Jazz Me Blue : MNOP 2022

Crystal Thomas et son band, Lamoura, Boulazac, MNOP, 16 juillet 2022. Photo © Marcel Bénédit

Mémoire d’organisateur, canicule et points de suspension.

Atur. 28 juillet 2022. Nuages épars et soleil tombant. Chaleur, mais pas trop, une accalmie de canicule… Sur scène, le morceau de Tuba Skinny égrené par les Crawfish Wallet à la dolance météorologique. La voix d’Amandine se fait tout aussi paresseuse que celle d’Erika Lewis. La chanteuse des Tuba Skinny était sur la même scène quelques années auparavant. Pas besoin de pousser les argumentaires à leur paroxysme pour trouver là une évidence de lien, un prolongement de fraternité musicale…

Amandine, des Crawfisf Wallet, Mensignac, MNOP Tour, juillet 2022. Photo © Stéphane Colin

Tout au long du MNOP Tour 2022, on se sera ainsi senti en paix avec soi même, loin des artifices et des succédanés. Les effets de style sont oubliés, l’évidence musicale du Crossover dépassant posture et factice : « les oreilles sont mes racines ». Une citation retrouvée par l’harmoniciste Vincent Bucher qui colle à ce Tour de juillet. Craig Klein, l’un des plus grands trombonistes néo-orléanais, pourra dès lors passer partout. De la fanfare funk de Brass Under Inffluence au blues profond de Crystal Thomas, du quintet de jazz moderne de Iep Arruti au trio de clarinettes amené par Guillaume Nouaux, du Zydeco des Flyin Saucers au bouquet final avec le trompettiste James Andrews… Une palette d’oreilles larges, puissantes, jamais rassasiées…

Craig Klein (trombone) et Guillaume Nouaux (batterie), Savignac Ledrier, MNOP Tour, juillet 2022. Photo © Stéphane Colin

Du coup, on se prend à évoquer les Tiger Rose de début juillet : duo rare où le chant de l’un prolonge la phrase de l’autre. Il y a là comme un leitmotiv de raucité partagée. Les Doo The Doo, Benoit Blue Boy et Fabio Izquierdo apporteront leur obole sur les chemins de Queyssac, Valojoulx ou Bourrou…

Les Harlem Gospel Travelers nous auront attrapé un soir de musée périgourdin. Le public ressortira de la rencontre avec le trio vocal gentiment extatique ou carrément hagard. Une tornade de canicule pour souffler le street corner gospel sur la ville endormie…

The Sey Sisters, MNOP, Lamoura, Boulazac, 16 juillet 2022. Photo © Marcel Bénédit

Des racines comme s’il en pleuvait. Du Ghana à la Catalogne, les Sey Sisters font un détour par le grand gospel de Kirk Franklin… Des sœurs comme les doigts d’une main… Des musiciens qui arrivent de Londres in extremis en bus pour accompagner la Néo-Orléanaise Acantha Lang… Une étoile qui naît sur la scène de Lamoura… Acantha Light…

Acantha Lang, MNOP, Lamoura, Boulazac, 16 juillet 2022. Photo © Marcel Bénédit

La confrontation avec les souvenirs se fait au gré de flèches créatrices. On tangue sur le fil du rasoir pour mieux frôler la chute. Un équilibre instable comme on aime. Un confort festivalier précaire tout aussi brinquebalant qu’un requiem joué sur piano désaccordé dans le fond d’un château périgourdin… À Escoire, justement, le jazz vocal peut se mêler à l’harmonica blues et au tap dance. Kevin Doublé est là, tout aussi présent que lors de cette première rencontre sur un balcon néo-orléanais de Royal Street.

Une boucle qui se boucle pour mieux se rattacher aux prémices des instants déclenchants, au flux des parcours de vie. Égrener l’histoire, y souffler dessus pour en effacer la poussière. L’ancien se raccorde au présent. Balayé de ses pesanteurs, il s’agrippe à ce lien ténu qui lui permet de tenir le cap pour mieux s’y référer…

Crystal Thomas et Mr Tchang, MNOP, Lamoura, Boulazac, 16 juillet 2022. Photo © Marcel Bénédit

On repense à celle qui nous a accompagnés pendant une huitaine. Début en fanfare et clôture en cuivres à Lamoura. Tout était déjà là pour l’habitante de Shevreport. Crystal Thomas ou l’histoire d’un talent naturel et habité. Une voix qui jamais ne force tout en allant au plus profond. Il y avait longtemps qu’on n’ avait eu pareille impression. À l’heure des vocaux forcés, faussement éraillés, des faux clones d’Etta James et consorts, retrouver une telle force première immédiate et évidente fait du bien. La batterie de Pascal Delmas, la basse d’Antoine Escalier, la guitare de Mr Tchang, le clavier de Victor Puertas et la section de cuivres superlative (Iep Arruti, Craig Klein, Sylvain Terjizo) ont soutenu la jeune chanteuse avec une verve jamais démentie.


Par Stéphane Colin
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