Le rendez-vous blues de Millenium Park
• Nouvelle édition du 8 au 10 juin 2018 du Chicago Blues Festival, festival gratuit au sein du Millenium Park (à quelques encablures de son emplacement précédent, Grant Park), proche du Lac Michigan. Comme à l’accoutumé, plusieurs scènes ont accueilli les musiciens face à un vaste public. Confronté à une dense programmation, il faut comme slalomer entre des formations qui jouent en même temps ou faire des impasses selon ses goûts musicaux. Voici un aperçu – non exhaustif bien sûr – du millésime 2018. Rappelons que le festival présente un attrait indéniable, mais qui ne saurait se substituer à l’indispensable immersion dans les clubs du south side et du west side.
Rockwell Avenue Blues Band
C’est bien huilé, c’est excellent pour tout dire, le belle équipe s’entend à merveille. Coup de chapeau au guitariste Steve Freund, à l’agile bassiste Harlan Terson, mais aussi à Ken Saydak au piano et à l’indispensable Tad Robinson au chant qui, autant dans le blues que dans la soul, fait vocalement de réelles prouesses. Une belle réussite.
Mr Sipp
Il fait un tabac sous l’immense Mississippi Juke Joint Tent. Le natif de McComb dans le Mississippi mélange à merveille toutes les musiques qui ont bercé son enfance – soul, blues, gospel – pour offrir une prestation énergique, à l’opposé d’un blues aseptisé.
Hommage à Bob Koester
Le festival rend hommage cette année au fondateur du label Delmark Records, Bob Koester. La soirée est orchestrée par Dick Shurman. Après quelques mots du génial producteur, place à la musique avec des musiciens comme Jimmy Burns, Billy Flynn, Guy King, Lil Ed, Mike Wheeler ou encore la chanteuse Shirley Johnson et Steve et Lurrie Bell qui rendent hommage aux artistes qui ont enregistré pour le compte de la célèbre compagnie. À noter l’admirable et superbe interprétation du classique All For Business – en hommage à Jimmy Dawkins – par Linsey Alexander qui a rassemblé tous les suffrages.
Nellie “Tiger” Travis
Son efficace formation – avec en tête le guitariste Carlos Showers – doit combler pendant 45mn l’arrivée de la chanteuse ! Elle arrive finalement sous les applaudissements et explique que son avion était en retard. Elle reste sur scène une quinzaine de minutes, le timing impitoyable du festival restant le seul juge de paix. Terrible. Elle rejoint les coulisses en pleurs, suite à sa prestation express.
Miss Jody
Petite déception à mes yeux, de l’une des stars de la soul sudiste. Elle nous offre une prestation sans trop de saveur, policée et bien trop sage à mon goût, à l’opposé de ses shows dans les clubs sudistes fréquentés par les Afro-américains… À revoir « in situ ».
Willie Clayton
Il a comme à son habitude assuré le spectacle, mélangeant touts les succès de son vaste répertoire. Les habitants des quartiers sud et ouest de Chicago présents au festival chantent à tue-tête, les autres restant stoïques et muets comme des carpes…
Vieux Farka Touré
Exceptionnel ! Je n’avais jamais eu la chance de le voir en concert. Le baptême est somptueux. La musique proposée est fluide, aérienne, pour ne pas dire divine. Sa musique, qui en quelque sorte un pont entre l’Afrique et le Blues, est magique. Anne Harris, la violoniste, le rejoint sur scène tandis que la musique tutoie les anges. Bravo !
Kenny Neal
Il alterne des compositions « down home » et d’autres plus contemporaines. Il rend également hommage à Lonnie Brook et plus particulièrement à sa période Alligator et fait venir à sur scène ses côtés le fils de ce dernier, Wayne Baker Brooks, pour un titre hommage à Muddy Waters, l’indispensable Got My Mojo Working. Une bonne prestation de cet excellent musicien.
Mavis Staples
Elle est bouleversante quand, aux bord des larmes, elle s’écrie à propos de la lutte des Droits Civiques aux côtés du Pasteur Martin Luther King : « J’y étais ! ». En communion directe avec les festivaliers, sa prestation n’est pas prête d’être oubliée. Une véritable icône.
Johnny Rawls
Aux côtés de sa fille Destiny, il offre un set sans faille, alternant Blues et Soul sudiste. Cette nouvelle halte sur les bords du lac Michigan nous permet de retrouver un artiste en pleine possession de ses moyens, aux côtés d’une formation qui le suit au millimètre près.
Rising Stars Fife & Drum, Sarde Thomas
Petit bout de bonne femme qui, en un temps trois mouvements, fait revivre à la perfection la musique de son grand-père Otha Turner. Brut de décoffrage et sans artifice, cette plongée au cœur du Mississippi est une fontaine de jouvence.
Par Jean-Luc Vabres
Remerciements à Mary May et à tout le staff du Chicago Blues Festival,
ainsi qu’à Howard Courtney