Chroniques #71

• L’actualité des disques, DVD et livres traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

Dedicated Men of Zion

Can’t Turn Me Around

Bible and Tire CD 007

Voici un nouveau groupe de gospel. Ces (plus ou moins) jeunes gens sont originaires de Caroline du Nord ou ils ont vécu ensemble dans des familles proches pratiquant le chant et les harmonies travaillées sous la direction de leurs parents. Ils furent remarqués par les gens de la Music Maker Relief Foundation qui les introduisirent auprès de Bruce Watson – le patron du label Fat Possum – qui leur fit graver ce disque sur son label consacré au gospel, Bible an Tire. Leur musique est un mix de morceaux traditionnels revisités avec des improvisations, l’important pour eux étant la richesse des harmonies. Le leader du groupe est Anthony Daniels, mais on ne peut dire qui est le leader dans chaque titre tant l’ensemble est soudé. L’orgue est souvent en avant et on peut penser en les écoutant au Rance Allen Group sans les acrobaties vocales. Du gospel à écouter et à réécouter, car à chaque écoute on découvre quelque chose de nouveau et, pour paraphraser Sam Cooke, That ‘s Good News ! – Marin Poumérol


Gerald McClendon

Can’t Nobody stop Me Now

Delta Roots Records DR – 1003 – www.deltaroots.com

Alors qu’on croit souvent que la partie touche à sa fin…, que l’on est quasiment sûr de n’oublier personne quand on pense Soul et Blues de Chicago…, notre ami Twist Turner a quant à lui toujours une carte dans la manche pour nous surprendre ! Qui s’attendait à ce que Gerald McClendon – artiste de la scène rhythm’n’blues de la Windy City – enregistre un si bel album aujourd’hui ? Les douze titres originaux écrits par Twist Turner pour l’occasion conviennent à merveille à la voix haute en couleur du “Soul Keeper”. Et comme à son habitude, Twist sait entourer les artistes qu’il produit et avec lesquels il joue, des meilleurs musiciens ; on retrouve ici trois clavieristes de rêve : Roosevelt Purifoy, Sumito Aryioshi et Brian James, Art Love à la basse, les guitaristes Herb Walker, Joe Burba et Mark Wydra, les saxophonistes Skinny Williams et John “Boom” Brumbach et, bien sûr, Twist himself à la batterie. Ce groupe est l’écrin parfait pour cette voix légèrement éraillée et très expressive. Les textes relatent le quotidien de Gerald, les amours, les pertes ; le morceau titre annonce d’emblée la couleur : laisser le passé et les moments difficile derrière soi pour prendre le contrôle de son destin et donner libre cours à son rêve… Cet album est fait de titres blues et soul de très belle facture. À noter entre autres la superbe ballade She Don’t Love Me Anymore, Runnin’ Wild sur lequel plane l’ombre du mentor Z.Z . Hill, It’s Over Now qui nous fait penser à Bobby “Blue” Bland. La sincérité et la vulnérabilité de McClendon sont mises à nu dans le splendide You Can’t Take My Love ou encore dans Why can’t We Be Together. Ce disque est excellent de bout en bout. – Marcel Bénédit


Andrew Alli

Hard Workin’ Man

EllerSoul Records ER 20201 – www.ellersoulrecords.com

Andrew Alli a travaillé dur pour ce disque ! Pourtant, sa musique semble couler de source. Il est surprenant de découvrir chez un jeune musicien cette approche « classique » du Blues captée comme il se doit au Bigtone Studio de Bristol, Virginia, désormais fameux pour être équipé en matériel d’enregistrement vintage et dans lequel la perspective de voir arriver 1960 est à prendre avec la plus grande méfiance. Le geste barrière déjà. Le trio d’harmonicistes dont Andrew Alli reprend des thèmes ici suffit à donner le ton du disque : George Smith, Walter Horton, Little Walter : West Coast blues, Memphis blues, Chicago blues. Trois influences majeures auxquelles il ajoute sa note personnelle au long de neuf titres originaux. Un seul blues lent – 30 Long Years – introduit par la guitare de Jon Atkinson (également bassiste à l’occasion), et plein de shuffles bondissants ou torrides, instrumentaux ou chantés. Le groupe se construit autour Carl Sonny Leyland (piano), Danny Michel (guitare), et des batteurs Devin Neel et Buddy Honeycutt. Dans Going Down South, sur un rythme de rumba, Andrew Alli chante à travers son harmonica. – Dominique Lagarde


John Primer & Bob Corritore

The Gypsy Woman Told Me

Vizztone Label Group – SWMAF 14 – www.vizztone.com

Après les albums « Knockin’ Around These Blues » et « Ain’t Nothing You Can Do ! », les deux amis se retrouvent pour une nouvelle session baptisée « The Gypsy Woman Told Me ». Une fois encore, pour notre plus grande satisfaction, nous avons droit à une magistrale démonstration de pur blues. À leurs côtés, nous retrouvons au fil des compositions une équipe de premier ordre, à savoir Billy Flynn, Jimi “Primetime” Smith, Kid Andersen, Bob Welsh, Ben Levin, Kedar Roy, Troy Sandow, Mike Hightower, June Core et Brian Fahey. Cette noble et efficace assemblée revisite avec talent et bonheur le répertoire de Muddy Waters sur le titre The Gypsy Woman Told Me, celui de Jimmy Rogers pour l’indémodable Left Me With A Broken Heart, ou encore le morceau de l’illustre Sonny Boy Williamson (Rice Miller), le somptueux Just My Imagination, sans oublier la très bonne reprise du titre composé par le Texan Lil’ Son Jackson intitulé Gambling Blues. La complicité entre John Primer et Bob Corritore est totale à l’écoute des douze compositions proposées. Nous avons à faire – à l’image de leurs deux dernières productions – à des musiciens maîtrisant totalement leur art. Tous les amateurs du douze mesures labellisé Chicago trouveront ici sans peine leur bonheur grâce à cet enregistrement de haute volée. Il nous tarde de retrouver sur scène – une fois les affres du Covid-19 révolues – ces deux artistes indispensables de la scène blues actuelle. – Jean-Luc Vabres


Kaz Hawkins

Memories Of

Autoproduction

Le nom de Kaz Hawkins ne m’était pas inconnu, mais j’avoue découvrir sa voix avec ce CD autoproduit. Et c’est une belle surprise ! Cette Irlandaise née à Belfast en 1973 a connu beaucoup de souffrances tout au long de son existence. Victime d’abus sexuels de la part de son oncle dans sa petite enfance ainsi que de violences paternelles, elle connait ensuite divers épisodes de dépression, de tentatives de suicide, de consommation abusive d’alcool et de drogue… Elle a même failli mourir suite à une agression, gorge tranchée ! La musique sera sa thérapie pour trouver la force de vivre et de combattre. La reconnaissance viendra en 2017 où elle fait sensation à l’International Blues Challenge de Memphis. L’histoire de ce disque – « Memories Of » – commence en 2019 quand le festival Cognac Blues Passions lui laisse carte blanche pour créer un spectacle. Sans aucune hésitation, Kaz décide de rendre hommage à son idole, Etta James, qu’elle à découverte dès ses douze ans en écoutant une cassette offerte par sa grand-mère dans laquelle Etta interprétait St Louis Blues. Une tournée européenne devait suivre, mais elle fut fortement écourtée par la crise COVID 19. Cette galette est le fruit d’enregistrements réalisés pendant les répétitions de cette tournée et avec un big band totalement en phase avec la voix sublime, puissante et profonde de Kaz. La chanteuse s’approprie généreusement et avec le plus profond respect, les grands standards du Blues et de la Soul que sont Something’s Got a Hold on Me, Spoonful, Security, St Louis Blues, I Just Wanna Make Love to You… Et que dire de la version de Blind Girl ? Une pure merveille d’émotion, de puissance et de justesse, l’une des plus belles versions qu’il m’ait été donné d’écouter. Ce disque vous donnera à coup sûr l’envie de découvrir Kaz Hawkins sur scène dès que le spectacle vivant sera de nouveau autorisé. Un très beau et vibrant hommage à Etta James. – Hubert Debas


Anthony Geraci
With Dennis Brennan

Daydreams In Blue

Shining Stone Records SSCD006

Les nouveaux disques de pianistes de blues n’encombrent plus les bacs des rares disquaires toujours sur le pied de guerre. L’impérialisme de la guitare a eu un effet délétère sur le rôle majeur du piano dans le blues. Alors, quand apparaît un disque où le piano est roi, j’ai – je l’avoue – un préjugé favorable. Le pianiste bostonien Anthony Geraci est un pilier des célèbres orchestres : Ronnie Earl & the Broadcasters et Sugar Ray & the Blue-Tones. La liste des artistes qu’il a accompagnés est impressionnante : Big Walter Horton, Carey Bell, Odetta, Hubert Sumlin, Big Jack Johnson, Zora Young, Charlie Musselwhite, Kenny Neal, Lazy Lester, John Brim, Snooky Pryor, Muddy Waters, Otis Rush, B.B. King, Big Joe Turner et Monster Mike Welch… Ce dernier a été convié avec sa guitare aux séances d’enregistrement ; ses dialogues avec le piano du leader sont d’un goût irréprochable. Les autres musiciens de ce disque sont le chanteur et harmoniciste Dennis Brennan (Geraci ne chante que sur le rock & roll Tooty Frutti Booty, hommage à Little Richard enregistré avant la mort du géant), Michael Mudcat Ward à la basse acoustique, le batteur Jeff Armstrong, le trompettiste et arrangeur Scott Arruda, le saxophoniste Mark Early. Anthony Geraci a composé No One Hears My Prayers en pensant au guitariste Walter Trout qui lui a rendu la politesse en acceptant d’interpréter lui-même la partie de guitare de cette chanson avec un solo tendu. Anthony Geraci est un musicien qui aime à rêvasser en se baladant chez Muddy Waters, John Coltrane, Dvorak, Hank Williams, Fats Domino… D’où en découle un éclectisme de bon aloi dans les compositions personnelles et l’unique reprise sélectionnée pour cet enregistrement. Love Changes Everything – qui ouvre le CD – est un rhythm & blues trépidant avec d’excellents cuivres. Tomorrow May Never Come n’aurait pas déparé le répertoire swamp-pop de Bobby Charles. Le rythme de rumba de Daydreams Of a Broken Foolesty est bien agréable à l’oreille. L’harmonica de Dennis Brennan et le piano barrelhouse de Geraci sont remarquables sur le downhome Chicago blues Mister. L’interprétation du classique Jelly Belly – composition d’Earl Hines et Bille Eckstine datant de 1941 – est beaucoup moins lisse que l’original, la contribution de Monster Mike Welch est impeccable. Hard To Say I Love You rappelle le meilleur Mose Allison. Enfin Crazy Blues/Mississippi Woman, avec un piano proche d’Otis Spann et un bref solo de slide de Monster Mike Welch, donnera quelques frissons aux nostalgiques. Voilà un disque sans prétention, rafraîchissant et reposant où le remarquable jeu de piano d’Anthony Geraci, subtil souvent, percutant quand nécessaire, est bien mis en valeur, en cette époque où les guitaristes bruyants et bavards polluent nos oreilles. – Gilbert Guyonnet


Don Bryant

You Make Me Feel

Fat Possum

Don Bryant est resté dans l’ombre des studios Hi de Memphis de nombreuses années. Après quelques 45 tours et un album solo en 1969 – « Precious Soul » – il change de casquette et – sous la houlette de Willie Mitchell – il compose pour des artistes comme Solomon Burke, Albert King, Etta James, O.V. Wright, Otis Clay, ainsi que pour son épouse Ann Peebles pour laquelle il cosigne en 1973 le tube planétaire I Can’t Stand The Rain. Il fit un retour plus que réussi en 2017 sur le label Fat Possum avec le magnifique album « Don’t Give Up On Love ». Depuis notre rencontre à Lucerne en 2018, quelques mois après cet enregistrement (lire l’article de JL Vabres dans ABS Mag #59 – cf “archives”), ce vétéran de la soul de Memphis poursuit avec Fat Possum pour ce nouvel album. Toujours sous la houlette du bassiste et producteur Scott Bomar (Electraphonic Recordings), on retrouve la même équipe de musiciens (les Bo-Keys, la Hi Rhythm Section, et les chœurs des Barnes Brothers) qui avait rendu le premier opus incontournable ; des membres de St Paul & The Broken Bones et The Flat Five les ont ici rejoints avec bonheur. Don Bryant est l’un des derniers représentants de la grande soul sudiste et le nombre des années n’a rien altéré de son envie d’être sur scène, de sa générosité envers le public, ni de la passion qu’il a pour cette musique. Un concert de Don Bryant est une véritable expérience, car il sait transmettre chaque titre au public comme s’il l’avait vécu lui-même. Il est ici l’auteur de la quasi totalité des titres (anciens et récents) de « You Make Me Feel », tous superbes, mais parmi lesquels on retiendra Your Love Is To Blame, véritable déclaration d’amour à son épouse Ann Peebles après plus de cinquante ans de mariage. Outre la qualité des compositions, la voix de Don est également remarquable de justesse, comme sur Is It Over. L’ère « mitchellienne » a son lot de « reviens-y » appropriés avec Don’t Turn You Back On Me et I’ll Go Crazy. Chez Don Bryant, tout commence historiquement et tout finit comme dans ce disque par le Gospel avec un titre dans lequel l’association des voix de Don, des frères Barnes, et l’orgue de Charles Hodges donnent littéralement le frisson. – Marcel Bénédit


Rick Berthod

Peripheral Visions

RB Music – www.rickberthold.com

Mine de rien, Berthod – guitariste et chanteur – signe ici son huitième album qui démarre sous le signe de la Motown avec un instrumental, Seeing Sideways ; il est suivi de Love Hungry, une face modérément enlevée mais très dansante. Il y a ensuite quelques slow blues qui retiennent l’attention comme Fly On et surtout un beau Memories emprunté à Luther Allison. À noter aussi de belles parties de guitare dans High Dollar Girl et Hard On My Heart. Une mention enfin au final, Broken Middle Finger, un morceau jazzy avec des solos de batterie (Justin Truitt) et d’orgue (Billy Pruitt). – Robert Sacré


JW Jones

Sonic Departures

Solid Blues Records SBR005 – www.jw-jones.com

Combien de Mr. (& Mrs.) Jones dans la pop-music ? Au répertoire, l’entrée est surchargée. Alors il faut se faire un prénom, ce que JW-Jones réussit dans cet album de neuf titres, plein de feeling et d’enthousiasme. En plus de ses propres compositions JW-Jones semble prendre un malin plaisir à reprendre des titres écrits par des gens dont le nom de famille est… Jones : Eddie “Guitar Slim” Jones, et son The Things That I Used to Do ; Booker T. Jones pour Drowning on Dry Land. On en serait presque à ne plus savoir qui fait quoi. Il y a heureusement une reprise érudite et pleine de verve de Buddy et Ella… Johnson (It’s Obdacious), pour rompre un peu la litanie des Jones. Pour cet album, le chanteur-guitariste canadien s’est offert un orchestre de dix-sept musiciens, dont une copieuse section de cuivres de treize éléments. Certaines parties de l’album ont été enregistrées pré-confinement, d’autres post. Blue Jean Jacket et la reprise du Snatchin’ it Back de Clarence Carter sont introduits par des samples. La majorité des titres est sur tempo rapide. L’ensemble se referme sur une bonne adaptation de When It All Comes Down de B.B. King années 70. – Dominique Lagarde


Super Chikan & Terry Harmonica Bean

From Hill Country Blues to Mississippi Delta Blues

Wolf Records CD 120.940 – www.wolfrecords.com

Régulièrement, Hannes et Nicola Foltenbauer prennent leurs bâtons de pèlerins, en l’occurrence du matériel d’enregistrement, à la redécouverte de musiciens délaissés : destination Chicago ou le Mississippi. En Juillet 2018, ils atterrissent une nouvelle fois dans le Delta, ce vivier de Blues traditionnel. Les deux élus sont James “Superchikan” Johnson – neveu de Big Jack Johnson –, et Terry “Harmonica” Bean qui avait déjà été enregistré par Wolf Records (« Catfish Blues » – Wolf CD 120.937). Comme souvent avec ce label autrichien, nous avons à faire à des enregistrements de terrain, sans production. Nous sommes sous la véranda ou dans la salle de séjour du musicien : Clarksdale pour Superchikan et Pontotoc (ville au nord-est du Mississippi, en dehors du Delta) pour Terry Harmonica Bean. L’intimité de telles séances est de rigueur. La passion pour les guitares a été telle, chez Superchikan, qu’il décida d’en fabriquer lui-même, dès l’adolescence. Tous les modèles qu’il produit sont des œuvres d’art uniques. L’ex-président Clinton, les musiciens Paul Simon et Billy Gibbons (ZZ Top) en ont acquis un exemplaire. Superchikan est un excellent guitariste et un très bon chanteur, au ton bien personnel. En outre, il compose des chansons qui tiennent la route. Sur ce CD, il est seul. Mais il peut se produire avec ses Fighting Cocks avec lesquels sa musique est résolument plus moderne. Avec ses guitares « faites main » jouées essentiellement au bottleneck, Superchikan délivre un down-home blues chaleureux, composé par ses soins, avec des hommages appuyés à Muddy Waters et Elmore James (Down In The Mississippi Delta) et Jimmy Reed (Tribute To Jimmy Reed) ; Wavy Thoughts emprunte sa mélodie à Working In The Coal Mine de Lee Dorsey. Terry Harmonica Bean joue aussi bien accompagné d’un orchestre que seul avec sa guitare et son harmonica dans un râtelier. Ses premières influences sont RL Burnside, Junior Kimbrough et le Hill Country Blues, d’où le titre de ce disque. Il a développé une excellente musique lancinante sur des thèmes répétitifs, dans la plus pure tradition du blues du Delta où l’émotion affleure. Cette modeste nouvelle production autrichienne, sans autre prétention que le plaisir de l’oreille, va heureusement à l’encontre de l’industrie de la vacuité et de ses interprètes interchangeables. – Gilbert Guyonnet


Various Artists

Amazing Grace

Music Maker Relief Foundation – www.musicmaker.org

L’active compagnie de Tim Duffy nous propose de découvrir différentes versions du classique du répertoire sacré Amazing Grace. Que ceux qui craignent une certaine lassitude à l’écoute des douze interprétations de l’incontournable standard se rassurent : la réussite est totale ; tous les artistes délivrent à chaque fois un bouleversant supplément d’âme qui donne la chair de poule. Les musiciens conviés sont dans l’ordre : Guitar Gabriel, Carl Rutherfor, Cora Fluker, Elder James & Mother Pauline Goins, Abe Reid & Jake Hollifield, Guitar Slim, Jeffrey Scott, Guitar Gabriel & Lucille Lindsay, Lileoun Baptist Church Singers, Starlight Gospel Singers, Walker Calhoun Family Singers et Wilbur Tharpe. L’album débute avec une version extraordinaire du regretté Guitar Gabriel et se conclue trente minutes plus tard sans temps mort ou monotonie par celle du pianiste Wilbur Tharpe qui nous propose une puissante et fulgurante version, l’ensemble au final procurant une envie irrépressible de retrouver au plus tôt l’atmosphère unique de ces diverses congrégations pour des offices dominicaux hors du commun. Music Maker est plus qu’un simple label, la fondation aide depuis des années de nombreux artistes à avoir a minima une vie décente et un toit. Sur la page web, une souscription est en ce moment relancée car les ravages du Covid-19 se font malheureusement sentir, les artistes privés d’engagements ou atteints par le virus ont toutes les peines pour s’en sortir financièrement. Votre aide est précieuse, merci à tous. – Jean-Luc Vabres


Al Basile

Last Hand

Sweetspot Records 9927

Al Basile est un poète, écrivain, très connu aussi comme compositeur, chanteur et joueur de cornet. C’est d’ailleurs comme musicien avec cet instrument qu’il a été huit fois nommé aux Blues Music Award. Tous ses albums ont été, jusqu’à présent, produits par Duke Robillard qui est son ami de longue date. Ce nouveau disque a été enregistré et aux Lakewest Studios, dans le minuscule État de Rhode Island, et auto produit. Pour simplifier, il a choisi pour l’accompagner un simple trio. Bruce Bears est au piano et à l’orgue, Brad Hallen à la basse et Mark Teixeira à la batterie. Al Basile est bien sûr le chanteur et le compositeur des douze morceaux du disque qui vont du blues au jazz. Mais il ne joue du cornet que sur deux morceaux : Don’t et Time Heals Nothing. L’accent est mis sur les chansons et la voix. Et comme Al a une grande maîtrise de l’écriture et de la musique, il a décidé que les chansons de ce disque raconteraient véritablement une histoire. C’est l’aventure d’un homme âgé qui rencontre une femme beaucoup plus jeune et, après divers épisodes, leur relation se termine d’une manière surprenante… Et Al veut mettre en scène cette histoire dans une version dramatique ; les chansons de « Last Hand » devenant la musique de la pièce. Le travail avec des acteurs a déjà commencé et le spectacle pourrait s’appeler « Last Hand : the Musical ». À découvrir donc, mais pas avant l’année prochaine. Pour patienter, écoutons ce disque qui devriendra, probablement, la bande originale d’une comédie musicale. – Robert Moutet


Kenny ‘Blues Boss’ Wayne

Go, Just Do It

Stony Plain SP CD 1413

Nous connaissons bien depuis pas mal d’années cet excellent et sympathique musicien qui a souvent tourné en France et animé de nombreux festivals et c’est toujours avec plaisir qu’on reçoit un nouveau disque de lui. Cet émule d’Amos Milburn ne s’enferme pas dans une formule répétitive et sait donner de la vie et des accents modernes à son boogie. Toujours très bien entouré : Russell Jackson (ex B.B. KING) à la basse, Yuji Ihara à la guitare, Joey Di Marco aux drums plus harmonica, sax ténor et baryton et trompette sur quelques titres, et avec un répertoire varié (sur treize titres, on trouve dix compositions), deux Percy Mayfield et un J.J. Cale). Kenny a invité la jolie Dawn Tyler Watson sur deux titres, mais on l’entend assez peu, ce qui est dommage ! Dianne Schuur sur un titre et Julie Masi sur un autre. Mais tout cela est anecdotique, c’est bien le piano du maître qui conduit le bal de façon magistrale ; la voix est également bien en place et de plus en plus interéssante, solide et mature. Encore un superbe disque du Boss ! – Marin Poumérol


Tyler Morris

Living In The Shadows

Vizztone VTTM-02 – www.vizztone.com

À 21 ans, Morris est une star montante en passe de devenir un des tous grands du Blues Rock. À l’écoute de ce disque, on le croit sans peine, c’est son deuxième album pour Vizztone et le quatrième au total, ce qui représente un réel exploit à son âge ! Sa virtuosité à la guitare est stupéfiante, c’est de la pyrotechnie à l’état pur comme dans Movin’ On ou Better Than You (un beau blues en medium en duo avec Amanda Fish) et quasiment partout ailleurs. Il a aussi eu la bonne idée de choisir des invités haut de gamme qui assurent une haute valeur ajoutée aux morceaux sur lesquels ils interviennent, c’est le cas d’Amanda Fish mais aussi de Mike Zito et de Joe Louis Walker très actifs sur Polka Salad Annie, le classique de Tony Joe White, un réel challenge pour donner une nouvelle vigueur à ce morceau très « White » ! Et c’est réussi. Il y a aussi Ronnie Earl qui intervient dans Young Man’s Blues, une allusion même pas voilée au leader du band. Une mention aussi à Why Is Love So Blue, un beau blues lent où Morris brille tant au chant qu’à la guitare. – Robert Sacré


CD Woodbury

World’s Gone Crazy

Autoproduit

CD Woodbury a une excellente réputation de guitariste et de chanteur. En 2009, il a fondé son groupe basé à Seattle, dans l’état de Washington. En 2013, le groupe enregistre en studio « Monday Night », leur premier CD. Plusieurs récompenses sont alors attribuées à ce quartet, dont une participation à l’International Blues Challenge de Memphis. En 2018, le groupe est en sommeil suite à des problèmes de santé de Woodbury et à une chirurgie de sa main. Début 2020, cette mauvaise passe est terminée et le groupe se retrouve à Seattle dans les Robert Lang Studios. Accompagné de Patrick McDanel à la basse, Don Montana à la batterie et de Mike Marinig aux claviers et au saxophone, CD Woodbury enregistre un magnifique album. Alors que le mixage et l’impression de l’album sont en cours, le groupe se produit en concert le 14 mars. Et le sort s’acharne sur eux car ils seront tous les quatre infectés par le Covid 19. Heureusement, chaque membre se rétablit et « World’s Gone Crasy » sortira avec un peu de retard. L’enregistrement comprend treize titres, cinq sont des compositions de Woodbury, trois ont été écrites par les autres membres du groupe et il y a cinq reprises. Excellent auteur compositeur et très habile guitariste, Woodbury laisse beaucoup de place aux autres musiciens pour qu’ils expriment leur talent dans de longs solos. Et chacun peut aussi se mettre en valeur par le chant et surtout dans des choeurs à quatre voix. Avec des petits détours dans la soul et le rock’n’roll, le disque se classe sans problème dans le registre du blues, ce qui est bien confirmé par le choix des reprises. Il y a en premier, le classique Wang Dang Doodle de Willie Dixon avec le batteur Don Montana au chant. Last Go Round de Tad Robinson est, ensuite, chanté par Woodbury. Adeline a pour auteur Kevin Andrew Sutton, un bluesman de la région de Woodbury. Il est suivit par les 7 minutes du célèbre Hey Joe avec un magnifique solo de saxophone. Enfin, l’album se termine par Preacher And The President, chanson titre de l’album de Joe Louis Walker écrite en 1998, pendant la présidence de Bill Clinton. Les compositions originales et les excellentes reprises de cet album devraientt contribuer à ouvrir à Woodbury et à son groupe toutes les scènes et tous les festivals. – Robert Moutet


The Lucky Losers

Godless Land

Vizztone Label Group VT-LL-01 – www.vizztone.com

Cathy Lemons (chant) et Phil Berkowitz (chant, harmonica) continuent leur parcours de perdants… plutôt chanceux encore avec ce nouveau disque ! Kid Andersen a fait les arrangements vocaux, produit et enregistré l’album aux studios Greaseland, avec une équipe de musiciens top niveau à l’image du batteur Derrick “D’Mar” Martin. Neuf des douze pistes – au rang desquelles le formidable morceau titre Godless Land, très « Mississippi » – sont des compositions de Lemons et/ou Berkowitz. Chaque morceau est un modèle d’originalité et la qualité des voix comme des musiciens – parfois soutenus par des cuivres – est remarquable de bout en bout, y compris sur les reprises comme ce sublime Be You de Doc Pomus / McRebennack interprété avec respect et amour, c’est évident. J’ai énormément aimé ce disque, pourtant totalement impossible à classer dans un genre particulier, et c’est peut-être là le plus grand talent de ces artistes très singuliers. – Marcel Bénédit


Micke & Lefty feat. Chef

Let The Fire Lead

Hokahey ! Records HHR2001

Une musique créée en Europe septentrionale nous apporte un peu d’air frais avec « Let The Fire Lead » d’un trio finlandais formé de Micke Bjorklof (chant, percussions, harmonica et guitare), Lefty Leppänen (chant et guitares) et Chef (chant et basse), qui en est le responsable. Les neuf compositions originales de Leppänen et les trois reprises sont traitées en mode acoustique. Les musiciens ont puisé leur inspiration dans le blues authentique bien sûr, mais aussi la country, le bluegrass, la soul, le gospel, le zydeco, l’hawaïen et le rock. Contrairement à de nombreux artistes européens, pas d’imitation vaine ici. La créativité de ces musiciens est remarquable. Les arrangements sont variés et originaux, par exemple Big Bill Blues de Big Bill Broonzy sonne hawaïen. Le travail sur la musicalité et les sonorités des diverses guitares utilisées est inventif et passionnant. Enfin les riches harmonies vocales élaborées par ces trois hommes aussi bons chanteurs que bons instrumentistes font merveille. La musique de ce remarquable CD n’est pas vraiment ce que l’on attend du downhome blues, mais que cela ne vous rebute pas : si vous savez ouvrir grand vos oreilles, vous vous régalerez de bout en bout. – Gilbert Guyonnet


Nirek Mokar

Be My Guest

Facebook : Nirek Mokar

Ce jeune chanteur et pianiste de boogie-woogie d’à peine 18 ans – tombé dans la potion magique grâce à son père – crée depuis deux ans déjà la sensation dans les festivals où il se produit. Certains journaux – toujours prompts à donner de la diva en veux-tu en voilà – l’ont surnommé « le petit Mozart du boogie-woogie », ce qui doit éveiller notre méfiance… Fort heureusement, cet album vient à point pour lever tous les doutes. Entouré de ses Boogie Messengers (Thibaut Chopin, Simon Boyer, Stan Noubard-Pacha et Claude Braud) et d’une foule d’invité(e)s, choristes et cuivres, Hirek Mokar fait couler un bain de jouvence sur le genre tout en déployant une belle maîtrise. Reprises de Count Basie, Duke Ellington, Sammy Price aussi bien que d’Edgar Blanchard, Willie Egan, Fats Domino, rien de ce qui court sur les touches du clavier ne lui échappe. S’il chante encore peu (Be My Guest, Sloppy Drunk), il laisse la part belle à ses… guests pour le faire (Eddie Gazel, Manon Blériot, dans le rock final If I Could Have You). Pour la référence encore, une version instrumentale décomplexée de How Long Blues de Leroy Carr. Pour la création, cinq boogies on the rocks. – Dominique Lagarde


Al Gold

Paradise

Gold’s Songs GS 1001

Al Gold est chanteur, guitariste (électrique et slide) et mandoliniste. Il est à la tête d’un band talentueux et ils opèrent à partir du New Jersey. Il y a des guests comme l’harmoniciste Johnny Sansone venu de sa lointaine Louisiane pour booster des faces comme Paradise (Downhome) et Boogie In The Dark. Une mention à l’excellent Got A Mind bien enlevé et à Won’t Sleep Tonight, un beau slow blues. À découvrir. – Robert Sacré


Ana Popovic

Live for Live

2020 ArtisteXclusive Records

Chanteuse et guitariste serbe, Ana Popovic fête cette année ses vingt ans de carrière. Et son bilan est impressionnant, avec une douzaine d’albums et des milliers de concerts sur les cinq continents. Pour justifier ces multiples tournées, elle affirme que c’est sur scène qu’elle a les meilleures sensations et qu’elle ne fait qu’un avec sa guitare. Pour nous le prouver, elle nous propose l’ enregistrement d’un de ses concerts et le titre du disque est sans équivoque : « Live for Live ». C’est en France, au Festival de Guitares d’Issoudun, que le spectacle a eu lieu, le 2 novembre 2019. Pour toutes ses prestations sur scène, elle a toujours exigé d’avoir d’excellents musiciens. Elle déclare souvent que, pendant un concert, elle tire son inspiration de la façon dont joue son groupe. Pour ce concert, elle est donc sur scène avec Michele Papadia aux claviers, Claudio Giovagnoli au saxophone, Davide Ghidoni à la trompette, Buthel à la basse et aux choeurs et Jerry Kelley à la batterie et aux choeurs. Le disque comporte 15 titres et, dès les premières notes du concert qui dure 76 minutes, on est embarqué dans un blues explosif où se succèdent des solos de guitare, de claviers et de cuivres, le tout soutenu par une puissante rythmique basse/batterie. Voici donc un disque qui devrait ravir les amateurs de blues moderne. Et comme le concert a été filmé par Cap 7 Média, ils pourront aussi se procurer le DVD. – Robert Moutet


Various Artists

Lockdown Sessions

Crosscut Records CCD 1112 (2 CDs) – www.crosscutrecords.de

La pandémie de ce printemps a privé les musiciens de leurs activités essentielles : les scènes de concert sont restées vides et les studios d’enregistrement fermés. Pour éviter le naufrage, les artistes ont alors utilisé les moyens du bord pour pratiquer leur art et être diffusés sur les réseaux sociaux. L’harmoniciste anglais installé en Allemagne, Roger C. Wade, et le guitariste de B.B. and the Blues Shacks, Andreas Arlt, ont poussé l’idée plus loin pour rompre l’ennui artistique : si l’on organisait une grande séance d’enregistrement virtuelle pour s’amuser un peu ? Tel fut leur défi. De nombreux musiciens de la scène blues allemande ont très vite donné leur accord. Il serait trop long de les énumérer tous. Vous pouvez en découvrir les noms, les visages et les biographies dans l’excellent livret qui accompagne ce double CD. Ce projet intéressa d’autres artistes de renommée internationale : Larry Garner, Aki Kumar, Big Daddy Wilson, Fred Kaplan, Joe Filisko, Little Victor Mac, Nathan James, Nico Duportal et Victor Puertas. Tout ce petit monde confiné dans divers lieux de la planète avait une contrainte artistique : créer des compositions originales avec le sinistre coronavirus comme thème des paroles. Une petite entorse à cette obligation a été tolérée avec Death Letter de Son House et deux traditionnels réarrangés I Can Tell The World et Be Ready When He Comes. Un titre résume l’ensemble de cette production : Fuck You, Mr. Virus, composé et interprété par Michael Van Merwyk (chant/dobro) et Ferdinand Kraemer (mandoline). Tous les genres de musiques afro-américaines sont abordés : Rhythm & Blues cuivré, Boogie Woogie, Chicago Blues, Country Blues, Blues californien, Gospel et Soul (magnifique Come See About Me de Big Daddy Wilson). Cette séance virtuelle est donc très éclectique. Malgré quelques scories inévitables en raison des moyens d’enregistrement pas toujours très orthodoxes (certains musiciens ont travaillé avec un smartphone !), le résultat est fort agréable. J’imagine que va fleurir ce genre de production dans les semaines qui viennent, dans tous les types de musiques. Les Allemands de Crosscut Records ont le mérite d’être précurseurs. Saluons leur indéfectible soutien à une cause juste : assurer quelques revenus à des artistes en difficulté. Il est souhaitable que nous soyons nombreux à acheter ce double CD. Ces musiciens ont grand besoin de notre générosité. Faites une bonne action tout en écoutant une musique d’excellente facture. Tous les revenus de cette production iront dans les poches de tous les participants de ce projet. – Gilbert Guyonnet


Neal Black & The Healers

A Little Boom Boom Boom

Dixiefrog DFGCD 8812

Originaire du Texas, le guitariste et compositeur de blues-rock Neal Black a commencé sa carrière discographique à New York en 1993. En 2000, il retourne au Texas mais il a des démêlés avec le shérif de San Antonio. Il réside alors au Mexique pendant trois ans avant de s’installer définitivement dans le sud de la France en 2004. Voici donc son 12ème album enregistré entre la France, l’Allemagne et le Tennessee pour le label Dixiefrog, le seul label qu’il ait connu depuis son premier opus en 1993. Sur les 13 titres, il n’y a que deux reprises : Why Do People Act Like That de Bobby Charles et All For Business de Jimmy Dawkins, avec, en invité, Robben Ford à la guitare. Autre guitariste invité, Fred Chapellier qui joue sur deux morceaux. Mais c’est l’harmonica de Nico Wayne Toussaint qui se taille la part du lion sur six titres. En 2016, Neal Black s’était associé avec Larry Garner pour enregistrer l ‘album « Guilty Saints ». De cet album, il reprend aujourd’hui Saints Of New Orleans avec des nouveaux arrangements qui rendent ce morceau presque méconnaissable. Remarquable compositeur et excellent guitariste en électrique et en acoutique, Neal a aussi une voix grave, très puissante qu’il définit lui même de « smoky voice ». Cet artiste attachant nous offre un blues-rock bien classique avec, parfois, des petits accents latino comme dans Alabama Flamenco. Et c’est sur scène avec Mike Lattrell au piano et à l’orgue, Aboer Benachour à la basse et Natan Goessens à la batterie que Neal donne la pleine mesure de son talent. Alors, quel dommage qu’un virus ait bloqué la tournée de promotion du disque et sa présentation au Jazz Club du Méridien de Paris. Mais, heureusement, aujourd’hui, cet album est disponible, alors ne nous en privons pas. – Robert Moutet


Rusty Ends & Hillbilly Hoodoo

The Last Of The Boogiemen

www.rustyends.com

Excellent guitariste et chanteur moyen, Rusty Ends se révèle un mixeur de styles comme Rock & Roll et Rockabilly avec une bonne dose de R&B, de Blues et de Boogie ; son trio (avec Uncle Dave Zirnheld ,basse et Gene Wickliffe, drums) est bien rodé pour délivrer une musique joyeuse et festive. Rusty Ends est particulièrement en verve dans un Hillbilly Voodoo mi chanté mi parlé sur rythme heurté et dans une série de faces en tempo médium et rapide comme Cheap Wine ou l’intrumental Unholy Roller et dans les « fusions de styles » comme Rockabilly Boogie, Cottonmouth Rock et le provocant Bob Wills Played The Blues ou, en slow, We Love Our Way Through The Blues. Le saxophoniste Gary Falk est présent dans deux titres, dont l’excellent Let Me Cross Your Mind. L’album se conclut en beauté avec Sinner’s Strut, un instrumental plaisant en médium. – Robert Sacré


Tony Holiday

Soul Service

Vizztone Label Group VT-THPS-02 – www.vizztone.com

Au service de la Soul, Tony Holiday est un chanteur harmoniciste de Memphis, de retour chez VizzTone pour un nouvel album après « Porch Sessions » en 2019. Huit titres proposés ici. Trente minutes. Presqu’un format court. Tony Holiday est entouré du guitariste Landon Stone, du bassiste Max Kaplan et du batteur Danny Banks, membre également du John Nemeth Band. Le producteur Ori Naftaly à la guitare rythmique et le pianiste Victor Wainwright figurent au rang des invités. Entre ballades à la voix paresseuse : It’s gonna take some time, Day dates (Turn into night dates) et titres plus enlevés, l’ensemble déboule tranquillement, simplement perturbé par un Checkers on the chessboard, jazzy, parlé d’où jaillissent de grosses phrases d’harmonica et des accords de piano cristallins. Bon, un service de soul peut-être, mais un service minimum quand même. – Dominique Lagarde


Evelyn Rubio

Crossing Borders

SeaSpeed Productions Label

Plutôt encline à évoluer dans un registre blues-rock – principalement dans la région de Houston, Texas –, la jolie chanteuse et saxophoniste Evelyn Rubio signe ici un album qui mélange blues, soul, jazz et rock. Entourée d’une solide équipe de musiciens dont le bassiste et producteur Larry Fulcher (Phantom Blues Band), les guitaristes David Grissom (John Mellencamp, The Allman Brothers…) et Josh Sklair (Etta James) entre autres, Evelyn fait preuve d’un vrai talent tant au chant qu’au saxophone : écoutez sa superbe composition Port Isabel dans laquelle sa voix et son sax alternent les lignes mélodiques. L’album est un peu trop « rock » pour moi peut-être, mais l’ensemble est cohérent, d’un excellent niveau musical et plaira sans aucun doute aux amateurs du genre. – Marcel Bénédit


Rory Block

Prove It On Me

Stony Plain Records SPCD1409

Rory Block, six fois lauréate du Blues Music Award, est considérée comme la meilleure interprète de country blues acoustique. Elle a grandi à New York dans le quartier de Manhattan. Passionnée par la musique, elle découvre le blues du delta du Mississipi à l’âge de 14 ans. Et à 15 ans elle quitte la maison pour entamer une très longue carrière qui lui fera faire le tour du monde et enregistrer 36 albums. « Prove It On Me » est le deuxième volet de la série « Power Women of the Blues » où Rory Block met surtout en lumière des chanteuses de blues souvent inconnues du grand public malgré leur immense talent. Mais il y a aussi des artistes très connues comme Helen Humes qui ouvre l’album avec He May Be Your Man, un texte original avec des sous-entendus osés. La chanson titre de l’album, Prove It On Me, est aussi une chanson audacieuse interprétée par la célèbre Gertrude Ma Rainey. Enfin, pour terminer dans le domaine des chanteuses très connues, il y a Memphis Minnie dont Rory Block reprend In My Girlish Days. Il reste donc sept morceaux à découvrir. Nous retiendrons I Shall Wear A Crown, un joyau d’Arizona Dranes qui était une chanteuse de gospel aveugle. Wayward Girl Blues a été interprété par Lottie Kimbrough qui a acquit une renommée à Kansas City, mais il est difficile de suivre sa carrière car elle s’est produite sous divers noms de famille. Connue sous le nom de “The Yas Yas Girl”, Merline Johnson a été accompagnée dans les années 30 par Big Bill Bronzy, Lonnie Johnson et Blind John Davis. Rory reprend de son répertoire Milk Man. L’album se termine avec Motherless Child, un morceau enregistré par Elvie Thomas pour Paramount Records. Mais il y a aussi Eagles, un morceau original de Rory Block qui relate un incident de sa vie et qu’elle chante avec beaucoup d’émotion. Enfin, il faut noter que toutes les parties vocales de ce CD sont celles de Rory Block, ainsi que l’ensemble des parties guitare, basse et toutes les percussions. Ce disque très original d’une très grande dame du Blues est à découvrir absolument. – Robert Moutet


Billy Brooks

Window Of The Mind

We Want Sounds LP WWSLP41/CD WWSCD41

Publié en 1974 sur Crossover, le label de Ray Charles, ce disque met en lumière Billy Brooks, trompettiste de studio, entendu aux côtés du Genius, mais aussi des vibraphonistes Lionel Hampton et Cal Tjader. Co-producteur de cette session réalisée à Los Angeles, Ray Charles a laissé le champ libre à ce musicien peu connu, chez lequel il a dû déceler des qualités de leader. Pour autant, Billy Brooks n’en abuse pas, et ceux qui s’attendent à (ou redoutent !) un cavalier seul de trompette double-pavillon sont dans le faux. L’ensemble de 9 titres navigue avec équilibre et bonheur entre jazz, soul, funk et groove. Si un morceau pouvait illustrer cette opinion, il s’agirait de Shelter Cheeze, avec ses changements de rythme qui nous transportent d’un style à l’autre. Billy Brooks est alors un musicien d’expérience, âgé de 46 ans à la tonalité hard-bop, qui s’est entouré de pointures telles que le saxophoniste Herman Riley, les guitaristes Calvin Keys et Jeff Lee, le bassiste Larry Gales, le batteur Clarence Johnston. Le morceau The Speech Maker possède un côté très cinématographique, et le riff de Fourty Days a été samplé bien plus tard par le groupe A Tribe Called Quest. Peu diffusé en son temps, l’album ne fera pas de ce trompettiste un soliste du Ray à succès, à la manière de David Newman. Le disque original est devenu rare et cher, cette réédition CD et LP menée avec la fondation Ray Charles est donc la bienvenue. – Dominique Lagarde


Buddy Holly

The Indispensable 1955-1959

Frémeaux et Ass. FA 5762 – www.fremeaux.com

A priori, la question se posait de savoir si une chronique relative à un crooner blanc du Rockabilly et du Rock ‘n Rll des années 50 avait sa place dans ABS Magazine. Après écoute des trois cds de ce coffret Frémeaux et Associés accompagné d’un livret très documenté de 24 pages du à Bruno Bloom, la réponse est « oui » tant Buddy Holly, au-delà de son charisme et de son succès avec Peggy Sue et la suite, était influencé par les rockeurs noirs comme Little Richard, Chuck Berry, Bo Diddley… et même Ray Charles. De son vrai nom Charles Hardin Holley et né à Lubbock, Texas, en 1936, Buddy Holly eut une carrière météorique, de 1955 à 1959, enregistrant en ce bref laps de temps 62 faces d’un rockabilly très rock and roll et aux racines R&B et même blues, avec un succès considérable, devenant la coqueluche d’une jeunesse conquise par son talent et son look de timide à lunettes mais la fatalité a voulu qu’il se tue en avion en 1959, il avait seulement 23 an ! Il jouissait de l’estime de vedettes de la même époque comme Elvis Presley parce qu’il était très doué : chanteur mais aussi guitariste talentueux et surtout compositeur, ce qui était moins courant dans le rock & roll. Il est devenu une légende et il le valait bien. Il avait été influencé par des bluesmen comme Arthur Gunter avec Baby Let’s Play House (1955) et par des rockers comme Bo Diddley avec ce titre éponyme de décembre 1956, on reconnait aussi l’influence de Chuck Berry dans Brown-Eyed Handsome Man (1956) et celle de Little Richard dans Ready Teddy (1957). Beaucoup d’autres faces retiendront l’attention de ceux qui seront tentés par ce coffret où ils retrouveront bien sûr aussi Peggy Sue (1957) et Peggy Sue Got Married (1958) reparu post-mortem en 1959 remixé avec les Ray Charles Singers et le jazzman Panama Francis (drums)… Nostalgie de bon aloi pour ceux qui ont connu cette époque et sans doute aussi pour beaucoup d’autres ! – Robert Sacré


Billy Wright

Billy’s Boogie Blues
His Complete Savoy singles As &Bs 1949-1954

Jasmine Records JASMCD 3174 – www.jasmine-records.co.uk

Il fallut attendre le début des années 80 et une belle réédition suédoise Route 66 pour que le nom de Billy Wright fasse à nouveau surface. Seuls jusque-là les exégètes de Little Richard pouvaient en avoir entendu parler, le King of Rock’n’roll, citant Billy Wright comme l’une de ses influences majeures. Depuis, les ressorties de ses faces Savoy ont été nombreuses. Cette dernière s’avère précieuse, la précédente remontant à près de 15 ans. Né à Atlanta en 1918, ce chanteur, auteur-compositeur y a passé l’essentiel de sa vie, et mené la quasi-totalité de sa carrière. Également danseur, chorégraphe, travesti, MC, showman à la « pompadour » et aux tenues flamboyantes, Billy Wright a joué un rôle important pour le coming-out d’une culture gay dans le sud des États-Unis. Faut-il aussi l’entendre comme un précurseur du rock ? Oui, à l’écoute de certains titres comme After Dark Blues (et l’intro de piano de Sam Cochran qui semble sortie des doigts de Little Richard), Billy Boogie Blues ou Married Woman’s Boogie. Mais c’est aussi et avant tout un remarquable chanteur de blues à la voix puissante et profonde qui sait encore se faire conteur et intimiste sur Four Cold, Cold Walls, avec cette fois le piano comme seul accompagnement. Jusqu’à ce que l’âge et la maladie ne le contraignent à réduire ses activités, Billy Wright a fait le show dans sa ville d’Atlanta. Il s’y est éteint en 1991. Un recueil indispensable ! – Dominique Lagarde


Annie Laurie

The Essential Annie Laurie
Since I Fell For You

Jasmine Records JASMCD 3168 – www.jasmine-records.co.uk

La douce Annie Laurie, née le 11 août 1924 à Atlanta et décédée en novembre 2006, fut avant tout une excellente chanteuse de jazz qui incorpora de solides morceaux de rhythm’n’blues dans son répertoire lorsque le moment fut venu. En 1945, elle rejoint l’orchestre de l’ancien bassiste de Louis Jordan, Dallas Bartley, et enregistre avec lui son premier disque, une version jazzy du fameux St Louis Blues en 1946 . En 1947, elle arrive à New Orleans et rentre dans l’orchestre du pianiste Paul Gayten et grave avec lui une belle version du classique de Buddy Johnson, Since I Fell For You qui atteint la troisième place des classements r’n’b et la vingtième place des charts pop. Elle va passer quatre ans avec Gayten avec de nombreux succès à la clef (les 8 premiers titres de ce CD dont l’excellent Rough and Ready Man dans lequel elle scatte à la Ella Fitzgerald, avec le soutien de Lee Allen). Elle navigue de labels en labels dont Okeh, De Luxe, Savoy et enfin Ritz en 1962 . Signalons le superbe Rockin’ and Rolling avec Buddy Lucas (sax) et Mickey Baker et des titres Okeh avec Leroy Kirkland et Sam The Man Taylor. Annie Laurie possédait une voix souple et une aisance totale lui permettant de survoler les obstacles. Sa place au panthéon des chanteuses de cette époque est assurée grace à ce CD « essentiel ». – Marin Poumérol


Various Artists

Soul Voices
60s Big Ballads

Kent CDKEND 490 – www.acerecords.co.uk

Années 60, la soul music a pris la place du blues dans le cœur des afro-américains qui veulent oublier la musique de leurs parents, lourde de sinistres souvenirs. Les firmes Stax, Goldwax, Hi, Atco, Motown, …, vont donner ses lettres de noblesse à ce courant musical qui séduit les ghettos afro-américains. Tous les auditeurs de soul music reconnaissent instantanément le son de Memphis, Détroit, Philadelphie ou New York où nous conduit cette compilation. À New York, les maisons de disques font appel à des auteurs-compositeurs qui ont leurs bureaux dans le Brill Building de Broadway. Elles commandent, pour leurs artistes afro-américains, à Burt Bacharach, Hal David, Jerry Ragovoy, Bert Bens, Teddy Randazzo, Van McCoy, …, des chansons qui déclinent tous les thèmes de l’amour, amours brisées ou impossibles, jalousie, peines de cœur, trahisons et dépressions qui s’en suivent. Elles réunissent en studio l’élite des musiciens et arrangeurs new yorkais. Les orchestrations sont brillantes, luxueuses et luxuriantes : sections de cordes, de cuivre, chœurs féminins majestueux. Je vous avoue que ce type de musique sophistiqué n’est pas ma tasse de thé. Mais mon oreille admirative a été touchée par la magnificence du chant des interprètes. Kent Records publie vingt-quatre chansons dont huit inédites. Chaque titre est commenté, dans l’excellent livret, par le compilateur Ady Croasdell. Tout n’est pas à mon goût dans ce disque, mais il est bien difficile de résister à Walter Jackson (le lugubre Forget The Girl), Chuck Jackson (I Can’t Stand To See You Cry), Jimmy Radcliffe (version inédite de Through A Long And Sleepless Night et ses chœurs féminins de Cissy Houston et Dee Dee Warwick), Freddie Scott (Where Does Love Go), James Carr (Lover’s Competition), Garnett Mimms (Anytime You Want Me). Ce disque montre l’impressionnante qualité des chanteurs sélectionnés qui donnent toute leur âme dans leurs interprétations de ces ballades dont quelques-unes me semblent malheureusement mièvres et un peu datées. Que ce bémol ne vous dissuade pas d’écouter ce plaisant CD qui ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. – Gilbert Guyonnet


Otis Blackwell

I Sing’Em AND I Write’Em
The early recordings of rock and roll’s greatest tunesmith

Jasmine Records JASMCD CD3175 – www.jasmine-records.co.uk

Otis Blackwell a écrit une foule de chansons – certains parlent de plus de 1 000 pièces ! – dont certaines ont été reprises ou créées par des géants de la musique populaire des États-Unis. Daddy Rollin’ Stone, All Shook Up, Don’t Be Cruel, Great Balls of Fire, FeverReturn to Sender… autant d’airs qui ne sont pas prêts à sortir de nos mémoires. Le plus souvent les meilleurs de ces morceaux ont été mis en valeur par des chanteurs d’envergure. Presley par exemple. Otis Blackwell touchait à plusieurs styles, participait de plusieurs sources musicales : country, pop, rhythm and blues et, bien sûr, le gospel de son enfance, chanté en famille. Ses influences directes furent multiples et bien souvent éloignées de la musique noire. Écoutez donc une de ses idoles, Tex Ritter, et vous verrez à quel point sa formation fut… éclectique. Il a clairement décrit son objectif, son choix musical. « La musique country est comme le blues : elle raconte une histoire. Mais elle échappe à une construction restrictive. Une chanson de cow-boy peut tout faire », disait-il. Je n’apprécie pas énormément le chant d’Otis. Il me paraît quelquefois en délicatesse avec la justesse. Et même, en toute franchise par trop éloigné de mes préférences. Mais c’est là une opinion subjective. Après tout, c’était surtout un compositeur. Un des éléments qui m’intéresse réside dans l’évocation d’une période charnière qui voit une nouvelle musique émerger du jazz alors florissant en tant que musique d’agrément. Un exemple : Please Help me Find my way Home (1952) qui bénéficie de la présence de jazzmen accomplis et notamment du guitariste René Hall dont nous avons récemment parlé. Une nouvelle ère s’annonçait qui voyait le jazz se tourner vers une expression moins populaire voire plus savante. Une nouvelle ère qui accentuait encore les reprises d’un répertoire noir peu connu par des interprètes blancs en quête de nouveaux marchés. Si vous allez plus loin que la simple écoute et que vous recherchez une vision historique des musiques africaines-américaines, nul doute que ce CD vous concernera. Si vous souhaitez approfondir l’œuvre de Blackwell, je vous suggère de consulter le site suivant : elvis.com.au. Otis ne fut pas un artiste maudit mais au contraire un musicien qui sut gérer sa carrière avec un grand sérieux sans renoncer à une vie plaisante et remplie. Une de ses déclarations pourrait constituer son épitaphe : « j’écrivais mes chansons, je récupérais mon fric et je faisais la fête ». – André Fanelli


Various Artists
Thom Bell

Ready Or Not
Philly Soul Arrangements & Productions 1965-1978

Kent Soul CDTOP 488 – www.acerecords.co.uk

Si chaque station d’une ligne de métro ou de tram portait le nom d’un grand producteur de la soul music, l’arrêt Thom Bell serait certainement le terminus. Il y aurait avant ça les haltes Jerry Wexler, Rick Hall, Willie Mitchell, Jerry Ragovoy, Berry Gordy, Van Mc Coy, Allen Toussaint, Norman Whitfield, Chips Moman, Bert Berns, Carl Davis, et bien sûr les vieux acolytes Gamble & Huff… Pardon aux oubliés ! Thom Bell semble être le dernier représentant d’une certaine manière de produire de la soul music, avant l’éclosion du disco. Eclosion à laquelle ses riches arrangements de violons, prenant le pas sur les cuivres, ont sans doute aussi largement contribué. Les racines gospel se retirent, en somme, devant la musique classique, à laquelle Thom Bell a été formé. Ce CD de 23 titres permet de suivre l’évolution considérable de son travail en treize ans, auprès d’un grand nombre d’artistes. Dans le livret, il évoque, titre par titre, le souvenir de chaque session. Il y a ici les trois groupes auxquels Thom Bell a apporté des succès majeurs : les Spinners (Could it be I’m falling in love), dont il va relancer la carrière de manière fulgurante ; avant eux les Delfonics et leur innovant Ready or not here I come ; enfin les Stylistics, zénith de la guimauve pour certains, mais où le falsetto de Russell Tompkins Jr fait toujours merveille (You make me feel brand new) à mes molles oreilles. Associé à la parolière Linda Creed, prématurément disparue, Thom Bell est aussi un compositeur de premier plan. La sélection nous donne aussi à entendre des choses plus punchy, comme l’excellent What kind of lady ? de Dee Dee Sharp, sorti en 45 tours en France à l’époque, ou le Here I go again d’Archie Bell & the Drells. Sans négliger le survivant Jerry Butler (Moody woman), sauvé par le Philly Sound. Le tour de force réside peut-être dans la façon dont Thom Bell a métamorphosé un crooner comme Johnny Mathis, en porte-parole convaincant (et convaincu) de la soul de Philadelphie. La longue intro de Life is a song worth singing, avec ses pleins et ses déliés, est à elle seule une symphonie miniature. Et pour assurer le lien avec le disco, le  Track of the cat de Dionne Warwick n’annonce-t-il pas déjà les feulements de Donna Summer ? – Dominique Lagarde


Memphis Boys

The Soul Of The Memphis Boys

Ace Recors Ace CHD 1572 www.acerecords.co.uk

The soul of the Memphis boys : lorsqu’on sait que ces Memphis Boys ont pour noms Chips Moman, Buddy Wood, Tommy Cogbill, Bobby Emmons, Mike Leech, Gene Chrisman, le grand Reggie Young, toujours imperial et original à la guitare, puis dans un second temps Dan Penn et Spooner Oldham, on voit que c’est du sérieux. Ils avaient tous débuté dans différents studios : Sun , Hi Records. Ils fondèrent les American Studios en 1967 et produisirent immédiatement de grands titres de soul et de r’n’b en suivant les traces de leurs prédécesseurs Fame et Stax. Ce CD regroupe 24 titres auxquels ces superbes musiciens ont participé pour divers labels dont Atco, Atlantic, Bell, Cameo, Sound Stage 7, Dial, Minit, Smash, RCA, Warner ; nous sommes au sommet de la soul classique de Memphis avec King Curtis, Oscar Toney, James Carr , Arthur Conley, Joe Tex, Solomon Burke, Arthur Alexander, mais aussi avec de très belles faces moins connues de Sam Baker, Ella Washington, Roy Hamilton, Bobby Womack et des faces inattendues de Jerry Lee Lewis et Elvis Presley. La plupart de ces morceaux avaient déjà été réédités sur les albums des artistes cités, mais ainsi regroupés ils forment un ensemble cohérent et un passionnant panorama d’un style qui nous séduit toujours. À rapprocher du super coffret de 3 CD « The Fame Studios Story » – Kent box 12. Oui, ces Memphis Boys étaient de grands musiciens qui écrivirent une page glorieuse de la Soul. – Marin Poumérol


Freddy Fender

The Be-Bop Kid
Part 2 : English

Jasmine Records JASMCD 1072 – www.jasmine-records.co.uk

Il y a des musiques qui sont de bonne composition. C’est-à-dire qu’elles conservent quelque chose de débonnaire, une séduction tranquille au service d’une mission simple : faire plaisir, susciter le contact, l’échange, la danse et plus si affinités… Souvent pratiquée par des « artistes du dimanche » dans le cadre de dancings hétéroclites qui mobilisent leur clientèle durant les week-ends, cette expression crève quelquefois le plafond de verre et passe, presque sans transition, de l’espace confidentiel aux grandes scènes. Et parfois ça dure… Ou pas. C’est alors le retour vers les boulots alimentaires. Mais, presque toujours, quand s’annonce le samedi, on tire l’étui de sous le lit et le temps de vérifier les cordes, en route pour quelques heures de complicité avec un public conquis d’avance mais pouvant se révéler tout à coup exigeant. Avec sa dégaine rondouillarde et ses moustaches dignes des Fabulous Freaks Brothers, le ci-devant Baldemar de la Huerta, reconverti en Freddy Fender, a parcouru bien des chemins, assimilé bien des langages et survécu à des aléa éprouvants… Il a connu les triomphes du Hit-Parade et le pénitencier dont il sorti grâce à l’intervention d’un prestigieux confrère, Jimmie Davis, qui avait eu la bonne fortune d’être élu gouverneur de Louisiane ! Parlons donc de ce CD. Comme presque toujours chez Jasmine, les textes sont très instructifs et l’on peut seulement regretter l’absence de mention des personnels. Je ne suis pas capable de reconnaître à l’audition les nombreux sidemen qui défilent au long des 32 faces qui composent cette sélection qui va de 1959 à 1962. Je veux cependant partager avec vous quelques coups de cœur. Je succombe volontiers au charme d’un Wasted Days and Wasted Nights qui fleure bon La Nouvelle-Orléans. Même si cette musique peut sembler venir d’un autre univers temporel. La reprise du Something On your Mind de Big Jim McNeely, pour le beau chorus de ténor, Louisiana avec son tempo parfait, élastique à souhait et ses belles interventions de l’harmoniciste sont aussi réussies. Il faudrait sans doute citer d’autres morceaux. De possibles découvertes… Si vous n’ajoutez pas ce CD à votre collection, il n’y aura pas de quoi vous infliger un hara-kiri punitif. Par ces chaleurs, les effets « crooner » à la Presley sont en définitive supportables autour de la piscine.  En essayant d’entrechoquer les glaçons de votre Margarita ou d’une antique Tequila au rythme des morceaux qui défilent gentiment vous perdrez la perception du temps qui passe. Voire, nostalgie oblige, du temps passé. Pourtant, on s’est bien amusé. Merci Freddy. – André Fanelli


Bobby Mitchell

Try Rock’n’Roll
The Complete Imperial Singles As & Bs 1953-1962

Jasmine Records JASMCD – www.jasmine-records.com

Précocité semble être le terme pour désigner la vie de Bobby Mitchell, secret longtemps gardé du R’n’B New Orleans. Précocité dans le début de sa carrière de chanteur, en 1953, à l’âge de 17 ans. Précocité encore dans la fin de celle-ci, en 1963 après une crise cardiaque. Précocité toujours, hélas, dans sa disparition en 1989, à l’âge de 53 ans, après qu’il se soit reconverti dans la médecine. Plutôt tenté par la ballade pop ou bluesy, Bobby Mitchell est surtout connu pour sa version originale de I’m gonna be a wheel someday, aux accents rockabilly, que Fats Domino reprendra pour en faire un succès. C’est pourtant un autre titre up-tempo, Try rock’n’roll, qui lui donnera l’occasion de se placer dans les charts. L’ensemble des titres bénéficie de l’accompagnement de l’orchestre de Dave Bartholomew, baptisé pour l’occasion The Toppers, autrement dit le gratin des musiciens locaux de l’époque. On pourra regretter la juxtaposition de ballades un peu similaires (quatre à la suite par moment) mais le compilateur a choisi de respecter la chronologie originale des parutions. Un dernier titre, My Southern Belle, avec ses accents à la Ben E. King, fait regretter que la belle voix douce-amère de Bobby Mitchell n’ait pu être captée dans un registre plus large, jusqu’ à la musique country par exemple. – Dominique Lagarde