelle-Orléans, terre d’oppression et terre d’asile…), avec toute la gratitude due au peuple amérindien qui offrit refuge aux esclaves noirs. Dans le sillage des Wild Magnolias, la tradition séculaire trace les lignes pour poser les mots, le second line est omniprésent et le NOLA funk s’impose, témoignage d’une évolution musicale marquée depuis les années 70 par l’influence des Meters notamment. Wildman, Bow Down où encore Morning Glory en sont des exemples frappants. My People est une véritable déclaration d’amour. Et que dire de Masters of War emprunté à Dylan (avec Alvin Youngblood Hart en maître de cérémonie), sinon qu’il trouve ici toute sa place. Joseph Boudreaux Jr chante en lien direct avec son père, Big Chief Monk Boudreaux, dont il a tant appris au sein des Golden Eagles. La tradition des Mardi Gras Indians est le fil rouge. Le NOLA funk, tel un moyen de ralliement ultime, a succédé au langage codé des seules percussions de Congo Square. Depuis la formation du groupe en 2014 par Joe Gelini (qui étudia auprès du génial batteur néo-orléanais Idris Muhammad), le premier disque studio « Funk’n’feathers » en 2015, puis la parution unanimement appréciée de « Spyboy » en 2018, New Orleans sait que la relève est là et bien là. Co-produit par le guitariste et directeur musical Ari Teitel, « My People » regroupe des titres co-écrits par l’ensemble des membres du groupe. Les onze faces de ce troisième album studio méritent tous les superlatifs, qu’il s’agisse de funk ou de soul, à l’image du splendide Love In Your Heart chanté par Anjelika ‘Jelly’ Joseph, qui nous avait déjà fait forte impression avec Galactic. Comme si, à New Orleans, tout commençait et finissait toujours par des histoires de familles… – Marcel Bénédit

Note (*: Cha Wa est une expression d’argot utilisée par les tribus indiennes de Mardi Gras signifiant « nous venons pour toi » ou « nous voici ».


The Legendary Ingramettes

Take a Look In The Book

Virginia Folklife Program VFL-CD-2020 – www.legendaryingramettes.com

À l’heure où les communautés africaines américaines délaissent largement le blues et le jazz pour la pop, la soul et le rap, nombreux sont ceux qui n’ont pas une idée précise du succès et des passions suscitées dans ces mêmes communautés par le black gospel, sans discontinuer depuis les origines au XIXe siècle jusqu’à nos jours, avec des églises noires pleines à craquer dans toutes les ghettos urbains et dans les campagnes, même les plus reculées… On a gravé trois à quatre fois plus de disques de musiques religieuses noires US depuis la fin du XIXe siècle que de blues, de jazz et autres styles musicaux, tant la demande était – et reste – forte ! Cela représente plusieurs centaines de milliers de solistes, de chorales, d’évangélistes itinérants, de pasteurs charismatiques, de quartets masculins, de groupes mixtes et… de groupes féminins ! De Mahalia Jackson aux Caravans d’ Albertina Walker, de Sister Rosetta Tharpe et Marion Williams aux Ward Singers de Clara Ward, le dessus du panier dans ce domaine est d’une richesse hors norme et il comprend les Ingramettes, groupe formé en 1961 à Richmond en Virginie par l’évangéliste ‘Mama’ Maggie Ingram avec ses fils et filles. Née le 4 juillet 1930 sur la Mulholland Plantation du Coffee County en Géorgie, Maggie Ingram a travaillé dans les champs de coton et de tabac avant d’émigrer en Virginie et devenir pianiste et chanteuse de gospel. Maggie Ingram et les Silver Stars ont enregistré pour Nashboro Records de 1962 à 1964 puis sous le nom de Maggie Ingram & The Ingramettes pour Nashboro encore de 1964 à 1967, puis pour Heavenly Records de 1967 à 1980 et encore pour AIR Records de 1987 à 1990 avant de prendre une semi-retraite. Elle est morte en 2015, mais son groupe familial a continué sur sa lancée sous la direction de sa fille aînée, Almata Ingram-Miller, rejointe par une petite-fille Cheryl Maronay-Yancey et une belle-fille, Carrie Jackson, sous le nom des Legendary Ingramettes. Et l’État de Virginie vient de leur rendre hommage avec cet album bienvenu qui démarre en fanfare avec une intro de piano décoiffante (Harvey Stuart-Hamlin) et un The Family Prayer survolté suivi du titre éponyme, Take A Look At The Book, bourré de swing et d’énergie. Cela se calme à peine avec un Grandma’s Hands tout en retenue mais nerveux style « poil à gratter » en hommage appuyé à Maggie Ingram, la “grandma”. Puis cela repart de plus belle avec un syncopé When Jesus Comes frisant une hystérie de bon aloi. Les Ingramettes reprennent leur souffle dans un classique Rock Of Ages du moins dans l’intro, car le naturel revient au galop et la suite est haletante et tendue avec de bonnes parties de guitare (Jared Pool). Tout repart dans le même style alternant morceaux en slow mais vibrants d’émotion comme I’ve Endured ou un Beulah Land parlé qui se poursuit avec I Wanrt To Go There, intense et introverti. Notons encore le splendide Time Is Windin Up a capeella qui donne des frissons et des morceaux de bravoure survoltés mémorables comme Hold On To God’s Unchanging Hand ou le superbe Until I Die de clôture. Assurément un des meilleurs albums de Gospel traditionnel sorti en 2020-2021. Rendez vous aux Awards ! – Robert Sacré


Crystal Thomas

Now Dig This !

Dialtone Records DT1002 (LP)

Crystal Thomas est à nos yeux la révélation féminine de ces dernières années. En février 2019, après notre rencontre à Austin quelques mois plus tôt, elle se confiait sur sa carrière dans notre numéro 64. La session qui nous intéresse ici rassemble la crème des musiciens, à savoir Johnny Moeller et Stevie Fulton aux guitares, le regretté Lucky Peterson ainsi que Nick Connoly aux claviers, l’immense Chuck Rainey à la basse et Jason Moeller à la batterie. À l’origine, cette session a vu le jour l’année dernière au Japon sous deux formats, en vinyl chez P-Vine Records sous le nom de « It’s A Blues Funk ! Crystal Thomas » (PLP-6960), qui comportait 10 titres, mais aussi en CD, cette fois-ci intitulé « Don’t Worry About The Blues » (Space Records 021) qui proposait 15 titres et enfin le 33 tours qui sort aujourd’hui sur le label d’Eddie Stout – Dialtone Records – s’intitule « Now Dig This ! ». Ce LP 180gr nous offre 10 compositions qui se recoupent avec les publications nippones, mais nous fait aussi découvrir le superbe Ghost of Myself qui ne se trouve pas sur les deux réalisations précédentes. Difficile d’évoquer les points faibles de l’ensemble de cette session car, à mon humble avis, il n’y en a pas. La voix unique et captivante de la native de Mainsfield en Louisiane est à son aise dans tous les répertoires : Blues, Soul, Southern soul, Gospel ; rien ne lui résiste. Son interprétation sur One Good Man, I’m A Fool For You Baby et No Cure For The Blues en sont les parfaits exemples, sans oublier l’émouvant The Blues Ain’t Nothing But Some Pains, mais aussi le formidable duo aux côtés de Lucky Peterson sur le classique Let’s Go Get Stoned. Crystal Thomas – qui fit ses classes en jouant du trombone au sein de la formation de Johnnie Taylor – a tous les atouts pour faire une grande et belle carrière. Souhaitons de tout cœur – sitôt cette maudite pandémie terminée – que nous puissions la voir à nouveau en concert des deux côtés de l’Atlantique. Normalement, elle sera en novembre 2021 l’une des artistes de la prochaine édition du Lucerne Blues Festival. Voici un disque plus que recommandable – au son remarquable – qui ravira les plus exigeants. Saluons comme il se doit l’inlassable travail d’Eddie Stout ; le catalogue de son label Diatone Records reflète avec brio sa passion inconditionnelle pour les musiciens du Texas et des États voisins. Bravo !
 – Jean-Luc Vabres


Selwyn Birchwood

Living In A Burning House

Alligator Records ALCD 4999 – www.alligator.com

Le jeune et talentueux bluesman de Floride à la coiffure afro a remis le couvert. Citant Muddy Waters, John Lee Hooker et autre B.B. King, Selwyn Birchwood met un point d’honneur à n’inclure aucune reprise dans son répertoire. Il préfère raconter ses propres histoires à sa façon, armé de ses guitares, une électrique et une lap steel, et de sa voix, rauque et expressive. Il qualifie son style d’« electric swamp funkin’ blues » et il s’entoure de musiciens avec lesquels il est en phase et qui boostent son jeu et son chant. Il y a Regi Oliver aux saxophones (bs, as, ts) et flûte piccolo, Donald ‘Huff’ Wright (basse), Philip ‘Squeak’ Walker (drums) et Walter ‘Bunt’ May (Hammond B3, piano) et, pour ce troisième album paru sous label Alligator, il a recruté Tom Hambridge (production et tambourin) ainsi que Diunna Greenleaf qui chante Mama Knows Best en duo avec lui. Ce blues en medium est une des meilleures faces de cet album qui démarre sur les chapeaux de roues avec un vigoureux I’d Climb Mountains, puis il passe aux aveux sans langue de bois avec I Got Drunk, Laid And Stoned en mode syncopé et avec lap steel guitare. Les morceaux slow, médium et rapides se succèdent harmonieusement et certains ont une touche soul marquée, comme le titre éponyme et aussi You Can’t Steal My Shine, musclé et haletant. J’ai personnellement aussi bien apprécié Freaks Come Out At Night et son ambiance Halloween soulignée par un jeu de guitare lap steeel fascinant et surtout Through The Microphone, speedé avec des phrases de guitare au top. Une mention aussi au slow blues Rock Bottom et au jazzy She’s A Dime (guitare et saxes). L’album se conclut avec My Happy Place, un vrai blues en slow. Un excellent album très bien produit par Tom Hambridge sur le label de Bruce Iglauer. – Robert Sacré


Dominique Fils-Aimé

Three Little Words

Modulor MODCD090

Troisième album de cette chanteuse canadienne à la musique très organique et toute en finesse. Elle prend cette fois un versant plus pop que gospel, influencée par le doo-wop et la soul sixties, sans compromission pour autant. Teinté de rhythm’n’blues, de folk, de polyrythmies et percussions africaines, son style, façonné par l’arrangeur Jacques Roy, repose largement sur les harmonies vocales et une orchestration discrète. Celles-ci se font plus complexes et émouvantes sur Could It Be, Tall Lion Down et Home To Me. L’album se conclut par une reprise de Stand By Me. Une tournée française de cette magnifique interprète est prévue entre fin mars et mi-avril, avec les aléas dus à la situation sanitaire. On comprendrait mal qu’un tel album, sous réserve d’une bonne distribution, ne rencontre pas le succès auprès d’un public plus large. – Dominique Lagarde


Ronnie Earl & The Broadcasters

Rise Up

Stony Plain SPCD1418 – www.stonyplainrecords.com

Ronnie Earl est un artiste prolifique. Voici le 27ème disque de sa carrière et le 13ème pour la firme canadienne Stony Plain. Il dirige une nouvelle fois de main de maître ses Broadcasters : la chanteuse Diane Blue, le batteur Forrest Padgett, le bassiste Paul Kochanski, le guitariste Peter Ward, tous remarquables dans leurs rôles, et Dave Limina dont chacune des interventions au piano ou à l’Hammond B3 est exceptionnelle. Ronnie Earl, que Peter Ward qualifie assez justement de « John Coltrane de la guitare » est certainement un des meilleurs guitaristes, tous styles de musique confondus. Il se moque des modes éphémères. Il a développé un jeu d’un lyrisme impressionnant et sa musique est enveloppante. Il est impossible de n’être pas séduit par le travail et la musicalité de ce superbe instrumentiste. Comme à son habitude, Ronnie Earl a concocté un mélange de compositions personnelles et de reprises arrangées par ses soins, de chansons et d’instrumentaux.. En outre, il a mêlé des enregistrements en studio et d’autre en concerts. Les titres live proviennent de concerts à Acton, MA, sans date, et au Daryl’s House Club de Pawling, NY, le 12 janvier 2019 ; le reste, que Ronnie Earl a baptisé « The Living Room Sessions » a été enregistré dans sa salle de séjour le 2 mars 2020, juste avant l’arrivée du satané virus et de ses néfastes conséquences. À ce moment, le guitariste était convalescent après une opération du dos. Le disque débute par une prenante interprétation instrumentale de I Shall Not Be Moved. Ronnie Earl, seul à la guitare acoustique, n’a pas choisi à la légère ce traditionnel tiré des écritures bibliques et devenu l’hymne du mouvement des droits civiques des années 1960s. Higher Love, très bien chantée par Diane Blue, est une version live de cette composition de Ronnie Earl déjà enregistrée auparavant. Puis arrive l’hommage à George Floyd, afro-américain assassiné par des policiers blancs. Que d’émotions se dégagent de la guitare de Ronnie Earl et des contre-chants à l’orgue de Dave Limina pendant ce blues lent. George Floyd a dû vibrer là où il est. Il n’est pas surprenant que Ronnie Earl nous fasse partager son admiration pour un immense guitariste : Fenton Robinson, dont nous découvrons une version concert de You Don’t Know What Love Is. Dommage que la voix de Diane Blue soit un peu trop en retrait. Autant Lucky Peterson pouvait parfois être bavard et ennuyeux, autant le long hommage anthume à celui-ci (10 :19), Blues For Lucky Peterson, saisi en public, est délectable. Diane Blue donne une interprétation personnelle de Big Town Playboy d’Eddie Taylor. Elle est très séduisante quand elle interprète In The Dark, reprise du Romance In The Dark de Lil Green, et All Your Love de Magic Sam où la guitare de Ronnie Earl chante quasiment. Lord Protect My Child de Bob Dylan lorgne vers le gospel. Dave Limina sonne comme Ray Charles sur l’instrumental Mess Around. Le summum de l’album est Black Lives Matter, une chanson au message engagé fruit de la collaboration de Ronnie Earl et de Diane Blue. Diane Blue met tout ce qu’elle a sur le cœur dans son chant soutenu à merveille par le guitariste. Navajo Blues, l’instrumental qui clôt le CD, est là pour rappeler que les indiens d’Amérique du nord ont été les principales victimes de la COVID-19. Une fois encore, Ronnie Earl très inspiré a réalisé un grand disque. – Gilbert Guyonnet


Erwin Helfer & Chicago Boogie Ensemble

Celebrate The Journey

The Sirens Records SR-5028 – www.thesirensrecords.com

En janvier cette année, le pianiste Erwin Helfer a fêté ses 85 ans. Il a connu une carrière prestigieuse comme musicien, compositeur, découvreur de talents, accompagnateur, producteur, enseignant… Il a gravé une longue série d’albums encensés par la critique et les amateurs, et c’est loin d’être fini! Pour marquer cet anniversaire, Steven Dollins pour son label The Sirens Records a rassemblé ses plus proches amis – dès mars 2020 – pour prendre le temps d’enregistrer une jam session en son honneur. Les amis en question ? John Brumback (sax ténor), Lou Marini (basse) et David Ilardi (drums), rejoints par Skinny Williams (sax ténor). La pandémie du Covid 19 et le confinement ont bien sûr ralenti le projet qui a quand même pu aller jusqu’au bout avec huit titres qui révèlent l’exceptionnelle complicité qui existe entre des musiciens qui jouent ensemble depuis pas mal d’années. On compte trois belles compositions d’Erwin Helfer qui mettent en exergue son talent de pianiste : Pooch Piddle avec un rythme heurté au parfum New Orleans marqué, Day Dreaming, un blues lent et mélancolique en solo et Big Joe, un autre blues lent en hommage à son ami Big Joe Williams, son partenaire dans les années ‘50 et ‘60. On notera aussi une version dynamique du gospel traditionnel Down By The Riverside avec un solo de piano bourré de swing. Il y a du blues avec un classique, Ain’t Nobody’s Business (Jimmy Witherspoon) en slow avec une belle intro de piano, mais aussi St. James Infirmary, en slow, standard de jazz dans lequel Helfer au piano et le groupe en général introduisent une bonne dose de blues comme dans les autres faces d’ailleurs, que ce soit le Doxy de Sonny Rollins avec de solides parties de saxes et de basse et un beau solo d’Helfer, ou la version vitaminée du Alexander’s Ragtime Band d’Irving Berlin. Cet opus est un hommage vivant et vibrant plus que mérité à un musicien d’exception. – Robert Sacré


Duke Robillard and Friends

Blues Bash

Stony Plain CD 1423 – www.stonyplainrecords.com

Depuis plus de quarante ans Duke Robillard nous enchante avec ses magnifiques parties de guitare, d’abord avec Roomful of Blues, puis avec ses très nombreux enregistrements dans une grande variété de styles, mais toujours avec panache et beaucoup de swing. Ce nouveau CD ne décevra pas les amateurs : Duke a toujours été influencé par les big bands de jazz et les géants du rhythm’n’blues des années 50 et 60 et c’est à une session dynamique et chaleureuse que nous sommes conviés. Bruce Bears est au piano, Mark Teixeira aux drums, Jesse Williams et Marty Ballou à la basse, plus des invités de marque : les anciens de Roomful, Greg Piccolo, Rich Lataille et Doug James aux sax, Mark Hummel à l’harmonica, Chris Cote au chant sur trois titres et Michelle Willson sur You Played On My Piano et sur l’excellente reprise de Fats Domino/Smiley Lewis Ain’t Gonna Do It viennent s’ajouter Gordon Beadle et Al Basile. Du beau monde pour de la belle musique ! Ca swingue, c’est costaud ; du blues plein de feeling : Just Chillin’. Un CD qui donne beaucoup de plaisir et envie de danser. – Marin Poumérol


Cash McCall

Blues Coming Down / One Who’s Got A Lot

Nola Blue Records No number

Le cancer tuait Cash McCall en avril 2019, quelques semaines après la sortie de son excellent CD « Going Back Home » (Nola Blue Records NB 007) réalisé en compagnie de Benny Turner, le frère de Freddie King. Le label Nola Blue Records a retrouvé dans ses archives deux chansons produites par le guitariste Jim Koeppel. Elles avaient été enregistrées à Los Angeles en 2015 et apparaissent sur support disque pour la première fois. Le shuffle blues Who’s Got A Lot était disponible sur internet depuis le 31 janvier 2020 ; nous découvrons le beau blues lent Blues Coming Down. C’est une belle surprise : nous n’avons pas à faire à des fonds de tiroir mais à un vrai travail de production abouti, mené de main de maître par Jim Koeppel qui est le guitariste leader de la séance. À ses côtés, le pianiste Tennyson Stephens, l’organiste John Christy, le bassiste Welton Gite, le batteur James Gadson et le saxophoniste ténor Rajiv Halim. Le chant gorgé de gospel, soul et blues de Cash McCall est ici de haut niveau ; quant à sa guitare, elle est uniquement rythmique et présente sur le seul Blues Coming Down. La nostalgie me fait regretter que ces deux beaux titres ne fussent pas gravés sur un 45 tours. – Gilbert Guyonnet


Johnny Fusco and The X-Roads Riders

John The Revelator

Checkerboard Lounge Recordings

Scénariste – entre autres – du film « Crossroads » en 1986, Johnny Fusco s’impose en interprète, au long d’un double album dont la couverture est illustrée par une peinture du chanteur et guitariste Bobby Whitlock, autrefois membre de Derek and The Dominoes. Deux CD, une gageure à l’heure où la tendance serait plutôt au format court. Johnny Fusco – dans un style vocal proche de Dr John – et son groupe, trouvent malgré tout assez d’inspiration pour délivrer vingt chansons aux textes inspirés, poétiques, humoristiques et/ou profonds moulés dans les musiques de l’Americana. Forcément cinématographiques. Même si certains titres auraient gagné à plus de concision (le blues Bad Dog), du rock funky à la ballade country, les bons moments ne manquent pas (Applejack Brandy, Snake Oil Man, ou encore Motel Laws of Arizona). – Dominique Lagarde


Ghalia Volt

One Woman Band

Ruf Records RUF 1288 – www.rufrecords.de

Ce nouvel album de Ghalia Volt est une superbe performance qui baigne tout du long dans une ambiance Mississippi blues qui n’étonnera personne. Elle a composé paroles et musique des onze titres dans un train Amtrak qui, de la Louisiane au Mississippi, lui a fait traverser seize autres états pendant tout le mois d’août 2020 ! Puis, en novembre dernier, elle a enregistré cet opus au Royal Sound Studios de Memphis dont huit faces en solo (d’où le titre) où elle chante, joue de la guitare, de la slide et des drums ! Le tout en une seule prise et sans recours à un multipistes (ce faisant, elle a choisi de ne rien corriger, comme un bref et léger dérapage vocal sans conséquence dans Meet Me In My Dreams). Impressionnant ! Dans les trois autres titres, elle a choisi un accompagnement minimal : Dean Zucchero (basse) dans Espiritu Papago, Monster Mike Welch (guitare), dans Evil Thoughts, Zucchero et Welch dans Just One More Time. Et la musique dans tout cela ? Hallelujah, tout est excellent de bout en bout, de Last Minute Packer qui ouvre le bal avec des drums qui évoquent bien le bruit des roues du train et des paroles qui rendent bien la vie des musiciens comme elle, faire et défaire ses bagages, au dernier moment, d’une chambre d’hôtel à une autre, pour une nuit chaque fois, etc. Rythme obsédant du train en marche à nouveau dans Reap What You Sow et Can’t Escape (… « je voudrais pouvoir mettre mon cerveau en off de ci de là, pour décompresser, mais… ») ; c’est aussi le thème de Evil Thoughts avec Monster Mike Welch (… « et si vous me foutiez la paix, là, les mauvaises pensées ? »). La reprise en slow du It Hurts Me Too de Tampa Red est impeccable. À noter encore de belles parties de slide dans Esperitu Papago (perdue dans le désert), Reap What You Sow (« fais gaffe, tu récolteras ce que tu auras semé »…) et d’autres thèmes personnels comme Loving Me Is A Full Time Job (… « sinon, tu peux être candidat mais tu seras recalé »). Des thèmes d’actualités aussi comme It Ain’t Bad (écrit au début de la pandémie Covid-19), Bad Apple (tel père, tel fils ?). L’album se conclut avec panache par un nerveux Just One More Time (avec Welch et Zucchero). Cerise sur le gâteau : tous les textes sont reproduits dans le livret agrémenté de photos. Une belle réussite. – Robert Sacré


L’infatigable Bob Corritore, depuis son bastion de Phoenix en Arizona et avec le concours de sa fondation Southwest Musical Arts, puise pour notre plus grande satisfaction dans ses archives pour nous proposer trois formidables albums qui comportent à chaque fois des titres inédits, de nouveaux mixages alliés à une formidable kyrielle de légendaires musiciens qui ont tissé des liens plus qu’étroits avec l’actif harmoniciste. Découvrons, ces nouvelles productions qui vont ravir de nombreux amateurs.

Dave Riley & Bob Corritore

Travelin’ The Dirt Road

SWMAF 15

Grâce à cette nouvelle série intitulée « From The Vaults », Bob Corritore a remis la main dans ses merveilleuses archives sur cette une très bonne session qu’il avait enregistrée aux côtés de Dave Riley il y a déjà quatorze ans. À l’origine, les deux artistes se sont rencontrés pour la première fois en 2004 à l’occasion du célèbre King Biscuit Festival à Helena dans l’Arkansas ; ils entrèrent en studio en 2005 et 2006, le compact fut ensuite publié une année plus tard par le label Blues Witch Records. Pour rappel, aux côtés des deux amis, nous retrouvons Johnny Rapp à la guitare, Matt Bishop aux claviers, Dave Riley Jr et Paul Thomas à la basse et Tom Coulson à la batterie. À l’image de la première mouture, l’ensemble des titres proviennent de la main de Dave Riley, sauf I’m Not Your Junkman et Doggone Blues qui ont été composés par le regretté John Wetson, tandis que Country Tough et Friends sont deux compositions inédites. Ce voyage à l’ambiance « Down Home » sur les routes du Mississippi est totalement réussi, des morceaux intemporels comme Overralls, Let’s Have Some Fun Tonight, Come Here Woman ou encore Safe At Nast en sont les meilleurs exemples. La complicité entre les deux amis n’est pas feinte, c’est un pur régal de réécouter cet album où la guitare de Dave Riley et l’harmonica de Bob Corritore sont dans une quasi parfaite alchimie. Conscient du potentiel de cette magnifique association, ils enregistrèrent deux albums supplémentaires, « Lucky To Be Living » en 2009 et « Hush Your Fuss » en 2013. Il faut souhaiter que Bob Corritore continue méthodiquement d’explorer ses précieuses archives, de superbes trésors restent sûrement encore à découvrir. – Jean-Luc Vabres

Kid Ramos & Bob Corritore

Phoenix Blues Session

SWMAF 16

À l’origine, ces sessions furent enregistrées entre 1990 et 2000, un album avait alors été publié en 2012 lorsque le guitariste avait de sérieux problèmes de santé. Visiblement, les archives de Bob Corritore sont une véritable malle aux trésors. Il nous propose ici un nouveau mixage, plus trois titres inédits auxquels il faut rajouter également une prise alternative. En studio, Kid Ramos se retrouve aux côtés de pointures du calibre de Henry Gray, Chief Schabuttie Gilliame, Big Pete Pearson, Nappy Brown, Chico Chism, Johnny Rapp ou encore Dr. Fish. Au total, 12 excellentes compositions nous sont proposées, tous les participants donnant le meilleur d’eux-mêmes. Cool et relax mais surtout diablement efficace, Nappy Brown habilement épaulé par l’impeccable harmonica du patron du Rhythm Room de Phoenix, étale toute sa classe sur Aw Sucks Baby et Baby Don’t You Tear My Clothes. L’agilité exemplaire de la six cordes du Kid, ajoutée au jeu robuste du piano d’Henry Gray font mouches à tous les coups à l’écoute de Come On In, I Held My Baby Last Night ou encore l’irrésistible They Raid The Joint, qui sont un vrai régal. Big Pete Pearson et Chief Schabuttie Gilliame s’en donnent visiblement eux aussi à cœur joie avec leurs intonations à la Howlin Wolf sur No More Doggin et Possum In My Tree. Bob Corritore tout en s’entourant des meilleurs musiciens, a le don pour réussir à tous les coups de merveilleuses réalisations qui ravissent tous les amateurs de Blues. C’est à nouveau le cas aujourd’hui.

 – Jean-Luc Vabres

Henry Gray & Bob Corritore Sessions Vol.2

Cold Chills

SWMAF 17

Ce deuxième volume recèle autant de pépites que le précédent, à savoir d’imparables et solides compositions enregistrées entre 1996 et 2016. Au fil des années sur les différentes sessions, nous retrouvons aux côtés d’Henry Gray et Bob Corritore toute une pléiade de vénérables musiciens à l’image de John Brim, Robert Lockwood Jr, Tail Dragger, ou encore Johnny Burgin, Chief Schabuttie Gilliame, Bob Margolin et Eddie Taylor Jr. Les quinze titres emmenés de main de maître par la frappe lourde et efficace de l’ancien pianiste d’Howlin Wolf sont tous d’un très haut niveau. Quel plaisir d’écouter Henry Gray sur une de ses compositions comme Cold Chills, ou sur les classiques Mother In Law Blues ou le standard de Jimmy Rogers, Going Away Blues. Parmi les artistes conviés en studio, à noter une nouvelle fois, le sans-faute de Tail Dragger qui sur Hurt Your Feelings et Birthday Blues, nous délivre une admirable prestation « brute de décoffrage » de Chicago blues pur jus. John Brim fait coup double, non seulement sur 19 Secondes, nous découvrons un message que ce dernier avait laissé sur le répondeur téléphonique d’Henri Gray, mais ensuite l’interprète du classique Tough Times, offre une de ses compositions originales intitulée Moonlight Blues, du grand art tout simplement. Il ne faut pas oublier au fil des morceaux les participations exemplaires de Kirk Fletcher, Jimi “Primetime” Smith, Chris James et son complice Patrick Rynn, Bob Stroger, Chico Chism ou encore Steve Cushing, une authentique « dream team » qui nous délivre le meilleur de la musique que nous chérissons.  – Jean-Luc Vabres


Skylar Rogers

Firebreather

Autoproduction, no number – www.skylarrogers.com

Les esprits chagrins prédisent la fin prochaine du CD et autres supports physiques, pourtant c’est encore la voie privilégiée choisie par une quantité considérable de nouveaux talents. Miss Rogers en fait partie. Elle est de Chicago et, depuis deux ans, avec son groupe (les Blue Diamonds : Stephen J. Hill et Marty Gibson – gt, Jerry Ewing – bs, Bradley Arl – dms, Pete Zimmer – keys), elle créée ce qu’elle appelle elle-même du « soul rockin’ blues ». D’emblée, elle fait étalage de son caractère entier et obstiné, avec un Hard Headed Woman à fleur de peau avec, en contrepoint, la guitare mordante de Stephen J. Hill. L’album a été enregistré dans un studio de la banlieue de Saint Louis et Rogers adore Memphis, comme elle le clame dans Back To Memphis, une ville où elle peut se ressourcer. C’est Pete Zimmer qui se défonce à l’orgue dans Work. Quant à Failure, un slow blues lorgnant largement vers la soul, il porte la marque des idoles de Rogers comme Etta James et Koko Taylor dans leur période Chess. Quant au titre éponyme, il exprime la rage de la femme bafouée (autobiographique ? On n’en sait rien…). Il y a des influences gospel dans un cadencé Movin’ On (co-écrit avec le batteur Bradley Arl qui récidive avec un martial Drowning marqué par la partie de piano de Zimmer et des guitares obsédantes). Thankful est aussi un slow blues avec Zimmer au Hammond B3 et l’album se conclut avec l’envoûtant Insecurities sur le thème « persévérance et détermination te permettront d’arriver à tes fins », soutenu par une superbe mélodie qui en fait, pour moi (c’est subjectif), la meilleure face. Noter enfin du Skylar Rogers est l’auteur de l’ensemble des faces, un talent complet donc à découvrir d’urgence. – Robert Sacré


Dave Keller

Duets – You Get What You Give

Tastee T-O-N-E Records TT-3405

Créer en en cette période de confinement et d’isolement est un problème que tentent de résoudre les musiciens. Comme beaucoup, on peut bricoler avec les moyens du bord et inonder la toile avec des images et du son médiocres. Ou on peut agir comme Dave Keller avec des ambitions visant la qualité et gagner haut-la-main son pari. La preuve ce « Duets – You Get What You Give » où Blues, Soul, Rhythm & Blues, Gospel et Americana font bon ménage. Le projet de départ de Dave Keller était de rendre hommage à George Floyd, cet afro-américain assassiné par des policiers blancs du Minnesota, devenu un des symboles de la lutte des Noirs aux États-Unis. La Covid-19 a profondément modifié la réalisation des desseins initiaux. Dave Keller a réuni en studio ses musiciens habituels malgré le fléau viral. Il a sollicité le soutien et la participation de quelques chanteurs et chanteuses qui se sont fait un plaisir d’accepter en ces temps de vaches maigres. Il a envoyé ses chansons pré-enregistrées à Trudy Lynn, Annika Chambers, Johnny Rawls, Joe Louis Walker, Dawn Tyler Watson, Annie Mack, Brother Bob White, Katie Henry, Carly Harvey et Toussaint St. Negritude. Ils ont enregistré leurs parties vocales pour réaliser des duos avec le maître d’œuvre. Dave Keller est un chanteur blanc de Soul et Blues. Il vit à Montpelier, dans le Vermont. Ses mentors furent Fontella Bass, Mighty Sam McClain, Otis Clay, Syl Johnson, Johnny Rawls. Ronnie Earl fit appel à ses services. Impressionnante liste, n’est-ce-pas ? En outre il compose fort bien, a une belle écriture. Ses textes auraient mérité d’être transcrits sur le livret. Enfin, il joue de la guitare et de l’harmonica avec talent. La pièce centrale de ce disque, The Evil That Men Do, n’est pas un véritable blues. Elle a été écrite en pensant au meurtre de George Floyd. Y règne une atmosphère sombre. La sobriété de l’accompagnement, le piano de Ira Friedman et la trompette de Tom Palance soulignent délicatement les chants de Dave Keller, Trudy Lynn, Annika Chambers, Annie Mack et Johnnie Rawls. Le message en est encore plus fort. Un véritable lamento. Le titre le plus blues est le duo avec Joe Louis Walker uniquement chanteur, Scratchin’ At Your Door ; Keller lui-même prend le premier solo de guitare, Chris Robertson le second en slide. The Spark est la seule chanson interprétée en solo par Dave Keller soutenu uniquement par les contre-chants du pianiste. Magnifique. Qui s’attendrait à entendre sur disque Trudy Lynn dans un registre de mambo cubain ? Elle a osé et elle est parfaite. Le CD se conclut par un prenant blues acoustique chanté par un artiste dans la lignée de Gil Scott Heron, Toussaint St. Negritude. Une découverte. Dave Keller est un artiste talentueux, créatif, humble (cf interview dans Blues Blast Magazine 19, november 2020, Issue14-47) et généreux. Tous les revenus de ce disque seront reversés au NAACP Legal Defense Fund, The JUS’ Blues Foundation et diverses autres associations d’aide aux Afro-américains. Il devait venir en Europe quand le monde s’est « arrêté », mais ce n’est que partie remise. Acheter le disque est un acte généreux et l’écouter souvent un plaisir toujours renouvelé. – Gilbert Guyonnet


Curtis Salgado

Damage Control

Alligator Records ALCD 5000 – www.alligator.com

Chanteur, harmoniciste et compositeur, Curtis Salgado est une icône incontournable des musiques roots américains avec 11 albums au compteur dont ce quatrième pour Alligator Records, le tout en 44 ans de carrière couronnée d’un succès constant et ininterrompu, en clubs, en concerts, en festivals, sur tous les continents. Il pratique avec maestria plus d’un style musical, le blues, le R&B, la soul et le roadhouse southern rock mâtiné d’Americana. C’est l’un des frares blue-eyed soul singers pouvant rivaliser avec les chanteurs noirs de soul. Cet album célèbre les 50 ans d’existence d’Alligator Records dans le business et il y a mis tout son cœur et tout son talent, en fusionnant tous ses styles de prédilection. Trois séances d’enregistrement ont été programmées avec divers partenaires, à Nashville (avec George Marinelli – gt, Kevin McKendree – keys, Wendy Moton – vo, Wayne Toups – vo, accordéon), ce qui donne par exemple un mémorable Truth Be Told avec une touche New Orleans. Une autre séance s’est tenue au Studio City en Californie avec, entre autres, Mike Finnigan et Jim Pugh (pianos) et Tony Braunagel (dms) et la troisième séance s’est déroulée à Greaseland en Californie avec Kid Andersen (gt,bs). Cela donne des blues comme un Slow Down bien enlevé avec de belles parties de piano, ou Fix It In qui commence en talking blues lent avant de s’accélérer, avec de belles parties d’harmonica, ou encore le désopilant You’re Going To Miss My Sorry Ass, une histoire de brigands en mode boogie. On a même une leçon d’Histoire avec Hail Mighty Caesar qui nous transporte dans l’Antiquité à l’assassinat de Jules César par son fils adoptif. Pour le reste, Salgado – faut-il le préciser, très en forme de bout en bout – développe sa philosophie de la vie avec des textes teintés d’humour et d’autodérision : mourir est inéluctable, autant en parler joyeusement (The Longer That I Live), la vie est courte et fragile, profite, carpe diem ! (Precious Time, Always Say I Love You, …), vivre c’est gérer le bon, le mois bon, les mauvais coups du sort (Damage Control). Chapeau l’artiste. – Robert Sacré


New Jelly Roll Freedom Rockers

New Moon

Stony Plain SPCD 1416 – www.stonyplainrecords.com

Un projet né de la rencontre, en tournée, d’artistes aussi divers que Charlie Musselwhite, Alvin “Youngblood” Hart, Jimbo Mathus et de la famille Dickinson (Jim, Luther et Cody), déjà incontournable, question production, au moment de l’enregistrement, en novembre 2007. Sans prétention, la musique, basée pour l’essentiel sur des reprises de classiques du blues, est ancrée dans le vieux Sud. Acoustique ou moyennement électrique, elle trahit la joie des participants de s’adonner à une aventure dont un deuxième épisode est promis. – Dominique Lagarde


Grant Haua

Awa Blues

Dixiefrog Records DFGCD 8815 – www.dixiefrog.com

Du blues de la Nouvelle Zélande avec un musicien d’origine Maori. Grant Haua a un timbre de voix marquant, une excellente technique de guitare et un don de composition hors norme. C’est une très bonne surprise de ce début d’année 2021. Ce n’est cependant pas un nouveau venu sur la scène internationale ; il a déjà gravé sept albums, mais plutôt dans une veine rock et, en janvier 2019, il a décidé de promouvoir un projet personnel blues, « Awa Blues »  avec, entre autres, Tim Julian (basse, piano, Hammond B3) , Fred Chapelier (guitare) sur This Is The Place, Neal Black (guitare) sur Addiction. Son leitmotiv : la simplicité, sa vie, ses expériences, ses sentiments. Ses auditeurs doivent se sentir en phase avec lui, comme chez eux, dans sa maison… « Bienvenue chez moi »  (« Kia Ora Koutou » en maori) et cela se confirme tout au long des douze faces de l’opus, toutes composées par Haua lui-même, avec les autobiographiques Be Yourself (arrête de vouloir plaire aux autres) en medium, Keep On Smiling (souris, quoi qu’il arrive) basé instrumentalement sur le Walk That Lonesome Valley de Mississippi John Hurt, des hommages à sa mère Tough Love Mumma (qui aime bien châtie bien) chaloupé et avec slide et Mumma’s Boy (le petit gamin à sa maman) qui enfonce un peu plus le clou. Il évoque aussi ses racines (This Is The Place) avec belle mélodie façon C&W, il critique le consumérisme avec un Got Something bien enlevé, comme Devil Is A Woman ; ajoutons une ballade bien enlevée avec une chouette mélodie (My Baby), un instrumental aux accents Stax Records (Can’t Let It Go) et un Better Day optimiste à la Beatles, sans oublier le mélancolique Might Have Been sur ce qui eut pu être mais n’a pas été… Les notes de pochette dévoilent tous les textes des chants en anglais et donne, en sus, la traduction en français ! Génial ! – Robert Sacré


Bob Margolin

Star of Stage and Screens

Vizztone Label Group VT-SRR005 – www.vizztone.com

Depuis de nombreux mois, Bob Margolin est condamné à une quasi inactivité comme la plupart des artistes de cette planète, les plus touchés étant certainement les acteurs de théâtre, les tournages de télévision et de cinéma se poursuivant. Quant aux musiciens, ils ont réussi à briser le silence et l’isolement grâce aux techniques qui permettent de filmer et enregistrer leur travail à domicile. Malgré ce bricolage, ils souffrent d’une grande frustration liée à la solitude et à l’impossibilité de rencontrer leur cher public. C’est ce qu’a voulu exprimer Bob Margolin dans ce court disque (25’) où il a mis tout ce qu’il avait sur le cœur. Enfermé dans son studio personnel, avec l’aide de ses guitares National Steel et Gibson des années 1930s, il a mis en musique sa colère et son désespoir face à la situation d’un musicien sans contrats ni contacts et créé six chansons dont March 2020 In Stop Time qui conclut le disque, résumant parfaitement son état d’esprit et celui de ses copains musiciens. Le Blues en guise de catharsis. Mais ce disque est difficile à écouter, malgré sa brièveté, non en raison de la tension qui s’en dégage, mais à cause du chant de Bob Margolin. Celui-ci n’a jamais été son point fort. Mais en studio, avec un producteur, les insuffisances de sa voix étaient atténuées. Là, seul chez lui, les limites vocales sont trop flagrantes. Ce qui risque de décourager, malheureusement, de nombreux auditeurs. Essayez donc de faire abstraction de ce défaut pour découvrir le message d’un musicien de blues important. – Gilbert Guyonnet


Veronica Lewis

You Ain’t Unlucky

Blue Heart Records BHR 008 – www.veronicalewis.com

Chanteuse expressive et pianiste décoiffante de virtuosité, Veronica Lewis est une super douée. À l’âge de 17 ans, elle est déjà titulaire de multiples awards des instances musicales de Boston, du Granite State et de la Nouvelle Angleterre. En 2019 et 2020, elle a tourné dans tous les États-Unis, de Nashville à Las Vegas, Memphis ou Los Angeles et s’est produite tant en clubs qu’en festivals. Elle signe ici son premier album. Elle l’a produit et a écrit musiques et paroles de six titres sur huit et repris, avec talent, le Is You Is My Baby de Louis Jordan et le Whoo Wee Sweet Daddy de Katie Webster (une de ses idoles, avec Otis Spann, Pinetop Perkins et Jerry Lee Lewis auquel elle rend hommage appuyé dans un étourdissant instrumental Ode To Jerry Lee). Le titre éponyme, bien scandé, incite à ne voir que les bons côtés de la vie, quoi qu’il arrive. Dans le bluesy Put Your Wig On Mama, Veronica Lewis rend un vibrant hommage à sa mère. Tout l’album baigne dans une frénésie de bon aloi, boogie woogie à tous les étages : Clarksdale Sun, Memphis Train, …), parfois avec des changements de rythme excitants comme dans Fool Me Twice. Elle est souvent en trio (avec Don Davis au sax dans quatre titres, Joel Edinberg au sax dans un titre, les drums alternant entre Mike Walsh dans cinq titres, Chris Anzalone dans deux titres, Ben Rogers dans un titre) et en duo dans deux faces. Dans Fool Me Twice, Whoo Wee et The Memphis Train, Veronica Lewis s’accompagne d’un piano acoustique qui affiche 115 ans d’âge ! – Robert Sacré


Dennis Jones

Soft Hard & Loud

Blue Rock Records – www.dennisjonescentral.com

Dennis Jones est né et a grandi dans la petite ville de Monkton, Maryland, mais est désormais un musicien reconnu de la scène blues de Los Angeles. Guitariste brillant et inventif, il est aussi un excellent chanteur. Son style de blues est électrique, plutôt versant blues-rock, au sein d’une formule classique en trio, ici avec le bassiste Corneliums Mims (avec qui il co-produit l’album) et le batteur Raymond Johnson. Auteur et compositeur des dix titres de cet album, il a – outre la qualité de ses textes et de ses arrangements – un don réel pour les mélodies. Plusieurs faces ne vous quittent pas dès la première écoute telles Revolves Around You qui ouvre l’album. Et si le jeu dans Front Door Man évoque Stevie Ray Vaughan, la palette de Dennis Jones est bien plus large que ce seul registre. Cet artiste pourrait également sans peine orienter son chant vers la Soul, c’est flagrant sur le superbe blues lent I Love The Blues ou encore la magnifique ballade Nothin’ On You. I Hate Hate regarde avec bonheur du côté du reggae. Baynett Paysinger et Jason Freeman renforcent le groupe avec leur orgue Hammond B3 sur un titre chacun. Allison Taylor et Michael Turner assurent les chœurs sur un titre. Un album très original dans l’écriture et la réalisation. – Marcel Bénédit


Kai Strauss

In My Prime

Continental Blue Heaven CD2038 – www.kaistrauss.com

Après de longues années d’apprentissage, Kai Strauss a commencé sa carrière professionnelle en 1995 dans le band de Memo Gonzales (qui réside en Allmagne) et il a participé à son premier album en 1996 ; Il est resté 15 ans avec Gonzales mais en 2011 il a fondé son premier orchestre. Son groupe actuel existe depuis 2014 avec Alex Lex (drums), Kevin Duvernay (basse), Bernd Simon (guitare rythmique), Thomas Feldman (hca et sax), divers pianistes comme Christian Ranneberg, Paul Jobson et un organiste comme Nico Dreier (+ piano). Dans la foulée, Strauss est devenu un des meilleurs guitaristes de blues actuellement en activité et aussi un excellent chanteur. Pour ce nouvel album, il s’est adjoint en guest une section cuivres qui intervient dans 6 faces et est menée par Sax Gordon Beadle (saxophone) avec Alex Lee-Clark (tp) et Brian Thomas (tb). Strauss a écrit et composé 7 des 11 titres et il a composé la musique de deux autres morceaux dont certains sont ouvertement autobiographiques comme Bettingv My Life Upon The Blues, Going To London et le syncopé In The House Of The Blues ou encore le titre éponyme In My Prime mené tambour battant en uptempo, trois titres avec la section cuivres bien présente et des parties de guitare flamboyantes, comme d’ailleurs dans tous les morceaux (Keep Your Happy Home, ….) ; il y va aussi d’un conseil avisé avec Put That Bottle Down. en slow avec un superbe solo de guitare. Les faces avec T.Feldman à l’harmonica sont aussi de grands moments de blues : un World Crisis Blues d’actualité en médium et Wait A Minujte Baby en slow avec C.Rannenberg en état de grâce et K.Strauss avec un solo de guitare qui déchire. Tous les partenaires sont à la hauteur. Ajoutons que le timbre de voix de K. Strauss convient parfaitement à son répertoire, de bout en bout, mais au top dans Down On Bended Knees, une reprise de Johnny Copeland avec, une fois de plus, une belle partie de guitare mais aussi un C. Rannenberg très inspiré et la section cuivres en délire. Excellent et recommandé sans réserves. – Robert Sacré


Arlo Parks

Collapsed In Sunbeams

Transgressive / Pias

Arlo Parks, née de parents tchadien et nigérian francophones, vit en Angleterre où elle a enregistré ce premier album. Une voix posée, aérée, éthérée à défaut d’être sensuelle et qui s’écoute d’une oreille attentive, illustre les douze titres du présent opus. La production d’un style qualifié de « néo soul » (appellation désormais fourre-tout en opposition au vocable « new soul » qui revendique ses racines historiques, comme en attestent des artistes comme Erykah Badu, Angie Stone ou Leela James pour ne citer qu’elles. Il faudrait à la rigueur voir du côte d’india Arie pour trouver une similitude lointaine), penche plutôt vers une « britpop » sophistiquée. L’ensemble est une suite de mélodies planantes répétitives aux accents « trip hop » à la manière des groupes qui illustrèrent la sphère de l’acid jazz dans les années 90 comme Galliano. Seul Green Eyes sort du lot avec un rythme un peu plus pêchu, tandis que le single Caroline ne déroge pas à la règle. Cet album – à part – est donc peu représentatif de la scène soul britannique qui comporte des artistes comme Mica Paris, Beverley Knight ou encore Ruby Turner. – Jean-Claude Morlot


Trevor B. Power

What Is Real

Farm 189 Records 489

Pour ce deuxième album sous son nom, Power (gt, hca, vo) a écrit paroles et musiques des dix faces qui reflètent sa vision de 2020 et le spectacle d’un monde subissant une pandémie d’une ampleur inattendue. Cela démarre avec un World Gone Madd bien rythmé avec Anthony Krizan aux drums et des parties de slide mémorables. Ensuite, Power retape sur le clou avec un Pandemic 2020 composé pendant le confinement pour saluer l’esprit indomptable du peuple américain, mais aussi l’égoïsme d’une société obnubilée par un consumérisme forcené qui a conduit à cette catastrophe sanitaire. Musicalement, les meilleures faces sont Get Well Johnny, un blues lent bien rythmé et magnifié par une partie d’harmonica d’anthologie avec Will Wilde qui souffle comme un beau diable mettant littéralement ses tripes à l’air et qui récidive dans Easier Way, un blues bien scandé avec Power transcendant au chant et à la slide. On retiendra aussi Life Is Good cynique, sur une mélodie à la Chuck Berry, avec une super intro de piano (Rob Clores) et Woman, un blues en médium qui illustre l’antagonisme homme-femme en soulignant le pouvoir de celle-ci, sans oublier This Old Road acoustique avec guitare douze cordes qui termine la séance avec un message d’espoir. – Robert Sacré


David Rotundo Band

So Much Trouble

Dreamsweshare DWSCD0002 – www.dreamsweshare.com

Produit par l’harmoniciste Lee Oskar, ancien du groupe War, ce CD de blues-rock du chanteur et harmoniciste David Rotundo dégage une belle énergie. L’ensemble bâti autour d’une section rythmique, de l’orgue et de cuivres, ne réserve pas vraiment de surprise, mais s’écoute avec plaisir, comme sur le dylanien So Much Trouble, le traditionnel Hard Times Coming où dialoguent guitare slide et harmo, ou encore sur le plus aventureux That Thing Called Love. – Dominique Lagarde


Early Times & The High Roller

The Corner

Vizztone Label Group VT-ET01 – www.vizztone.com

Nom bizarre pour un musicien qui m’était inconnu malgré une déjà longue carrière au chant, guitare, claviers et percussions ! Il est installé dans l’East Side de New York, mais il a grandi à Sacramento (CA) et y a démarré une carrière professionnelle à 16 ans. En 1990, il y a fondé son premier band et a produit trois albums entre 1990 et 1995 puis il a formé un trio jazz-blues avec Johnny Heartsman et Jimmy Robinson – rejoints de temps en temps par le légendaire organiste de jazz Jimmy Smith – avant de tourner abondamment avec la chanteuse E.C. Scott et, pendant sept ans, d’être un D. Jay sur Sirius Satellite Radio. Il a formé les High Rollers en 2003 et gravé trois albums entre 20003 et 2017. The Corner est donc son 7è album, (trop) court avec moins de 40 minutes. Il en a écrit et composé les dix titres qui sont riches en personnages hors normes comme Uptown Charlie, Tiajuana Madonna et Cha Cha Mary. Il a gagné le surnom de « poète de rue nourri au blues-rock ». Early Times est à la guitare acoustique dans deux faces, Do What She Do (… Here comes Mary in a cha-cha hat…) et un Someone Help Mary aux accents folk. Deux autres faces sortent du lot, l’instrumental Rosie’s Herbs N’Ting ainsi que She’s About To Lose Her Mind avec en guest Poppa Chubby qui booste le morceau. On notera encore une belle partie de guitare dans On The Corner dédié à l’East Side de New York. – Robert Sacré


Layla Zoe

Nowhere Left To Go

Layla Zoe Music 2020

La canadienne Layla Zoe a déjà produit une douzaine de disques sous son nom avec aussi une participation à l’édition 2016 de Blues Caravan. Voici son nouvel album qu’elle publie sous son propre label, après sa séparation de Ruf Records. Au menu, dix chansons qu’elle a co-écrites en passant du gospel, au blues et au rock. Le résultat est d’autant plus remarquable que, en raison de la pandémie, chaque musicien a enregistré sa partition seul, en studio ou à son domicile. Pour compliquer le travail de l’ingénieur du son Nisl Völker (de l’Access All Areas Studio de Brème en Allemagne), elle a convoqué dix musiciens différents pour les dix titres. Parmi ceux-ci, citons les guitaristes Jackie Venson, Guy Smeets et Dimitri Lebel, ainsi que Suzie Vinnick à la mandoline et Bob Fridzema aux claviers. Sur le morceau Sometimes We Fight, Layla joue un court morceau d’harmonica. La voix de Layla est puissante pour les morceaux rapides, mais elle sait aussi se faire charmeuse et convaincante dans les titres plus lents comme Might Need To Fly ou Dead Mom. Après avoir noté qu’elle rend hommage à Janet Zopfi – qui fût une fidèle ambassadrice du blues au Canada – nous pouvons, avec plaisir, réécouter la voix exceptionnelle de Layla Zoe en espérant la voir bientôt sur scène. – Robert Moutet


Cathy Grier + The Troublemakers

I’m All Burn

C.G. Music Works 2020 – www.cathygrier.com

On peine à réaliser que Miss Grier est dans le show business depuis quatre décades au chant-guitare-production et compositions et que ceci est son 14è album ! Elle signe ici 11 compositions personnelles (paroles et musiques) plus 4 autres en collaboration et il y a une reprise (Ode To Billy Joe). Au sein des Troublemakers, on notera la présence de Billy Flynn (guitare et harmonica), Jimmy Voegeli (keys), Andrew Spadafora (saxophone). On savourera quelques blues lents de bonne facture comme Backroad Blues, Happiness Blues ou Easy Come Easy Go (avec une belle partie de claviers), Get Me Away et What Fools Do (avec Billy Flynn, hca et gt). À noter d’autres faces sur un rythme plus musclé comme Key To My Survival (avec J. Voegeli et A. Spadafora), un Good Thing bien enlevé, ou le titre éponyme I’m All Burn et Question Of Desire. Quelques faces par ailleurs plaisantes à écouter pâtissent un peu de la présence d’un quartette vocal (Cool Trick funky et syncopé, Keep You Out). – Robert Sacré


Captain Jack Watson

Set Me Up

Vandette Music Company – (1 titre)

Captain Jack Watson n’est pas un nouveau venu sur la scène du Texas. Depuis de nombreuses années, il écume sans relâche les clubs pour prêcher la bonne parole du Blues et de la Southern soul. Nous l’avions rencontré et interviewé en marge du Eastside Kings Blues Festval 2018 à Austin (ABS #72). Ce nouveau titre – Set Me Up – qu’il vient de produire, est disponible via CD Baby et visible sur Youtube. Il s’inscrit dans la même veine que ses excellentes précédentes productions. Il nous offre ici un savant mélange de blues en mode mineur et de ballade sudiste du meilleur effet. Jack Watson est un formidable artiste, qui connait par cœur tous les rouages du Chitlin’ Circuit, son potentiel est énorme ; quand il est avec sa formation, il est redoutable d’efficacité. Well done Captain ! – 

Jean-Luc Vabres


Ally Venable

Heart Of Fire

Ruf Records RUF 1283 – www.rufrecords.de

Cette (très) jeune femme en est déjà à son quatrième album et elle dit avoir voulu donner un message positif d’amour, car c’est ce dont le monde a le plus besoin en ces temps difficiles avec la pandémie et le reste… Elle représente sans doute l’avenir du blues-rock. Elle est dotée d’un timbre de voix original et attachant et elle est très douée à la guitare. Démonstration dans un puissant Hard Change ou dans Use Me repris à Bill Withers, saccadé et rythmé à souhait ; c’est le cas encore dans Played The Game, avec Rick Steff (keys), un slow blues à la slide, ou dans Hateful Blues qui commence à l’ancienne, comme un pre-war blues, puis démarre en fanfare. Et que dire du musclé What Do You Want From Me ? Notons un instrumental – Tribute To SRW – en slow, qui est un hommage mélancolique à Stevie Ray Vaughan. Des amis sont venus lui prêter main forte, comme le guitariste Kenny Wayne Shepherd dans un excellent slow blues, Bring On The Pain et Devon Allman dans Road To Nowhere qui louche vers le C&W. Ailleurs, ses partenaires habituels font le job : Elijah Owings (dms) et Bobby Wallace (bs) avec, en renfort, Pat Fusco (keys), Jana Misener (cello), Cody Dickinson (dms) et Landon Moore (bs). – Robert Sacré


Johnny Burgin with Anson Funderburgh

Cherry On Top

Delmark Records 8867 (CD 1 titre) – www.delmarkrecords.com

Au cours d’une escale à Dallas en janvier dernier, Johnny Burgin a pris la direction du Motion Studio afin d’y enregistrer la composition Cherry On Top. Aux côtés de l’ancien équipier du chanteur Tail Dragger, nous retrouvons le guitariste Anson Funderburgh, Christian Dozzler au piano, Chris Matheos à la basse et Reo Casey derrière les fûts. Cette composition trottait déjà depuis quelque temps dans la tête du musicien et de sa productrice Stephanie Tice, tous les deux adorant faire des haltes pour enregistrer au fil des engagements. À l’image de la session japonaise No Border Blues, ils décidèrent donc de faire une halte en terre texane. L’association Burgin-Funderburgh est une première. Les solos des deux musiciens raviront leurs nombreux fans qui y verront des clins d’œil aux maîtres du Chicago blues, sans oublier ceux du Lone Star State. Ce titre – qui est paru à l’occasion de la Saint-Valentin – est disponible en version digitale sur le site du label ainsi que sur les plateformes de musiques en ligne.

 – Jean-Luc Vabres


Dialtone Records continue de tracer sa belle route en offrant à tous les amateurs des tirages exclusifs en vinyle 33 et 45 tours. J’en profite au passage pour vous rappeler que le 45t de Chrystal Thomas est toujours disponible sur le site de Antone’s Records  où elle reprend admitablement le titre de Luther “Georgia Boy” Johnson, Woman Don’t Lie. Intéressons-nous aux trois dernières nouveautés qui viennent de sortir simultanément. – Jean-Luc Vabres

The Moeller Brothers

Need Somedody / 20% Alcohol

Dialtone Records

On ne présente plus les frères Johnny et Jason Moeller qui, à la guitare et batterie, ont joué aux côtés des plus grandes figures du Texas blues. Les deux titres ont été enregistrés en juin 2020 dans le studio Wire d’Austin. La fratrie nous propose deux compositions brutes de décoffrage qui nous remémorent les bons moments passés dans des clubs d’Austin comme le C-Boy’s Heart & Soul, Antone’s ou encore le Skylark. Les frangins se font et nous font plaisir. Que demander de plus ? Revigorant.

Eve & Buck

Where You Been / Driftin

Dialtone Records

Eve Monsees et Mike Buck sont incontournable sur le secteur d’Austin, puisqu’en 2009 ils se sont portés acquéreur du célèbre magasin de disques Antone’s sur Guadalupe Avenue. Mike a débuté sa carrière en jouant de la batterie avec les vétérans Robert Ealey et Ray Sharpe avant de rejoindre The Fabulous Thunderbirds, tandis qu’Eve – originaire de Houston – forme dans la capitale de l’État en 2001 aux côtés de Mick, le groupe Eve & The Exiles. Les deux très bonnes compositions originales nous démontrent une nouvelle fois l’étendue du talent du combo, la guitare fait des merveilles et happe instantanément son auditoire. Une très belle production.

Keller Brothers

Be Kind / Hold Everything

Dialtone Records

Les deux frères Mike et Corey sont originaires de Fargo dans le Dakota du Nord. Fans de blues, ils s’installent très vite à Austin. Mike à la guitare et Corey derrière ses fûts font leurs gammes aux côtés de Lazy Lester, Earl King, Kim Wilson, Pinetop Perkins, ou encore Clarence “Gatemouth” Brown et Jimmy Rogers. Ces deux musiciens sont très recherchés en studio, car leurs styles peuvent très bien épouser celui du Chicago blues, mais également les mélodies si particulières du Swamp blues de la proche Louisiane. Le choix du morceau intitulé Hold Everything qui appartient au répertoire de Robert Lockwood Jr en est la preuve éclatante.


Muddy Gurdy

Homecoming

Chantilly Negra MGH 262023 – www.muddygurdy.com

Une randonnée « au dessus du volcan » pour passer du Mississippi au Massif Central… Où l’on s’imprègne de la hauteur majestueuse d’un son. Ici la charpente réfléchit les mots chantés. L’arrière salle du bistrot retrouve son lustre de bal d’antan, tandis que la psalmodie s’épanouit dans l’oratoire de la chapelle. Pas plus de couronne d’épines là que de musique du diable. Juste une médiation entre la voix de Tia Gouttebel, la vieille de Gilles Chabenat et les rythmes de Marco Glomeau ; une médiation faite d’instruments anciens, de cornemuse, d’harmonica premier ou de sabots de bourrée. Où l’on s’y perd pour mieux se trouver. R.L. Burnside, Jessie Mae Hemphill ou Vera Hall en miroir d’un vieux chant de briolage. Le lien naturel s’installe là sans emphase ni factice. La grâce de l’instant pourrait se cristalliser sur le chant épanoui de Tia, sur sa guitare économe et percutante ; ce serait oublier l’ensemble enregistré dans le moment au gré des marches et des rencontres. Le plus étonnant peut-être réside dans cette capacité à passer d’un disque à l’autre sans rupture. Le North County Hill de Cedric Burnside et de Sharde Thomas semble se fondre dans ce field recording d’Auvergne. On touche là toute l’authenticité de la démarche et la vérité qu’elle expose au fil des plages. Le démarquage avec les versions originales de Chain Gang et de Strange Fruit est évident. Il n’en décline pas moins une filiation indirecte plus probante que certains copié-collés. Un Homecoming de bienvenue et de plaisirs partagés. – Stéphane Colin


Amaury Faivre

2020

Autoproduit

Amaury Faivre est un musicien de blues acoustique né à Besançon mais qui vit à Genève. Il joue avec l’harmonica de son père dès l’âge de 8 ans, il est vite passionné par les morceaux de Robert Johnson et de John Lee Hooker. Après l’ harmonica, il continue son apprentissage à la guitare et au chant. Au fil du temps, il se découvre aussi un certain talent pour la composition. Alors, après de multiples récompenses et près de 800 concerts à travers le monde en 20 ans de carrière, on est surpris de découvrir aujourd’hui son disque 2020 qui n’est que son deuxième enregistrement. Durant tous ces concerts, il a joué avec des groupes électriques, des duos acoustiques et même un orchestre symphonique. Pour cet enregistrement, il a décidé de se produire en solo, mais en ajoutant quelques percussions, un banjo et une mandoline. Pour nous mettre en appétit, le premier morceau est un instrumental à l’harmonica de même que Watch Her Sleep qui clôture le disque. Les huit autres titres sont des compositions d‘Amaury chantées en anglais, sauf une en français, Invite à Danser. La succession de ses morceaux nous entraine dans le Sud profond de l’Amérique. Avec sa voix, son harmonica, sa guitare et son banjo, Amaury Faivre nous ramène vers les premiers vétérants du blues acoustique et visite aussi avec réussite musique cajun et country. De tels enregistrements se font rares aujourd’hui ; pour en trouver, il faut malheureusement la plupart du temps chercher dans les rééditions… – Robert Moutet


Matt Guitar Murphy

In session
From Memphis to Chicago 1952-1961

JasmineRecords JASMCD3178 – jasmine-records.co.uk

En 1980, « The Blues Brothers », film de John Landis, connut un grand succès planétaire. Parmi les musiciens engagés pour le film, Matt Murphy y interprétait l’époux d’Aretha Franklin et jouait de la guitare dans l’orchestre rassemblé par les frères Elwood pour sauver l’orphelinat de leur enfance. Il fut l’un des principaux bénéficiaires de cette production. Un vaste public international découvrait un superbe guitariste jusqu’alors cantonné dans l’obscure tâche d’accompagner d’autres musiciens. À partir de là, il devint le leader de son propre orchestre, enregistra quelques excellents disques sous son nom et tourna, jusqu’à sa mort, en 2018, au sein du Blues Brothers Band. La première partie de la vie de Matthew Tyler Murphy commença à Sunflower, dans le Mississippi. Mais la famille s’installa très vite à Memphis, Tennesse, où le père obtint un bon travail au célèbre Peabody Hotel. Matt et son frère Floyd devinrent d’excellents guitaristes. Le jeune Matt Murphy débuta, à West Memphis, avec Howlin’ Wolf à qui il aurait appris à respecter les douze mesures. Pendant cette brève période memphisienne (1951-1952), Matt Murphy travailla avec le pianiste Ike Turner. Il accompagna sur disques Little Junior Parker, Earl ‘Whoopin’ and ‘Hollerin’ Forrest et Robert Bland, pas encore Bobby Blue Bland. Jasmine publie les trois 78 tours résultats de la collaboration avec ces trois chanteurs. Matt Murphy s’y révèle un instrumentiste inspiré. Un régal ! Quand il arriva à Chicago, en 1952, Memphis Slim très vite l’embaucha, lui qui jusqu’alors n’avait pas privilégié le travail avec les guitaristes. Il baptisa aussi Matt Murphy ‘Guitar’ . À partir de cette rencontre et quasiment jusqu’au départ définitif de Memphis Slim vers la France, Matt Murphy fut une pièce maîtresse de l’orchestre de Memphis Slim. Une sélection de ses indispensables enregistrements United, Vee-Jay et Strand, où le jeu de Murphy est très brillant, forme l’épine dorsale de ce disque : 12 des 28 chansons. Parmi elles, l’instrumental Steppin’ Out, enregistré en août 1959 pour Vee-Jay, impressionna tellement Eric Clapton qu’il le recréa avec les Bluesbreakers de John Mayall au début des années 1960’s. Complètent ce disque les participations de Matt Murphy à quelques enregistrements de Billy ‘The Kid’ Emerson (1957- Vee-Jay 261), Otis Rush et Chuck Berry pour Chess en 1960 ; enfin Muddy Waters avec Lonesome Room Blues et Messin’ With The Man (1961- Chess 1796). En écoutant une musique aussi brillante, on comprend que Matt ‘Guitar’ Murphy ait joui d’une très grande considération auprès de ses confrères et des amateurs de blues. C’est une excellente idée que d’avoir rassemblé ces morceaux choisis pour illustrer l’exceptionnel travail d’un guitariste trop longtemps dans l’ombre dont le sens de l’accompagnement, le jeu élégant, le swing et la beauté de la sonorité, rendent l’achat de ce CD indispensable. – Gilbert Guyonnet


Various Artists

Happy Times
The Songs of Dan Penn & Spooner Oldham Vol.2

Ace Records ACE CD CHD 1583 – www.acerecords.co.uk

De quoi réjouir les amateurs du duo d’auteurs-compositeurs Dan Penn et Spooner Oldham, dont le fond de catalogue semble intarissable. Vingt-quatre titres pour certains bien connus des amateurs, pour d’autres moins évidents, comme les versions de ces classiques soul par des chanteuses et chanteurs country (Bobby Bare, Ronnie Milsap), ou pop (Sandy Posey, Merrilee Rush, B.J. Thomas, l’anglais Guy Darrell). Moins mémorable, mais à l’issue du scrutin, la Southern soul conserve malgré tout la majorité et l’on retrouve avec joie le talent de plume du duo dans les splendides interprétations de Cheaters Never Win (Tony Borders) et Help Me Find My Groove (Dee Dee Sharp). Dans le livret, une histoire de chacune de ces chansons est racontée par Tony Rounce. – Dominique Lagarde


Buddy Ace

Meets the Explosive “Mr Showman” Al TNT Braggs

Jasmine Records JASMCD3167 – www.jasmine-records.co.uk

Voici deux artistes bien oubliés aujourd’hui qui ont débuté au Texas sur le label Duke de Don Robey. À la mort de Johnny Ace – le jour de Noël 1954 (roulette russe) – Don Robey recruta son frère Bobby et le fit enregistrer pour Duke de 1956 à 1962 et nous retrouvons ici seize titres de cette époque. Buddy est un bon chanteur et ces faces sont de qualité, bien que le succès ne soit pas au rendez-vous. Il fit partie des premières parties des tournées « Blues Consolidated » avec Junior Parker et Bobby Bland, puis il partit en Californie et devint populaire sur les circuits soul avec des enregistrements chez Paula, Ichiban et un très bel album – « Don’t Hurt No More » – chez Evejim en 1990. Il mourut d’une attaque cardiaque sur scène le jour de Noël 1994. Al Braggs, surnommé “T.N.T” à cause de son jeu de scène explosif, repéré par Bobby Bland dans un juke joint de Dallas, fit les premières parties de ce dernier pendant une dizaine d’années. C’était un homme de scène dynamique (un croisement entre James Brown et Jackie Wilson disait-on à l’époque). On l’entend ici dans dix faces de 1960 à 1962 dont la version originale de Cigarettes and Coffee, futur succès pour Otis Redding. C’était également un excellent compositeur qui écrivit des tubes pour Bobby Bland mais qui furent souvent crédités à Deadric Malone (pseudo pour Don Robey). Braggs est mort en décembre 2003 à Dallas. Sans doute deux artistes de second plan, mais qui ont produit d’excellents disques qui méritaient d’être réédités et appréciés à leur juste valeur. – Marin Poumérol


Pinetop Perkins

Blues Piano Man
Chicago Boogie

Three bonus tracks by Johnny “Big Moose” Walker

JSP Records JSP3018 – www.jsprecords.com

Quand cet enregistrement arriva en 1986, le 33tours semblait condamné à disparaître. Ce fut aussi un des derniers disques vinyl que publia le label anglais JSP qui serait un des premiers à prendre le train du support CD. À cette époque, Pinetop Perkins n’était considéré que comme le pianiste de Muddy Waters et n’avait pas encore été reconnu à sa juste valeur en tant que leader. Heureusement pour lui, la suite de sa carrière confirma son talent. Le succès aidant, il enregistra alors beaucoup et occupa une place importante dans le cœur des amateurs de blues et de piano bien sûr, cet instrument trop délaissé de nos jours. Voici un concert dans le Maine en 1985. Pinetop Perkins est entouré entre autres de l’excellent harmoniciste Bill Dicey qui publiera un beau disque pour JSP en 1987 et du guitariste George Jr. (Kilby) qui prend quelques excellents solos. Le répertoire est sans surprise : Hoochie Coochie Man, Perkin’s Boogie Woogie, appropriation du classique Pinetop’s Boogie Woogie, ainsi que Kansas City, ce morceau de bravoure que Muddy Waters et Pinetop Perkins interprétaient en duo sur scène. For You My Love est une relecture d’une chanson de Larry Darnell où le jeu boogie woogie de Pinetop fait merveille. Barefootin’ de Robert Parker est un clin d’œil à La Nouvelle-Orléans. Had My Fun est une copie conforme de Going Down Slow, parfaitement chantée par Perkins, comme Who’s Loving You Now plagie That’s All Right. Le tout est excellent. Le meilleur moment me semble être le long blues lent Really Love That Woman pendant lequel la voix et le jeu de piano Pinetop Perkins sont remarquables. Cet enregistrement de Pinetop Perkins ne durait que 45 minutes, un temps trop court pour un CD. Aussi John Stedman a-t-il adjoint trois chansons d’un autre pianiste de Chicago, Johnnie “Big Moose” Walker : Lord Have Mercy, Every Night et Annielee enregistrées en studio, à Chicago, avec le guitariste Lefty Dizz. Si vous avez le CD JSP 242, « Swear To Tell The Truth », vous connaissez ces titres. Le jeu de “Big Moose” est prenant et son chant supérieur à celui de Pinetop Perkins. Les disques de pianistes sont une denrée rare. Aussi ne ratez sous aucun prétexte ce CD sans prétention. Vous passerez un excellent moment. – Gilbert Guyonnet


Various Artists

Slide It On In
28 Classics Of Slide Guitar Blues, 1948-1961

Jasmine Records JASMCD 3195 – www.jasmine-records.co.uk

Depuis des années, les compagnies de disques spécialisées ont significativement ralenti la réédition des grands classiques du Blues, mais le label Jasmine a pris le relais et son catalogue est non seulement riche mais aussi de grande qualité, comme en témoigne ce recueil de 28 classiques du blues interprétés à la guitare slide. Outre certains guitaristes de la tradition hawaïenne et autres (1), le blues est un style musical où cette technique est reine et les musiciens noirs y ont brillé dès la fin du XIXe siècle. C’est Sylvester Weaver qui, en 1923, aurait le premier enregistré un morceau en utilisant un tube métallique ou goulot de bouteille « promené » sur les cordes de sa guitare pour obtenir des effets spectaculaires de glissando et l’inspiration en vient sans doute du diddley-bow des musiciens amateurs et ruraux du Deep South des XIXe et XXe siècles. (fil métallique tendu sur un mur en bois, entre deux clous et modulé avec une pierre et un couteau). Mais c’est avec les guitares électriques (fin des années 30 et 40) que cette technique a pris son essor et sa prodigieuse popularité et cette anthologie en propose les grands maîtres, certains très connus, d’autres moins ; parmi les plus connus, on a Muddy Waters présent avec une face Aristocrat dynamique et enlevée de 1948 (You’re Gonna Miss Me) mais aussi comme accompagnateur de St Louis Jimmy dans Florida Hurricane (Aristocrat 1949) avec Sunnyland Slim et un solo de guitare d’anthologie du à Muddy. Robert Nighthawk est bien représenté avec quatre faces en slow et vibrantes, obsédantes et hypnotiques (Face A et B d’Aristocrat 2301 de 1949, Sweet Black Angel et Annie Lee Blues, une face United de 1951 et une face States de 1952). Homesick James est aussi représenté par quatre faces Chance de 1952 et 1953 en slow et médium et aucune n’avait été publiée à l’origine ! Hound Dog Taylor figure, brillamment, avec une seule face, My Baby Is Coming Home, Bea & Baby de 1960. Les deux faces Ivory (1960 et 1961) du Texan Hop Wilson sont particulièrement bienvenues : My Woman Has A Black Cat Bone bien enlevé et syncopé et Merry Christmas Blues en slow chanté de façon intense. Il y a aussi Johnny Shines avec deux faces J.O.B. de 1952 qui sont, comme toujours, habitées par son chant passionné et déclamatoire, Ramblin’ et Fishtail. Puis il y a les moins connus mais non les moins talentueux comme John Lee avec deux faces Federal nerveuses voire haletantes (Blind Blues et Down At The Depot, 1951), Dan Pickett avec quatre faces Gotham de 1949, introverties et toutes en nuances, Pinetop Slim avec quatre faces de 1949 intenses et introverties elles aussi (LP Kent et Colonial), John Dudley avec une face Prestige de 1959 et Frankie Lee Slim, déterminé et fonceur, avec deux faces Blue Bonnett de 1948, Single Man Blues et Don’t Forget Me Baby. Au diable les doublons, ce recueil est essentiel. – Robert Sacré

Note (1) : Dès les années 60, nombre de musiciens de toutes les formes de Rock ont été conquis par cette technique et ont copié les bluesmen.


Faye Adams

The Singles 1953-1956

Jasmine Records JASMCD3181 – www.jasmine-records.co.uk

Au début des années 50, plusieurs chanteuses ont occupé le top des ventes et des classements r’n’b du Billboard : Ruth Brown, Lavern Baker, Esther Phillips, mais on peut dire que Faye Adams les suit de près. C’est une superbe chanteuse à la voix ample et forte et qui, en 1953, obtint un énorme succès avec Shake a Hand. Elle avait démarré chez Atlantic en 1952 (les 3 premiers titres de cette compilation), mais les patrons de ce fameux label ne furent pas intéressés par ce Shake a Hand, alors le chef d’orchestre Joe Morris, compositeur du morceau, passa avec sa protégée chez le voisin Herald Records qui s’empressa de le publier. Bonne pioche ! Dix semaines numéro un et I’ll Be True quelques mois plus tard fut aussi numéro un. Les 28 titres réunis sur ce CD sont de solides morceaux de r’n’b avec d’excellents musiciens. En 1957, après avoir vendu plus de deux millions de disques pour Herald, Faye Adams part chez Imperial ou elle enregistre avec l’orchestre de Dave Bartholomew, mais le succès n’est plus au rendez-vous. Elle passera ensuite chez Brunswick puis Warwick, Zion, Savoy et Prestige avant de se retirer du show business en 1963. Elle ne chantera plus que du gospel sous le nom de Fannie Jones. Il est bon de redécouvrir cette chanteuse de qualité, mais attention aux doublons, car ces faces furent publiées en 2005 chez Classics. – Marin Poumérol


Baby Face Willette

Organ Giant

Jasmine Records JASMCD 3210 – www.jasmine-records.co.uk

J’ai écouté ce CD avec un vif plaisir. D’abord parce qu’il prodigue une musique pleine de vie et, pourrait-on dire, de fraîcheur, mais aussi parce qu’il me faisait revivre une époque particulièrement riche qui a marqué l’histoire du Jazz. Je renoncerai, pour ma part, à essayer de donner un nom à un style qui constituait un véritable melting pot. Hard Bop ? Pourquoi pas. Durant deux ou trois décennies, des artistes de très haut niveau se sont révélés et certains ont marqué le jazz de leur empreinte. Mais, au-delà de ces individualités brillantes, une foule de musiciens de talent ont fait vivre la tradition la plus authentique de la musique africaine-américaine en y intégrant, il est vrai avec plus ou moins de bonheur, des éléments plus modernes. L’orgue n’a jamais été absent de la musique africaine-américaine même s’il fut précédé par le modeste harmonium. Mais les années 50 ouvrirent une période faste pour l’instrument. Les possibilités et la puissance sonore qu’il offrait permettaient de monter de petits groupes de trois ou quatre musiciens parfaitement adaptés aux clubs et cabarets.  Les faces qui nous sont proposées proviennent principalement de deux albums sortis au tout début des années 60. À cela s’ajoutent quatre morceaux plus anciens qui constituent les débuts discographiques de Willette. Il n’y apparait pas comme un chanteur très convaincant. Sa musique s’inscrit alors dans un rhythm and blues assez classique où l’on retrouve quelques échos de Ray Charles. C’est d’abord le Baby Face Willette des années 60 qui retient principalement notre attention. Baby Face y est secondé par une équipe parfaitement adaptée au nouveau style. Grant Green est emblématique de ce hard bop qui remettait au premier plan l’héritage du Blues. Il sait en conserver le climat spécifique. Mais il intègre aussi des éléments plus modernes. Au risque, parfois, d’en amoindrir le feeling. Son phrasé « perlé », son goût des motifs répétés presque « en boucle » sont particulièrement séduisants sur tempo vif. Swingin’ at Sugar Ray en est un bel exemple. Fred Jackson n’est pas Stanley Turrentine, mais il tient sa place de façon très honorable et sait « prêcher ». Ben Dixon a participé à l’aventure Blue Note. C’est un batteur souple et solide à qui on ne demandait pas du génie mais de l’efficacité. Willow Weep For Me lui permet de nous offrir une démonstration de swing, élastique à souhait. Simple certes. Mais simplicité bienvenue. Baby Face a, bien sûr, écouté Jimmy Smith, Wild Bill et Jackie Davis. Ses notes longuement tenues, ses nappes sonores, apportent un soutien stimulant à ses compères. L’ensemble nous fait regretter amèrement de n’avoir pas eu l’occasion d’entendre Willette en direct, dans le brouhaha et les fumées d’un bar ou d’un petit club… Vous aimerez certainement Something Strange ou High and Low très représentatifs de l’importance du Blues dans la musique de l’organiste. Je disais en débutant cette chronique que ce disque me rappelait une époque qui, une fois encore, distille une nostalgie douce-amère. « Et de ce temps j’ai la peine agréable », comme écrivait Mac Orlan. Le Jazz avait encore droit de cité chez les jeunes et les Jazz Messengers voisinaient avec les rockers hexagonaux qui n’avaient pas encore éradiqué la concurrence. Le Jazz était encore un art populaire, une musique de danse qui pouvait unir un accès facile à une qualité de conception et d’exécution de haut niveau. Une bonne acquisition en perspective. Satisfaction garantie. – André Fanelli


Loleatta Holloway

Cry To Me

Kent Records CDKEND 493 – www.acerecords.co.uk

Connue pour ses succès disco et dance de la deuxième moitié des années 70, la belle Loleatta avait débuté avec deux albums soul : « Loleatta » et « Cry To Me » de 1973 et 1975 sur le label Aware, qui sont réédités ici avec quatre titres supplémentaires. Cette native de Chicago plongée dans le Gospel depuis sa tendre enfance avait fait partie des légendaires Caravans de 1967 à 1970 et avait même enregistré avec elles. En 1971, avec son mari et manager, elle part pour Atlanta et rejoint le label Aware. L’accent est mis sur une soul sophistiquée convenant à sa voix sensuelle. Il y a là d’excellentes reprises : Can I Change My Mind de Tyrone Davis, We Did It de Johnny Moore et des compositions de Sam Dees et de son mari Floyd Smith. Ce sont deux albums classiques de la soul de Chicago. On préférera les titres où la voix n’est pas trop submergée par les cordes et où les réminiscences gospel sont présentes : Part Time Lover, We Did It, Help Me My Lord. Une très bonne chanteuse, mais des arrangements pas toujours dynamisants et qui annonçaient l’arrivée du disco dans lequel elle allait nager comme un poisson dans l’eau. – Marin Poumérol


Various Artists

This is Fame 1964-1968

Kent Soul CDKEND 494 – www.acerecords.co.uk

Initialement parue sous forme de double album vinyl en 2016, cette compilation ressort aujourd’hui en CD. Pas d’inédits donc, mais un ensemble de 24 titres qui écrème avec bonheur la riche production des studios Fame à Muscle Shoals, Alabama, en plein âge d’or. Comme chez Motown, et comme on repasse un même plat à des convives différents, beaucoup de titres retenus ici se sont fait connaître en leur temps, à l’international, par des artistes plus célèbres (Wilson Pickett, Solomon Burke, Percy Sledge). On dispose donc ici de versions originales ou plus obscures, tout comme de superbes raretés avec les ballades de Jeanie Greene, d’Herman Moore et de Richard Earl & the Corvettes. Une excellente entrée pour les néophytes. – Dominique Lagarde


King Bees

Featuring The Greatest Blues Stars
Jerry MCain, Carey Bell, Beverly Guitar Watkins, Chick Willis, Nappy Brown, Chicago Bob Nelson, Neal Pattman

Wolf Records CD 120.202 – www.wolfrecords.com

Penny ‘Queen Bee’ Zamagni et Rob ‘Hound Dog’ Baskerville ont connu une adolescence bercée par le Blues. Dans leurs foyers respectifs, certainement beaucoup de de disques de blues diffusés. Ils dévorèrent aussi la littérature consacrée à cette musique qui les fascine. En outre, comme d’innombrables adolescents, ils jouaient de la guitare et ils choisirent d’interpréter le Blues. En 1985, les deux musiciens en herbe franchirent le pas et décidèrent de mettre en pratique tout ce qu’ils avaient appris. Ils créèrent le duo King Bees. Penny Zamagni en devint la chanteuse et bassiste, Rob Baskerville le guitariste. S’ensuivit une plongée et un pèlerinage dans le Sud profond. Très vite, le duo acquit une importante renommée. Dès 1990, il fut sollicité pour accompagner en tournée et sur disques des artistes tels Bo Diddley, Nappy Brown, Carey Bell, etc… Il partagea l’affiche avec Dr John, Buddy Guy, James Brown, Leon Russel, … En 1992, il produisit une cassette du sous-estimé chanteur-harmoniciste Chicago Bob Nelson, « Coming Back Strong » (Erwin EM 9203). La firme autrichienne Wolf Records – en publiant ce CD – nous offre un bref résumé de l’activité des King Bees. Nous découvrons leur production personnelle avec deux compositions de la chanteuse et bassiste Penny Zamagni, Alcohol And The Blues et Run Your Reputation qu’elle interprète elle-même. Elle n’est pas une grande chanteuse, mais l’écoute n’est pas désagréable. Les neuf autres titres du CD, enregistrés entre 1990 et 2013, illustrent la qualité des King Bees accompagnateurs. Deux excellentes plages de Jerry Boogie McCain apparaissent ici pour la première fois sur disque. Elles proviennent d’un concert du chanteur-harmoniciste, à Gasden, Alabama, filmé par la télévision publique pour le documentaire « True Blues ». Chicago Bob Nelson a lui aussi droit à deux bonnes chansons inédites enregistrées à Bristol, Virginie, dans le plus pur style Excello. Les King Bees ont créé le New River Blues Festival, en Virginie, en 2003. Cette année inaugurale, ils accompagnaient l’important chanteur Nappy Brown au répertoire inattendu avec son interprétation de Natchez Burning. On retrouve le duo, ce même jour, aux côtés de Chuck Willis avec Hello Central. En 2005, B.B. King fêtait son quatre-vingtième anniversaire avec une tournée à laquelle fut convié Carey Bell soutenu par les King Bees, la bonne version de What Mama Told Me vient de là. Beverly Guitar Watkins bénéficia du soutien et de l’aide des King Bees qui l’accompagnèrent souvent lors de ses venues en Europe. Elle mettait le feu partout sur son passage. En voici un exemple pris sur le vif au Rhythm Riot 2013, en Angleterre. Les enregistrements de Neil Pattman ne courent pas les rues, c’est donc avec plaisir que l’on écoute une chanson inédite, Black Rat, extraite d’une séance d’enregistrement en 1991 à Athens, Géorgie. Voici un CD artisanal comme sait si bien les produire Wolf Records, avec ses imperfections réjouissantes en ces temps de musique numérique aseptisée. Ne passez pas à côté. Il mérite toute votre attention bienveillante. – Gilbert Guyonnet


Big Bob Kornegay

Your Line Was Busy

Jasmine Records JASMCD 3179 – www.jasmine-records.co.uk

“L’homme mystère du R’n’B”, comme l’indique le sous titre de ce CD. En effet, voici un nom bien peu connu même des amateurs éclairés ! Chanteur aux multiples facettes ayant enregistré avec de nombreux groupes de Doo Wop et sous son nom, il est difficile de suivre sa trace. On le trouve dès 1952 avec l’orchestre de Julian Dash dans une petite « bluette » pas terrible. Ça s’améliore avec son passage au sein de l’excellent groupe vocal Du Droppers (I Found Out et Give Me Some Consideration). Il fera aussi partie des Bells et même des Ravens en fin de carrière en 1956 (I Can’t Believe). Sous son nom, il aura tendance à imiter des stars du R’n’B comme Nappy Brown (I Wanna See My Lovin’baby) ou Jay Hawkins (At the House of Frankenstein) et André Williams (Bacon Fat), mais il est toujours accompagné d’excellents musiciens. C’est un bon chanteur à la voix grave et imposante, mais qui disperse un peu trop ses talents pour être efficace, tout en étant un fidèle reflet de cette époque du rock’n’roll. À découvrir ! – Marin Poumérol


Various Artists

Jazz Ladies, The Singing Pianists 1926-1961

Frémeaux & Associés FA5776 – www.fremeaux.com

Un coffret de trois albums avec 76 faces et un livret bien détaillé – sous la plume avisée de J.P. Ricard et Jean Buzelin – qui promet pas mal de plaisir d’écoute à ses acquéreurs. Il illustre le parcours difficile, quasi surhumain, des femmes dans le milieu super-machiste du jazz, du blues, du gospel et du R&B ! Des obstacles insurmontables ont jalonné le chemin des femmes instrumentistes (pianos, trompettes, saxophones, trombones, guitares, drums…) dans leur volonté d’intégrer des orchestres existants, d’en fonder elles-mêmes ou simplement à démontrer qu’elles étaient à la hauteur des hommes dans leur domaine. Ce sont les chanteuses-pianistes qui ont ouvert la voie, non sans mal ! Honte à vous messieurs ! Les albums de ce coffret montrent à quel point les talents féminins foisonnaient, que ce soit avant ou après la deuxième guerre mondiale. Le premier album couvre la période 1926-1961 avec une seule face de 1926, un superbe It’s All Right Now d’Arizona Dranes, une chanteuse aveugle de Dallas, pianiste de gospel inspirée par le ragtime et le boogie ; puis on a des faces de 1935 à 1961 dont quatre faces musclées de Cleo Brown de 1935, deux faces de Lil Armstrong (dont une de 1938 et un bluesy Clip Joint de 1961), quatre faces d’Une Mae Carlisle dont un remarquable I’m A Good Good Woman (avec Ray Nance – trompette) et l’humoristique Papa’s In Bed With Britches On (avec Al Casey – guitare). On a aussi cinq faces de Julia Lee, dont un mémorable Gotta Gimme Watcha’ Got qui passe en force et un bea solo (vo, p) sur Nobody Knows You… Suivent deux faces de Paula Watson avec Tiny Webb (guitare) et quatre faces de Camille Howard avec Roy Milton. On a aussi d’autres faces gospel avec Mme Ira Mae Littlejohn (l’inspiré I Want To See Jesus, 1947), Clara Ward (Blessed Assuranced, 1959) et deux faces d’Aretha Franklin de 1956 (While The Blood Runs Warm et Yield Not To Temptation). Une belle sélection de 26 faces dont beaucoup rarement publiées. Le CD2 couvre la période 1930-1961, il est plus jazzy mais pas que, avec cinq faces de Martha Davis dont un beau Kitchen Blues (1947), cinq faces de Nelly Lutcher dont la voix acidulée de petite fille espiègle avait beaucoup de succès dans les années 50 ; elle nous offre ici, entre autres, un Hurry On Down (1947) qui déménage. Rose Murphy aussi avait une voix mutine de gamine effrontée, favorisant gazouillis et onomatopées, elle figure ici avec quatre faces dont ses deux plus grands succès commerciaux en club et en disque : le désopilant Busy Line et I Wanna Be Loved By You ; “Frantic” Fay Thomas rejoint le club avec ses bruits de bouche et sa gouaille dans un très bluesy I Lost My Sugar In Salt Lake City (1949). LaVergne Smith, dont on ne connaît pas grand-chose si ce n’est que native de La Nouvelle-Orléans où elle se produisait dans les clubs du French Quarter dans les années 40 et 50 (entre autres à l’Absinthe House) avec un répertoire intimiste proche du blues comme le montrent ses deux faces de 1954 reprises ici : Blues In The Night et One For The Road. Cerise sur le gâteau, Hadda Brooks est là aussi avec deux slow blues de 1946-1947 bien mis en valeur par le guitariste Teddy Bunn : That’s My Desire et Trust In Me. Côté « blues roots », Louise Johnson brille dans le syncopé On The Wall (1930), City Kitty est convaincante dans Double Trouble Blues (1934), de même que Victoria Spivey dans That Man (1961), sans oublier Georgia White dans deux titres. Le CD3 revisite la période 1944-1961 avec des pointures comme Nina Simone et cinq faces (1957-61) dont une version swingante du Mood Indigo de Duke Ellington, le pétillant Love Me Or Leave Me uptempo, etc. Jazz avec Marguerite “Blossom” Dearie, qui fut un temps l’épouse de Bobby Jaspar ; elle est présente avec cinq faces, toutes avec Ray Brown (bs) dont Plus Je T’embrasse (1957) et un Someone To Watch Over Me (1959) en slow avec Kenny Burrell (guitare). Jazz encore avec le Jeri Southern Trio (deux faces 1955), avec Audrey Morris (deux faces,1955) et Shirley Horn (cinq titres,1960 et 1961). Et, pour conclure, les « boogie-woogie roots » avec Christine Chapman dans un Bootin’ The Boogie (1944) décapant, Lillette Thomas avec Boogie Woogie Time Down South (1946) et Madona Martin avec Baby Come On (1949) dans la même veine festive, voire endiablée, et les deux faces de Katie Webster mettent un terme à ce troisième volet du coffret en fanfare et laissent un goût de trop peu : Baby Come On (1960) et The Katy Lee (1961). – Robert Sacré


Neal Black & The Healers

Highway Kings and Hotel Dreams

DVD autoproduit

Neal Black commence sa carrière de chanteur-guitariste à New York en 1993. Après un séjour de trois ans au Mexique et de nombreux voyages, il adopte définitivement la France en 2004. Dans la dizaine de disques à son actif, on constate qu’il fait souvent appel à des cuivres. Il publie aujourd’hui « Highway Kings and Hotel Dreams », son premier DVD. C’est au Blues Rock Festival de Châteaurenard en 2019, à proximité d’Avignon, que fût enregistré la partie live de ce concert, alors que Neal Black assurait la première partie de Paul Personne. Pour cette prestation, pas de cuivres, mais Abder Benachour à la basse, Natan Goessens à la batterie et l’on admire surtout la virtuosité de Mike Lattrell à la mandoline et aux claviers. Notons aussi Randy H à la guitare acoustique sur cinq titres. Neal Black est un excellent guitariste avec une voix grave et éraillée. Pour les 13 titres du concert, il nous offre 6 compositions originales. Pour les reprises, il a choisit des grands noms du Blues : Robert Johnson, Willie Dixon, Elmore James. Par contre, le morceau Who Do You Love de Bo Diddley apparaît long, notamment le solo de basse… Ce détail oublié, ce DVD reste un beau cadeau de Neal Black dans cette période où l‘on ne sait pas quand les concerts seront à nouveau possibles. Pour compléter ce DVD, il y a 4 bonus des prestations passées de Neal ; deux sont de lui  : I Don’t Get The Blues enregistré au Rozier Castle de Feurs et Plastic Jesus où il est en solo dans le Cybèle Garden de Vienne. Pour les deux autres titres, il accompagne Sophie Malbec dans la salle du Fil à Saint Etienne et Jimmy Dawkins au Puisto Blues Festival à Helsinki en 1990. En conclusion, un excellent DVD qui nous replonge dans l’univers des concerts, avec un public bien fourni, tout ce qui nous manque tant actuellement. – Robert Moutet