• L’actualité des disques, livres et films traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…


The Anthony Paul Soul Orchestra
Featuring Willy Jordan
What Are You Waiting For ?
Blue Dot BDR Cd 111
Les habitués du festival de Porretta connaissent bien Anthony Paul et son Soul Orchestra. Cette formation, à l’architecture classique, comprenant une section de cuivres, la présence du batteur Kevin Hayes (qui fut longtemps celui de Robert Cray), une poignée de choristes dont Larry Batiste et la guitare de son leader aux riffs acérés, s’apparente aux Bo-Keys ou autre Platinum Band. Son chanteur vedette en était Wee Willie Walker avec lequel fut enregistré l’album « In My Lifertime » (cf. ABS n° 74). Sa disparition aussi rapide qu’inattendue obligea Anthony Paul à se mettre en quête d’un nouveau chanteur qu’il a trouvé en la personne de Willy Jordan qui a su se mettre au diapason du « son maison » très facilement. Si la forme de l’orchestre est fidèle au dogme d’une soul traditionnelle, le répertoire l’est aussi avec le fait de réussir le tour de force de n’interpréter que des titres originaux qui peuvent rivaliser avec certains de la grande époque, dus à la plume d’Anthony Paul, de Christine Vitale (sa compagne) et de Larry Batiste que l’on retrouve en tant que soliste sur Back Up Plan. Symptomatiquement – comme pour Willie Walker – Willy Jordan, néanmoins très à l’aise dans les titres rapides, semble être dans sa zone de confort dans les ballades et You’re Somebody Else’s Baby Too, Where’s Justice, Bruised en sont la démonstration, alors que sa reprise d’After A While n’a pas à rougir de la comparaison avec la version qu’en fit Willie Walker en son temps. Cet album est nommé par la Blues Foundation pour : Album, Soul Blues Album, Band of the year pour 2025… Alors, What are you waiting for to get your copy ? (disponible en CD et en vinyl). – Jean-Claude Morlot

Kid Ramos
Strange Things Happening
Nola Blue Records – www.nola-blue.com
Le guitariste californien, originaire d’Orange County, nous offre un album exceptionnel dans lequel se mêlent avec virtuosité le Blues et le Gospel. Pour cette noble entreprise, il est secondé par Brian Templeton qui sublime la partie vocale et par Johnny Ramos, le talentueux fils du Kid. Le répertoire, soigneusement sélectionné, rend hommage à Sister Rosetta Tharpe avec Strange Things Happening Every Day, aux légendaires Soul Stirrers à travers l’émouvant Oh What A Meeting, ainsi qu’à Clara Ward, icône du répertoire sacré, avec le magistral How I Got Over, sans oublier Bob Dylan et sa formidable composition Every Grain Of Sand. Par ailleurs, Brian Templeton enrichit l’album de deux magnifiques compositions originales : An Answer For Isaac et Nobody But The Lord. Tout au long des douze titres, la guitare du Kid tisse avec tact, grâce et ingéniosité un fil musical remarquable. Un véritable tour de force artistique qui ne manquera pas de recueillir de nombreux éloges. L’alchimie entre le répertoire sacré et le blues de la Côte Ouest fait de cet album une réussite indéniable. – Jean-Luc Vabres

Matt “The Rattlesnake” Lesch
“Blues Cut Like Glass”
Blue Lotus Recording 2025 – www.bluelotusrecordings.com
Avec ce disque, Matt Lesch confirme qu’il est bien l’un des leaders de la nouvelle génération de bluesmen avec des artistes comme Sean McDonald, Harrell Davenport, DK Harrell, Dylan Triplett et Stephen Hull notamment. Il signe les onze morceaux de ce disque, réunissant une véritable dream team autour de lui avec notamment le regretté Gus Thornton (ex bassiste d’Albert King) et le groupe de Mickael Burks : Wayne Sharp (orgue), Chuck “Popcorn” Louden (batterie), John Davies (basse), sans parler des nombreux invités dont son ami Sean “Mack” McDonald (guitare) et Rich McDonough (guitare). Le travail de Paul Niehaus, patron du label, ingénieur du son, mixeur et producteur se révèle une nouvelle fois excellent. Matt Lesch impressionne par son jeu guitare fluide et sophistiqué, mais aussi par une maturité digne d’un vieux briscard. Le CD commence sur les chapeaux de roue avec le premier single Feel So Good sorti quelques mois avant l’album (en mai 2024), un « blues joyeux » (oui, c’est possible !) qui donne qui donne envie de danser. Il nous vente tous les mérites de sa chérie dont il est très amoureux ! (« I wanna tell you about a girl of mine, she’s long and tall and she loves me all the time, she’s my baby, she makes me feel so good »). L’intro et les solos de guitare sont vraiment superbes. Le deuxième titre, He’s a Bluesman, est un magnifique hommage à son ancien mentor Big George Brock qu’il a accompagné pendant sept ans. Un blues profond, intense et émouvant qui retrace sa vie de sa naissance à Grenada, Mississippi, en 1932, à sa carrière de bluesman. Il raconte que Big George aimait les femmes et qu’il a eu plusieurs vies, notamment, il fut champion de boxe, battant Sonny Liston par KO dès le deuxième round. Sonny Liston est ensuite devenu champion du monde des poids lourds entre 1962 et 1964… La rythmique est assurée par Tecora Morgan (basse) et Riley Morgan Jr (batterie) qui ont longtemps accompagné Big George Brock avec leur père Riley Coatie Sr. L’apport des invités Jonny Erblich (harmonica très présent) et Taylor Streiff (piano subtil) est déterminant. Le cocktail avec la guitare de Matt Lesch est poignant nous transportant pour un voyage au fin fond du Mississippi. Pour ceux qui aiment les blues cuivrés, je recommande particulièrement les deux titres suivants Big Legged Woman et I’m So Tired avec une section de cuivres composée de Dan Smith à la trompette, Ben Schaeffer au saxophone ténor et Ian Buschmann au saxophone baryton. Les cuivres bonifient ces deux titres swinguants sans être envahissants. Les arrangements de Matt Lesch sont parfaits ! Si She’s My Everything est musicalement parlant un blues classique, au niveau des paroles, c’est à l’opposé des blues habituels : « I got a fine little girl, she treats me like a king, she’s my red hot mama, she’s my everything ». Sitting At The Station est un morceau plus sombre : « I gotta leave this town cause I’m playing a loosing game ». C’est une jolie ballade avec un son qui rappelle Europa de Santana ainsi qu’un petit clin d’œil malicieux à Otis Rush. Going Through This World All Alone est aussi un titre assez sombre qui démarre comme du delta blues lancinant, mais devient rapidement plus urbain voire hendrixien. Le titre éponyme du disque, Blues Cut Like Glass, est un blues au tempo lent sur lequel les cuivres sont de retour et le piano de Luke Sailor bien en évidence. Keep Your Promise est un vrai blues sur lequel le groupe est rejoint par le grand Rich McDonough en deuxième guitare. L’intro et les solos de guitare sont brillants, fluides, inspirés, vraiment emballants ! Let Me Cook For Ya, morceau instrumental jazzy au tempo rapide, met en évidence la virtuosité de Matt Lesch à la guitare ! Still Got My Blues est un blues lent poignant dominé par la guitare aérienne de Matt Lesch, avec une jolie participation de Taylor Streiff au piano. Cette fois, c’est un « vrai blues » dans lequel il raconte que sa femme, à qui il avait tout donné, l’a quitté pour un millionnaire… Enfin, Jammin’ at Paul, est un duel de guitares incandescent et vraiment jouissif entre Matt Lesch et Sean McDonald dans le studio Blue Lotus Recording de Paul Niehaus, de quoi clôturer en beauté cet album qui restera, à n’en pas douter, comme une réussite majeure de l’année 2025. Vous l’avez sans doute compris, ce disque est une merveille de bout en bout. Il est de toute évidence une des sorties les plus marquante de ce début d’année. – Jocelyn Richez

HeavyDrunk and Watermelon Slim
Bluesland Theme Park
HeavyDrunk Records – No number
Les nombreux « vieux » lecteurs d’ABS connaissent bien Watermelon Slim. Pour les nouveaux, il est un chanteur, guitariste, harmoniciste et auteur-compositeur. Son vrai nom est William P. Homans III. Originaire de Boston, il rejeta les aspirations de ses parents et partit faire la guerre au Vietnam. A son retour il exerça divers métiers dont celui de cueilleur de pastèques. D’où son choix de nom d’artiste. Il vit à Clarksdale, Mississippi, depuis de nombreuses années. HeavyDrunk est le nom d’un orchestre de Nashville, Tennessee, constitué de neuf musiciens, dirigé par le chanteur, guitariste et auteur-compositeur Rob Robinson. Le nom de cette formation vient de Clarence ‘Gatemouth’ Brown qui dit un jour, à propos de Stevie Ray Vaughan, « Man, he’s a no-playin’ so-and-so… and a heavy drunk ». HeavyDrunk est un cocktail musical aux diverses saveurs : Mississippi Delta Blues, Gospel, Soul, Rock et fanfares. En outre, Rob Robinson a aussi un pied dans le monde de la cuisine : il est le propriétaire du réputé Puckett’s Grocery and Restaurant à Lieper’s Fork, Tennessee, à 45 minutes au sud de Nashville. Quel est le menu proposé par ce disque ? Le choix est varié et pourra rassasier les oreilles les plus endurcies. L’entrée consiste en une pétillante musique de cirque ou de fête foraine avec cuivres et guitare réjouissants. Puis vous dégusterez un verre de New Wine, cru funky bio millésimé, avant d’attaquer Little Big Horn, un plat concocté par Watermelon Slim. Son jeu de guitare slide et sa voix trainante qui chante : « well I’ve had some bottles, and I‘ve had some women, but the bottle got empty, and the women drift away » régaleront vos papilles. Le trou normand est assuré par le profond gospel Church Bells (Little Zion). Watermelon Girl (rien à voir avec Watermelon Slim, mais composition de Rob Robinson et du regretté Tony Joe White) est marqué par les épices exotiques des Caraïbes et une steel guitare jouée par Scotty Sanders. Vous goûterez ensuite avec grand plaisir Road Food & Cheap Motels, un second plat dû au talent de Watermelon Slim qui, guitare slide en main, narre la dure vie de musicien sur les routes. Une lampée de la douce ballade You Make Me Want To vous rafraîchira avant le sombre Better Worser Too. Watermelon Slim ressert une version acoustique gouleyante de Little Big Horn seul à la guitare et au chant. Avant le dessert, Watermelon Slim s’empare enfin de son harmonica et chante a capella Australia uniquement accompagné de claquements de mains, cela ressemble à quelque chanson de marins. Le dessert proposé est un pur Rhythm & Blues avec cuivres puissants, orgue, choristes, qui vous donnera envie de danser. Le guide ABS accorde plein d’étoiles ! – Gilbert Guyonnet

Shawn Pittman
My journey
Must Have Music – www.shawnpittman.com
Depuis bientôt trente ans, parti de Dallas, Texas, Shawn Pittman parcourt les scènes du monde entier, tout en constituant sa propre discographie, forte d’une quinzaine d’albums. Je suis très loin d’en connaître la totalité, mais je placerai sans hésitation celui-ci sur le dessus du panier. Enregistré à Bonn, en Allemagne, il fait entendre Shawn Pittman entouré des frères Özdemir, basse et batterie, orgue, piano et accordéon, ainsi que des Texas Horns. À l’arrivée, un disque de blues sans lourdeur, enjoué, swinguant, aux onze titres bien tournés. – Dominique Lagarde

Johnny Iguana
At Delmark
Delmark Records 888 – www.delmark.com
Le pianiste de Chicago, Johnny Iguana, est infatigable. Après une longue tournée en France à la fin de l’année dernière, Delmark Records nous dévoile son nouvel album. Il y a quelques mois, Julia Miller et Elbio Barilari, les responsables du label, ont invité le pianiste en studio. L’objectif était double : tester les qualités de leur Steinway et éprouver le matériel d’enregistrement analogique récemment restauré. Face à l’instrument, les responsables lui ont exposé leur vision : « Nous aimerions que tu enregistres un album de piano solo. C’est simple, nous ne ferons que des prises uniques, sans mixage ni montage, le tout strictement réalisé dans un processus analogique à chaque étape de la production ». Le résultat est un splendide album qui rend un hommage vibrant à la musique que nous chérissons. Quel plaisir d’écouter, dans de telles conditions, des compositions comme Bass Key Boogie de Little Brother Montgomery, You Belong to Me de Magic Sam, ou encore les classiques You Never Can Tell de Chuck Berry et Messin’ With The Kid composé par Mel London et interprété par Jr. Wells. Johnny Iguana propose également cinq titres originaux remarquables, parmi lesquels se distinguent For Dancers Only, Stormy Night at a Moroccan Blues Bar et Welcome Distractions. Une mention spéciale pour la reprise Heart Of Gold de Neil Young, véritable merveille de cet album. Sans aucun doute, cette session exceptionnelle est promise à devenir un classique. À écouter absolument ! – Jean-Luc Vabres

Tommy Castro
and the Painkillers
Closer To The Bone
Alligator ALCD 5025 – www.alligator.com
En près de quarante années de carrière, Tommy Castro a publié dix-sept disques. « Closer To The Bone » est son huitième pour la firme de disques de Bruce Iglauer, Alligator. Cet artiste de la scène blues rock de réputation internationale affirme que ce nouveau disque est « la face la plus blues de sa personnalité ». Ce que confirme l’écoute. Tommy Castro, originaire de San Jose, Californie, a choisi d’enregistrer aux Greaseland studios de sa ville natale. C’est le patron du lieu, Kid Andersen, qui produit et joue de la guitare rythmique, de la basse et des claviers. Les fidèles Painkillers, Mike Emerson (k), Randy McDonald (b) et Bowen Brown (d) accompagnent le chant et la guitare de leur leader, rejoints par divers invités selon les chansons. La composition originale de Tommy Castro et Kid Andersen Can’t Catch A Break débute le disque. Avec le tromboniste Mike Rinta et le saxophoniste baryton Jack Sanford, elle me rappelle le classique de Rufus Thomas Walkin’ The Dog. Rick Estrin et son harmonica chromatique ont été conviés pour la reprise de The Way I Do créée en 1956 par le guitariste Jimmy Nolen qui fut membre des Blue Flames de James Brown. L’écoute continue avec One More Night, chanson composée par le regretté musicien du Blues californien, Johnny ‘Nitro’ Newman des Dynatones. Le second original co-écrit par Tommy Castro et Kid Andersen, Crazy Woman Blues, lorgne clairement vers le Buddy Guy de First Time I Met The Blues. Le jeu du pianiste Mike Emerson aurait ravi Otis Spann. Particulièrement enlevé est Woke Up And Smelled The Coffee écrit par Chris Cain, lui-aussi de San Jose. Tommy Castro s’empare d’une guitare à résonnateur et Keep Your Dog Inside calme les esprits qui se réchauffent très vite avec She Moves Me de Johnny Guitar Watson avec un excellent solo de la saxophoniste Deanna Bogart. Apparition de l’harmoniciste Billy Branch et du batteur June Core sur la composition de Tommy Castro Ain’t Worth The Heartache. La reprise de Fool For You de Ray Charles est marquée par le jeu de piano de Chris Cain, plus connu comme excellent guitariste, et les chœurs des Sons Of Soul Revivers. Tommy Castro interprète en slide en compagnie du pianiste Jim Pugh Freight Train (Let Me Ride) du regretté Ron Thompson. La slide chauffe encore sur Everywhere I Go chantée par son auteur le fidèle bassiste des Painkillers Randy McDonald. Bloodshot Eyes, une chanson country de Hank Penny et Ruth Hall, que Syd Nathan, fondateur de King Records et Federal, fit enregistrer par ses auteurs et par Wynonie Harris pour toucher les marchés blancs et afro américains, est dans un style jump et Rhythm & Blues réjouissant. Rick Estrin est de retour pour un passage par Chicago avec Stroll Out West du grand Eddie Taylor. Hole In The Wall, composition de Brownie McGhee datant de 1969, que Tommy Castro découvrit dans une interprétation de Magic Slim, conclut cet excellent disque. Le jeu de guitare de Tommy Castro est absolument remarquable tout au long de cet enregistrement. Aucun excès, aucun bavardage inutile guitare en mains. Son chant est au diapason de sa six cordes. Un disque très réussi. – Gilbert Guyonnet

Joe Metzka
Blues for Daniel
Blue Lotus Recordings 2025 – www.bluelotusrecordings.com
D’abord, présentons Joe Metzka, un chanteur/guitariste de Saint Louis qui est assez méconnu en France. Ce n’est pas un débutant, il a déjà sorti sept CD qu’il vend durant ses concerts. Tous sont de bonne qualité en étant très différents, du studio, du live, de l’électrique, de l’acoustique et même un disque de chansons de Noël. Joe Metzka est un personnage singulier qui, à côté de sa carrière musicale, se présente dans des concours de musculation/body building. Il faut dire qu’il a une musculature impressionnante ! C’est aussi un bon chanteur à la voix reconnaissable. Il s’agit ici d’un album studio de seulement quatre titres (EP) pour presque 27 minutes. C’est sûr qu’on aimerait en avoir plus tant la guitare de Joe fait merveille. C’est le premier disque de Joe Metzka sur le label Blue Lotus de Paul Niehaus. Le groupe est composé de Joe Metzka (guitare et chant), Daniel LaDele Fitzpatrick (piano), Phil Burton (basse), Keith Robinson (batterie). Le titre Blues for Daniel fait référence à Daniel Fitzpatrick, pianiste du groupe qui est décédé le 21/07/2023 à seulement 51 ans. Comme le disait Joe sur Facebook, « Dieu avait besoin d’un pianiste au paradis ». On retrouve d’ailleurs sur la pochette du disque une photo de Joe Metzka et Daniel Fitzpatrick. Ces quatre morceaux ont été enregistrés en 2023, juste avant le décès de Daniel Fitzpatrick qui a stoppé le projet. C’est vraiment dommage car sans cela, le disque aurait sans doute contenu d’autres excellents titres. Blues for Daniel est un instrumental, c’est aussi le seul inédit de ce disque. En effet, le titre Evil et le blues lent B Side Blues étaient sur l’album « Another disaster » (2021) alors que le shuffle Dance With Me était dans les albums « Say It » (2018) et « Live Vol.2 acoustic » (2020), certes dans des versions différentes. Si vous ne possédez pas les précédents disques et que vous êtes amateurs de belles guitares blues, alors n’hésitez pas, vous ne serez pas déçus. Ce disque n’est pas distribué en France ; il est très difficile de se procurer la version « physique » en dehors de Saint Louis, mais vous pouvez acheter la version numérique sur les plateformes spécialisées comme cette page internet où les sept autres CD de Joe Metzka y sont aussi disponibles – Jocelyn Richez
Note : Vous pouvez écouter les 4 titres sur le site de Blue Lotus recordings mais aussi sur YouTube.

Freeworld
More Love
SO 65433 222 – www.freeworldmemphis.com
Freeworld, avec sa large section ce cuivres, ferait penser au groupe Chicago… Mais c’est pourtant bien une formation de Memphis, qui perpétue un esprit de famille musical, un de communauté, qui n’est pas sans rappeler celui des hippies dans les années 60. L’iconographie du CD, le nom du groupe et celui de l’album en fournissent plusieurs indications. Seul bémol, la durée un peu longue de l’album – avec des passages démonstratifs – en un temps où l’on est revenu à des formats plus courts. Un chanteur accrocheur et inspiré, Peter Cushing, la dimension gospel apportée à More Love par le Tennessee Mass Choir, font de cet album un bon moment pour les amateurs de soul funk sauce cuivrée. – Dominique Lagarde

Frank Bey
Peace
Bol-Blue – www.nola-blue.com
Le label Nola Blue nous offre une compilation du regretté Frank Bey intitulée « Peace», sortie en janvier dernier. Onze titres rendent hommage à la carrière remarquable de ce chanteur de blues et de soul, décédé en 2020. L’album s’ouvre sur That’s What Love Will Make You Do, une reprise énergique du répertoire de Little Milton, enregistrée en 2015 avec The Anthony Paule Soul Orchestra et dévoilée ici pour la première fois. Parmi les autres morceaux notables, on retrouve Midnight and Day ainsi que City Boy de Keb’ Mo, dont le rendu acoustique est formidable. L’album se conclut par une interprétation poignante de Imagine de John Lennon, reflétant l’engagement de Frank Bey. « Peace » est une célébration émouvante de l’héritage du natif de Millen, en Géorgie, nous offrant l’occasion de redécouvrir un artiste disparu bien trop tôt. Il est à noter que le CD est disponible en édition limitée via le site internet Bandcamp. – Jean-Luc Vabres

Tomislav Goluban
with Crooked Eye Tommy
Nashville Road
Overton Music OMX 1003
Tomislav Goluban est un chanteur harmoniciste croate. En plus des concerts avec son groupe, il a de multiples activités dans le domaine du blues : professeur de musique, DJ radio et organisateur de festival. Il a déjà sorti seize albums studio avec son groupe, en solo et en duo. Il se produit régulièrement en Croatie mais aussi en Europe et aux États-Unis. C’est lors d’un séjour aux US qu’il a entendu la chanson Hot Coffee And Pain du chanteur guitariste Crooked Eye Tommy, de son vrai nom Tommy Marsh. Originaire de Californie, Tommy est déjà bien connu des amateurs de blues rock quand Tomislav lui propose de travailler ensemble. Après quelques enregistrements en Croatie et aux États-Unis, ils se sont retrouvés fin 2023 au Jasco’s Music Lab de Nashville pour enregistrer les neuf chansons du disque Nashville Road. Dans des styles différents, la fusion de leur musique n’était pas évidente. Avec des influences de Sonny Terry et Slim Harpo, Tomislav a réussi à intégrer dans ses chansons le blues rock de Tommy. Le groupe se compose de Jasco Duende à la guitare, Eric Robert aux claviers, Doug Seibert à la basse, Bill Gilliam à la contrebasse, Grady Clark à la guitare slide et Alphonso Wesby à la batterie. Tomislav a composé les sept premières chansons de disque. Le premier morceau, Hard Run, est un instrumental, suivi de Rock Dog où Tommy et Tomislav se succèdent au chant. À noter aussi Hip Hop Shake, un autre magnifique instrumental. En conclusion, un album très agréable à écouter, avec le regret de sa durée de seulement 34 minutes. – Robert Moutet

Kai Strauss
Wailin’ in Vienna
An Old School Blues Session
Continental Blue Haeven CBHCD 2057
Depuis de nombreuses années, le chanteur-guitariste allemand Kai Strauss s’est fait une place méritée au soleil de la scène blues européenne. Ses prestations scéniques avec son Electric Blues All Stars sont explosives et leurs disques très réussis. Kai Strauss a mûrement réfléchi à ce nouveau disque, « Wailin’ in Vienna ». Il l’avait planifié depuis quelque temps. Il a ainsi écrit et composé quinze titres originaux qui saisissent à merveille l’essence de l’âge d’or du Chicago blues, celui des années 1950. L’enregistrement eut lieu en direct dans un minuscule mais confortable studio de Vienne en Autriche. Les musiciens furent rassemblés dans une pièce unique. L’amplificateur de Kai Strauss fut disposé dans la montée d’escalier, Kai jouant dans la pièce de contrôle avec l’ingénieur du son pour qu’il soit possible de surajouter son chant si cela s’avérait nécessaire pour la qualité de l’enregistrement. Les cuivres ont été enregistrés aux États-Unis et ajoutés à l‘enregistrement live. Quels sont les musiciens complices d’une telle réussite ? Les excellents guitaristes Rusty Zinn et Alex Schultz, les pianistes Dave Ruosch, Christian Dozzler et Andreas Sobczyk, le contre-bassiste Dani Gugolz aussi co-producteur du disque avec Kai Strauss, le batteur Peter Müller, l’harmoniciste Gerry Lülik et le remarquable saxophoniste Sax Gordon. Tous s’amusent comme des fous en créant avec un style allègre, vif et sans graisse superflue ces quinze titres gorgés de Blues et de Swing. Kai Strauss a beaucoup de talent pour évoquer les sons et les émotions du Blues qu’il vénère. Son jeu de guitare déborde de fraîcheur, d’inventivité et d’énergie. Il mêle habilement tradition et nouveauté. Chaque titre est un hommage aux grands noms de l’histoire du Blues. À vous, chers auditeurs du disque, de les identifier. Quelques moments forts : Old Fashioned Blues qui ouvre le cd avec une progression et des changements d’accord inhabituels et peu orthodoxes. Rusty Zinn donne une leçon de guitare rythmique sur Travelin’ Man. On pense à l’association Jimmy Rogers/Muddy Waters. Rusty Zinn a appris cela directement avec un des maîtres Luther Tucker. Le solo d’Alex Schultz sur Sweet And Salty est magnifique. Three Bells In A Row qui conclut le CD est très jazzy. Très appréciable est l’apport du saxophoniste Sax Gordon dont le jeu embellit Standed, Cooking For My Baby, Thank You Mr. Doggett (un bel hommage au grand Bill Doggett) et My Old Time Used To Be. Ce disque s’éloigne notablement de ce que joue Kai Strauss avec son Electric Blues All Stars. Il faut un grand talent pour réussir une telle gageure. Kai Strauss s’en tire haut la main. Son disque, qui ne quitte pas mon lecteur, emballera les plus blasés des amateurs de Blues et tous les profanes. – Gilbert Guyonnet

Jimmy Vivino
Gonna Be 2 Of Those Days
Gulf Coast Records – www.gulfcoastrecords.net
Jimmy Vivino, né en 1955 dans le New Jersey, est un guitariste, claviériste et chanteur américain. Durant sa longue carrière, il a occupé des postes de programmateurs et de directeurs dans le domaine du blues, mais aussi dans le cinéma et dans la radio, et il a, à son actif, une vingtaine d’albums. Il a joué et enregistré avec des légendes du blues comme Johnnie Johnson et Huber Sumlin, il a été membre du groupe Canned Heat. Voici donc son dernier disque, enregistré en février 2025 au VlyLand Recording Stone Ridge et c’est son premier chez Gulf Coast Records. Jimmy Vivino est aux guitares acoustiques et électriques, à l’orgue Hammond B3, au piano et au chant. Il est accompagné par Jesse Williams à la contrebasse et à la basse électrique et Rich Pagano à la batterie et aux percussions. Il a deux invités : Joe Bonamassa pour le morceau Blues In The 21ST en ouverture du disque et John Sebastian à l’harmonica et à la basse électrique dans les morceaux Beware The Wolf et Back Up The Country. Dans les onze morceaux du disque, il n’y a aucune reprise, tous sont écrits par Jimmy. Aux États-Unis, il a un franc succès, on lui attribue outre un grand talent musical, une écriture puissante et une voix singulière. À l’écoute de ce disque, nous pouvons le confirmer. – Robert Moutet

Ed Alstrom
Flee Though None Pursue
Haywire Productions – No number
Notre rédacteur en chef bien aimé m’a envoyé le cd d’un complet inconnu de moi, Ed Alstrom. Dix huit chansons toutes écrites et composées par lui, près de 80 minutes de musique de qualité. Qui est cet artiste semblant venir de nulle part pour nous autres Européens ? Son curriculum vitae est impressionnant. Ce caucasien commença à jouer de l’orgue à l’âge de cinq ans. Mais il joue de quasiment tous les instruments existants sur cette planète. L’énumération serait trop longue. Il a joué avec la crème de la musique américaine : Bette Midler, Chuck Berry, Leonard Bernstein, Herbie Hancock, Odetta, Dion, Ronnie Spector, Steely Dan, Blood Sweat and Tears, … Il n’est pas ce que l’on peut appeler un bluesman, mais sa connaissance et son amour des musiques afro-américaines lui ont donné une irrépressible envie de les incarner. C’est ce qui nous vaut ce cd. Ed Alstrom est un chanteur agréable et joue de quelques-uns des instruments qu’il maîtrise à la perfection : tous les claviers, guitares, mandoline, basse, saxophone alto et accordéon. Il maîtrise tout, de la musique classique occidentale aux musiques afro-américaines, en passant par la variété. Un excellent blues Be Nice ouvre le disque. Un orgue très prégnant est la marque de fabrique de The Blues Ain’t Alright, l’antithèse du classique de Little Milton The Blues Is Alright. Slow Blues et sa guitare slide vous indiquent le seul moyen de chasser vos soucis. Le chant du titre éponyme du cd, Flee Though None Pursue, rappelle celui du regretté Dr John. La mélodie de Sick est inspirée de celle du classique de Doc Pomus, Lonely Avenue, créé en 1956 par Ray Charles. Always Near est une belle chanson d’amour aux paroles écrites par Kay Murcer. Un piano honky-tonk soutient The Record People une plainte contre l’industrie musicale, « the record people are coming, they came to dig my grave ». Le jeu de piano d’Ed Alstrom sur Fruitcake est redevable du Professor Longhair. Difficile de décortiquer et analyser toutes les excellentes chansons jusqu’à la conclusion du disque Don’t Cry At My Funeral. Ed Alstrom nous exhorte alors ainsi : « Don’t cry for me, I’m happy, I’m free/I won’t be crying for you ». Ed Alsron a créé un voyage musical très éclectique où le citations et allusions sont nombreuses. Je vous recommande d’écouter les paroles des chansons pleines d’esprit, de sagacité, d’imagination et d’humour. Un disque de choix. – Gilbert Guyonnet

Bob Corritore & Friends
Early Blues Sessions
VizzTone Label Group & Southwest Musical Arts Foundation – vizztone.com
Bob Corritore est l’un des artistes les plus prolifiques du moment. Pour ce « Early Blues Sessions », il s’agit déjà du neuvième album dans la série « From the Vault » avec toujours la même recette : il regroupe des enregistrements issus de ses archives avec à chaque fois des grands noms de l’Histoire du Blues. On pourrait penser que la source commencerait un jour à se tarir, mais ce n’est visiblement toujours pas le cas avec ce disque. Évidemment, le secret pour ces enregistrements est que Bob Corritore dispose de plusieurs casquettes, à la fois musicien (excellent harmoniciste récompensé d’un Living Blues Award d’harmoniciste de l’année 2012 et nominé presque tous les ans aux Blues Music Awards) propriétaire de club (le Rhythm Room à Phoenix) et animateur de radio (« Those Low down blues » tous les dimanche soir sur KJZZ 91.5 depuis environ 40 ans !). Dans la plupart des cas, les morceaux ont été enregistrés juste avant ou après un concert au Rhythm Room. Bob Corritore joue de l’harmonica sur tous les morceaux avec à chaque fois un chanteur différent de passage à Phoenix. Comme Bob Corritore est plutôt du genre perfectionniste, il est difficile de mettre un titre en avant tellement les 16 morceaux sont tous excellents. On peut même se demander comment de telles merveilles ont pu rester aussi longtemps dans un tiroir ? Le CD regroupe 14 différentes sessions datant de 1984 à 2007. Pourtant, en écoutant le disque, une impression d’homogénéité se dégage, ça ne part pas dans tous les sens, c’est du blues traditionnel, on ressent clairement « la patte Bob Corritore » ! Il accompagne des légendes du blues comme Little Milton, Jimmy Rogers, Sam Lay, Henry Gray, Robert Lockwood, Lowell Fulson, Lil’ Ed avec des accompagnateurs de haut niveau tel Rusty Zinn, Pinetop Perkins, Bob Margolin, Chris James, Patrick Rynn, Richard Innes, Brian Fahey, Tom Mahon, Johnny Rapp… Même les morceaux chantés par des artistes moins connus comme Tomcat Courtney, Dave Riley, King Karl, Chico Chism, Clarence Edwards, Jimmy Dotson sont de toute beauté. Bref, je ne peux que vous conseiller l’achat de ce disque, comme disait Lonnie Brooks : satisfaction garantie ! – Jocelyn Richez

Mitch Ryder
With Love
Ruf Records 1320 – wordpress.rufrecords.de
Mitch Ryder est un chanteur américain aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans, avec plus de soixante ans de carrière. De son vrai nom William Levise Jr., il forme dans les années 60 le groupe de rhythm and blues The Detroit Wheels. Ce groupe aura du succès dans les années 60. Mais, avec des problèmes de santé et de drogues, dès 1973, il cesse toute activité pendant de longues années. Malgré plusieurs autres éclipses, Mitch Ryder a néanmoins produit durant cette longue carrière 25 albums. Voici « With Love », son nouveau disque enregistré en 2024 aux Rustbell Studios de Royal Oak dans le Michigan. Mitch est l’auteur des dix morceaux et il a réussi à avoir avec lui pour ces enregistrements la célèbre guitariste Laura Chavez. Le talent musical de Ryder est largement mis en valeur sur cet album dans lequel, malgré son âge, il fait preuve d’une grande énergie. Soulignons enfin qu’il a aussi fait sensation dans le domaine du rock n’roll. Pour preuve, son morceau Devil With A Bues Duss a été repris par Bruce Springsteen. – Robert Moutet

Pat Smillie
Lovers & the Leavers (single)
Fat Bank Music – www.patsmillie.com
Pat Smillie maîtrise à la perfection le blues et la soul de Chicago. Depuis des décennies, à l’écart des clubs touristiques du North Side, il a enchanté chaque week-end les établissements du South et du West Side. Il a ainsi foulé la scène aux côtés des plus grands, partageant l’affiche avec Otis Clay, Melvina Allen, Willie D, Johnny Dollar, le sous-estimé Willie White, Vance Kelly, et bien d’autres encore. Originaire de Détroit, il décide de s’y réinstaller en 2015 et nous offre depuis lors de magnifiques enregistrements. Polyvalent, il excelle dans divers styles – rock, blues, rhythm and blues – se fondant avec aisance dans chacun d’eux. Son nouveau single, intitulé Lovers & the Leavers, est une véritable pépite. Pour cette session, il est habilement épaulé par Dale Grisa aux claviers et par le toujours excellent Motor City Josh à la guitare, qui a également co-produit et co-écrit ce titre avec lui. Sur cette composition – une œuvre que Bob Seger ne renierait sans doute pas – Pat Smillie livre une performance intense et émouvante, faisant mouche à chaque coup grâce à une implication sans faille. Cette nouvelle composition met en lumière ses qualités exceptionnelles et il mérite sans conteste d’être invité aux côtés de sa formation cuivrée sur les scènes des grands festivals des deux côtés de l’Atlantique. – Jean-Luc Vabres

Big Al and the Heavywelghts
Blues Power
Vizztone VI-BAO2 – vizztone.com
Al et ses Poids Lourds est un groupe qui s’est formé en 1996 dans le sud de la Louisiane. Au fil des ans, la liste des membres et des invités est impressionnante, avec la perte tragique en 2023 de leur chanteur claviétiste Wayne Lohr. Leur dernier disque, « Love One Another », remonte à trois ans. Voici donc « Blues Power », leur huitième album avec douze titres enregistré au Suite Mix Studios, dans la ville de Stidell en Louisiane. Le chef d’orchestre est toujours le batteur Al Lauro, avec deux nouveaux musiciens, Dale Robertson à l’harmonica et Denis Cedeno à la basse. Mais la vedette du groupe est l’excellent chanteur guitariste Marcel Anton, un créole amérindien, originaire de La Nouvelle-Orléans. Pour apprécier son chant, il faut écouter en boucle le morceau If, un blues lent avec un son puissant et un texte sur l’histoire d’un amour perdu. Les autres titres font un agréable voyage avec du blues, bien sûr, mais aussi des accents de soul, de rhythm and blues, de rockabilly et même de zydeco. Avec l’énergie qui se dégage de ce disque, l’envie de les voir sur scène paraît évidente, mais pour cela, il faudrait qu’ils jouent en dehors de leur Louisiane natale, ou bien faire le voyage… Robert Moutet

Sheryl Youngblood
Red Hot Women In Blues (single)
Delmark Records 886-8
Enregistré dans le mythique studio Riverside appartenant au label phare du Chicago blues, ce single, paru en décembre dernier, met en avant les qualités artistiques de la chanteuse, compositrice et batteuse dynamique. À ses côtés, nous retrouvons la fine fleur de la Windy City : Joanna Connor à la guitare, Roosevelt Purifoy aux claviers, Sherri Weathersby à la basse et Pooky Styx à la batterie. Sheryl a écrit en 2024 Red Hot Women in Blues pour un spectacle célébrant les femmes dans le Blues. Cet événement s’est déroulé dans le magnifique théâtre Harris. Dynamique et percutant, voici un titre à découvrir sur les plateformes de streaming, mais également en accès libre sur Youtube. – Jean-Luc Vabres


Red Beans & Pepper Sauce
Supernova
Crossroads -Socadisc
Voici le septième disque de ce groupe de Montpellier qui nous offre toujours des rythmes de Blues et de Soul avec la voix puissante de Jessyka Aké. Les autres membres du band sont Laurent Galichon à la guitare, Serge Auzier aux claviers, Pierre Cordier à la basse et Nico Sarran à la batterie. L’enregistrement des onze chansons de l’album, dont dix sont l’œuvre de Laurent Galichon, s’étend sur une période de six mois. Lors de leurs multiples tournées, ils ont fait des rencontres exceptionnelles. Ils ont donc longtemps travaillé pour transformer ces rencontres marquantes en véritables collaborations artistiques. Un enregistrement a pu être fait avec Fred Wesley, le légendaire tromboniste de James Brown. Pour le morceau Hel, ce fut un grand plaisir, pour eux, de jouer au côté du talentueux guitariste Fred Chapelier. Ils ont passé des journées mémorables en studio avec Manu Lanvin, Boney Fields et le violoniste Rabie Houti. Mais le plus inédit, grâce à la technologie, ils ont pu collaborer à distance, au-delà des mers et des océans, avec Johnny Gallagher en Irlande et Sax Gordon aux USA. Sur le morceau Don’t Let It Down, l’Irlandais est à la guitare et sur Show Me Your Love l’Américain est au saxophone. Avec tous ces échanges qui se sont créés pendant ces sessions, « Supernova » s’est finalement imposé comme le titre parfait pour cet album. – Robert Moutet

Le Barda
Punch and Badass
Volume 2 – Clash
P&B2-Clash – www.lebarda.com
Olivier Barda s’est par le passé fait connaître sous le patronyme de Zitoune, mais ce « Punch and Badass » est bien le premier opus (de huit titres) enregistré en studio. Au Cerisier, à Toulouse, très précisément. À le voir comme ça, Le Barda fait un peu fils des âges farouches, version country ou déserts d’Australie… On lui attribue un road trip de 10 000 kilomètres, reliant les grands sanctuaires de la musique américaine. Aux motels sans prétention, aux hôtels classieux, Le Barda et son harmonica préfèrent le bivouac, en homme des hautes plaines. Il a trouvé la sonorité qu’il cherchait en jouant de la guitare à plat. Sa musique est âpre, voyage des Appalaches au Mexique, via Memphis. – Dominique Lagarde

Tiger Rose/ Benoit Chambille
www.migprod.com
Tiger Rose est un duo de blues qui se produit depuis des années dans le circuit européen. Lady Loretta est la chanteuse, harmoniciste, contrebassiste, Mig Toquereau est à la guitare et au chant. Voici leur septième album avec sept titres, tous écrits par Mig. Pour ce nouvel enregistrement, le duo devient quartet avec le talentueux violoniste Benoit Chambille et le batteur Bastien Cabezon. Les morceaux vont du Blues au Boogie, en passant par des rythmes country et folk. Et les textes bien soignés sont formidablement servis par les deux voix uniques et puissantes. Mig a d’ailleurs reçu le trophée France Blues du meilleur chanteur en 2002. C’est sous cette formation que Tiger Rose sera en tournée en 2025 avec de très nombreuses dates. Après l’écoute de ce nouveau disque, leur succès sur scène sera assuré, c’est évident. – Robert Moutet


Etta James
ROCKS
Bear Family BCD 17750 – www.bear-family.fr
Découverte par l’important Johnny Otis, Etta James chantait tous les types de musique avec un égal talent fou. Rhythm & Blues, Blues, Rock & Roll, Doo-Wop, Soul et ballades pop langoureuses n’avaient aucun secret pour elle. Elle était à l’aise dans tous ces styles. Cela explique son succès international. « Etta James ROCKS », que publie Bear Family – synonyme de très grande qualité, le label allemand fête ses cinquante ans d’existence au moment de la rédaction de cette chronique –, est constitué d’enregistrements de la chanteuse sélectionnés dans les catalogues Modern/Kent et Chess/Argo entre 1954 et 1963. A l’exception des remarquables Blues W-O-M-A-N (une réponse à I’m A Man de Bo Diddley), Spoonful et I Just Want To Make Love To You de Willie Dixon et Baby What You Want Me To Do de Jimmy Reed, les vingt-cinq autres chansons sont d’un rythme endiablé. Les ballades Soul, tubes de chez Chess, ont été écartées car hors-sujet dans cette compilation. Le ton du disque est donné par le frénétique Rock & Roll Tough Lover enregistré à la Nouvelle Orléans, chez Cosimo Matass, avec les géants Justin Adams (g), Frank Fields (b), Earl Palmer (d) et Lee Allen (tenor sax). Ce titre « à la Little Richard » débute le CD. Dans le Modern Studio Recording des frères Bihari, à Culver City, California, Etta James est sous la houlette du saxophoniste et arrangeur Maxwell Davis, avec entre autres le guitariste Charles ‘Chuck’ Norris et la pianiste Devonia ‘Lady Dee’ Williams. De là naîtront de pures merveilles ; The Wallflower, Hey ! Henry, Good Rockin’ Daddy (le second tube Modern d’Etta James), That’s All et Strange Things Happening. Ces deux derniers titres évoquent Sister Rosetta Tharpe avec des paroles non religieuses. Le guitariste supposé, Charles ‘Chuck’ Norris est formidable. Quand Etta James rejoignit Chess à Chicago, sa musique évolua dans une direction plus sophistiquée sous l’impulsion de son petit-ami de l’époque, Harvey Fuqua, fondateur du groupe vocal The Moonglows qui assure les chœurs sur quelques titres, et l’arrangeur Riley Hampton. Des sections de cordes apparaissent et les magnifiques chœurs sont très Doo-Wop. Mais l’ensemble des titres choisis swingue beaucoup. Aucun temps mort. J’adore l’interprétation pop d’Etta James de By The Light Of The Silvery Moon, chanson qu’avait enregistrée un peu plus tôt Little Richard. Cette chanson date de 1909. Elle avait été composée par Gus Edwards et Edward Madden pour un spectacle des Ziegfeld Follies à Broadway. What’ d I Say et Baby What You Want Me To Do enregistrés en public à Nashville les 27 et 28 Septembre 1963, extraites du LP « Etta James Rocks the House », complètent ce CD de presque quatre-vingt minutes. Vingt-cinq pages d’introduction rédigées par Bill Dahl avec d’innombrables informations provenant de diverses interviews qu’il réalisa avec la regrettée chanteuse, une discographie impeccable et un son exceptionnel devraient être un atout supplémentaire pour vous procurer ce magnifique CD. – Gilbert Guyonnet
Sleepy John Estes
Working Man Blues – 1929/1952
Jasmine Records JASMCD 3287 – jasmine-records.co.uk
Lorsque Big Bill Broonzy fut interviewé par Yannick Bruynoghe pour le livre « Big Bill’s Blues » (Grove Press, New York), il se rappela avoir fui la maison « vers 1912 » pour travailler sur le chemin de fer juste pour entendre John Estes hurler les chansons qui allègent la charge de travail des équipes de poseurs de voies. Très jeune, Sleepy John Estes prend ce surnom car il est atteint d’un trouble chronique de la pression artérielle qui lui donne des crises de narcolepsie mais, comme il le disait lui-même : « si parfois je somnole, jamais je ne rate une note ». Il reçoit un cailloux dans l’œil droit par accident (lors d’un match de baseball) et son deuxième œil se fermera définitivement vers 1950, rendant aveugle un homme qui deviendra encore plus sensible au monde qui l’entoure… Quand le documentariste David Blumenthal redécouvre John Estes en 1962 (« Citizen South – Citizen North »), ce dernier vit dans une bicoque en bois délabrée, sans ressources, au milieu d’un champs de coton à l’extérieur de la ville de Brownsville dans le Tennessee. Et dire que la plupart des gens le pensait déjà mort… John Adam « Sleepy John » Estes est né à Ripley dans le Tennessee aux alentours de 1900 et si ce n’est pas le Delta, sa présence aux débuts des enregistrements présente les mêmes caractéristiques que celles de nombreux bluesmen de cette région. Il naît et grandit dans une famille de métayers qui cultivent le coton, apprend les rudiments de la guitare avec son père, fabrique sa première guitare (cigar box), s’entraîne et perfectionne son jeu lors de fêtes locales. Vers 1915, la famille déménage à Brownsville qui restera son point de repère, ses racines. Brownsville est la ville où réside “Hambone” Willie Newbern, importante influence de ses débuts, ainsi que Yank Rachell et Hammie Nixon qui seront ses compagnons musicaux jusqu’à leurs morts respectives. Willie Newbern (en voilà un autre dont on ne sait pas grand chose de la vie, si ce n’est par l’entremise de John Estes), joueur de mandoline et officiellement le créateur de l’incontournable Roll And Tubble Blues, fait ses armes comme ses contemporains dans des pique-nique et autres fish-frie, s’encanaille sur les circuits des médecines shows du Mississippi, enregistre à Atlanta en 1929 une trentaine de titres dont six seront édités et fini en taule. Sa mort, si elle est controversée, a lieu en 1947. Mais Brownsville recèle d’autres excellents artistes comme Yank Rachell et Hammie Nixon avec qui il parcourt toutes les fêtes locales. Estes a fait équipe avec Rachell pour jouer dans les fêtes, les pique-niques et les rues de la région de Brownsville de 1919 à 1927. Il fait la paire avec Nixon pour parcourir l’Arkansas et le sud du Missouri de 1924 à 1927. Cette époque est l’âge d’or des jug band et Estes n’est pas en reste et crée le Three J’s Jug Band avec Yank Rachell et le joueur de jug Jab Jones, pour essayer de prendre un peu de la célébrité dont jouit à Memphis le Memphis Jug Band. Quand la maison de disques Victor envoie une équipe de collecteurs à Memphis, Sleepy John Estes y grave plusieurs faces épaulé par les Three J’s, Jones s’installant derrière le piano. Les autres musiciens enregistrés ce jour-là seront le Memphis Jug Band, Frank Stokes et les Cannon’s Jug Stompers. En mai 1930, deuxième séance pour le label Victor qui lui fait graver Milk Cow Blues qui deviendra dans les mains de Robert Johnson Milkcow Calf Blues. Une quinzaine de titres en tout pour ces deux séances, dont trois resteront inédites. Après avoir enregistré avec Estes, Rachell décide de se lancer dans l’agriculture tout en travaillant pour la L&N Railroad. Lors d’une escale à New York, Rachell s’associe avec le guitariste Dan Smith et enregistre vingt-cinq titres pour Arc Records en trois jours dont six seulement seront édités. Quelques temps auparavant, Yank Rachell avait découvert un jeune harmonisiste du nom de John Lee “Sonny Boy” Williamson avec qui il jouera au Blue Flame Club de Jackson dans le Tennesse à partir de 1933. En 1934, Sonny Boy file à Chicago et commence à avoir un vrai succès et ses enregistrements pour Bluebird se vendent bien, du coup Rachell décide de le rejoindre pour des sessions en mars et juin 1938. Yank Rachell a également contribué à quatre faces de son cru à chaque session, puis à seize autres en 1941 avec Sonny Boy pour le soutenir. Après l’assassinat de Sonny Boy Williamson en 1948, Rachell s’éloigne de la musique et se contente de petits boulots pour gagner sa vie. Il s’installe définitivement à Indianapolis en 1958. Sa femme décède en 1961 et il recommence alors à se produire. En 1962, Rachell rejoint Nixon et Estes, et tous trois se retrouvent à jouer dans les collèges et les cafés, enregistrant pour Delmark sous le nom de Yank Rachell’s Tennessee Jug Busters. Estes meurt en 1977 et, à partir de ce moment, Rachell travaille principalement en solo. Il n’a enregistré que sporadiquement au cours de ses dernières années et est décédé en 1997 à l’âge de 87 ans. Mais revenons à notre moutons… Estes et Nixon s’installent à Chicago en 1931 où ils donnent le spectacle dans les rues. La dépression fait rage et l’industrie du disque n’y échappe pas. Le duo ne retourne en studio qu’en 1935, sur le label Champion, pour lequel ils gravent six titres en deux sessions sur lesquelles figurent Drop Down Mama et Some Day Baby Blues qui deviendront des incontournables pour bien des bluesmen des générations futures et dont Tony Russell (historien et rédacteur de plusieurs livres sur le Blues) dira : « Nixon est le rossignol de l’harmonica blues et ses mélodies parallèles faisant écho au chant d’Estes sur Someday Baby Blues et Drop Down Mama, pour ne citer que les plus célèbres de leurs duos, sont magnifiques dans leur mélancolie discrète ». Le duo quitte Chicago au début des années 1930 et parcourt le pays en jouant dans des camps de bûcherons, les fêtes et autres coins de rue (on les verra passer du temps avec les Rabbit Foot Minstrels et le Dr. Grimm’s Medecine Show) pendant quatre ans avant que Decca ne mette la main dessus, les embarque à New York pour enregistrer en 1937 et 1938, dix-huit chansons qui resteront parmi les meilleures réalisations. Estes est soutenu par Charlie Pickett à la guitare et Hammie Nixon à l’harmonica. Pour sa dernière session chez Decca, Estes est associé à Robert Nighthwak (Robert Lee McCollum, père du musicien Sam Carr) pour six titres en 1940 qui n’auront ni la tessiture, ni l’étincelle de ses enregistrements avec Nixon. 1941, il signe pour le label Bluebird plusieurs titres avec les Delta Boys (Son Bonds et Raymond Thomas) qui font écho aux sensibilités de John Estes et son Jug Band. Le 24 septembre 1941, le trio réalise ses dernières sessions pour Bluebird, dont Lawyer Clark et Little Laura. Little Laura, selon les notes de Don Kent sur le CD « I Ain’t Gonna Be Worried No More 1929-1941 » sorti sur Yazoo en 1992, était une voisine de Sleepy John et le Jimmy dont il est question dans les paroles est le nom que Sleepy John donnait à Yank Rachell. Cette année-là, John Estes retourne à la ferme à Brownsville jusqu’en 1948 où lui et Nixon enregistrent à nouveau ensemble. Cette fois c’est sur le label Ora Nelle, mais ces titres resteront inédits. En 1950, Estes devient complètement aveugle. En 1952, Sun Records l’enregistre pour quatre faces. Il faudra donc attendre 1962 et le renouveau du folk/blues pour le voir revenir dans des studios d’enregistrements et c’est Delmark qui le signe pour plusieurs albums avant de le voir repartir en tournée avec Hammie Nixon. Suite à des problèmes de santé, Estes se confine dans la région de Brownsville jusqu’en 1977, date à laquelle il meurt. Sleepy John estes n’est en rien un virtuose de la guitare, il se cantonne plutôt sur une rythmique basique mais qui accompagne merveilleusement bien son chant plaintif et haut dans le ton (Big Bill Bronzy a décrit un jour sa façon de jouer comme « crying the blues »). Haute, parfois floue et plaintive, sa voix ressemble à celle d’un homme dans le désarrois, au bord des larmes, se brisant comme une vague frappant un mur de granit, comme submergée par l’émotion. Si ces premiers morceaux étaient des standards où des thèmes communs comme Divin’ Duck Blues, il va vite personnaliser ses textes en se faisant l’écho de ce qu’il se passait autour de lui (Street Car Blues). Puis ses enregistrements sur Decca (entre 1929 et 1941) lui donneront une signature personnelle sur chaque morceau. Estes est un conteur, il pose dans ses textes des vignettes, des expériences quotidiennes et personnelles comme dans Floating Bridge Blues où il décrit une expérience de mort vécue suite à un accident. Dans Working Man Blues, c’est un commentaire social dans lequel il critique le nouvel ordre industriel qui remplace l’homme par des machines, On trouve aussi des descriptions de la dépression (Down South Blues), des conditions de vies (Hobo Jungle Blues) ou encore Lawyer Clark Blues qui est un hommage à l’avocat du même nom. Sleepy John Estes est la voix fine et aigue qui a su capturer avec une certitude sans équivoque le cœur de l’heritage noir rural de la culture américaine. Sa musique est vitale et absolue dans son sens du désespoir. Ses mots sont la matière de la vie quotidienne qu’il observait sur la route du Blues, un homme extraordinaire pris dans un monde banal qu’il transfigurait à travers ses chansons. Il comblait l’absence des ces pauvres fermiers noirs partis vers le Nord à la recherche de plaines fertiles mais dont la désillusion n’avait d’égale que la misère. Ses chansons sont peuplées de gens ordinaires qui croisaient sa route et leurs sont adressées. Un monde que l’on ne trouve que dans la culture noire, celle qui se trouve à l’ombre des rives du Mississippi. Merci à Jasmine de nous rafraîchir la mémoire sur cette première « vie » de Sleepy John Estes. – Patrick Derrien

Gene Allison
If You Try
Complete Recordings-1956-1962
Jasmine Records JASMCD3289 – www.jasmine-records.co.uk
Très étroitement liée à celle du producteur et auteur compositeur de Nashville, la carrière du chanteur Gene Allison (1934-2004) pourrait se résumer en un seul titre : la douce ballade pleine de ferveur gospel You can make it if you try en 1957, que les Rolling Stones feront connaître à un nouveau public (tout en la malmenant) sur leur premier album de 1964. Les rééditions CD ont été plutôt éparses depuis le début des années 2000 et Jasmine Records remet un coup de projecteur sur cet artiste attachant, un de ces passeurs du Blues vers la Soul, en publiant cette intégrale de trente titres enregistrés pour Vee-Jay et diverses petites marques, copieusement annotée. – Dominique Lagarde

Plas Johnson
In Session
Jasmine Records JASMCD 1240 – Jasmine Records JASMCD3289
Le saxophoniste Plas Johnson, né en Louisiane en 1931 et connu du grand public pour son interprétation de Pink Panther et de Peter Gunn, fut sans doute l’un des saxo ténor les plus employés des années cinquante et soixante avec King Curtis, Maxwell Davis et Lee Allen. Ce CD nous le présente « en session », c’est-à-dire en soliste accompagnant divers artistes et c’est un grand disque de Rock’n’roll classique grande époque. Sur ses 33t titres, on rencontre de grands noms comme Young Jessie, Big T. Tyler, Larry Williams, Duane Eddy dans ses premiers enregistrements, Boots Brown, Fats Domino, Johnny Moore, Eddie Cochran dans une prise inédite de Teenage Heaven, Ernie Feeman, Ricky Nelson, le batteur Sandy Nelson, Sam Cooke, les incontournables Coasters qui font une infidélité à King Curtis, Don and Dewey, Ernie Fields et ma préférée, la grande Wynona Carr, qui aurait du faire une grande carrière et dont je ne peux que vous conseiller les 2 CD : « Dragnet for Jesus » – Ace 411 (gospel) et « Jump Jack Jump » – Specialty 7048. Un CD capital pour ceux qui n’auraient pas trouvé les 2 LP vinyls parus à la fin du siècle dernier : Good rockin’ pour tous ! Avec Plas Johnson, ça devrait marcher. – Marin Poumérol

Sunnyland Slim
Rockin’ The House
Wolf Records WBJ 024 – www.wolfrec.com
La carrière artistique d’Albert Luandrew “Sunnyland Slim” a quasiment traversé tout le XXe siècle. Il en a connu toutes les innovations techniques (78 tours, 45 tours, 33 tours, CD, vidéos et DVD). Il est devenu un très important pianiste de l’Histoire du Blues. Son apprentissage musical dans le Sud fut rude : jouer à l’église du patelin, accompagner les films muets sur des pianos désaccordés, se faire entendre dans des juke joints du Delta ou autres bars mal famés de Beale Street à Memphis où il fallait une main gauche très puissante pour marquer le rythme et une grosse voix pour couvrir le bruit des bouges où il se produisait. Il s’installa à Chicago pendant la seconde guerre mondiale avec une technique et une personnalité bien affirmées. Fort de son expérience et de son talent, il s’imposa comme un des artistes majeurs de la Windy City. Il accompagna tous les bluesmen qui comptent dans l’histoire du Chicago Blues. Il enregistra d’innombrables disques en tant qu’accompagnateur ou leader. Il créa même l’éphémère firme de disques Airway. Il fut probablement l’un des musiciens de Chicago le plus enregistré. Moins sophistiqué que Little Brother Montgomery ou Otis Spann, il lui fut reproché par certains de n’avoir pas modernisé sa musique. Il fut pourtant adulé, à juste titre, par le nouveau public blanc du Blues jusqu’à sa mort en 1995. Aprèsienna Blues Fan Club en profita pour l’enregistrer seul au piano lors de concerts privés semble-t-il. Aucun renseignement de lieux et dates n’est indiqué dans le bref livret qui accompagne ce CD. « Rockin’ The House » nous permet de découvrir dix-neuf chansons captées dans un cadre très intime. Sunnyland Slim nous délivre ses belles compositions personnelles, Got To Get My Baby, Smile On My Face, Sittin’ Here Thinkin’, It’s You Baby, The Devil Is A Busy Man, I Done You Wrong et Sunnyland Boogie, auxquelles il adjoint ses interprétations personnelles toujours prenantes de Lloyd Glenn, Memphis Slim, TBone Walker, …, et un hommage à Howlin’ Wolf dont il fut longtemps le pianiste, Howlin’ Wolf Medley. Avec ce CD à la qualité sonore, hélas, médiocre selon les critères contemporains, vous passerez un excellent moment au cœur du Chicago blues dont Sunnyland Slim disait qu’il était une part de lui-même et qu’il ne cesserait jamais de le jouer. Promesse qu’il tint jusqu’à sa mort. – Gilbert Guyonnet
Tommy Hunt
also featuring the Five Echoes and the Flamingos
Human – The Tommy Hunt Story 1953-1962
Jasmine Records JASMCD1236 – www.jasmine-records.co.uk
Ténor à la fois puissant et velouté, Tommy Hunt est aussi un interprète aux choix artistiques de premier ordre. Cette compilation le fait entendre comme chanteur de doo-wop avec les Five Echoes, pour deux titres de 1953. Il intègre ensuite, de 1957 à 1960, les Flamingos, dont il devient le soliste. Vient enfin la période solo de 1961 à 1962 pour le label Scepter qui compte les hits Human et la version originale de I just don’t know what to do myself, due à la plume de Bacharach et David. Dans les années soixante-dix, Tommy Hunt s’est installé en Angleterre pour devenir une vedette incontournable du circuit de la Northern Soul. L’occasion de redécouvrir un artiste au talent certain. – Dominique Lagarde
Dinah Washington
Wake The Town and Tell The People
Jasmine Records JASMCCD 2819 – www.jasmine-records.co.uk
Dinah Washington (1924- 1963) fut une grande chanteuse de Jazz et de R’n’b à ses débuts avec l’orchestre de Lionel Hampton et la plupart de ses enregistrements de 1943 à 1954 font partie des grands moments de la musique que nous aimons. Cette compilation ne comprend que des titres gravés entre 1957et 1962 et qui eurent beaucoup de succès comme What a difference a day made et qui sont de la musique de variété grand public un peu difficile à avaler pour nous. Il y a cependant quelques titres qui restent plaisants : Honky Tonky, A rockin’good way, It’s a mean old man’s world, des duos avec Brook Benton, possesseur d’une très belle voix, une belle version de Such a night, peut-être supérieure à celle des Drifters. Les arrangements de Clyde Otis sont un peu pénibles, mais il faut bien reconnaitre que Dinah est une grande artiste qui aura influencé toute une génération : Esther Phillips, Ruth Brown, Lavern Baker, Aretha Franklin. Après neuf mariages et une vie un peu folle, elle va disparaitre en 1963 victime de mélanges d’alcool et de toutes sortes de pilules. Là aussi, je dirai qu’il faut écouter Dinah et choisir ses meilleures périodes. – Marin Poumérol

Henry “Rag Time” Thomas
Bull Doze Blues
Jasmine Records JASMCD 3302 – www.jasmine-records.co.uk
Si il devait y avoir une caricature ou plutôt une figure emblématique du « bluesman » errant, en guenilles, sautant de train en train tel le hobo poussant la chansonnette au coin d’une rue pour gagner sa pitance, Henry “Rag Time Texas” Thomas serait celui-là. Au tournant du XXe siècle, le Blues ne devait pas encore exister tel que nous l’entendons aujourd’hui, mais devait être un sacré melting pop de styles et variantes qui faisait danser et oublier la pauvre existence que des lurons, travailleurs à la semaine dans des champs, des digues, des usines où encore des mines et autres chemins de fer, menaient. On sait aujourd’hui que ces chanteurs itinérants n’étaient pas à proprement parler des bluesmen mais bien des songsters qui répondaient aux demandes des clients de bal. Et c’est uniquement (avant les premiers enregistrements) de cette manière que ces types pouvaient prétendre gagner leurs vies. On dit de Henry Thomas qu’il fut l’un des plus anciens artistes folkloriques noirs à avoir enregistré dans ces années vingt et des plus vieux (si on excepte Daddy Stovepipe, alias Johnny Watson de sept ans son aîné, qui enregistre en 1924) aussi. Si on se réfère à sa date de naissance de 1874, il a passé la cinquantaine quand il grave pour Vocalion John Henry (éternelle balade folk à laquelle il donne une interprétation unique et personnelle au point de se demander si on ne touche pas à l’autobiographie) et Cottonfield Blues en cette fin de printemps, début d’été 1927. Le label devait croire en cet artiste, car il publiera des annonces séparées dans le Chicago Defender pour ces deux titres (le 5 mai 1905, Robert Sengstacke Abbott a fondé le Chicago Defender dans une petite cuisine de l’appartement de son propriétaire, avec un investissement initial de 25 cents et un tirage de 300 exemplaires. Les premiers numéros du Chicago Defender se présentaient sous la forme de prospectus de quatre pages et six colonnes, remplis d’articles d’actualité locale recueillis par Abbott et de coupures de presse d’autres journaux. Cinq ans plus tard, le Chicago Defender a commencé à attirer un public national. Au début de la Première Guerre mondiale, le Chicago Defender était l’hebdomadaire noir le plus influent du pays, avec plus des deux tiers de son lectorat situé hors de Chicago. Le journal a commencé à paraître quotidiennement en 1956 – infos tirées des archives du journal). En 1928, on retrouve quatre publicités dans l’hebdo sur six titres gravés. John Henry, que l’on surnommera plus tard “Ragtime Texas”, pointe le bout de son nez en cette année 1874, à Big Sandy. Ville qui n’est en fait ni grande, ni sablonneuse. Mais bien située entre Dallas et Shreveport, au carrefour de la 80 et de la 155, au Texas. Henry Thomas faisait partie d’une fratrie de neuf frères et sœurs, issus de parents anciens esclaves devenus métayers dans le coton. Mais ramasser ce fichu blanc qui callotait les champs et cassait le dos, très peu pour lui. L’adolescence sera l’apprentissage de la rue, la dormance sous les ponts, les chants aux coins des rues, l’écuelle à la main, la guitare dans le dos et sa flûte de pan (ou quills, instrument assez populaire du côté du Texas, Mississippi et Louisiane mais rarement enregistré sur disque *) au cou. Sa pitance. Sa croix. Il prend la route des chemins de fer (chantant sur les lignes Texas, Pacific et Katy qui allaient de Fort Worth et Dallas à Texarkana. Dans son Railroadin’ Some, il indique son parcours comprenant des villes du Texas comme Rockwall, Grand Saline, Greenville, Silver Lake et d’autres comme sa ville natale (les villes du Texas ne sont d’ailleur pas les seules citées car Henry Thomas, si la chanson parle de réalité, il voyage aussi du côté des territoires Indiens jusqu’à Muskogee, jusqu’au Missouri et les terres de prédilection de Scott Joplin à Sedalia, Kansas City et bien sûr l’Illinois), des sentiers sablonneux qui serpentaient dans l’est du Texas. On dit même l’avoir entendu jouer pour l’exposition universelle de 1893 à Chicago et celle de St Louis en 1929. Entre temps, il aura posé 23 titres pour la postérité et disparaitra des radars jusqu’à cette fameuse photo qui l’identifie à Chicago, appuyé sur le capot d’une voiture, guitare et quills en action dans les années 1950, époque où on situe son décès… On peut honnêtement considérer Henry Thomas comme l’un des tout premiers représentants du Country Blues, même si son panel de chansons visitait des registres différents. On peut, en tendant l’oreille, trouver des réminiscences de son influence chez Hopkins, Walker ou Collins. Il est ce qui nous reste d’un trait d’union entre les XIXe et XXe siècles, offrant un incroyable (mais qui somme toute était totalement ordinaire à cette époque) inventaire à la Prévert de styles musicaux afro-américain qui se reflète dans cette édition ( à savoir que ce n’est pas la première fois qu’une anthologie de l’artiste a paru. On se souvient du « Texas Worried Blues » édité par Yazoo en 1990 et celle du label Herwin « Henry Thomas – Ragtime Texas (Complete Recorded Works – 1927 To 1929 – In Chronological Order ») en 1974 et qui sera annotée par Mack McCormick. Sur les 23 enregistrements réalisés entre 1927 et 1929 pour Vocalion, il fait montre d’une réelle transition entre les premières chansons de ménestrels, les airs de square dance, les réels, spirituals, rags et bien sûr, l’essor du blues et du jazz. Plusieurs titres ont traversé le temps, notamment grâce aux ré-interprétations. Tout d’abord, Bob Dylan a repris sa chanson Honey Won’t You Allow Me One More Chance sur son album « The Freewheelin’ Bob Dylan » de 1963. Ensuite, lorsqu’on a demandé au groupe pop The Lovin’ Spoonful d’écrire une nouvelle chanson pour la bande originale du film de Woody Allen « What’s Up Tiger Lilly », le leader du groupe, John Sebastian, a fait ce que tout folkloriste responsable devenu star de la pop aurait fait, il s’est tourné vers l’anthologie de Harry Smith (« Anthology Of American Folk Music ») et a trouvé Fishin’ Blues de Thomas. Celle du Grateful Dead, Don’t Ease Me In (on peut retrouver deux versions, une instrumentale et une version chantée du titre sur Grateful Dead « Birth Of The Dead Vol 1. » – Friday Music records 2013 – FRM 74391). Mais celle qui fera de Thomas une légende qui ne meurt pas reste l’interprétation de Taj Mahal qui reprendra à son compte et pratiquement à tous ses concerts, le Fishing Blues (soit seul avec le Nitty Gritty Dirt Band, soit accompagné par Ry Cooder et les Rising Sons). Puis Bull Doze Blues par Al Wilson et son Canned Heat, réinventé sous le titre Goin’Up The Country qui sera presque un hymne à Woodstock. On y trouve même un solo de flûte joué note pour note par Jim Horn, fameux musicien de session à Los Angeles. Sur ses 23 titres enregistrés, quatre peuvent être considérés aujourd’hui comme des représentants d’un blues qui était dans ses balbutiements. Si on considère que Thomas chante de la fin du XIXe au début du XXe siècle, il était donc un précurseur de ce style puisque ses enregistrements ne se feront qu’une trentaine d’années plus tard. Bull Doze Blues par exemple se termine par le Take Me Back, un « standard » texan de l’époque de la première guerre que Blind Lemon Jefferson enregistre en août 1926 sous le titre Beggin’ Back. Autre analogie, celle pertinente de cette position de transition de Thomas entre la musique afro-américaine des débuts et ce qui deviendra le jazz/blues avec son Cottonfield Blues qui contient à elle seule plusieurs thèmes classiques du blues comme le travail aux champs, l’envie d’aller voir ailleurs et le rôle si important pour ces vagabonds de la musique du chemin de fer qui leur offrira une chance de se penser plus libre. Il y a quelque chose de joyeux dans la musique de Henry Thomas, une sorte d’exubérance cathartique et terriblement contagieuse malgré le temps passé. Ces enregistrements continuent bien malgré eux à alimenter les spéculations sur les origines du Blues, les répertoires des chanteurs du XIXe siècle et la manière dont leurs musiques auraient pu sonner, ainsi que la place de certains instruments dits « primitifs ». Mais aussi intrigantes que ces questions peuvent susciter, le véritable intérêt réside dans l’héritage de sa musique, la rendant (aussi par les diverses interprétations) presque intemporelle. Disque hautement recommandé ! – Patrick Derrien
Note :
• Big Boy Cleveland Sur Gennet en 1927 et Sid Hemphill et Alec Askew enregistrés par Alan Lomax en 1942 pour le Smithsonian)
Sources :
• William Barlow, « Looking Up at Down : The Emergence of Blues Culture » (Philadelphia: Temple University Press, 1989).
• Samuel Charters, « The Blues Makers » (New York: Da Capo Press, 1991).
• Samuel Charters, « The Country Blues » (London: Jazz Book Club, 1961).
• Sheldon Harris, « Blues Who’s Who : A Biographical Dictionary of Blues Singers » (New Rochelle, New York: Arlington House, 1979).
• Derrick Stewart–Barker, « Record Reviews », Jazz Journal 28 (may 1975).
• Notes de pochettes diverses dont celle de Stephen Calt pour Yazoo et autres articles parus sur le net.

Freddy Cole
No Crazy Kid !
Jasmine Records JASMCD 2807 – www.jasmine-records.co.uk
Dans la famille Cole, je demande le benjamin. Dernier né en 1931, de la famille chantante dominée par Nat King Cole, Freddy Cole dut attendre 1990 pour jouir d’une véritable notoriété internationale, ponctuée de nombreux enregistrements, jusqu’à sa disparition en 2020. Dans ce cd, ce sont les débuts de carrière de Freddy Cole que Jasmine explore, en rééditant plusieurs 45 tours et un album pour Dot de 1960. La différence de style avec son frère Nat, ne saute pas aux oreilles. Vous serez donc averti que c’est plutôt de ballade sentimentale dont il est question ici, même si les douze titres repris de l’album, sont censés présenter Freddy Cole dans un contexte plus jazz/blues. – Dominique Lagarde
Billie Holiday
Travelin’ Light
Classic Recordings 1939-1951
Jasmine Records JASMCD 2827 – www.jasmine-records.co.uk
Toute personne sensée et sensible devrait avoir chez elle au moins un disque de Billie Holiday. Celui-ci est parfait avec 25 titres grande époque dont les incontournables Fine and mellow, Solitude, God bless the child, sa reprise du tube de Bessie Smith Give me a pigfoot ; il faudrait les citer tous, sans oublier l’immense Strange fruit où l’on voit ces corps pendus dans les peupliers balancer sous la caresse d’une « southern breeze » : l’un des plus formidables morceaux de toute la musique américaine. Billie Holiday n’était pas à proprement parler une chanteuse de Blues, mais son feeling, le son de sa voix, véhiculaient toutes les émotions du monde. Alors, si vous connaissez mal cette artiste majeure, ne laissez pas passer ce disque ou offrez le à une personne aimée qui vous en sera reconnaissante éternellement. – Marin Poumérol
Fats Domino
In Session 1950-1957
Jasmine Records JASMCD3303 – www.jasmine-records.co.uk
Jasmine Records poursuit sa série « In Session » avec une des stars du Rhythm & Blues et un des précurseurs du Rock & Roll, le grand Antoine ‘Fats’ Domino. Son premier disque The Fat Man se vendit à plus d’un million d’exemplaires. Ain’t It A Shame, I’m Walkin’, Blueberry Hill, Whole Lotta Lovin’ et Walking To New Orleans attinrent toutes le top 10 des charts R’n B. Ces immenses succès n’empêchèrent pas Fats Domino de jouer du piano, dans son style si caractéristique, en accompagnement de divers artistes afro américains. Ainsi découvrirez-vous que Fats Domino contribua très activement à la créativité de la vie musicale de la Nouvelle Orléans au-delà de son propre ego. Le disque débute par deux chansons interprétées par Big Joe Turner qui furent publiées par Bay’ou, Blues Jump The Rabbit et The Sun Is Shining, les quatre autres titres de cette séance publiés par Imperial ne sont pas sur ce CD. Peut-être est-ce dû au manque de place ? Les cinq chansons de Lloyd Price du 13 Mars 1952, pour Specialty, sont là avec en particulier le classique Lawdy Miss Clawdy et l’excellent Mailman Boogie qui resta longtemps inédit. Suivent trois faces Atlantic de Big Joe Turner de retour à la Nouvelle Orléans. Les archives indiquent une pianiste, Kathy Thomas. Pour des raisons contractuelles, Fats Domino se dissimula derrière cette identité pour cette séance d’enregistrement. Les quatre excellents titres enregistrés par le chanteur-guitariste Smiley Lewis, le 14 Décembre 1953, pour Imperial, sont heureusement diffusés ici, avec, en particulier Blue Monday que Dave Bartholomew écrivit en quelques minutes à l’arrière d’une voiture. Celui-ci proposa la chanson à Fats Domino qui la refusa et l’offrit à Smiley Lewis qui s’empressa de l’enregistrer. Ce titre remporta un succès d’estime notoire à la Nouvelle Orléans et à San Francisco. Quand Fats Domino décida de l’enregistrer à son tour, Blue Monday devint un tube mondial en 1956. Dave Bartholomew, trompettiste, arrangeur, producteur, découvreur de talents et chef d’orchestre, enregistra fort peu comme leader. Vous écouterez les excellents, avec un impérial Fats Domino, Jump Children et Cat Music (13 août 1954 pour Imperial) et Hard Times (The Slop), une bonne version de Hard Times de Noble Watts et un bon vieux boogie Good News (7 novembre 1957 pour Imperial). Les classiques du chanteur-guitariste aveugle Billy Tate Single Life qui vante les mérites du célibat et You Told Me sont les bienvenus. L’avant-dernière séance de Pee Wee Crayton (14 avril 1955) a été inclue, bien que l’on que l’on ne soit pas sûr de la présence de Fats Domino derrière le piano. Musicalement rien de mémorable de la part d’un artiste à la recherche d’un second souffle. De l’avant-dernière et excellente session de Roy Brown pour Imperial se dégage I’m Ready To Play. Le chanteur de Rhythm & Blues Bobby Mitchell, star adolescente des années1940s avec The Toppers, conclut ce disque avec la seule des trois chansons qu’il enregistra en Octobre 1957 pour Imperial qui ait survécu. Jasmine a adjoint quatre instrumentaux de Fats Domino pour compléter cette compilation dont Fats Domino est la figure tutélaire. Le style de Fats Domino est reconnaissable dans tous ses accompagnements. Notez que tous ces enregistrements se déroulèrent dans le légendaire studio de Cosimo Matassa sous la houlette de Dave Bartholomew présent sur les 32 titres du disque. – Gilbert Guyonnet

Memphis Minnie
The First Lady Of Country Blues, 1929-1953
Jasmine Records JASMCD 3298 – www.jasmine-records.co.uk
Il fallait en avoir dans le pantalon à cette époque pour pouvoir prétendre à une place sur les scènes musicales du sud des États-Unis ! Lucille Bogan, Ma Rainey, Bessie Smith, Ida Cox (que l’on peut aisément mettre en parallèle avec nos chanteuses réalistes du début du siècle) devaient s’affirmer haut et fort pour se faire une place au soleil. Étonnamment, ce sont elles (dans un registre plus « cabaret » qui enregistreront les premières…). Plus connue sous le nom de Memphis Minnie, Elizabeth “Kid” Douglas était une guitariste innovante, même astucieuse (d’après beaucoup de musiciens) qui ouvrit la voie au développement du jeu de guitare blues en enregistrant dès 1929, des titres qui resteront gravés à jamais. Malgré une biographie parue en 1998 (« Woman With Guitar : Memphis Minnie’s Blues » par Paul et Beth Garon / DaCapo Press – Rééditée en 2014) et beaucoup d’articles parus, malgré un corpus de plus de deux cent chansons enregistrées, elle reste relativement peu connue et surtout peu étudiée au regard de son influence sur l’importance de l’essor de la musique blues. Très apprécié par le public noir des années 1930 et 1940, elle reste comparativement presque ignorée du public blanc… C’est vrai aussi qu’elle ne correspondait pas vraiment aux mythes des bluesmen de l’époque. Une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît, elle mène une vie assez différente de ce que les possibilités « offertes » aux femmes leur permettait. La belle n’hésitant pas à cracher son tabac à priser dans un gobelet, quitte à tâcher sa jolie robe de mousseline blanche. De la fin des années 1920, jusqu’au prémices des années 1950, Memphis Minnie parlera dans ses textes de ce que vivaient les afro-américains dans le Sud, parfaitement en phase avec la vie, sa vie, qu’elle dépeignait au long de ses chansons, capturant les événements et les faisant revivre à travers le temps. Pas d’oubli, pas de nostalgie, juste une réalité des faits. Et en ce qui concerne son influence sur le développement du blues, Memphis Minnie à jouer un rôle très important dans les clubs de Chicago au cours des années 1940, influençant grandement des musiciens en herbe comme Muddy Waters où Johnny Shines qui faisaient leurs apparitions dans cette ville. Comme pour d’autres musiciens nés avant le XXème siècle, les multiples influences africaines, européennes et indigène se sont fondues dans le blues du Sud et cela bien avant les années 1920, mais comme notre perception de l’Histoire se résume trop souvent aux enregistrements, notre société jugera uniquement ce qui à une valeur commerciale. C’est ce fait qui poussera le Blues à quitter les terres arides et les rues mendiantes pour se retrouver graver sur des 78t quand les maisons de disques se sont rendues compte qu’un véritable marché existait (Mamie Smith est peut-être celle qui lancera le marché avec son Crazy Blues dès le début des années 1920). C’est aussi après le crack boursier de 1929 que les labels vont s’orienter davantage sur des enregistrements moins coûteux de musiciens seuls à la guitare (beaucoup moins onéreux qu’un pianiste « vaudevillesque »). C’est à ce moment que Memphis Minnie enregistre. Grande sœur d’une famille nombreuse (13 frères et sœurs), elle naît à Algier (New Orleans) et grandit dans le Mississippi du côté de Walls, à quelques encablures de Memphis. Le banjo au départ sera remplacé par la guitare vers ses 10 ans. Grandement influencée par les musiciens qui jouaient pour les danseurs de “Scratch” ou de “Shoofly” jusqu’au bout de la nuit, elle décide en jeune fille indépendante de fuir le travail misérable des champs pour tenter de flirter avec la vie, accompagnée de sa « boîte à famine » comme Roosevelt Sykes nommait sa guitare. Camps de travail, spectacles itinérants, lieux de gueules noires étaient plus attrayants qu’une vie de soumission au salaire lamentable et éreintant. La vie d’un musicien était une échappatoire aux « travaux forcés », même si parfois le public pouvait être soit admiratif, soit jaloux. De plus, l’itinérance ne permet pas toujours de connaître les situations locales, alors souvent, ils faisaient équipe. L’un des premiers partenaires musicaux de Minnie fut Willie Brown (partenaire d’un certain Charley Patton) qui complétait son jeu en lui fournissant une base rythmique particulièrement efficace. Ils commencent à jouer ensemble dès 1915 du côté de Bedford (Mississippi), égayant les touristes blancs sur le ferry qui les menait à Biggs en Arkansas. à 100 dollars la ballade, on chipote pas. Selon les relents mémoriels de Willie Moore * : « Elle était le “roi” de la guitare ». Deux ans plus tard, la voilà animatrice dans un cirque (Ringling Bros) du côté de Clarcksdale jusqu’en 1920 où elle s’installe à Memphis. Beale Street sera sa résidence secondaire. Elle y rencontre le Beale Street Band Jug Band de Jed Davenport dans lequel se trouve une autre de ses influences, Frank Stokes. 1929, Minnie épouse un guitariste du nom de Joe McCoy à la réputation sinistre d’homme jaloux. Mais leurs duo de guitares sont vraiment en correspondance, un jeu presque à l’unisson que Columbia ne manque pas de graver. Ainsi, pour la postérité seront taillés pour quelques aiguilles de phonos That Will Be Alright et Frisco Town, mais surtout ce premier titre qui passera le siècle aisément et de mains en mains When The Levee Breaks. Cet ainsi que débute cette intronisation de Memphis Minnie sur l’édition de ce disque qui couvre la période 1929/1953, panoplie musicale de cinquante quatre titres où on entend Memphis Minnie accompagnée de ces trois maris (McCoy, Casey Bill Weldon et Ernest Lawlars plus connu des amateurs sous le nom de Little Son Joe), dans ses trois « styles » : celui d’avec Kansas Joe, celui avec les musiciens estampillés “Melrose” et enfin son jeu électrique plus tardif. Essentiel of course ! – Patrick Derrien
Note :
* Stephen Calt & Gayle Dean Wardlow : « King of the Delta Blues ; The Life and Music of Charlie Patton » – 1988 Rock Chapel Press.
Various Artists
That’ll Flat I’ll Get It – Vol.49
Rockabilly and Rock’n’roll from the Vaults of Columbia & Epic Records
Bear Family Records BCD17751 – www.bearfamily.com
Si vous vous êtes aventuré dans la collection complète des volumes de cette série, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Comme à chaque parution, Bear Family fait un travail remarquable, sur la documentation, la qualité du son et l’intérêt des morceaux retenus. Une tâche peut-être simplifée lorsque l’on plonge dans les archives du label Columbia, géant de l’industrie musicale, qui s’il n’a pas la place mythique occupée par des indépendants comme Sun records, n’a pas tardé à se positionner sur le marché du Rock’n’roll. Et ce pour le meilleur, en adoptant Carl Perkins, Link Wray ou Rose Maddox. C’est une belle palette déployée ici, de fous furieux au country and western, via la novelty song. – Dominique Lagarde


When Houston Had The Blues
Blu-ray Disc BAYVIEW SHF 4573
Les villes de New York, Chicago, Los Angeles, New Orleans et Kansas City jouissent d’une grande réputation quant aux musiques afro américaines populaires du vingtième siècle, telles le Blues et le Jazz. Houston est injustement délaissée. Il ne vient pas spontanément à l’esprit de nombreux amateurs de musique de nommer cette cité à l’histoire musicale capitale. Le producteur, scénariste et réalisateur de documentaires Alan Swyer s’est donc attaché à mettre Houston sur un piédestal mérité. Il a ainsi réalisé « When Houston had The Blues » qui vient d’être publié en Blu-ray Disc par BAYVIEW Entertainment. La carrière du film débuta par sa présentation dans quelques festivals de documentaires musicaux. Avec en prime, le prix du meilleur film du festival de Houston. À partir du 24 septembre 2024, le film était diffusé en « vidéo-à-la-demande » sur les plateformes dédiées à cet effet. Alan Swyer est un grand amateur de musique afro-américaine. Il a grandi dans un quartier noir et tomba amoureux de la musique diffusée par le jukebox du restaurant du coin de la rue où il habitait : Big Maybelle, Wynonie Harris, … En outre, il fut ami très proche de Ray Charles. Le film est une belle collection de photographies et extraits de films des artistes et personnalités qui ont écrit l’histoire de la musique de Bayou City, surnom de Houston (Lightnin’ Hopkins, Big Mama Thornton, Clarence Gatemouth Brown, Clifton Chenier, Bobby Blue Bland, Albert Collins, Don Wilkerson, Buddy Tate, Katie Webster, Juke Boy Bonner, …). Une visite des lieux où s’est développée cette culture populaire s’est imposée. Vous découvrirez l’Eldorado Ballroom (de nouveau ouvert), le Palladium Ballroom, l’Ebony Club et le Shady’s Playhouse. Sans oublier la firme de disques Duke-Peacock créée et dirigée par un personnage très controversé, l’afro-américain Don Robey, avec la complicité d’Evelyn Johnson elle-aussi afro-américaine. Toutes ces images sont entrecoupées par des entretiens avec Roger Wood, auteur des indispensables livres « Down in Houston : Bayou City Blues » et « Texas Zydeco », le chanteur Billy Vera, Billy Gibbons de ZZ Top, les chanteuses Diunna Greenleaf, Trudy Lynn et Marcia Ball. Hélas la grande chanteuse Jewel Brown, le très séduisant saxophoniste Grady Gaines, les guitaristes Milton Hopkins, cousin de Lightnin’ Hopkins, et David William Kearney ‘Guitar Shorty’, longuement interviewés pour ce documentaire, sont morts avant sa publication. En outre, il est remarquable qu’un chapitre soit consacré aux saxophonistes de la scène de Houston dont Buddy Tate. James Brown, Ray Charles, B.B. King et Little Richard vinrent faire leur marché à Houston. J’ai gardé pour la fin le moment le plus fort de ce film : les larmes de C.J. Chenier, fils du “King Of Zydeco” Clifton Chenier, quand celui-là évoque la chanson écrite par son père I’m Coming Home (To See My Mother) qu’il interprète à chacun de ses concerts. Clifton Chenier qui résidait dans le Fifth Ward, dit French Town parce que de nombreux louisianais d’origine y vivaient (d’où la très grande importance de ce quartier dans l’avènement du Zydeco), avait composé ce titre en apprenant que sa mère était mourante ; il n’eut jamais le temps de la rejoindre et de lui chanter cette chanson. Derrière ses lunettes noires, CJ Chenier, assis sur un trône chez lui, fond en larmes, garde longuement le silence avant de réclamer un mouchoir en papier pour sécher ses larmes. Alan Swyer exigea que cette scène fût retenue au montage, malgré l’opposition de la productrice et de l’équipe. Visionner ce Blu-ray Disc est indispensable. Il servira d’illustration à l’article « Houston Blues » du #85 d’ABS Magazine, gratuit en ligne. Sachez aussi qu’Alan Swyer met la dernière touche à un nouveau documentaire consacré au Blues et Rhythm & Blues de Los Angeles. Le titre en sera peut-être « When Los Angeles Had The Blues » ? – Gilbert Guyonnet
PS : je me dois de signaler une erreur hélas très fréquente. Pour illustrer le chapitre consacré à David William Kearney “Guitar Slim” où l’on peut admirer les pirouettes acrobatiques scéniques du chanteur-guitariste, a été choisie une photographie de la pochette de l’album Trix de John Henry Fortescue “Guitar Shorty”, ou comment confondre deux artistes aux musiques très différentes à cause de l’homonymie de leur pseudonyme…


La naissance de la batterie
Les origines de la batterie et les premiers batteurs à La Nouvelle-Orléans
Guillaume Nouaux
Frémeaux et Associés
Voici un superbe bouquin qui devrait passionner tous les amateurs de musique, quelles que soient leurs préférences. Il s’agit de jazz, de blues, mais aussi de toutes les musiques actuelles dans lesquelles les percussions et l’avènement de la batterie ont une importance primordiale. Et tout ceci se passe dans notre chère “Crescent City”. L’auteur Guillaume Nouaux est batteur, compositeur, chef d’orchestre de jazz et, en tant que pédagogue, il est reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes du genre en Europe. Il a mené une véritable enquête de détective pour retrouver les traces des premiers batteurs à New Orleans en se fixant une limite : ceux nés avant 1905 . Il y a les géants les plus connus comme Baby Dodds (dont le frère Johnny fut l’un des plus grands clarinettiste du jazz), Paul Barbarin et Zutty Singleton qui ont droit à un chapitre chacun et dont les noms reviennent souvent, mais aussi une foule de batteurs dont les noms sont plus ou moins tombés dans l’oubli et qui revivent ici avec de nombreuses anecdotes : John Robichaux Sr, Jean Vigne, Alfred Louis Jeager, Papa Jack Laine, John Mc Murray, Louis Cottrell, Henry Zeno, Walter Brundy, Mike Stephens, Ernest Trepagnier, Dave Bailey, Henry Martin, Joseph Lindsay, Abbey Foster, Josiah Frazier et bien d’autres dont Baby Lovett qui s’installa plus tard à Kansas City et qu’on peut voir dans un excellent film avec Big Joe Turner, Count Basie et Jay Mc Shann : The last of the blue devils (1979). On voit aussi comment la batterie s’est imposée éléments par éléments : la grosse caisse, puis la caisse claire qui vient d’une évolution du tambour militaire, les cymbales, les toms, les pédales, woodblocks, cloches, baguettes, balais et il est plaisant de savoir que la plupart de ces musiciens ont débuté en s’entrainant avec des bâtons, des casseroles, des fourchettes et autres objets de cuisine ! On comprend l’importance des fameux marching bands qui participaient (et le font toujours) à toutes les fêtes, carnavals et enterrements d’une façon bien définie : d’abord le « big chief » et sa tribu, puis le brass band, la famille du défunt et enfin la « second line » constituée de proches, d’amis et de tous ceux qui souhaitaient se joindre à la parade et qui dansaient et frappaient sur des tambourins ; tous les styles de percussions se mélangeaient là pour le plus grand plaisir des participants. Il s’agit ici des premiers batteurs de New Orleans, mais pourquoi pas un deuxième volume dans lequel on parlerait des générations suivantes qui ne manquent pas de grands noms : Earl Palmer, Charles “Hungry” Williams, Herman Ernest, Bob French, Joseph “Zigaboo” Modeliste (Meters), Smokey Johnson (Fats Domino) ? Mais ceci serait une autre histoire ! Nous avons donc ici un très beau livre, très plaisant à lire, à ranger à côté du récent « Un Noël de Jelly Roll Morton » et « Deux petits bouts de bois » d’Alain Gerber qui le compléteront de belle façon et, si on peut trouver en plus « Écoutez moi ça » de Nat Shapiro et Nat Hentoff (Edition Buchet Chastel) et « Ma vie à La Nouvelle Orléans » par Louis Armstrong (Editions Coda 2006) plus « Mister Jelly Roll » par Alan Lomax chez Flammarion (1964) et les CD : « New- Orleans Revival » (FA 5135) et « Jazz in New-Orleans 1916- 1944 » (FA 039) et quelques CD de Johnny Dodds, de Jelly Roll Morton et de King Oliver, alors ce sera le bonheur ! – Marin Poumérol