Chroniques #77

• L’actualité des disques, DVD et livres traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

Trudy Lynn

Golden Girl

Nola Blue Records NB018www.nolabluerecords.com

La grande diva du Texas se rappelle à notre bon souvenir en signant un somptueux album qui fera date dans sa discographie. De magnifiques morceaux blues et soul sont ici admirablement rassemblés au fil des onze compositions, grâce à l’implication sans faille de la chanteuse superbement accompagnée notamment par Anson Funderburgh et Yates McKendree aux guitares, Steve Krase à l’harmonica, Darrell Leonard aux cuivres, Kevin McKendree aux claviers, Terry Wilson à la basse et Brannen Temple derrière les fûts. Il sera donc ardu de choisir tel titre plutôt que tel autre tant l’excellence est au rendez-vous. Toutefois, Golden Girl Blues, Trouble With Love, Take Me Back (avec les efficaces riffs d’Anion Funderburgh à la manière de Guitar Slim), ou encore le funky Tell Me, sans oublier, pour conclure la session, l’émouvant Life Goes On, devraient satisfaire sans problème l’amateur le plus exigeant. La chanteuse, qui vit le jour dans le 5th Ward de Houston et fit ses débuts sous la tutelle de son cousin l’illustre Al « TNT » Braggs, mais aussi aux côtés du regretté Albert Collins qui l’a fit monter sur scène quand elle était encore à l’école, nous délivre ici un superbe et précieux ouvrage grâce aussi – il faut le souligner – à un magnifique travail de production de l’actif label Nola Blue Records. À n’en pas douter, cet enregistrement va faire parler, les feux de la rampe n’ont pas fini de briller pour la seule et unique Trudy Lynn. Bravo ! – 

Jean-Luc Vabres


J.P. Bimeni & The Black Belts

Give Me Hope

Lovemok LMNK72CD

Chanteur soul originaire du Burundi, établi en Grande Bretagne après y avoir obtenu le statut de réfugié, J.P. Bimeni avait séduit en 2018 lors de la sortie de son premier album, « Free Me ». Ce « Give Me Hope » porte plus haut encore, son talent et sa ferveur, avec le soutien de la plupart des musiciens espagnols, rythmique et cuivres, déjà présents il y a quatre ans. Des chansons nourries de son enfance tourmentée dans un pays laminé par plusieurs décennies de coups d’état, guerres civiles et génocides, qu’il a fui en 1993 âgé de quinze ans. C’est dans le message délivré par les grandes voix de la soul et les leaders de l’émancipation du peuple noir, que J.P. a trouvé la force de s’exprimer. J.P. Bimeni voue un culte sans partage à Otis Redding. Une influence palpable ici sur Not In My Name, James Stern ou Found A Good Thang. – Dominique Lagarde


Cat Rhodes & The Truth

Blues Sitting On My Doorstep

Mississippi Delta Records – No number

Cat Rhodes est une artiste chanteuse et auteure-compositrice qui vit en Floride. Elle se dit influencée par Tina Turner, Koko Taylor, Aretha Franklin, Grace Jones et Billie Holiday. Elle publie, avec ce « Blues Sitting On My Doorstep », son troisième disque, accompagnée de The Truth, une petite formation dirigée par le guitariste, bassiste, batteur, auteur-compositeur et ici producteur, Bryan Morris. Celui-ci fit partie, pendant quinze ans, de l’orchestre de Kenny Neal. Cat Rhodes utilise très bien sa voix pour mettre en valeur ses propres compositions. Que ce soit au sujet de temps difficiles avec le titre éponyme du disque (Blues Sitting On My Doorstep), de la perte de son homme à cause d’une reine vaudou de La Nouvelle-Orléans sur un tempo à la John Lee Hooker (Cool Waters), de la difficile décision d’abandonner un compagnon abusif (Blues Ain’t So Bad), le chant de Cat Rhodes fait passer le message avec passion et émotion. Les arrangements de Bryan Morris sont au diapason de la chanteuse, avec parfois des sonorités très modernes éloignées du blues et de la soul. Mais les chansons gardent les structures rythmiques « old school ». I Got It, Only Be Me et son excellent solo dû à la guitariste (et bassiste) Shelly Kelton, et la reprise de Voodoo Woman, chanson de Koko Taylor, sont interprétés sur un groove funky très agréable. L’introduction de In The City est une allusion à The A Train de Duke Ellington. Cat Rhodes and the Truth méritent amplement votre attention, ne passez pas à côté de cette réussite. – Gilbert Guyonnet


Tinsley Ellis

Devil May Care

Alligator ALCD5008 – www.alligator.com

Le magicien d’Atlanta y est né en 1957 puis il a grandi en Floride avant son retour en Géorgie. Il a remis le couvert pour Alligator Records après des mois de frustration consécutive à la pandémie de Covid, prêt à graver le vingtième album de sa longue carrière ! (1). Il a pu compter sur Kevin McKendree, son complice de toujours, producteur et clavier renommé, pour mettre en musique un best of de ses nouvelles compositions. En effet, pendant son « repos » forcé, Ellis, en transes et hyperactif, a écrit et composé quelque chose comme 200 morceaux dont il a sélectionné 10 titres pour cet album dans lequel il voulait, a-t-il déclaré, faire chanter sa guitare. C’est bien ce qu’il fait tout du long, en phase avec des vocaux passionnés, comme il nous y a habitué depuis ses débuts, avec une présence puissante, exsudant la passion. Démonstration dans One Less Reason taillé pour un format radio et surtout Right Down The Drain, un slow blues mémorable. Don’t Bury Our Love est un autre slow blues intense et plein d’émotion, tandis que Step Up, au ton conquérant, est bien enlevé et revigorant, même remarque pour 28 Days. On notera une petite obsession pour le Diable et l’Enfer avec le titre de l’album (mais pas de face de ce titre), avec un Beat The Devil en medium et un Slow Train To Hell super slow en effet. Une mention aussi pour le chaloupé Juju ou pour Just Like Rain, avec Jim Hoke (sax) et Andrew Carney (tp) (2), une ballade mélancolique sur tempo lent… juste comme la pluie ! Ellis piaffe d’impatience de se lancer dans de nouvelles tournées, rencontrer les myriades de fans qu’il a désormais à travers le monde. Welcome back Tinsley ! – Robert Sacré

Notes :
1. Albums sur Landslide (les Heartfixers avec Chicago Bob Nelson) en 1981, puis 5 albums pour Alligator entrer 1988 et 1997 suivis par des albums pour Capricorn et Telarc au début des années 2000 ; retour chez Alligator de 2005 à 2009 avec 3 albums au compteur puis 4 albums pour Heartfixer, son propre label, et retour chez Alligator en 2018 avec « Winning Hand », puis « Ice Cream in Hell » en 2020.
2. Tout aussi actifs et efficaces sur Beat The Devil et Step Up.


The Canton Spirituals

Hallelujah Anyhow

Malaco Records 4570 – www.malaco.com

La célèbre formation du Mississippi va à nouveau faire parler d’elle grâce à son enthousiasmant nouvel album ! Les Canton Spirituals frappent fort dès l’introduction avec une intervention du Reverend Jesse Jackson, puis le groupe déroule tout son savoir-faire sur des compositions comme I’ll Meet You, All Of My Help, One More Chance ou encore le formidable Trouble Don’t Last. Pour Hallelujah Anyhow, c’est Al Green qui entre en studio avec toute sa classe alliée au talent inné qu’on lui connait pour épauler ses amis, le morceau très réussi va tourner à l’évidence en boucle sur les stations de radios sudistes qui ont un programme axé sur le répertoire sacré. Autre invité de marque sur It Was You, le Pasteur Neal Roberson, originaire de Flint dans le Michigan, c’est à lui que nous devons une exceptionnelle version qui marie blues et gospel du classique Don’t Let The Devil Ride, qu’il avait enregistrée pour le show vidéo intitulé Gospel Legends. Cette fois-ci, pas d’harmonica bluesy, mais, comme à son habitude sur ce titre lent, une implication sans faille grâce à une voix qui force le respect. Neal Roberson – qui est également sous contrat chez Malaco – a sorti un nouvel album il y a quelques mois intitulé « Shout ». D’autres interprètes et piliers du monde du gospel sont également conviés, à l’image du Pasteur Darrell Petties avec God Said It ou encore Roscoe Lucious qui, sur Legacy, aux côtés de Dorothy Jean Watkins, évoque au micro les premières heures du célèbre groupe. Malaco est une compagnie que l’on ne peut éviter dès que l’on parle Gospel ; la firme de Jackson, Mississippi, au prestigieux catalogue, continue à faire feu de tout bois, à l’image du nouvel album de Roy & Revelation sorti quasiment en même temps que celui qui nous intéresse aujourd’hui. Sans souci, le label reste fidèlement sur le chemin de l’excellence. « Hallelujah Anyhow » est une belle réussite, les Canton Spirituals sont – pour notre plus grande satisfaction – toujours au sommet de leur art. – 

Jean-Luc Vabres


Scott Ellison

There’s Something About The Night

Liberation Hall Lib-5026

Carrière bien remplie pour Ellison depuis ses débuts en 1977 à Tulsa, Oklahoma, pour accompagner Jessica James (fille de Conway Twitty). Il fait ensuite partie du band de Clarence Gatemouth Brown en 1980-81, avant d’aller s’installer à Los Angeles dans le milieu des années 1980’s et accompagner tout un panel de musiciens, puis diriger son propre orchestre au début des années 1990’s et regagner Tulsa en 1996. Il créa son propre label, JSA, en 2011 et enregistra pour Red Parlor Records en 2015 et le voici chez Liberation Hall pour son 13è album de 14 faces ; il en a composé dix, seul ou en collaboration. Ellison est un excellent guitariste et un chanteur au timbre de voix rauque/enfumé à souhait mais, dans une minorité de faces, il cède à cette pratique que je conteste vivement et qui consiste à sa faire accompagner de chœurs comme dans le titre éponyme qui serait un beau slow blues sans le chœur (discret, avouons-le) et rebelote dans Ain’t No Love In The Heart Of The City en slow également mais aussi dans Feast Or Famine, Where Do You Go When You Leave (dommage, car c’est Albert Lee à la guitare), There’s Something About The Night et Chains Of Love qui dégagent tous un bon feeling entre les passages des chœurs. Heureusement il y a le reste, sans perturbateur néfaste, à commencer par un très prenant slow blues Good Year For The Blues, introverti et puissant, un excellent Half A Bottle Down bien balancé comme le jazzy et swinguant Bury Your Bone At Home, superbe avec Jon Greathouse au piano et Hammond B3… et l’humour en prime. Dans Blowin’ Like A Hurricane, en médium mais sur un rythme tempétueux, c’est Chris Campbell qui est au chant. Une mention à Salina bien syncopé, avec Ellison à la slide, Ron McQuade à l’accordéon et Hank Charles au piano, sans oublier Meat And Potatoes qui déménage ferme avec Ellison (gt) et David Bernston (hca), et un Revolutionary Man haletant et conquérant à la fois, citant Robert Johnson et Muddy Waters avec Ellison à la slide, D. Bernston à l’harmonica et H. Charles au piano. Un bon bilan au total. – Robert Sacré


Kenny “Blues Boss” Wayne

Blues from Chicago to Paris
A tribute to Memphis Slim and Willie Dixon

Stony Plain Records – stonyplainrecords.com

Tout le monde connait bien maintenant le sympathique et excellent chanteur et pianiste Kenny Wayne. Nous avons toujours eu du plaisir à écouter ses disques passés et celui-ci maintient le même niveau d’excellence. C’est un hommage au duo Memphis Slim / Willie Dixon que Kenny admire particulièrement. Dix-sept morceaux dont des reprises de classiques de Memphis Slim : Wish Me WellRock This House ou Messin’ With The Blues, des compositions de Willie Dixon : Don’t Let The Music Die,  I Got A Razor, ou After A While et des morceaux de Kenny Wayne. Très bien accompagné par Russell Jackson à la basse et Joe Di Marco aux drums, le piano de Kenny emmène tout le monde vers un superbe hommage bien mérité à deux grands musiciens et c’est l’occasion de réécouter les autres œuvres de notre ami Kenny qui ne nous déçoit jamais. – Marin Poumérol


Bob Stroger & The Headcutters

That’s My Name

Delmark Records 871 – delmark.com

L’actif et sympathique bassiste de 90 ans se rappelle à notre bon souvenir en signant de main de maître un superbe album édité par le label phare du Chicago blues, Delmark Records. L’ancien équipier d’Otis Rush, d’Eddie King, mais aussi de Buster Benton, Sunnyland Slim, Jimmy Rogers, Eddie Taylor et tant d’autres, est ici associé à l’excellent groupe brésilien The Headcutters. Treize compositions dont cinq originales nous sont proposées, à savoir I’m A Busy Man avec en bonus le clin d’œil à Magic Sam grâce à la guitare de Ricardo Maca, Come On Home, Something Strange, Talk To Me Mama où l’harmoniciste Joe Marhofer fait des étincelles, sans omettre le délicieux That’s My Name qui est une véritable déclaration d’amour au Blues. Au niveau des reprises, nous retrouvons également la composition de Big Bill Bronzy intitulée Just A Dream, mais aussi le standard en or 24 carats d’Eddie Taylor, Bad Boy, ou encore le classique de Casey Bill Weldon, Move to the Outskirts of Town. La voix douce de l’ancien équipier d’Eddie Clearwater est reconnaissable entre mille et fait des merveilles sur l’ensemble des titres. Dire qu’il a le Blues chevillé au corps est pour notre bassiste-chanteur un pléonasme, actif musicien depuis plus de 60 années, tout gosse déjà il écoutait les échos nocturnes d’un club du west side qui était adossé à sa résidence familiale. Soulignons ici la belle initiative qu’ont pris les successeurs de Bob Koester à la tête de Delmark Records, à savoir Julia A. Miller et Elio Barilari : c’est une formidable idée d’avoir fait entrer dans les studios Riverside l’immense Bob Stroger aux côtés des talentueux Headcutters. Le patriarche, allié à sa jeune et talentueuse équipe, nous délivre une très bonne session admirablement produite qui va assurément satisfaire les nombreux fans du musicien. Une belle réussite.

 – Jean-Luc Vabres


John Mayall

The Sun Is Shining Down

Forty Below Records – fourtybelowrecords.com

Le pape du Blues Revival anglais des sixties revient en pleine forme, avec une pêche d’enfer et un excellent album, le 4è depuis 2014 pour Forty Below Records. Il est au chant, harmonica, piano Wurlitzer et Hammond B3, entouré de son quarter habituel : Greg Rzab (basse), Jay Davenport (drums) et Carolyn Wonderland (guitare), ainsi que de invités comme Melvin Taylor, Marcus King, Mike Campbell (ex-Heartbreaker), Scarlet Rivera (ex-Bob Dylan), Buddy Miller et Jake Shimabukuro (ukulele). Sa verve reste sans limites et il a composé 6 des 10 titres dont Hungry And Ready : affamé, il s’y affronte au chant et harmonica et avec grand appétit, au guitariste Melvin Taylor en très grande forme ; ce dernier récidive, survolté, dans le Driving Wheel de Roosevelt Sykes, c’est éblouissant. La violoniste Scarlet Rivera intervient dans deux autres compositions de Mayall, Got To Find A Better Way et Deep Blue Sea, deux ballades à consonance country et trépidantes à souhait. Le titre éponyme est aussi du à la plume de Mayall, c’est un slow blues magnifié par le jeu de guitare délicat et plein de feeling de Carolyn Wonderland. On notera encore One Special Lady bien enlevé avec Jake Shimabukuro (ukulele) et A Quitter Never Wins de Tinsley Ellis, un slow blues sombre et mélancolique, ou I’m As Good As Gone de Bobby Rush, un slow blues qui aborde la non-durabilité des situations que l’on croit acquises. – Robert Sacré


Lino Muoio

Mandolin Blues
Vedi Napoli e poi… MUOIO !

BLOOS records – No number

Lino Muoio, napolitain pur jus, est un guitariste, joueur de banjo et mandoliniste émérite et chanteur de qualité. Il est aussi l’auteur des douze chansons de ce CD publié par une firme de disques italienne indépendante, BLOOS records. « Vedo Napoli e poi … MUOIO ! », que je me permets d’adapter en français par « Voir Naples et … mourir », est le quatrième chapitre d’un projet intitulé « Mandolin Blues » avec lequel Lino Muoio explore les diverses facettes de la mandoline, cet instrument d’origine italienne. Celui-ci a été utilisé par les string bands afro-américains avant la seconde guerre mondiale, tel le Son Simms Four dont Muddy Waters était le guitariste et Louis Ford le mandoliniste. Yank Rachell et Johnny Young furent d’excellents joueurs de mandoline. Sur la scène contemporaine, le flambeau est porté par Rich DelGrosso et Billy Flynn, rejoints maintenant par notre doué napolitain. Les douze chansons du programme de ce disque offrent un Chicago blues électrique du meilleur aloi en y alliant la frivolité céleste des mélodies liquides napolitaines. Lino Muoio chante en italien et s’essaie même au dialecte napolitain dont la cadence et la musicalité conviennent bien au blues. Pas de mandoline sur le titre d’ouverture, Tutto chello che vuo’, mais un excellent solo de guitare de Lino Muoio et la révélation de la grande qualité de ses accompagnateurs, hélas anonymes, puisque l’exemplaire reçu ne donne aucune indication de leurs identités. La mandoline apparaît avec M’agio Sunnato, très influencé par le Blue Light Boogie de Jesse Mae Robinson, créé et popularisé par Louis Jordan en 1950. L’introduction de Dicitencello Boogie jouée à la mandoline seule est le thème de la traditionnelle chanson napolitaine Dicitencello Vuje, puis la chanson démarre sur un rythme endiablé où le dialogue entre la mandoline, l’harmonica et le piano est remarquable. Toledo est une adaptation de Too Late de Little Walter, Siente Mama de Tell Me Mama du même Little Walter. Speak No ‘America’, avec son chœur féminin et son swing, se moque gentiment des tubes de blues venus d’Outre-Atlantique. Le boogie-woogie frénétique You Gotta Run vous obligera à danser. ‘O Cafe’ est un talking blues, Promigliano Baby, avec son violon et sa contre-basse, évoque les meilleurs string bands, tout comme Mandolin Bop. Conclusion avec Tu, un Chicago blues dans l’esprit de Buddy Guy et Junior Wells. Ce disque est remarquable du début à la fin. Le distillat proustien de musique napolitaine dans le Chicago blues traditionnel donne d’excellents résultats. – Gilbert Guyonnet


Luther ‘Guitar Junior’ Johnson

Once In A Blue Moon

Crossroads Blues Media CBM-2 – www.crossroadsbluesmedia.com

Johnson est né à Itta Bena, Mississippi, en avril 1939. Il est arrivé à Chicago en 1955 et a accompagné Magic Sam avant de rejoindre le band de Muddy Waters de 1972 à 1980. Il a ensuite fait partie du Legendary Blues Band avant de migrer vers la Côte Est, à Boston puis dans le New Hampshire et de diriger son propre orchestre, les Magic Rockers. Il a enregistré plusieurs albums pour Telarc Records et Bullseye Records. Il s’est ensuite retiré en Floride en 2017, s’est régulièrement produit en clubs et festivals, sans enregistrer, mais a fait un come-back remarqué en 2020 avec un album acoustique (« Won’t Be Back No More ») suivi de celui-ci, un live enregistré au John Kelly’s Hideaway Café à St Petersburg, Floride, en octobre 2020. C’est une performance très sympathique et digne d’estime même si, à 82 ans, Johnson n’a plus la même fougue, le même entrain, sa voix est fatiguée et les Magic Rockers s’acquittent du travail avec compétence : Chris ‘Kid’ Royal (guitare), Paul Nadeau (claviers), Otis Doncaster (hca), Mickey Maguire (basse), Magic Drumski (drums) et Pat Herlehy (sax). On regrettera aussi des défauts propres au live, des titres largement entendus (Hoochie Coochie Man/I’m A Man et… Fever !), et des faces parfois trop longues comme Stealin’ Chickens (20 minutes), Mean Old World (plus de 13 minutes), C.C. Rider (plus de 12 minutes) qui passent en concert, mais moins sur disque. – Robert Sacré


Reddog and Firends

Booze, Blues And Southern Grooves

Survival south Records – www.reddogandfriends.com

Voilà quelques décennies que ce chien rouge aboie, à intervalles réguliers. Les voisins ne s’en plaignent pas, car les sons qu’il émet sont plutôt agréables… Pour ce nouvel album, J.K. Higgins, alias Reddog et ses amis, ont convoqué l’esprit des grands artisans de la soul et du blues-rock sudiste. Cela fonctionne dès Love, You’ve Got To Spead The Word. On touche au sublime dans la ballade country soul Simple Song et ses chœurs célestes. Dans la maison de toutou, il y a de sacrés copains : Clayton Ivey aux claviers, David Hood à la basse, Johnny Sandlin comme ingénieur du son : un who’s who de la soul sudiste qui ne pouvait enregistrer l’essentiel de cet album, ailleurs que dans des studios basés à Muscle Shoals, Alabama. Canin de bonne compagnie, Reddog n’est pas que chienchien à sa mémère, il donne aussi quelques coups de patte (et de slide) bien sentis sur She’s a Georgia Peach ou Searching For Some Soul. – Dominique Lagarde


Grant Dermody & Frank Fotusky

Digging In John’s Backyard

www.facebook.com/Grant.Dermody

Une belle tranche de country blues avec un duo de choc, Grant Carmody (vo, hca) et Frank Fotuski (guitare), tous deux influencés – mais indépendamment l’un de l’autre – par John Jackson et son Piedmont blues de Virginie. Tous deux ont eu Jackson comme mentor et aussi John Cephas en ce qui concerne Carmody. C’est plus tard qu’ils se sont rencontrés et ont décidé de graver cet album dédicacé à leur inspirateur principal, John Jackson, reprenant son Boots Up River avec une grande sensibilité, mais aussi d’autres morceaux de grands bluesmen de la Côte Est comme Blind Blake (avec une belle version de Police Dog Blues), John Cephas (un bien enlevé Seattle Rainy Day Blues), Reverend Gary Davis (un comminatoire Death Don’t Have Mercy), ou du Mississippi comme Charley Patton (Shake It And Break It en mode speedé), Carl Martin (une intense version de Good Morning Judge), Skip James (Hard Time Killing Floor Blues, dramatique et sombre à souhait), ou même de Chicago avec un punchy Peach Tree Blues de Sonny Boy Williamson 1, voire Saint Louis avec un festif Papa’s On The Housetop de Leroy Carr. Il faut espérer que cet album incitera les auditeurs à retourner aux sources et à se procurer les albums des bluesmen qui ont inspiré Dermody et Fotuska (tout est aisément disponible en disques et, en dernier recours, sur You Tube). – Robert Sacré


Tail Dragger

Mercy ! 
Live in Bilbao

Solo Blue Records – soloblues30@gmail.com

Le magazine espagnol Solo Blues, qui fête cette année son 30e anniversaire, est très actif grâce son excellente publication pour mettre en avant, depuis son bastion de Madrid, le Blues et la musique afro-américaine. Les tournées font également partie de son périmètre puisqu’au fil des années, en Espagne, en Angleterre ou Hollande (mais pas en France malheureusement), le trimestriel a déjà fait venir des artistes comme Smilin’ Bobby, Little Jimmy Reed, Birdlegg, Michael Dotson, Terry Harmonica Bean ou encore Tail Dragger. C’est justement ce dernier qui nous intéresse aujourd’hui, nos amis ayant eu l’excellente initiative de lui faire traverser l’Atlantique en mars 2019 pour une série de concerts à travers la péninsule ibérique. Solidement encadré par une excellente formation en provenance d’Argentine comprenant Nico Fami et Jay Bee Rodriguez (le boss de Solo Blues) aux guitares, Adrian Jimenez à l’harmonica, mais aussi le bon batteur de Buenos Aires Adrian Flores (fondateur du label Blues Special Records avec qui j’ai sympathisé au fil des années 80-90 à Chicago, il accompagna même derrière les fûts sur la grande scène du Petrillo Shell, son idole Eddie C. Campbell), l’émule d’Howlin’ Wolf n’a rien perdu de sa superbe pour interpréter le blues de la Windy City qui nous fait tant vibrer. Cette session enregistrée en public à l’Azkena de Bilbao comporte neuf compositions. Elle débute avec deux très bons titres originaux intitulés She’s Worryin’ Me et Stop Lyin’, puis Tail Dragger enchaine ensuite avec Long Distance Call de Muddy Waters, Don’t Start Me Talkin’ de Rice Miller ou encore Tell Me What I’ve Done appartenant à son idole et mentor. Les nombreux fans de James Yancey Jones pourront difficilement se passer de ce compact à tirage limité réussi de bout en bout, car visiblement le bluesman a passé d’excellents et mémorables moments durant son périple. Saluons le travail et l’abnégation de Jay Bee Rodriguez qui, contre vents et marées, fait venir en Europe de nombreux musiciens ; grâce à lui, on ne désespère pas de voir dans nos contrées le texan Ray Reed. Pour le moment, savourons comme il se doit cette excellente production de l’infatigable Tail Dragger. Comme à d’habitude, vous ne serez point déçu par l’ancien résident du Delta Fish Market !

 – Jean-Luc Vabres


Bernard Allison

Highs And Lows

Ruf Records Ruf1294 – rufrecods.de

Allison en avait gravement marre de la pandémie et de ses conséquences. Finis les concerts et les tournées et, en octobre 2021, c’est avec un soulagement intense qu’il est revenu en studio pour un nouvel album avec un son producteur favori, Jim Gaines. Voici le résultat avec So Excited, un titre vitaminé qui ouvre la session et qui traduit bien son excitation à l’idée de pouvoir reprendre la route, les tournées et les rencontres avec les fans ! Il a composé 8 des 11 titres dont My Kinda Girl, un beau blues en medium ou Last Night, bien enlevé et le titre éponyme syncopé qui rappelle qu’une vie, pour tout un chacun, la sienne aussi, est faite de hauts et de bas. Il y a aussi deux titres de son père Luther (Now You Got It en mode funky et I gave It All en forme ballade) et Side Step, une compo de Jim Gaines, un slow blues bien scandé qui se révèle une des meilleures faces de l’album avec Allison à la slide. Il y a des invités dont le Canadien Colin James (chant, guitare) à la base de l’excellent My Way Or The Highway, un blues en médium bien syncopé, un grand moment de l’album, à savourer sans modération. Il y a aussi Bobby Rush au chant et harmonica dans le funky Hustler… Coup de chapeau aux accompagnateurs George Moye (guitare), Steve Potts (drums), Jose Ned James (sax), Toby Lee Marshall (claviers) qui mettent l’huile dans les rouages là où il faut, quand il faut! – Robert Sacré


Delvon Lamarr Organ Trio

Cold As Weiss

I Told You So

Colemine Records CLMN 12028/CLMN 12029
www.coleminerecords.com

Dans les albums du Delvon Lamarr Trio, il n’y a pas que la musique qui renvoie aux grandes heures des organistes soul des années soixante. Les photos de pochettes aussi rendent hommage à l’iconographie des prestigieux albums Blue Note. Encore un clin d’œil aux grands illustrateurs d’albums de l’histoire du jazz, de la soul et du gospel, comme les affectionne le label Colemine. Côté look, Delvon Lamarr pencherait plutôt du côté de son contemporain Gregory Porter. Heureusement, nous ne sommes pas uniquement dans la référence et ces deux albums, publiés à un an d’écart, de février 2021 à février 2022, renferment chacun neuf superbes enregistrements au swing, au groove et aux mélodies imparables, jusqu’à la version lumineuse du Careless Whisper de George Michael sur I Told You So. « Cold as Weiss » (un jeu de mots sur le nom de son bassiste Daniel Weiss, qui a entretemps remplacé Grant Schroff), contient un superbe blues : Big TT’s Blues, autoritaire et à la sonorité profonde, piloté par le guitariste Jimmy James. La prise de son est superbe et la complicité entre les trois musiciens, impressionnante. – Dominique Lagarde


Kathy Murray & The Kilowatts

Fully Charged 

Blue Heart Records BHR/023 – www.blueheartrecords.com

Originaire (et résidente) d’Austin, Texas, Kathy Murray est loin d’être une débutante. Il s’agit ici de son 5è album et on peut le recommander. Elle est une chanteuse brillante dont le timbre de voix grave, expressif et nuancé, est super bien adapté au blues, au R&B  et aux ballades, elle le démontre dans chaque morceau. Elle est aussi une compositrice prolifique et douée, elle signe d’ailleurs 11 des 14 faces de cet opus. Elle bénéficie enfin du solide soutien de Jeff Botta (drums), Michael DeSantis (basse), Richard Ross (drums) et Bill “Monster” Jones, un guitariste exceptionnel. Il y a aussi des invités aux drums, piano, orgue et cuivres. On démarre avec un musclé Expense Of Love qui donne des ailes, avant de plonger dans Get Ahold Of Yourself, la meilleure face de cet album selon moi, ça déménage ferme sur un rythme endiablé de rock’n roll, mais Changing Lanes et Animal Magnetism ne sont pas en reste, haletants et scandés, en cavalcade. Les Texas Horns : Kaz Kazanoff (ts), John Mills (bs) et Al Gomez (tp) boostent My Mistake, un slow blues dans lequel Jones aussi fait des étincelles. On les retrouve aussi dans un autres slow blues, Wash Away The Pain et encore dans Breakup Breakdown, une ballade aux accents country dotée d’une belle mélodie (avec Matt Farrell, piano). Quant à Suspicion, c’est une ballade légère et virevoltante sur un rythme de valse avec Jones (guitare mais aussi à l’accordéon !) et il récidive (guitare slide puis accordéon et rubboard) dans une belle version slow de It Hurts Me Too et encore dans un syncopé Extra Nice, en fait un duo vocal Jones-Murray, en medium. On notera encore Hard Act To Follow, syncopé et nerveux avec Bill Jones. Il y a aussi The House That Freddie Built, en médium, un bel hommage à Freddy King avec Jones, transcendant comme d’habitude et aussi Lewis Stephens (orgue), sans parler de Murray elle-même, au top, comme dans les autres faces. – Robert Sacré


Zoom with Shawn Kellerman

Chocolate Cake

Mouhaha Music / No number

Zoom est le nom de scène de la chanteuse Karen Lawrence. Au mitan des années 1980’s, elle apparut sur la scène blues. Si mes souvenirs sont bons, elle vint en France accompagnée de l’excellent guitariste Fred Brousse. En 1999, elle donna naissance à une fille et abandonna soudainement toute activité musicale pour élever son enfant. Mais, en 2019, le démon du blues et de la scène la démangea de nouveau. Grâce aux réseaux sociaux, elle reprit contact avec son vieil ami, le guitariste Shawn Kellerman, que Zoom avait embauché en 1995, alors qu’il n’était qu’un adolescent de 17 ans. Ce dernier accepta d’aider au retour de Zoom dans le monde de la musique. Un petit rappel : Shawn Kellerman fut pendant huit ans le guitariste et le directeur musical de l’orchestre de Lucky Peterson. Zoom et Shawn Kellerman se sont attelés à la tâche en composant ensemble onze chansons mises en boîte avec cuivres (le saxophoniste Dave Wiffen et le trompettiste Ray Podhornik) et claviers (Matt Weidinger et même Lucky Peterson à l’orgue Hammond B3 sur Big Boss Woman). A été ainsi cuisiné un « Chocolate Cake ». Hélas, le gâteau est trop imprégné d’une guitare aux sonorités hard rock pénibles sur, par exemple, Love Bone ou Tired of the Hate, une plainte contre le racisme. La chanteuse annonce la couleur avec la chanson d’ouverture, Are You Ready, où elle interpelle l’auditeur et lui demande s’il est prêt à la retrouver. Sur scène certainement où ce Chicago blues très électrique mâtiné de funk et de rock est destiné à faire passer un bon moment. Par contre, je ne garantis pas que l’on aura envie de réécouter le disque une fois rangé dans la discothèque. – Gilbert Guyonnet


The Love Light Orchestra

Leave The Light On 

Nola Blue Records NB017 – www.nolabluerecords.com

Voici un band formé en 2016 avec John Nemeth au chant entouré d’un orchestre de neuf musiciens passionnés comme lui par le R&B façon Memphis années 1950’s/1960’s. Avec le titre éponyme, arrangé par Nemeth, ils rendent hommage tant à B.B. King (cité) qu’à Bobby Blue Bland et à son classique Turn On Your Love Light de 1961, avec une belle partie de piano boogie-woogie due à Gerald Stephens. Dans la foulée, on aura un nouvel hommage à B.B. King qui obtint son premier hit en 1952 avec Three O’ Clock Blues (composé par Lowell Fulson). Nemeth signe quatre titres dont After All, un slow blues où il siffle une partie de la mélodie et Trickin’ Down, plus rentre-dedans. La section de cuivres est au top sur chaque face avec Scott Thompson et Marc Franklin (tp, fondateur des Bo-Keys et accompagnateur d’un nombre impressionnant d’artistes), Jason Yasinsky (tb), Art Edmaiston et Kirk Smothers (sax) et une section rythmique elle aussi à la hauteur. – Robert Sacré


Holebones

Loud

B District Music BGA063

Holebones est un goupe originaire de Milan qui parcours l’Italie du nord en interprétant des classiques du blues. Il se compose de Andrea Caggiari à la basse et au chant, Heggy Vezzano et Niccolo Polimeno aux guitares, et Leif Searcy à la batterie. « Loud » est leur premier disque comportant huit reprises, avec la collaboration d’Andy J. Forest aux harmonicas. Le choix des morceaux s’est fait par leur contenu et leur importance historique dans l’ histoire du blues. Mojo Hand de Lightnin’ Hopkins ouvre le disque en rappelant à l’auditeur l’importance de la liberté et des droits civiques. Just Like A Bird Without A Feather de R.L. Burnside évoque ensuite avec émotion l’amour et la mort. Catfish est un morceau de Robert Petway qui fût repris par Muddy Waters sous le titre de Rollin’ Stone. On peut citer aussi Hard Time Killin’ Floor de Skip James et Black Man de Stevie Wonder pris sur un rythme plus rock et qui dénonce le racisme. Le disque se termine par Rollin’ And Tumblin’, un classique du Delta blues qui évoque une relation amoureuse déçue. Ce morceau, écrit par Hambone Willy Newbern, a aussi été repris par Muddy Waters. La voix de Caggiari, les solos des guitares et les harmoniques d’Andy J. Forest se rapprochent nettement des originaux interprétés par les bluesmen à l’époque. « Loud  » offre huit morceaux de blues qui retracent bien l’histoire de notre musique préférée joués par des musiciens passionnés. – Robert Moutet


Angela Easley

Rise

Class A Records

Un mini album en forme d’ E.P. avec 6 titres et moins de 26 minutes (!!) qui est la 4è collaboration de Ms Easley avec Walter Scott (prod. et B3 organ) de Nashville. En effet, cette chanteuse/pianiste originaire du Mississippi réside à Nashville où elle officie depuis plus de quatre ans, au Bourbon Street Blues & Boogie Bar. Elle a composé seule ou en collaboration les 6 titres et c’est à Nashville qu’elle a recruté Beverly, Deborah, Regina et Alfreda McCrary – les McCrary Sisters (1) – pour la seconder sur I Can’t Let Go, une ballade en slow aux accents gospel grâce aux Sisters. Elle a aussi fait appel à Shelly Fairchild, une autres chanteuse du Mississippi comme elle, pour booster le titre éponyme Rise (plus qu’un brin country ! dame, on est à Nashville…) avec un section de cuivres inspirée, c’est un plaidoyer et un appel à l’égalité et à l’unité pour passer de l’obscurité à la lumière. Un bien enlevé Runnin’ Out Of Time secoue joyeusement la baraque avec la section de cuivres : Garen Webb (tb), Matt Gros (sax), Micah Holman (sax), Roy Agee (tb), Kiran Gupta (tp), Jim Williamson (tp) et le batteur Marcus Finnie (ex-Taj Mahal et Keb ‘Mo). À noter encore un Don’t Let The Devil Down enfiévré avec, une fois de plus, la section de cuivres en roue libre. Bref, des bons moments mais un goût de trop peu, attendons la suite. – Robert Sacré


Mr Tchang Bluz Explosion

Time to Move

Bluz Track Records #01

De son vrai nom Sam Audrix, Mister Tchang est un chanteur guitariste de blues qui se produit sur les scènes européennes depuis plus d’un quart de siècle. Voici son nouvel album, « Time to Move », en tant que leader. Pour les treize morceaux originaux du disque, il a réuni dans le studio Gumbo Lad, Antoine Escalier à la basse, Pascal Delmas à la batterie et Sylvain Tejerizo aux saxophones. Des invités sont présentes : Victor Puertas à l’orgue, au clavinet et à l’harmonica, Arnaud Fradin à la guitare rythmique et Catherine Girard au wash-board ; cette dernière est plus connue sous le nom de “Cajoune” dans le groupe Sweet Mama. Pour la réalisation, il a bénéficié d’Arnaud Fradin du groupe Malted Milk. Mr Tchang est un excellent guitariste et un très bon chanteur. Le premier morceau du disque, l’excellent Ain’t Superstitious, est un condensé de ce que seront les douze compositions qui suivent. L’orgue Hammond prend une place importante en complément du puissant saxophone, alors que la guitare de Mr Tchang nous rappelle le son et la virtuosité des plus grands. Au fil des morceaux, on parcourt le Sud profond pour monter jusqu’aux sons typiques de Chicago. Pour preuve, le dernier morceau, Baby I Miss You, conclut avec énergie tout ce que nous venons d’écouter pendant les 56 minutes du disque. Mr Tchang Bluz Explosion est l’un des meilleurs groupes de blues européen. – Robert Moutet


Francesco Piu & The Groovy Brotherhood

Live in France 

Appaloosa Records AP257-2 – www.appaloosarecords.it

L’album a été enregistré en live au Théâtre Municipal de Sens en France en septembre 2021 avec Francesco Piu (chant et guitare), Roberto Luti (guitaret, dobro), Davide Speranza (harmonica) et Silvio Centamore (drums). Après un début fracassant avec un bien enlevé Down On My Knees de Francesco Piu et de bons passages de dobro et d’harmonica, on en revient à un style assez fréquent chez Appaloosa Records, un folk-blues électrique qui est une forme moderne des skiffle groups à la Lonnie Donnegan des 1950’s/1960’s, très rentre-dedans, euphoriques/exaltés ou mélancoliques, mais agréables à l’écoute. C’est le cas avec la version scandée et heurtée du vieux gospel Jesus Is On The Main Line ou du Gotta Serve Somebody de Bob Dylan et de Overdose Of Sorrow. C’est encore plus folk avec Trouble So Hard et Mother un peu larmoyants, mais tout repart au galop avec You Feed My Soul plus enlevé et deux faces frénétiques du meilleur aloi : Hold On (avec guitare wah wah) et un Trouble No More mémorable. – Robert Sacré


Louisiana Red & Bob Corritore

Tell Me ‘Bout It

SWMAF Records SWMAF 19 / Vizztone Label Group – www.vizztone.com

On le sait, Bob Corritore aime mettre en avant les musiciens avec lesquels il a partagé la scène. Louisiana Red, décédé le 25 février 2012, faisait partie de ces artistes avec lesquels Bob avait su créer une véritable complicité. Ces deux-là s’étaient rencontrés au Delta Fish Market de Chicago en 1981 et d’emblée ils jouèrent ensemble. L’année suivante, Bob partit pour Phoenix, Arizona, et fut rapidement rejoint par Red avec lequel il écuma les clubs locaux également en 1982, avant que ce dernier ne parte faire une tournée en Europe au cours de laquelle il rencontrera son épouse Dora. Il s’installera en Europe définitivement. Mais leur amitié demeure et, à partir des années 2000, lorsque Louisiana Red reprit des tournées annuelles aux États-Unis, il en profita pour faire une halte chez en Arizona pour jouer et enregistrer avec son ami. Nous avions eu la chance de partager un moment avec les deux compères lors de la grand messe du Chicago Blues Festival, leur complicité n’était pas une légende. Les 11 faces que contient ce CD proviennent de 7 sessions d’enregistrements différentes entre 2000 et 2009. Autant le dire de suite, rare sont les disques dans lesquels on sent une telle alchimie entre les protagonistes. La connexion est totale entre l’harmonica de Bob Corritore, le chant et La guitare de Louisiana Red. Du blues down-home pur jus, un son à se damner, et la présence au fil des plages de musiciens tels que Chico Chism, David Maxwell, Bob Margolin, Little Victor’s Juke Joint, Buddy Reed, Johnny Rap, Chris James, Patrick Rynn ou Brian Fahey sont au programme. UN grand disque de blues ! – Marcel Bénédit


Peter Veteska & Blues Train

So Far So Good

Blue Heart Records BHR/021 / Nola Blue – www.nola-blue.com

Ce groupe a été formé en 2013 dans le New Jersey, un trio avec Peter Veteska (vo, guitare) – qui signe 8 des 12 faces (1) –, Jeff Levine (orgue, piano) et Mikey Junior (harmonica sur 6 faces) et des invités. Il livre ici son 6è opus, il fait plus que « tenir la route », il performe dans l’esprit du R&B/blues, inventif et rentre-dedans, avec des musiciens qui mènent la danse tout du long, se complétant avec bonheur, bien secondés par les autres musiciens (le bassiste Coo Moe Jhee et le batteur Alex D’Agnese). Pas de ballades doucereuses ou country, ici, rien que du R&B et du blues VSOP alternant les tempos et les interventions des invités. On a du slow blues comme Low Down Dirty Blues (la déprime profonde, plus que ça tu meurs !), I’ve Got The Blues This Morning (le blues des matins cafardeux… ah si sa baby pouvait y mettre du sien…), My One And Only Muse (à la recherche de LA muse), Can’t We All Get Along (Misère ! les erreurs de jeunesse !… et si on repartait à zéro ?) et le titre éponyme qui illustre l’histoire du gars qui tombe du 40è étage d’un building et qui dit, en passant devant le 30è puis le 20è, puis le 10è étage…. Jusqu’ici tout va bien !, ou encore, en medium, You Give Me Nothing But The Blues (un classique de Guitar Slim de 1956, avec le duo vocal Veteska/Jenny Barnes et une section de cuivres pugnace). Young Bold Woman  est un hommage rendu à James Cotton par Mickey Junior et un Done With Bad Luck exultant et exprimant un indicible soulagement (avec Gary Neuwirth, harmonica et un D’Agnese percutant). Bien sûr, il y a aussi des faces uptempo bien enlevées et bienvenues comme I Miss You avec Jenny Barnes à nouveau, East Coast Blues (une sorte de road boogie avec Paul “Slideman” Boddy, slide guitare) et Baby Please (style Kansas City jump blues à la Johnnie Johnson). Recommandé. – Robert Sacré


Bob Corritore & Friends

Down Home Blues Revue
“From The Vaults” Series

SWMAF records SWMAF 20 / Vizztone Label Group – www.vizztone.com

Notre ami Bob Corritore possède un fonds d’archives impressionnant et a une fois de plus le plaisir de nous en faire profiter. Ses multiples casquettes de musicien (harmoniciste de talent), compilateur, patron de club, animateur radio et producteur ne sont que le reflet d’une passion pour le blues qui vient de loin et qui perdure aujourd’hui. Dans cet opus de la collection “From The Vaults ” Series, il propose un ensemble de 13 faces – allant du down home Southern blues au Chicago blues moderne – enregistrées à Phoenix, entre 1995 et 2012. Installé depuis 1981 en Arizona, Bob a accueilli de nombreux grands noms du blues avec lesquels il a joué et enregistré. C’est ainsi qu’on retrouve ici Honeyboy Edwards, T-Model Ford, Henry Townsend, Big Jack Johnson, Robert “Bilbo” Walker, Smokey Wilson, Tomcat Courtney, Dave Riley, Pecan Porter ou encore Al Garrett. Difficile de dégager une face plus qu’une autre tellement ce disque de blues transpire d’authenticité et de feeling. Le genre d’album/document qu’on réécoute inlassablement en y découvrant à chaque fois quelque chose de nouveau. – Marcel Bénédit


Guy Verlinde

Standing In The Light Of A Brand New Day

R&amp.S Music LP03

Cet album (CD, vinyl ou numérique) est le produit d’une saga hors du commun. Guy Verlinde avait ce projet de 14è album de sa carrière (1) en tête au moment où la pandémie du Corona virus a démarré. Avec le confinement, il a dû renoncer à plus de 150 concerts et toutes ses économies ont été nécessaires à sa survie. Plutôt que déprimer et renoncer à son projet, il a décidé de lancer une campagne de financement participatif, laquelle, à son grand étonnement doublé de ravissement, a remporté un succès énorme et suscité un véritable enthousiasme. Il a pu se faire plaisir et donner du travail (bien nécessaire) à 17 musiciens, 3 ingénieurs son, un graphiste et un photographe, excusez du peu ! Voici le résultat : 13 titres qui détaillent ses états d’âme, son regard sans amertume sur le passé, sa résilience et sa vision optimiste de l’avenir. Ce fut une véritable musicothérapie bénéfique dont il sort serein et apaisé mais aussi plein d’énergie pour démarrer une longue tournée. Chaque face raconte une histoire : le cercle de la vie (Up On The Mountain), un amour qui a résisté à l’épreuve du temps (Caroline Brings), un autre qui a demandé une rupture sans retour (No More, un beau duo avec la chanteuse Naomie Simons et… un harmonium), prendre la vie comme elle vient (In July), etc. Une mention spéciale à I’m Your Man, l’histoire émouvante du père de Guy qui a retrouvé l’amour à plus de 70 ans, avec accompagnement d’un marching band de jazz style New Orleans, mention encore à Both Sides Of The Blues qui fait très habilement le parallèle entre les rivages d’Afrique de l’Ouest et le Mississippi, entre Muddy Waters, Clarksdale, New Orleans, la Gambie et Kunta Kinte (2). Et, cerise sur le gâteau, comment résister à Karma’s Gonna Kick Your Ass, une diatribe féroce à l’encontre des lâches qui pourrissent la vie d’autrui, cachés derrière leurs écrans d’ordinateurs et qui méritent un retour de flamme musclé ; c’est encore un duo mémorable avec Naomie Simons et un arrangement délectablement New Orleans avec Roel Spanjers (piano) et Richard Van Bergen (slide guitare). Chapeau Guy – and partners ! Well done ! – Robert Sacré

Notes :
(1) 13 albums en 12 ans, pour Dixiefrog et Parsifal Records.
(2) Héros du roman ROOTS (« The Saga of an American Family ») de Alex HALEY (1974) ; série télévisée en 6 épisodes ; box 3 DVD Warner Bros Z10 36456 (1977).


Mick Kolassa

Wasted Youth

Endless Blues Records MMK072021

Encore un album qui doit beaucoup aux invités et à la présence du guitariste Jeff Jensen tout du long. Kolassa a quand même composé 11 des 12 titres et certains sont à caractère autobiographique, marqués par la pandémie du Covid 19 au cours de laquelle il a perdu son épouse et des amis, ce qui donne It Hurts To Let You Go, plein d’émotion, en slow et un I’m Missing You plus nerveux, avec de belles parties de guitare. Pour le reste, mention à Wasted Youth en slow blues avec Eric Hughes (harmonica) et Brad Webb (slide guitar), Feeling Sorry For Myself, un autre slow blues avec Victor Wainwright au piano, Edge Of The Razor, encore un slow blues avec trois guitares acoustiques : Kolassa, Jensen et un très efficace Albert Castiglia à la slide guitare. À noter aussi Touching Bass qui est une démonstration exemplaire de ce qu’on peut faire avec une basse Fender et Bill Rufino aux commandes ! – Robert Sacré


Bob Gaddy, Larry Dale, Brownie McGhee

<h3″>Kings of New York Blues
Bluesmen in Session

Jasmine Records JASMCD 3170 – www.jasmine-records.co.uk

L’histoire de la vie musicale de New York est très riche avec l’opéra au Metropolitan, le rock et le CBGB’s, la comédie musicale de Broadway, le hip hop et le rap, le folk, le jazz et le rhythm & blues à Harlem et l’Apollo Theater et les groupes vocaux. Malheureusement, le blues est réduit à une portion congrue dans ce foisonnant panorama. En 1987, la revue anglaise Juke Blues s’intéressa en profondeur à cette scène méconnue. L’année dernière, le remarquable livre de Larry Simon, « New York City Blues : Postwar Portrait from Harlem to the Village and Beyond » (University Press of Mississippi) nous éclairait un peu plus. Ce CD peut donc être considéré comme une illustration sonore du livre, même si leurs publications presque simultanées ne sont que le fruit du hasard. Par contre, le label anglais Ace Records a planifié, pour fin avril prochain, un CD inspiré du livre. Dans les années 1920’s et 1930’s, les afro-américains de la Côte Est choisirent New York pour échapper à la ségrégation et aux lois Jim Crow. En outre, les musiciens de ces états étaient attirés par la présence d’excellents studios d’enregistrement. Dans les années 1950’s, les firmes de disques new-yorkaises, Atlantic, Old Town, Herald/Ember, Groove, Okeh, Jax, Harlem, Herald, Fire, … furent de véritables aimants à musiciens. Ainsi se développa une scène blues très vivante et éclectique, sans sonorité distinctive qui permît de l’identifier, au contraire de Chicago. Le regretté Bob Fisher a sélectionné vingt-neuf chansons enregistrées entre 1952 et 1960 essentiellement œuvres du chanteur et pianiste Bob Gaddy, le célèbre Brownie McGhee et le chanteur et guitariste Larry Dale. Des titres de Bob Gaddy se dégagent particulièrement : l’instrumental Bicycle Boogie avec Sonny Terry (h) et Brownie McGhee (g), en 1952, pour le label Jackson qui appartenait Bob et Marty Shad ; le jump blues No Help Wanted (1953 -Jax 308) ; le dynamique Slow Down Baby (1953 – Harlem 2330) et son excellente partie de guitare due à Brownie McGhee ; le bien beau blues lent Blues Has Walked In My Room (1953-Harlem 2330) ; les six faces Old Town datant, dont Operator, Rip and Run, et I Love My Baby, une composition de Champon Jack Dupree au très fort parfum néo-orléanais, datant de 1956 et 1957, ne sont pas négligeables. Qui ne connaît pas Brownie McGhee ? Dans les années 1960’s et 1970’s, associé à Sonny Terry, il fut un des grands vecteurs de transmission du blues auprès du public blanc et un des grands bénéficiaires du blues revival. Tout le monde ne sait qu’au début des années 1950’s il fut un maître du rhythm & blues et du blues électrique. Vous vous régalerez, parmi la sélection de ce disque, avec Cheatin’ and Lying / Need Someone To Love (Dot 1184 en 1953) ou Meet You In The Morning (1952 – Jax 302) avec son complice l’harmoniciste Sonny Terry, ou encore Worrying Over You (1953 – Harlem 2323). Larry Dale, de son vrai nom Ennis Lowery, est, avec Mickey Baker et Wild Jimmy Spruill, un des grands guitaristes de la scène blues new-yorkaise. Son talent est illustré ici par six chansons, en fait sept puisque c’est lui qui chante et joue de la guitare sur le superbe titre attribué au saxophoniste Paul Williams, Shame Shame Shame (Jax313). Tout ce qui ce qui publié sur ce CD, de Larry Dale, est indispensable, même quand il ne joue pas de guitare comme sur You Better Heed My Warning et Please Tell Me (1954 – Groove 0029). C’est l’incontournable Mickey Baker qui le remplace. Comment résister à Feelin’ All Right (1953 – Harlem 463) avec le saxophoniste Sam ‘The Man’ Taylor et le batteur Panama Francis ? Complètent ce disque d’autres excellentes choses : My Baby Likes To Shuffle (1955-Wing 90020) du chanteur et guitariste Lorenzo Scales, accompagné de Bob Gaddy (p), Sonny Terry (h) et Brownie McGhee (g) ; Dangerous Woman de Sonny Terry avec Bob Gaddy et Brownie McGhee ; enfin les deux faces du disque Herald 546 de Cousin Leroy (Leroy Rozier) chanteur et guitariste avec en particulier Crossroads qui n’a rien à voir avec Robert Johnson mais est une interprétation de Catfish Blues, avec, à ses côtés, Larry Dale et Champion Jack Dupree. Aucun inédit sur ce CD, mais une musique d’une qualité exceptionnelle qui en rend l’acquisition indispensable. Je me dois de signaler un problème qui ne diminue en rien la nécessité de se procurer ce disque : certains titres de la liste du livret et l’ordre des chansons du CD ne concordent pas ; les titres 24 et 25 du CD sont en fait les 26 et 27 de la liste et inversement. – Gilbert Guyonnet


Various Artists

Watch Your Step
The Roots of Philadelphia Soul

Jasmine Records JASMCD 1136 – www.jasmine-records.co.uk

Le label Philadelphia International, qui vient de fêter ses 50 ans, regroupa un grand nombre d’artistes de soul, doo wop et variété de qualité. Dans son sillage, une multitude de petits labels enregistrèrent les talents de la région. Ce CD nous présente 29 faces (1959-1962) très variées débutant avec le clavier de Bobby Peterson dans un excellent instrumental, on passe ensuite au classique de Chubby Checker The Twist (piqué à Hank Ballard) puis à deux très bons titres de Bobby Parker (récemment reéédités sur le superbe CD « Soul of the Blues »), puis voici les Gainors qui comptaient dans leurs rangs les futurs géants Garnett Mimms et Howard Tate. Le chanteur Jimmy Dee est une réélle découverte avec une magnifique voix : In My Heart et If It Wasn’t For Pride. Big Boy Myles a un son très New Orleans, Don Covay n’est pas encore à son niveau Atlantic, Dee Dee Sharp et son Mashed Potato Time nous invite à la danse et Teddy and the Twilights nous rappellent que la femme est le meilleur ami de l’homme. Une compilation vivante, dansante et qui invite à redécouvrir un son et des artistes intéressants. – Marin Poumérol


Various Artists

Can I Be A Witness
Stax Southern Groove

Kent Soul CDKEND507 – www.acerecords.co.uk

S’il n’avait été assassiné par un cousin en 1975, le roi Fayçal d’Arabie Saoudite – déjà adepte de la musique et du message du Grateful Dead – aurait-il renfloué le label Stax, alors en état de faillite avancée ? C’est une hypothèse que retiennent des articles et ouvrages consacrés à la maison de Memphis. La réserve d’inédits contenue dans les archives est, en tous cas, encore très conséquente, comme en témoigne cette compilation qui en propose dix sur vingt titres, l’autre moitié étant constituée de titres rares ou de 45 tours, très majoritairement uptempo. D’entrée, Little Milton place la barre très haut avec l’irrésistible Bad Water, une chanson de Jackie DeShannon et Jimmy Holiday, créée par les Raelets. Suivi de près par l’excellent R.B. Hudmon et le long medley de Frederick Knight. Plusieurs emblèmes de Stax période 1968-1975 sont encore au générique, et en forme : Eddie Floyd, Soul Children, Emotions, Nightingales, Rance Allen Group, Eric Mercury, Mel & Tim, Sweet Inspirations, Temprees, Jean Knight. Major Lance s’envole vers une seconde carrière de héros de la Northern Soul. En couverture, Isaac Hayes et Eddie Floyd devisent tranquillement. Les beaux jours dureront-ils toujours ? – Dominique Lagarde


The Orlons

Don’t Hang Up

Jasmine Records JASMCD 1109 – www.jasmine-records.co.uk

Parfait exemple du “Girl Group Sound » bien que composés de trois filles et un homme, les Orlons eurent une carrière assez courte depuis leur premier single en septembre 1961 et leurs deux LP en 1962. Ce CD regroupe leurs quatre premiers singles, leurs deux LP Cameo-Parkway plus quatre titres à succès de Dee Dee Sharpe où les Orlons sont les back up singers. La mode était sur le mashed potatoes et le Watusi largement représentés ici avec de nombreuses reprises des succès des autres groupes du moment : Dedicated To The One I Love des Shirelles, des Sensations, des Chantels ou des Lovenotes. 32 titres sans grande originalité, reflets d’une époque, plus proches de la variété que du r’n’b. Pour nostalgiques de cette époque. – Marin Poumérol


Big Al Downing

Still Rockin’ & Rollin’ Down On The Farm

Jasmine Records JASMCD 1133 – www.jasmine-records.co.uk

Ça démarre en force avec Down on the Farm qui fut l’un des grands succès de Big Al. Tout y est et tout est annoncé. Vocal à la Little Richard, guitare flashy, pianiste obstiné semblant prêt à planter rageusement on ne sait quelle volée de clous… C’est bel et bien du rock. Pas du rock « quelque chose »… du rock and roll tout simplement. Et ça continue. Festival joyeux de plagiats sans complexe. Sont convoqués pour la séance de pillage tous les rockers de toutes couleurs au bénéfice de ce roublard talentueux, Big Al Downing. Bon. Il faut bien l’admettre, c’est un peu comme « la boisson d’homme » des Tontons Flingueurs… Harmonies subtiles s’abstenir. Attardons-nous un instant sur cet interprète décomplexé. Comme beaucoup d’africains-américains, c’est l’église qui marqua sa première rencontre avec la musique. Il apprit le piano sur un instrument de fortune puis, tout naturellement, il intégra le groupe local de Randy Poe. Remarqué par Wanda Jackson lors d’un passage de celle-ci dans sa ville, il s’engagea dès lors dans une carrière professionnelle qui s’avéra bien remplie. Ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance du parcours de Downing n’auront pas de peine à vagabonder sur Internet. Big Al profita de ses capacités d’assimilation pour évoluer dans divers styles. Il semble que sa préférence allait vers la country music qui lui réserva bien des succès autant comme pianiste et chanteur que comme compositeur. Elu au Rockabilly Hall of Fame, il figura souvent au programme du temple de la Country, le Grand Ole Opry… Il y a suffisamment de bonnes choses dans ce recueil pour me donner l’envie de vous conseiller de prendre le temps de le découvrir. Il n’y a pas que des copies au programme. On y trouve par exemple Slipping And Sliding de Little Richard ou le Summertime Blues de Cochran. Les originaux me semblent tout de même meilleurs. La Nouvelle-Orléans pointe son nez çà et là, comme dans le séduisant It Must Be Love où il est épaulé par de solides requins de NOLA, notamment Dr John à la guitare. Wanda Jackson demeure une chanteuse dont la voix un peu éraillée et le dynamisme explosif sont emblématiques du rock blanc. Big Al est très à l’aise dans ces morceaux. Il est souvent accompagné par un guitariste accrocheur, Vernon Sandusky. Just Aroud the Corner témoigne de son talent. Une approche qui a fait, au début du Rock, les délices de nombreux amateurs. Y compris dans notre pays. Les groupes de guitare foisonnaient et dans les quartiers des grandes villes on n’aimait pas que les Chaussettes Noires. Je me souviens ainsi, à l’écoute de ces morceaux, d’une plage populaire près de Marseille, au-delà des quartiers Nord qui, en ces temps-là, n’avaient pas besoin de B.A.C. Le dimanche, on y dansait au son de petits groupes qui s’acharnaient à maîtriser des guitares électriques qui tenaient plus des outils de torture que d’un respectable instrument de musique. Les Ventures et autres Shadows étaient à l’honneur. À cette époque, la Marine Aéricaine mouillait parfois dans le port. C’était une occasion d’acheter des 45 tours aux marins, car l’escale durait plusieurs jours et permettait des trouvailles miraculeuses. Un dernier mot pour signaler les textes : ils sont parfois amusants, comme ceux de Down on The Farm par exemple. – André Fanelli


Various Artists

Blind Raccoon And Nola Blue collection Vol.4

BHR 019 (2 CD) – www.nolabluerecords.com / disponible en téléchargement digital via www.blueheartrecords.com 

Cette anthologie, 34 faces (dont 13 inédites, à paraître en 2022), puise dans les catalogues bien fournis des compagnies Nola Blue Records et Blue Heart Records, mais aussi de partenaires comme Woodstock Records, Farm 189 Rec., House Of Blues et autres Cordova Bay Records. Cela pourrait donner envie à d’aucuns d’aller explorer ces catalogues plus en détail. Comme on peut s’y attendre, le compilateur a choisi une des meilleures faces de chaque album. Dans le CD 1, on retrouve de vieilles connaissances comme Trudy Lynn avec If Your Phone don’t ring, Clarence Spady et If Only We Could ou Skylar Rogers avec un slow blues au ton dramatique, Firebreather. Mais il y a pas mal d’autres bons moments à savourer avec la slide de Blind Lemon Pledge dans Black Eyed Susie, avec Mike Guldin et un excellent Tumblin’ uptempo et aussi de beaux blues en medium comme Back Door Woman Blues de Waydown Wailers et Never Gonna Change de David Gogo. On marquera la cadence en battant la mesure aussi sur Sorry, du R&B festif et enlevé de Mark Cameron ou sur So Far So Good de Peter Veteska voire sur Smokey Tango de Laura Tate. C’est loin d’être limitatif, car Michele d’Amour, Bobby Gentilo, Wily Bo Walker, Prof. Louie, Matt Lomeo et Trevor B.Power se défendent pas mal non plus. Le CD 2 poursuit dans cette lancée avec d’excellentes faces, à commencer par Do The Rufus d’un Johnny Tucker, speedé à l’adrénaline, par le mémorable Hard Times Coming, un slow blues plein d’émotion de David Rotundo. Kenny Parker et sa voix cassée frappent fort aussi avec un She Might Meet Me plein d’allant. Une surprise avec le crooner Dick Van Dyke (96 ans!) qui est aux commandes du jazzy Is You is Or Is You Ain’t My Baby ? avec cuivres en folie. On retiendra encore Jon Spear qui se déchaîne dans B-Side Of My Life uptempo et rock and roll et qui fait des émule : David Vest suit le même chemin avec Party In The Room Next Door et David Lumsden casse la baraque avec un bien senti Ruthless Boogie. À noter que le Mary Jo Curry Band a droit à deux faces de single : un Rent musclé et enlevé qui sème le vent et la tempête et Idaho Bound, un instrumental festif et guilleret. On manque de place pour parler des autres musiciens choisis, mais ils ne déméritent pas : Chris Daniels, Adam Schultz, Miss Bix, Donna Herula, Tiffany Pollack, Jim Koeppel et Teresa James ne sont pas des débutant(e)s et tiennent leur rang. Recommandé. – Robert Sacré


Leroy Kirkland

I’ll Be Rockin’

Jasmine Records JASMCD 3211 – www.jasmine-records.co.uk

Leroy Kirkland n’est pas le plus connu des arrangeurs-producteurs de r’n’b des années 1950’s et 1960’s, mais il a quand même fait une très belle carrière que nous retrace cet excellent CD Jasmine. Né en 1906 à Columbia, en Caroline du Sud, il apprend très jeune le banjo et la guitare et compose ses propres chansons. En 1941, il se lie d’amitié avec le saxophoniste Sam “The Man” Taylor qui le fait entrer dans l’orchestre d’Erskine Hawkins comme guitariste. Il s’inscrit à l’Hartnett School of Music à Manhattan où il apprend à composer et à arranger et est recruté chez Savoy Records. Il va travailler pour de nombreux labels : Decca, Mercury, Wing, RCA , Rainbow, Okeh , Roulette, Atlantic et bien d’autres. En 1954, il devient le directeur musical de l’orchestre du fameux disc-jockey et animateur Alan Freed. Sur ce disque, 27 de ses compositions/productions sont regroupées, donnant une idée assez fidèle de ses talents : Annie Laurie, Big Maybelle dans son humoristique Gabbin’ Blues, le superbe Good Lovin’ des Clovers, les Five Keys, Big John Greer, le vieux copain Sam Taylor, Screamin’ Jay Hawkins dans Well, I Tried, Brook Benton, Etta James, Maxine Brown, The Genies (groupe d’origine du grand Roy C. Hammond), Ann Cole (qui enregistra la version originale de Got My Mojo Working) et quelques autres moins connus, mais tout aussi interéssants. Leroy Kirkland : un musicien qu’il est temps de redécouvrir grâce à cette compilation de qualité. – Main Poumérol


Shakey Jake

The Vocals & Harmonicas Blues of Shakey Jake
Two original albums plus bonus tracks

Jasmine Records JASMCD3182 – www.jasmine-records.co.uk

L’enfant James D. Harris, originaire de Earle, Arkansas, reçut un harmonica comme cadeau de Noël. Il apprit donc à jouer de cet instrument. Pendant la grande dépression, sa famille émigra à Chicago. Là, à la fin des années 1940’s, il commença à se produire avec divers orchestres, John Lee Sonny Boy Williamson étant son modèle, tout en exerçant divers boulots pour survivre : chauffeur de taxi, mécanicien, mais surtout joueur professionnel… L’activité du jeu de dés dans laquelle James Harris est particulièrement adroit lui valut son surnom, ses compagnons de jeu l’interpelant ainsi “Shake’em Jake”. Shakey Jake estimait être meilleur chanteur que musicien. Il fut par contre un indéfectible soutien et une aide précieuse pour Magic Sam dont il avait épousé la tante, ainsi que pour Jimmy et Syl Johnson à qui il procura son premier concert en 1955. Quelques années plus tard, dans les sixties, il soutint Luther Allison. Grâce à Willie Dixon, il grava un excellent 78 tours pour Artistic, filiale de Cobra avec la présence remarquée des guitaristes Magic Sam et Freddie King. Les deux faces de ce disque ouvrent ce CD. Notez qu’il ne toucha rien pour cette séance, mais la légende raconte qu’il aurait gagné 700 dollars à Eli Toscano, patron de la firme de disques, lors d’une partie de dés. Une belle revanche ! Comment fut-il contacté par l’important label new yorkais Prestige ? Nul ne le sait. Mais grâce aux deux albums, ici disponibles, enregistrés pour ce label, « Good Times » (Prestige/Bluesville BVLP 1008) et « Mouth Harp Blues » (Prestige/Bluesville BVLP 1027), publiés en 1960 et 1961, il toucha le public blanc. Ainsi fut-il invité à participer à la tournée 1962 de l’American Folk Blues Festival. Pour le premier de ces disques, le célèbre Rudy Van Gelder est aux manettes. Pour accompagner le chant et l’harmonica de Shakey Jake, la production a fait appel à deux pointures du jazz, l’organiste Brother Jack McDuff et le guitariste Bill Jennings. Douze compositions de Shakey Jake ont été sélectionnées. Sans être un chef-d’œuvre, cet album réalisé dans un cadre intime et jazzy passe facilement le test du temps ; soixante ans plus tard, il s’écoute toujours avec plaisir. C’est aussi le cas du second album qu’enregistra Shakey Jake, toujours pour Prestige/Bluesville. Mais cette fois la musique est plus blues, la production ayant fait appel au guitariste de Chicago Jimmie Lee Robinson pour se joindre à des musiciens new-yorkais. Le résultat est un disque plus abouti que le précédent. Rien de renversant dans cette compilation, mais une écoute agréable du travail d’un musicien dilettante sans présomption au génie. – Gilbert Guyonnet


The Hesitations

Soul Superman

Freddy Butler

With a Dab of Soul

CD Kent 505n – Kent Soul CDKEND507

Réédition de deux albums devenus rares parus initialement sur le label Kapp de Detroit. The Hesitations, originaires de Cleveland, très influencés par les groupes de Detroit et les Four Tops en particulier, avaient d’évidentes qualités vocales qui portent des morceaux comme I Beleive To My Soul ou I’ll Be Right There vers l’excellence, mais les arrangements ne sont pas du meilleur niveau. Freddy Butler, chanteur et guitariste de Detroit, débuta dès 1962 sur le label Star Maker et joua beaucoup en studio et derrière d’autres artistes avant de graver cet album en 1966. Il possède une belle voix virile et nuancée très bien mise en valeur dans I Fell in Love ou She’s Foolin’ You. This Thing serait une réelle réussite s’il n’y avait pas ces chœurs qui cassent l’ambiance là et ailleurs. En résumé, des qualités évidentes, à condition de supporter ces scories. – Marin Poumérol


Various Artists

Psychedelic Soul
Produced By Norman Whitfield

Kent Soul CDTOP 504 – www.acerecords.co.uk

Rien de rare ou d’inédit dans cette compilation de 18 titres dédiée au travail de Norman Whitfield… sinon peut-être le cliché en couverture, du producteur lui-même, semble-t-il, beaucoup moins « shooté » que nombre de ses pairs de l’époque. Le nom de Norman Whitfield est synonyme de mariage entre soul et psychédélisme, relayé par la puissance de diffusion de Motown entre 1968 et 1975, puis par la marque créée par le producteur lui-même, de 1976 à 1981. Rien ne manque ici, du I Heard It Through The Grapevine de Marvin Gaye, au Papa Was A Rolling Stone des Temptations, via leur Psychedelic Shack, et le War d’Edwin Starr. Pédales wah-wah, chambres d’écho, chœurs, riffs de violon, boîtes à rythme, basses gonflées s’en donnent aussi à cœur joie sur le puissant Me And Rock’n’roll (Are Here To Stay), de David Ruffin ou chez les effervescents Undisputed Truth et Yvonne Fair. Curiosité : un langoureux Come With Me de Rare Earth, chaînon manquant entre Jane et Serge, et Donna Summer. Homme de l’ombre, au succès phénoménal, Norman Whitfield, au même titre que Gamble et Huff à Philadelphie, a-t-il contribué à l’émergence du disco ? Si l’on s’en tient aux titres retenus ici, l’arrivée de la fièvre du samedi soir semble avoir mis un sérieux coup d’arrêt à la méthode et les dernières livraisons, malgré Spyder Turner ou Rose Royce, s’avèrent bien moins aventureuses. – Dominique Lagarde


Various Artists

The Great American Song book
Goes Doo Wop

Jasmine Records JASMCD 2708 – www.jasmine-records.co.uk

Umm ! Le sujet est assez délicat ! 30 classiques de la grande variété américaine grand public revisités par des groupes vocaux dits de Doo-wop et qui font de leur mieux pour plaire à ce public peu porté sur les sons r’n’b. Que voulez-vous qu’ils fissent ? Certains sont restés proches des versions à succès espérant en récolter des retombées : les Cadets, les Fleetwoods, les Statues, les Platters qu’on a entendus plus inspirés, les Crenshaws qui trainent Moonlight in Vermont comme un boulet, ainsi que les Cleftones qui ne font pas grand chose de  Glory of Love dont Otis Redding sut exploiter la mélodie de belle façon six ans plus tard. Mais voilà : tout le monde n’a pas du talent ! Parmi les réussites, Blue Moon revu par les Marcels et dont tout le monde se souvient, les Coasters qui apportent leur entrain et la qualité de leurs voix à Zing ! Went The Strings Of My Heart. Le Summertime de Billy Stewart aurait eu une toute autre allure que la version des Regents. Même les Drifters avec le grand Clyde McPhatter ne sont pas au top dans Someday You’ll Want Me To Want You. En résumé, de la variété plaisante, bien ficelée avec quelques étincelles, une bonne dose de sirop et quelques longueurs. – Marin Poumérol


Various Artists

A Questlove Jawn
Summer of Soul (… or, when the revolution could not be televised)
Original Motion Picture Soundtrack

Legacy Sony Music 19439956872

En 1970, nous pûmes découvrir dans les salles de cinéma des images du festival de Woodstock qui se déroula du 15 au 18 août 1969 à Bethel, dans l’état de New York. Pour la petite histoire, Martin Scorsese était un des assistants du réalisateur Michael Wadleigh. Mais tout le monde avait oublié qu’à la même époque, à quelques encablures de là, se déroulait, au cœur de Harlem, à New York, un festival entièrement consacré aux musiques afro-américaines, un véritable « Black Woodsock », le Harlem Cultural Festival. À partir du dimanche 29 juin 1969, chaque week-end, un concert gratuit était organisé dans le Mount Morris Park (aujourd’hui Marcus Garvey Park). 300000 spectateurs assistèrent à cette série de six concerts. En cette année 1969, c’était la troisième édition, cette fois financée par des mécènes privés et soutenue par le maire de New York, John Lindsey. Par contre le NYPD refusa d’assurer la sécurité. Ce furent les Black Panters qui s’y collèrent. Cette édition 1969 fut filmée par un vétéran de la télévision, Hal Tulchin. Mais les images ont été ensevelies sous l’oubliance de l’Amérique blanche sans aucun égard pour les afro-américains et leur culture. Elles dormaient depuis cinquante ans, heureusement bien conservées, quand elles furent exhumées, travaillées et montées par Ahmir “Questlove” Thompson, rappeur, batteur et DJ. Le résultat fut un magnifique documentaire, « Summer of Soul, …or, when the revolution could not be televised ». De nombreux prix mérités dans divers festivals récompensèrent ce travail d’amour pour la musique afro-américaine de cette période. Voici, avec ce cd, une partie de la bande-son du film. Cet Eté de l’Âme proposa un panorama complet des musiques afro-américaines. Jazz, Blues, Soul, Rhythm & Blues, Gospel, Funk furent présentés au public. Le réalisateur Questlove a dû sélectionner pour produire un cd de quatre-vingt minutes. Il l’a fait en respectant la diversité musicale, mais il éliminé Stevie Wonder (des questions de droit ?), Max Roach et Abbey Lincoln, Hugh Masakela, Sonny Sharrock. Le disque démarre avec l’épatant Uptown des Chambers Brothers. B.B. King explique fort bien, avec le soutien de sa guitare, pourquoi il chante le Blues (Why I Sing The Blues). The 5th Dimension, orchestre à tendance pop psychédélique, mené par la chanteuse Marilyn McCoo, a droit à deux titres, dont un medley de deux chansons de la comédie musicale en vogue, Hair ; le tout est agréable à écouter. My Girl de David Ruffin des Temptations est remarquable. Puis vient l’Eglise avec la traditionnelle chanson optimiste des Edwin Hawkins Singers, Oh Happy Day, le superbe It’s Been A Change des Staple Singers et la mémorable guitare du patriarche, Pops Staples, et enfin 8:33 d’impressionnante ferveur religieuse avec la rencontre de Mahalia Jackson et Mavis Staples soutenues par l’Operation Breadbasket Orchestra and Choir. Precious Lord, Take My Hand n’est pas un choix fortuit ; c’était la chanson préférée du pasteur Martin Luther King assassiné l’année précédente. Elle fut suggérée par le révérend Jessie Jackson présent ce soir-là. Autre exemple Motown, après Dave Rubin, Gladys Knight and the Pips délivre une excellente version de I Heard It Through The Grapevine popularisée par Marvin Gaye en 1968. Le jazz et l’afro-cubain sont dignement représentés par Herbie Mann, Ray Barretto et Mongo Santamaria. Les deux chansons de Sly & the Family Stone sont magnifiques. L’orchestre est bien plus à l’aise qu’à Woodstock auquel il participa aussi. La trompettiste Cynthia Robinson est impressionnante et volerait presque la vedette ! Le disque se clôt avec Nina Simone. Une impeccable version de Backlash Blues, résultat de sa collaboration avec le poète Langston Hughes, et la lecture vibrante (Nina Simone avoue n’avoir pas pu mémoriser le texte) du poème de David Nelson, Are You Ready, avec une toile de fond de percussions concluent de la meilleure façon possible cet excellent cd. Que ce disque vous encourage à découvrir le documentaire dans lequel l’aspect historique et le contexte social de l’époque sont intelligemment évoqués. – Gilbert Guyonnet


The Majors

A Wonderful Dream

Jasmine Records JASMCD 1131 – www.jasmine-records.co.uk

Les Majors, groupe constitué de quatre hommes et une femme, furent une des surprises de l’année 1962. Ce groupe était très populaire dans les clubs de la région de New York et leur premier single Imperial, A Wonderful Dream / Time Will Tell, monta très haut dans les charts en mai 1962. Très bien produits par l’excellent Jerry Ragovoy (alias Norman Meade), ils firent un bon LP – «  Meet the Majors » – bien accueilli par la critique. Évidemment, tout cela n’a pas trop bien vieilli et les Majors sont aujourd’hui bien oubliés malgré leur indéniable talent. Là encore, un disque pour spécialistes de ce style. – Marin Poumérol


Don Gardner & dee Dee Ford

I Need Your Loving 1954-1962

Jasmine Records JASMCD 3176 – www.jasmine-records.co.uk

Deux organistes célèbres doivent une fière chandelle au chanteur et batteur Don Gardner (1931-2018) : Jimmy Smith puis Richard “Groove” Holmes ont fait leurs premiers pas dans son orchestre. C’est pourtant quelques années plus tard, en 1962, associé à une autre spécialiste des claviers et chanteuse, Wrecia Holloway, alias Dee Dee Ford, que Don Gardner connaîtra le succès grâce à I Need Your Lovin’, un gospel désacralisé en deux parties, un « slow burner », taillé pour faire monter la tension. Ce CD de 27 titres, bien documenté, remémore cette période, des débuts jazzy avec les Sonotones (l’entêtant Going Down to Big Mary’s House), aux productions new-yorkaises de Bobby Robinson (Nobody But You, Don’t You Worry, Where You Lead Me) toujours très empreintes de gospel. – Dominique Lagarde


Ernie K-Doe

The Mother-in-Law Man

Jasmine Records JASMCD 3246 – www.jasmine-records.co.uk

Ernest Kador Jr, né à La Nouvelle-Orléans, fut une figure très populaire de la Cité du Croissant jusqu’à sa mort en juillet 2001 sous le pseudonyme Ernie K-Doe. Auto-proclamé “The R&B Emperor of New Orleans”, il n’hésitait pas à porter une couronne et arborait quelque tenue vestimentaire un peu tapageuse. En outre, il était le propriétaire, avec son épouse Antoinette, du club le Mother-in-Law Lounge dans le district de Treme où il chantait régulièrement. Ce lieu à la façade très colorée subit de graves dégâts avec l’ouragan Katrina en août 2005. Sa veuve en resta la propriétaire jusqu’à sa mort en 2009. Le trompettiste Kermit Ruffins dirige maintenant ce lieu historique depuis 2014. Ce local a été baptisé d’après le grand tube d’Ernie K-Doe, en 1961, Moher-In-Law, une composition d’Allen Toussaint. La réjouissante partie de piano jouée par Toussaint lui-même et le soutien de l’envoûtante voix de basse de Benny Spellman ont grandement contribué au succès de l’excellente interprétation d’Ernie K-Doe et sa voix de ténor un peu rugueuse. Le 45 tours devint n°1 des charts américains de Rhythm & Blues et Pop ; ce fut aussi un tube en Angleterre. Malheureusement, sa carrière n’atteignit plus de tels sommets de vente, malgré la qualité de sa production, la firme de disques Minit n’ayant pas les moyens de promouvoir cet artiste. Le modeste succès transforma Ernie K-Doe en une populaire attraction locale. Pourtant Te-Ta-Te-Ta-Ta, A Certain Girl, I Cried My Last Tear, Love You The Best et la ballade blues Loving You sont d’excellentes chansons qui auraient mérité un meilleur sort commercial. Nous trouvons bien sûr ces titres sur ce cd Jasmine qui publie neuf singles Minit à l’irrésistible et chaleureuse saveur néo-orléanaise, produits entre 1959 et 1962. Y ont été adjoints quatre titres qui virent le jour en 1962 sur l’album Minit 0002, « Mother-In-Law », ainsi que la face B du 78 tours et 45 tours Specialty 563 de 1955, Eternity et la très brève (1 :14) My Love For You, face A du 45 tours Ember 1050 datant de 1959. Voici un disque de grande qualité, même s’il manque une discographie. Il vous transmet la contagieuse fièvre de la musique de La Nouvelle-Orléans des années 1960’s. – Gilbert Guyonnet


Bobby Marchan

This Is The Life 1954-1962

JASMCD 3212 – www.jasmine-records.co.uk

Étonnant qu’en plus de cinq décennies de carrière, Bobby Marchan (1930-1999) n’ait jamais eu de véritable album publié sous son nom, si ce n’est l’obligatoire 33 tours de compilation de 45 tours, qui suivit son succès There is Something on Your Mind, au début des années 1960’s. Ce chanteur de La Nouvelle-Orléans, personnage haut en couleurs, célèbre travesti, imitateur de voix féminines, vocaliste des Clowns de Huey “Piano” Smith avant de s’échapper en solo, a pourtant exercé une influence indéniable dans la transition du rhythm’n’blues vers la soul. Ce CD Jasmine de 28 titres se concentre sur sa première partie de carrière. La notice biographique rappelle qu’il fut aussi l’auteur de succès ultérieurs comme Shake Your Tambourine et Get Down With It et, plus tard encore, un mentor révéré de la scène rap naissante. – Dominique Lagarde


Rhoda Scott

Lady All Stars

Sunset Records SUN037 – www.sunset-sunside.com

À 83 ans, l’organiste Rhoda Scott, papesse féministe, a toujours la pêche ! en 2017, elle a créé le Lady Quartet avec des jazzwomen françaises et a sorti un album qui annonçait la couleur : « We Free Queens ». En 2021, elle est passée à la vitesse supérieure en créant un octet 100% féminin avec des musiciennes qui sont à la pointe du jazz actuel en France. Quatre saxophonistes : Sophie Alour (ts), Céline Bonacina (bs), Lisa Cat-Berro (as) et Géraldine Laurent (as) ; deux batteuses : Anne Paceo et Julie Saury ; ainsi qu’Airelle Besson (trompette, bugle), et cet octet vient d’enregistrer un album sorti en janvier 2022. Cerise sur le gâteau : les huit faces ont été composées par des femmes, dont deux par Rhoda Scott elle-même : R & R (un festival d’orgue B3 festif et enlevé, un bon remède pour le spleen, avec support massif des cuivres, sax baryton de Céline Bonacina en particulier) et Short Night Blues (en live, exalté et roboratif, un modèle de swing passionné sans limites). Les autres Ladies ne sont pas en reste, Lisa Cat-Berro (alto) signe deux morceaux : City Of The Rising Sun évoquant une aube ensoleillée en ville, augurant d’une bonne journée et Golden Age débridé et joyeux, style « la vie est belle »). Les deux percussionistes sont aussi compositrices, Anne Paceo avec Les Châteaux De Sable, une fable mélancolique et introverti et Julie Saury avec Laissez-Moi, ironique, calme puis emporté et furieux avant de finir dans l’exaltation avec A. Besson (bugle, tp) qui elle aussi présente sa composition, Escapade, où souffle un vent de liberté ébouriffant les cheveux, à la recherche de nouveaux horizons. Citons encore le I Wanna Move de Sophie Alour (sax ténor) en live, nerveux et plus R&B que les autres faces style «… y’en a marre, je bouge… ». J’imagine qu’il est inule de préciser que la cohésion entre les neuf musiciennes est remarquable tout du long. C’est un plaisir à partager de bout en bout, à consommer sans modération. – Robert Sacré


Paul Gayten

True (You Don’t Love Me)
Early recordings 1947-1949

Jasmine Records JASMCD3162 – www.jasmine-records.co.uk

Il nous est difficile d’imaginer quelle fut la vogue des petits orchestres (souvent des trios) qui se répandirent à travers les USA dans les années 1950’s. Au point de vue esthétique, on pouvait rencontrer bien des styles allant d’un blues élégant, rarement low-down, à des ballades filandreuses sans oublier une touche de jazz ça et là. Ces musiques étaient là pour servir aux consommateurs des mets bien apprêtés mais sans trop d’étincelles. En dépit du fait qu’elle est centrée sur les débuts de Gayten, l’anthologie qui m’a été confiée est suffisamment copieuse pour autoriser un survol efficace des prestations de l’artiste. On ne peut nier une certaine monotonie. Un « lissage » pouvant séduire le public des cabarets. Une fois encore je m’interroge sur ces anthologies qui rassemblent de façon artificielle trop de pièces semblables ou proches. Les sidemen de Gayten sont à la hauteur. On retrouve des noms connus. Des habitués des studios pas toujours familiers au grand public. Wallace Davenport ou Lee Allen. Rappelons que nous avons affaire à un CD de jazz. Donc oublions le Mississipi ou Chicago. J’ai eu l’occasion dans le passé de vous signaler un musicien très intéressant qui mériterait plus d’attention, je veux parler du guitariste Edgar Blanchard. Quelques impressions d’écoute. Pas exhaustives d’ailleurs. Commençons par le pire pour aller vers le meilleur. You Go to My Head et It’s wonderfull sont ainsi typiques des défauts de Gayten. Plombés par des rythmiques qui évoquent par leur manque de vivacité des slow tristes exécutés par un couple de pachydermes sentimentaux. Il en va de même avec Can’t Help That Girl etHelp Lovin’ That Gal, Gayten’s Nightmare est un boogie un peu mécanique où – titre oblige – nous devons subir des couinements apeurés. On a certainement bien rigolé lors de l’enregistrement. Le saxo (Lee Allen!) semble par instants « préfigurer » Albert Ayler ! On est loin des prestations usuelles de Lee. Dans l’ensemble, tout de même, la musique est bien ficelée et peut surprendre agréablement. Creole Gal est une bonne illustration du meilleur. En fait ce sont les morceaux très jazzy comme Cook’s Tour avec son saxo baryton ou Trust in Me bien enlevé avec une guitare volubile. Le CD s’achève sur un classique du blues, In the Evening exécuté à la perfection. La partie d’alto d’Eddie Barefield y est un atout maître. Du coup le groupe lui-même échappe aux sables mouvants. Un swing léger mais élastique soutenant un vocal détendu parfois tout juste à l’accord, demeurant dans une zone ambigüe mais séduisante. La guitare apporte un certain piment. C’est, bien évidemment du jazz (avec un zeste bleu) mais du moment que c’est du bon jazz pourquoi se plaindre. Vous aimerez peut-être, comme moi, le jeu créatif de Blanchard où le fumet du blues est, par contre, bien là. Je ne suis pas vraiment fan de cette musique, mais je comprends qu’elle suscite le plaisir de certains. Détente et aisance sont des qualités. Sur ce point, Paul Gayten ne manque pas d’atouts. – André Fanelli


Tap That Jazz

Sing That Fight
Respect

Frémeaux & Associés FA 8593 – www.fremeaux.com

Cinquième album pour Tap That Jazz (ex-Les Oignons) fondé en 2005 avec une équipe de musiciens enthousiastes et passionnés par le jazz traditionnel style New Orleans, sous la houlette de Julien Silvand (tp, leader, arrangements), June Milo (chant), Dominique Mandin (sax ténor), Rémy Oswald (banjo), Raphaël Martin (sousaphone), Julien Vardon (claquettes) et, depuis peu, la Cajun “Cajoune” Girard (washboard). Cet album veut rendre hommage aux grandes chanteuses d’opéra, de pop et de jazz victimes de discriminations sexistes et raciales – la totale quoi ! – ayant transcendé leurs frustrations en chants de combat. Et c’est une belle réussite. L’opéra en effet a titillé la verve et l’imagination du band avec un double coup de chapeau à Verdi en jazz avec des variations sur E Strano… Follie !, un extrait de la Traviata et sur Caro Noma tiré de Rigoletto avec June Milo qui chante en italien avec swing, boostée par le tap dance de Julien Vardon et la pétulance des souffleurs qui sont encore à la tâche en délire dans un Casta Diva Norma de Bellini et Les Tringles Des Sistres du Carmen de Bizet, le tout dans une décontraction folle et festive : jazz et opéra, même combat ! Féminisme militant encore avec le Respect d’Aretha Franklin, Une Sorcière Comme Les Autres d’Anne Sylvestre, Arnaq de Elisapie, l’Inuit du Canada et le bluesy A Piece Of My Heart de Janis Joplin, voire un Sodade repris à Cesaria Evora, sans oublier le rejet du racisme et de la ségrégation avec Strange Fruit de Billie Holiday et le Mississippi Goddam de Nina Simone. À noter, dans cette catégorie, le coup de gueule approprié de Julien Silvand : Decolonize (Don’t Just Recognize). – Robert Sacré


Moon Lake

Roman de Thomas Lécuyer

Editions Plaisir de Lire

Thomas Lécuyer éprouve une fascination pour Ray Charles transmise par sa mère. Amoureux de toutes les musiques afro-américaines, il les diffuse par son activité de DJ, mais aussi en co-fondant le maintenant célèbre festival Blues Rules de Crissier, petite ville suisse qui a la chance d’accueillir, chaque année, quelques-uns des meilleurs musiciens du Delta du Mississippi. Aussi jouit-il d’une réputation méritée dans le petit monde du Blues. Thomas Lécuyer a d’autres cordes à son arc : il est aussi journaliste culturel et critique de cinéma pour divers médias ; il fut le directeur artistique du maintenant défunt Lido de Lausanne. En outre, à temps perdu, il est romancier. En 2013 il publiait un thriller hitchcockien, « Deux minutes d’arrêt » (Editions Le Manuscrit). Il persiste et signe un nouveau roman noir, « Moon Lake ». Nous sommes à Lula, Mississippi, en 1938. Deux corps atrocement mutilés sont découverts sur la berge d’un petit lac en forme de croissant de lune. Le lieu existe réellement. Thomas Lécuyer développe alors une intrigue bien conduite qui mêle avec finesse, sans manichéisme ni prétention, la fresque sociale et la musique que nous autres, lecteurs d’ABS, aimons tant. Une belle journaliste blanche du Commercial Appeal, journal de Memphis, envoyée sur place pour couvrir ce fait divers, aidera à résoudre l’énigme de ce meurtre. Mais il lui faudra affronter l’adipeux shérif raciste du comté aux convictions indestructibles. Nous croisons Ma’ Ridley la patronne du juke joint où se produit Leonard, qui rêve d’enregistrer des disques avec ses accords dignes d’anges enivrés ; ainsi que William Wilkerson amateur de vins français, patron de l’auberge Uncle’s Henry qui existait encore il y a quelques années. L’auteur a la bonne idée de ne pas multiplier les personnages. Les ambiances sont bien campées. Fouillé et enlevé, tel se présente ce roman très divertissant qui bénéficie d’une bande-son. Un code vous renvoie sur internet où vous pourrez écouter cinq classiques du blues que je vous laisse découvrir, interprétés par Leonard au fil du récit, et trois originaux créés par le héros du roman pour réaliser son rêve d’enregistrement, mais spécialement composés pour ce livre par l’auteur Thomas Lécuyer et un complice et incarnés par l’artiste Jynx. Une lecture recommandée à tout amateur de roman noir ; aucune connaissance approfondie du blues n’est nécessaire pour l’apprécier. – Gilbert Guyonnet


Crossroads
La Dernière Chanson de Robert Johnson

par Hervé Gagnon

Éd. Hugo Roman, Paris 2021 ; 531 pages, illus. ; ISBN 9752755690026 – www.hugoetcie.fr

La saga Robert Johnson continue (1) avec une nouvelle fiction due à Hugo Gagnon, un auteur de thrillers historiques qui a signé plusieurs séries à succès comme les « Enquêtes de Joseph Laflamme », « La Mort du Temple », etc. Il est aussi grand amateur de Blues et professe une admiration sans bornes pour Robert Johnson et la légende qui l’entoure. Comme tous les fans du guitariste – et ils sont nombreux – il se demande si ce bluesman n’aurait pas écrit un dernier blues resté inédit et non enregistré suite à son décès prématuré et inattendu en 1938. C’est le point de départ de son roman qui intègre les révélations les plus récentes et publiées entre autres par Bruce Comforth et Gayle Dean Warlow dans « Up Jumped the Devil (The Real Life of R.Johnson) » (Omnibus Press, 2019) et par Annye C. Anderson dans « Brother Robert – Growing Up With R. Johnson » (Hachette Books, New York, 2020) (1) ; en particulier, il tient compte des causes réelles du décès du bluesman, un empoisonnement à la naphtaline ajoutée dans son whisky, ce qui était censé le rendre malade comme un chien (2) sans le tuer, mais ayant provoqué chez lui une hémorragie massive et mortelle suite au saignement de ses ulcères à l’estomac. Gagnon imagine deux chercheurs universitaires passionnés de Blues, un historien (Donald Kane) et une anthropologue (Virginia Craft), qui reçoivent une lettre de Simone Jackson, une vieille dame noire de Greenwood, MS, qui leur offre de venir récupérer une petite boite métallique que R. Johnson aurait confiée à la garde de sa mère Ellie Mae Harney – une ex-maîtresse – peu avant sa mort et qu’elle était sensée ne rendre qu’à une personne envoyée expressément par lui…. Personne n’était venu et la boîte avait été confiée à la fille (3), qui, comme sa mère, ne l’ouvrit jamais et ignorait son contenu. Kane et Craft auront cet honneur, mais ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler les secrets de ce qu’ils y trouvent et qui va les entraîner dans un voyage initiatique pavé de dangers et de phénomènes inexplicables, le surnaturel n’étant jamais absent. Le Diable mène la danse et complique la tâche des chercheurs. Disons seulement que des feuillets écrits de la main de Johnson font penser à une mythique trentième chanson mais que le texte est ambigu et pose d’énormes questions… Suite dans le livre qui est un vrai thriller haletant avec des rebondissements et des péripéties à répétition qui tiennent en haleine et surtout qui tiennent la route jusqu’au bout. Vade retro Satana ! – Robert Sacré

Notes :
1. Voir « Robert Johnson » par Robert Sacré, ABS Magazine #74.
2. Procédé assez fréquent dans le Deep South avant la 2è Guerre Mondiale pour donner une leçon dont on se souvient à ses ennemis et en l’occurrence aux séducteurs de femmes mariées.
3. Inutile de s’exciter : S. Jackson n’est PAS la fille de Johnson… dommage.


Blues Piano And How To Play It

par Erwin Helfer

The Sirens SR4001 – www.thesirensrecords.com

Figure majeure du piano Blues et Boogie Woogie mais aussi du Jazz, à 86 ans passés Erwin Helfer continue à se produire à Chicago mais également à donner des leçons particulières. Steven Dollins, à la tête de The Sirens Records, est un ami de longue date de l’illustre musicien, ce dernier a enregistré neuf formidables albums pour cette compagnie. Dans cet ouvrage destiné au musicien amateur ou plus confirmé, il nous fait partager son expérience et ses connaissances dans l’art du jeu du piano blues. Ultime lien vivant avec la célèbre famille Yancey, Erwin Helfer a joué également aux côtés de Big Joe Williams, Little Brother Montgomery, Blind John Davis, Floyd McDaniel, S.P. Leary, ou encore Sunnyland Slim. Ceux qui souhaitent se lancer dans la méthode pourront interpréter un titre complet en suivant les premiers chapitres avant d’aller un peu plus loin sur d’autres partitions. Quelle merveilleuse initiative d’avoir publié ce livre qui sera à l’évidence sur les pupitres de nombreux pianos, si l’on désire suivre les conseils de l’un des plus grands maîtres de la Windy City.

 – Jean-Luc Vabres


Le Blues sur de vieilles guitares (en fer)

Texte : Alain Vulbeau
Illustrations : Jean-Marc Vulbeau

Éditions : L’un & l’Autre ; Sens & Tonka & Cie. Octobre 2021

Lorsqu’Alain Vulbeau rencontre Willie “Chuck Flap” Casey, en avril 2016 à Huntington (NY), le chanteur et guitariste aura bientôt 100 ans (ce dernier est né en août 1916). Ce n’est donc pas ici une vaine formule rhétorique de parler du vieux musicien comme d’une histoire vivante du blues. L’entretien tombe à pic, puisque Willie Casey vient alors de parrainer une anthologie en 5 CD 1, réalisée pour commémorer les 100 ans du premier enregistrement de blues connu : Early in the Morning de Howard Thomas. Un morceau enregistré sur un rouleau par le folkloriste Howard D. Odum et retrouvé dernièrement, par hasard, dans les archives de la Bibliothèque du Congrès. De la fabrication du diddley (cette guitare – ou contrebasse rudimentaire – composée d’un simple fil de fer tendu le long d’un mur) aux guitares électriques des rockers, en passant bien sûr par les guitares à caisse de résonance métallique Dobro ou National, ces guitares « en fer » que notre musicien affectionne ; des premiers « jingles » publicitaires pour la farine King Biscuit et le soda Popcola, aux émissions télés en passant par les tournées de l’American Folk Blues Festival, jusqu’au concert organisé par Obama à la Maison Blanche, Willie Casey dévide, de l’intérieur, une histoire du blues savoureuse, partiale et pleine d’humour, fourmillant de petits détails. Le vieux musicien fait preuve d’une mémoire étonnante (seule quelques dates ont été corrigées, écrit Alain Vulbeau en postface) et d’une réjouissante ouverture d’esprit : Willie Casey confie par exemple avoir bien apprécié l’approche du blues par certains groupes britanniques des années 1960 comme les Animals. Ce long entretien est agrémenté de magnifiques dessins par le graphiste Jean-Marc Vulbeau, le frère d’Alain, qui placent les propos du musicien en perspective. D’une grande sobriété le trait évocateur du graphiste nous restitue l’univers du blues avec ce que j’interprète comme une grande tendresse. Une lecture tout à fait jubilatoire qui ne devrait laisser indifférent aucun fidèle d’ABS Mag. Un ouvrage à mettre dans toutes les mains. – Christian Béthune

Note :
1 Un siècle de Blues 1916-2016 Jukeland.