Chroniques #55

• L’actualité des disques blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco
et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par abs magazine online…


Watermelon Slim

Golden Boy

Borderline Blues / Dixiefrog DFGCD 8796 – www.bluesweb.com

Bill Homans aka Watermelon Slim est un artiste à part dans le monde du blues. Originaire d’Oklaoma, il vit désormais dans le Mississippi. Une brève discussion à Helena, Arkansas, en 2007, nous avait permis de constater d’emblée, sous des aspects de routard et de type qui a brûlé la vie par les deux bouts, qu’il y a non seulement chez ce bonhomme une culture immense de la route, de la musique américaine et de ses origines, mais aussi des références littéraires et une conscience politique omniprésentes. Son écriture est servie par une curiosité permanente, un intérêt sans fin pour les gens et leurs histoires. Red’s, à Clarksdale, nous expliquait notamment comment Slim l’avait aidé à réparer le toit de son club endommagé, comme ça, en restant sur place sans rien demander en retour… Son talent de conteur est admirablement servi par ses qualité de compositeur, sa voie éraillée et grave, sa sensibilité à fleur de peau et son excellente maîtrise de plusieurs instruments dont la steel guitar et l’harmonica, entre autres. Depuis quatre ans, nous étions dans l’attente d’un nouvel album, et l’attente est formidablement récompensée. En dix nouvelles compositions, il nous fait voyager aux États-Unis comme peu d’artistes sont capable de le faire. On passe au fil de l’eau par un hommage au grand Fred McDowell (Northern Blues), une chanson de corsaire en hommage au Canada où a été enregistré le disque et dont c’est l’hymne non-officiel (Barreets Privaters), un rock très seventies (Pick Up My Guidon), des accents plus jazzy, une marche… Et des morceaux comme ce Mean Streets, habité, profond, à l’atmosphère pesante, dans lequel la voix grave est secondée par un harmonica hyper saturé. Génial. Dix morceaux, dix histoires différentes qui transportent, et à l’évidence une culture immense de l’histoire américaine à travers sa musique et ses peuples. Certains penseront peut-être que ce disque inclut trop de choses différentes, mais il n’est que le reflet de la personnalité et de l’intérêt que Slim porte aux autres. C’est pour moi un formidable album, d’une très grande envergure et d’une incroyable poésie, qui me fait penser au cinéma de Bertrand Tavernier. Cet album bénéficie – qui plus est – d’une excellente production par Scott Nolan, qui offre un écrin de qualité à ce grand artiste. Watermelon Slim se produira en juillet au Cognac Blues Passions, ne le loupez pas. – Marcel Bénédit


Trombone Shorty

Parking Lot Symphony

Blue Note 2017

L’enfant de Nola a grandi. Mature et abouti, le présent enregistrement du trompette tromboniste et chanteur fait dans l’accroche et l’asperité. On se souvient de la brillance lissée des deux derniers disques comme d’une rémanence de vin rosé estival au goût agréable et transitoire. Catégorie supérieure ici. Du rouge lourd et puissant. La Syrah d’un Chateauneuf du Pape pour la double orchestration de Laveau Dirge qui ouvre et ferme le CD avec ces effluves de beauté formelle qui font penser au Dr. John de la Litanie des Saints et de Quatre Parrish. À côté de ça, des reprises de grands crus dont la patine n’altère en rien la modernité. If Ain’t No Use des Meters, avec le guitariste originel, Léo Nocentelli, et le Here Come The Girls d’Allen Toussaint popularisé en son temps par Ernie K Doe, régénèrent et rajeunissent ces glorieux moments du funk local. Familiar, composé avec Aloe Blac, est le parfait pendant au titre éponyme de l’album. Mention particulière à Dirty Water (sic) qui pourrait sortir d’un disque de John Cleary, ou aux instrumentaux Fanfare et Like Dog qui rendent hommage au son ambulatoire de la Cité du Croissant. Le furieux groove de Joey Peebles, batteur habituel du Trombone Shorty, chambre la bouteille à température idoine. Malgré la gelée d’avril, le primeur de chez Blue Note devrait bien vieillir cette année… – Stéphane Colin


Don Bryant

Don’t Give Up On Love

Fat Possum 1607 / Differ-Ant – www.fatpossum.com

Même si on le savait encore plus ou moins actif dans un registre gospel, je doute que beaucoup auraient parié sérieusement sur un retour discographique d’ampleur de la part de Don Bryant. Pourtant, le label Fat Possum nous avait déjà laissé un indice trois ans auparavant en publiant une réédition de certains de ses titres Hi Records. Même si la marque du temps peut se faire légèrement entendre, Bryant demeure en bonne forme vocale et a, de fait, accentué l’influence religieuse dans son chant, ce qui ne gâche rien. Présent à l’accompagnement et à la production, le bassiste des Bo-Keys Scott Bomar a clairement joué la carte de la nostalgie en proposant un succédané presque plus vrai que nature du son Hi. La présence d’Howard Grimes et de Charles Hodges étant alors déterminante et heureuse. Le trait est même accentué par l’adjonction de cordes typiques des productions d’antan de Willie Mitchell. Pourtant, peu d’anciennes chansons de Bryant sont réenregistrées (Can’t Hide The Hurt). Auteur compositeur non négligeable du Memphis sound, il n’a pas perdu son inspiration et propose principalement un nouveau matériel… mais avec une patine artificielle. Dans le même ordre d’idée, il me semble dommage de proposer une énième version de l’emblématique A Nickel And A Nail, mais l’idée est en revanche excellente de réenregistrer le titre des 5 Royales composé par Bryant, I Got To Know. Même si le son chaleureux de cette production soignée ravira la plupart, je suis réservé lorsque que le parti pris du revivalisme est à ce point recherché. À titre de comparaison, le retour de Syl Johnson dans les années 90 sur Delmark dans un contexte semblable m’a semblé plus réussi, car moins téléphoné. Pour autant, l’élément le plus important reste – et c’est tant mieux – l’excellente prestation de Don Bryant, qui effectue pour le coup un retour gagnant. À défaut de modernité, vous aurez la qualité. – Nicolas B.


John Primer & Bob Corritore

Ain’t Nothing You Can Do

Delta Groove DGPCD 175 / Socadisc – www.deltagroovemusic.com

En 2013, ce duo explosif avait déjà gravé un album marquant, pour la même compagnie. Ils viennent de remettre le couvert et on peut dire que c’est une belle réussite personnelle, même si les invités y sont aussi pour quelque chose. Au piano, on a Henry Gray dans trois faces et Barrelhouse Chuck dans les sept autres. Ajoutons-y Big Jon Atkinson à la guitare avec Troy Sandow à la basse dans trois faces et Chris James (guitare) avec Patrick Rynn (basse) dans les sept autres, sans oublier le batteur Brian Fahey partout, et on a une sorte de dream team qui répond aux attentes. On pourrait citer les qualités de chaque titre car il n’y a ici pas de temps faible et tout est excellent de bout en bout. Mais pointons quand même Hold Me In Your Arms, syncopé (de et avec Henry Gray), May I have A Talk With You enlevé (de Howlin’ Wolf), avec Barrelhouse Chuck et Chris James. À noter les deux compos de John Primer, avec un goût de revenez-y, Poor Man Blues et When I Leave Home et celle de Bob Corritore, l’instrumental Harmonica Boogaloo. Quant aux sept reprises, elles sont bien choisies, comme celles déjà citées, mais aussi Elevate Me Mama (de Sonny Boy Williamson) ou Big Leg Woman en slow de Johnnie Temple. Tout le reste est à l’avenant. – Robert Sacré


Eastside Kings

Dialtone Records DT0027

www.dialtonerecords.com

Chaque nouvelle sortie d’un disque Dialtone est un événement. Le label d’Eddie Stout à Austin, Texas, regorge de pépites, tout est bon dans son catalogue. On a à faire ici à la nouvelle parution des Eastside Kings, groupe du label, à géométrie variable, qui compte aujourd’hui dans ses rangs le claviériste Peewee Calvin, les guitaristes Bobby Gilmore et Ray Reed, Soul Man Sam, Mac McIntosh, Jabo et Birdlegg qui se chargent à tour de rôle des parties vocales, accompagnés par le combo maison dirigé par le boss et bassiste Eddie Stout, et une section de cuivres efficace. Du blues, de la soul et du rhythm’n’blues de haute volée avec une évidente joie partagée à être ensemble en studio. Treize titres composent cet album, dont dix sont chantés à tour de rôle par les intervenants précédemment cités et deux instrumentaux joués par les Eastside Kings. À noter la difficile reprise de Cry To Me par Soul Man Sam qui, sans permettre d’oublier Solomon Burke, est néanmoins remarquable. Soul Man Sam que l’on retrouve, également à l’aise, sur le Let The Good Time Roll d’ouverture. Le seul reproche que l’on pourrait faire serait de trop puiser dans le répertoire connu au détriments de nouvelles compositions qui auraient été les bienvenues, mais toutes les voix sont si singulières et les morceaux choisis tellement adaptés que ce disque passe à la vitesse de la lumière, tel ce Boogie Chillen interprété magistralement par Ray Reed. Si vous voulez voir tous ces musiciens, ils seront au Eastide Kings Festival, à Austin, Texas, les 9 et 10 septembre prochains (cf affiche dans ce numéro). Un chouette voyage en prévision, non ? – Marcel Bénédit


Robert Cray & Hi Rhythm

Jay-Vee records JV 2017

Robert Cray est allé chercher la source de jouvence au légendaire studio Royal du producteur Willie Mitchell à Memphis, accompagné de la section rythmique Hi, Charles et Leroy Hodges et d’Archie Turner, sous la houlette du producteur Steve Jordan. Onze titres en sont sortis dont seulement trois de la plume de Robert Cray, mais le solde est assuré par des signatures prestigieuses comme celle de Lowman Pauling, Sir Mack Rice, Bill Withers ou Tony Joe White qui semble particulièrement inspirer l’emprunteur sur Aspen, Colorado ou Don’t Steal My LoveTrois mois après l’investiture du nouveau président des États-Unis, Mr Cray n’a pas tardé à dégainer. Just How Low est un blues très critique sur Donald Trump, sa propension à construire des murs et à séparer les communautés. Le train pour Memphis est pile à l’heure. – Dominique Lagarde


Rockin’ Johnny Burgin

Neoprene Fedora

West Tone Records WTR 1705 – www.rockinjohnnyburgin.com

De la Cité des Vents aux studios Greaseland de San José en Californie, la carrière de Rockin’ Johnny Burgin a pris un nouvel envol depuis 2015. Il semble avoir tourné la page chicagoane qui l’a consacré, afin d’entamer un autre cycle en s’installant en Californie où il a trouvé manifestement un environnement stimulant. « Neoprene Fedora », second album de Rockin’ Johnny Burgin sur West Tone Records, a été enregistré par Kid Andersen. Après le très remarqué « Greaseland » (cf ABS N° 50) , ce septième album solo depuis 1998 est un gage de maturité. Considéré comme l’un des tous meilleurs guitaristes de Chicago, Rockin’ Johnny confirme qu’il est un des cadors de la génération montante. Il est souvent sur la route avec ses quelques 250 concerts par an dont une grande partie de ce côté-ci de l’Atlantique. Sa fusion musicale et relationnelle avec Jimmy Lee Robinson, Little Smokey Smothers, Eddie Shaw, Jimmy Dawkins et tant d’autres, l’écoute attentive de Gatemouth Brown et d’Eddie Clearwater alors qu’il grandissait dans le Sud, l’ont ancré dans le blues traditionnel. Plus récemment, sa rencontre avec le brillant Aki Kumar (cf ABS N° 49) avec lequel il forme un duo très soudé, l’a fortement marqué. « Neoprene Fedora », en double entendre avec Chi-Town, est un signe de son renouveau épanouissant sur la Côte Ouest. Dix titres sur seize sont originaux. Rockin’ Johnny embrasse toute la tradition blues avec une multitude de références et de sons nouveaux. Car l’artiste, talentueux compositeur et interprète, adore jouer avec les mots, les sonorités et les tonalités. Pour preuve, Kinda Wild Woman est un zydeco blues qui déménage. Please Tell Me, au tempo lent, est sirupeux à souhait. La voix chaude et sucrée de Rockin’ Johnny lui donne toute son intensité. Our Time Is Short pointe son nez vers la Louisiane. Le reste de l’album est un mix épatant de blues traditionnels et de Chicago blues interprétés par les meilleurs musiciens de la West Coast. Le morceau titre rayonne par sa versatilité et ses changements incessants de rythme. Les morceaux syncopés sont de la partie avec Let Me Be Your Teddy Bear de L.V. Banks. My Life’s Enough For Me, hypnotique, est superbe. L’ambiance funky blues est idéale pour le brillantissime invité Alabama Mike qui magnifie Smoke And Mirrors et I Did The Best I Could avec un orgue Hammond B3 magique et un band soudé. Aki Kumar, l’harmoniciste qui n’en finit pas de monter, donne la réplique dans Self Made Man au texte original ancré dans la tradition de la Windy City et dans une version revisitée de My Baby’s Gone. Kid Andersen, musicien producteur démonstratif, s’en donne à cœur joie sur You Gotta Work Fast à tempo mi-rapide. Le dernier et bouleversant titre de l’album, Good Bye Chicago, aux accents du légendaire “Loup Hurlant”, est un tantinet provocateur (euphémisme) ;Rockin’ Johnny semble perplexe quant à la réaction de ses fans de la Cité des Vents… Moi, je suis conquis ! – Philippe Prétet


Selwyn Birchwood

Pick Your Poison

Alligator ALCD 4975 – www.alligator.com

Avec cet album, Selwyn Birchwood (chant, guitare et lap steel guitar) reste fidèle à ses racines blues, mais il élargit la notion même de ce style musical à d’autres horizons et en appeler à une plus vaste audience. On découvre 13 compositions personnelles, textes et musiques, avec du blues traditionnel comme on le joue encore dans les collines du Nord du Mississippi avec guitare slide et la flûte de Regi Oliver (Trial By Fire). Il y a aussi du blues moderne en slow (Heavy Heart) ou rapide (Haunted) et du R&B funky (Pick Your Poison), sans oublier du blues-rock “fast and furious” (Are You Ready ?) et des faces aux accents gospel (Even The Saved Needs Saving, avec des passages de steel-guitar à-la-Robert-Randolph). Avec ses trois partenaires, Regi Oliver (saxes, flûte), Huff Wright (basse) et Courtney “Big Love” Girlie (drums), Selwyn Birchwood forme une équipe rodée et soudée. En outre, partout, sa voix rauque et expressive alliée à son jeu intense de guitare et de lap steel, fait merveille. On connaissait aussi son talent de compositeur et de parolier. Ici, il s’est surpassé ; tous les textes sont plus qu’excellents, certains sont politiques comme Police State (la société US évolue vers un état policier) et/ou polémiques comme Reaping Time, un slow blues (vengeance œil pour œil, dent pour dent), le funky Corporate Drone (les dérives du capitalisme). D’autres thèmes sont aussi traités, entre autres la solitude et la folie qu’elle peut entraîner (R We Crazy ?, Lost In You) parfois avec un humour grinçant (My Whiskey Loves My Ex). Avec des productions comme celle-ci, 2017 est sur la voie d’une année faste pour le blues contemporain. – Robert Sacré


Chris Bergson

Bitter Midnight

Continental Blue Heaven CBHCD 2029

Cet album du chanteur guitariste et songwriter Chris Bergson est une excellente surprise. Chris est avant tout un guitariste de jazz, mais c’est aussi un passionné de blues, de soul et de rock. Il a accompagné Nora Jones, de très nombreux chanteurs de jazz, mais aussi joué avec B.B. King, Hubert Sumlin, Betty Lavette, Dr John, Greg Allman ou Etta James, entre autres. Son impressionnante maîtrise technique à la guitare ne cache pas une signature et un feeling évidents. Sa voix est chaude, jamais forcée, tout à fait à l’aise dans les registres du blues et de la soul. Les 11 titres font de cet album un disque très abouti dans lequel la qualité des compositions est remarquablement servie par le talent des musiciens et des voix. Des invités sont présents, avec bonheur, comme Ellis Hooks (Steve Cropper band) au chant, le saxophoniste Jay Collins (Greg Allman band), le trompettiste Steve Bernstein (ex Levon Helm Band), les batteurs Tony Mason (Darlene Love) et Andy Comess (Spin Doctors), ainsi que les bassistes Andy Hess (Gov’t A Mule) et Richard Hammond (Joan Osborne). Enfin, le claviériste et saxophoniste Craig Dreyer complète cette équipe assez magique. J’aime particulièrement les morceaux soul, dans lesquels Bergson excelle, mais l’ensemble de l’album mérite une mention spéciale dans les bonnes nouveautés. – Marcel Bénédit


Big Daddy Wilson

Neckbone Stew

Ruf 1236 / Socadisc – www.rufrecords.de

Cinquième album de cet interprète né en Caroline du Nord, pratiquant le gospel dans sa jeunesse, mais dont la particularité est de n’avoir découvert le blues que lors de son service militaire en Allemagne en 1979. Sinon la musique, l’esprit du gospel habite d’ailleurs toujours une grande partie des textes ce disque. « Neckbone Stew » est un album plutôt intimiste dans lequel Big Daddy chante et « percussionne » parfois, accompagné de Cesare Nolli aux guitares et Paolo Legramandi à la basse. Invitée, Ruthie Foster reprend avec goût le Give Me One Reason de Tracy Chapman. Eric Bibb cosigne et accompagne, précisément le très gospélisant He’ll Make A Way, ainsi que Cookies Gonna Kill Me, une chanson dans le style hokum sur l’appétit décomplexé de Big Daddy pour les sucreries alors que le diabète sévit. – Dominique Lagarde


Tim Gartland

If You Want A Good Woman

Taste Good Music

Ayant démarré sa carrière dans les clubs de Chicago, Tim Gartland a migré vers Boston et est devenu en quelques années un des artistes reconnus de la scène blues locale, avant de partir pour le Tennessee. Enregistré à Nashville, cet album propose douze titres qui permettent de mettre en lumière la qualité d’écriture de Gartland (certains des titres sont écrits avec son ami et claviériste Tom West) et ses indéniables talents d’harmoniciste. Sa voix grave au timbre particulier, est à l’aise dans les titres blues mais aussi plus soul. Un artiste à suivre. – Marcel Bénédit


Mr. Sipp

Knock A Hole In It

Malaco Records MCD 7551

www.malaco.com

Malaco Records publie ici le troisième album du chanteur et guitariste Castro Coleman, alias Mr. Sipp, né à McComb, Mississippi, où naquit également un certain Elias McDaniel, dit Bo Diddley. Sa pratique vocale du gospel, domaine dans lequel il est un accompagnateur très actif, conjuguée à un jeu de guitare flamboyant, la distribution de ses disques par une compagnie bien établie, lui confèrent des atouts évidents pour séduire un public assez large. On devrait en juger dans quelques semaines lors d’une tournée estivale qui marquera aussi son 41ème anniversaire. Mr. Sipp joue un blues électrique et corsé, aux accents hendrixiens dans Knock A Hole In It et Going Down, mâtiné aussi de rock californien ou sudiste (Sea Of Love, Baby Your Mine) prétexte à des belles envolées de guitare, tout en revenant les pieds sur terre dans Juke Joint, un boogie à la Howlin’ Wolf. Si le disque prend une inflexion plus soul vers la fin, il se termine néanmoins par un hommage au “Voodoo Child” dans une version de Little Wing couplée au Star Spangled Banner, seule dérogation à un ensemble composé pour le reste par Mr. Sipp. – Dominique Lagarde


Billy Price

Alive And Strange

Nola Blue VT-NB003

Ayant lu et entendu des commentaires enthousiastes à propos de Billy Price de la part d’amateurs éclairés qui le classent aux côtés de – par exemple – Curtis Salgado dans les représentants sérieux d’une blue eyed soul de qualité, l’écoute de son dernier effort s’est fait avec des a priori positifs qui n’ont au final pas été démentis. Enregistré en public dans son fief de Pittsburgh, le répertoire proposé par Price est très majoritairement constitué de reprises témoignant d’une bonne culture classique, ouverte néanmoins sur le son contemporain avec notamment le choix de Carl Sims en ouverture. Son orchestre excellent (orgue et cuivres) manie parfaitement les codes de l’idiome R&B et démontre sur l’hommage à Roy Milton une habileté technique lorgnant clairement le jazz. Quant à Price lui-même, c’est un bon chanteur expérimenté, sincère et bien à son affaire, qui n’a pas besoin de se perdre dans des maniérismes pour exister. Il se distingue par sa diction et son parti pris pour les notes hautes qui peut parfois l’emmener à la limite de la rupture (Lickin’ Stick). Pour autant, ce léger manque d’épaisseur n’efface pas une soul jouée avec compétence et tripes. Le disque propose en bonus un titre de sa composition enregistré en 2012, tout aussi recommandable dans son exécution que ce qui précède. On sera donc attentif aux futurs prolongements scéniques puisqu’il se produit régulièrement en France. – Nicolas B. 


Tom Craig

Get Ready For Me

Soul Patch

Tom Craig est un chanteur, guitariste, auteur-compositeur natif de Philadelphie, d’abord immergé dans la jazz avant de se tourner vers les sons de Memphis et Muscle Shoals des années 60 et 70. Ce qui donne des compositions issues d’un mélange entre blues et soul, avec une maîtrise musicale et des orchestrations très travaillées. Il est entouré, pour cet enregistrement studio, d’excellents musiciens, avec une place prédominante de la section cuivre dans la majorité des douze titres et une mention spéciale au trombone de Sean McCusker. La musique est une alternance de soul, de blues lents et de morceaux rhythm’n’blues rythmés, dansants. Très réussi. – Marcel Bénédit


Billy Flynn
with special guest Deitra Farr

Lonesome Highway

Delmark 850 DE 850 / Socadisc – www.delmark.com

À la soixantaine naissante, Billy Flynn est (enfin) reconnu comme l’un des stylistes les plus talentueux parmi les guitaristes de blues. Avec dix albums enregistrés sous son propre nom, sa maîtrise de différents styles en fait l’un des musiciens très demandés. C’est aussi l’un des joueurs de sessions ayant enregistré au cours des quarante dernières années d’innombrables faces avec les plus grands noms du blues de Chicago. Citons pêle-mêle Otis Rush, Jimmy Dawkins, Snooky Pryor, Luther Allison, Mighty Joe Young, John Brim, Willie Kent, Koko Taylor, Jody Williams… Excusez du peu ! Difficile de croire, au vu de ses états de service, que « Lonesome Highway » est son premier album en tant que leader pour le label de Bob Koester. Le sideman avisé, qui avait été remarqué tout jeune par Jimmy Dawkins dans les années 1970 et qui a été un véritable pilier du catalogue Delmark, vient donc d’obtenir une reconnaissance amplement méritée. La connaissance encyclopédique de Billy Flynn et la maîtrise d’un large éventail de styles de guitare à partir des années 1920, en font un artiste recherché. Il n’est pas étonnant que Billy ait été approché pour jouer de la guitare pour la bande sonore de la récente vidéo « Cadillac Records », qui raconte l’apogée du légendaire label de Chicago Blues, Chess Records. Et puis, Billy a participé à la bande son de Beyonce dans son enregistrement Grammy Winning 2010 de At Last d’Etta James. Billy est auteur compositeur interprète et brillant multi-instrumentiste : mandoline, banjo, lap steel, harmonica, basse, batterie, piano, et à peu près tout ce qui produit du son, y compris le sitar électrique. Il tourne beaucoup, enregistre et joue avec les Cash Box Kings depuis six ans dont il a produit le deuxième album, « Black Night Falling ». « Lonesome Highway » propose 16 nouvelles chansons originales sur 17 titres, avec une invitée, sa grande amie, la chanteuse Deitra Farr, qui en interprète deux. Dithyrambique, le producteur Dick Shurman dit de l’ensemble : « C’est l’un des meilleurs albums de guitare blues ». Kim Wilson, qui appelle régulièrement Billy pour ses sessions, fait observer que « Billy Flynn est l’un des plus grands guitaristes de blues en vie et l’un des plus grands à jamais. Il est vraiment le musicien des musiciens de blues ». À l’écoute, force est de constater que « l’empreinte » Billy Flynn est immédiatement perceptible. If It Wasn’t For The Blues donne le ton. En tempo mi-rapide au beat appuyé, Billy Flynn démontre qu’il maîtrise superbement la mélodie et les arrangements. Le morceau titre, Lonesome Highway,  est un petit bijou que n’aurait pas renié un certain Magic Sam. La section de cuivres s’en donne à cœur joie en contrepoint de l’orgue Hammond B3. Les phrases de la guitare sont flamboyantes. Un vrai régal. Les morceaux instrumentaux comme la reprise The « In » Crowd ou Never Had A Chance ont le groove terrible. Le rythme devient hypnotique et s’accélère sur Waiting Game, un blues roots et rugueux qui décoiffe avec une basse et un harmonica virevoltants qui échangent un florilège de notes bleues. La trace de Jody Williams et du West Side sound est là avec une superbe version de The Lucky Kidd. Les accents rock’n’roll vont vous faire pousser les meubles du living-room pour danser sur Long Long Time. L’album est construit intelligemment et va crescendo avec The Right Track, You Are My Lover. Ambiances funky et jazzy aussi avec I Feel ‘Um. Reste à évoquer Sufferin’ With The Blues, qui s’écoute en boucle, avec une guitare juste divine ; la quintessence de l’album. Les titres sonnent superbement, la production est de grande qualité. Un album indispensable. – Philippe Prétet


Monster Mike Welch & Mike Ledbetter

Right Place Right Time

Delta Groove DGPCD176 / Socadisc

www.deltagrooveproductions.com

Après leur triomphe mérité sur la scène du Chicago Blues Festival en juin 2016 lors de l’hommage à Otis Rush orchestré par Dick Shurman, il tombait sous le sens que ce duo devait graver un album. Grâce à Delta Groove, c’est chose faite, et c’est une réussite totale. Sans copier Otis Rush, on est tout à fait dans sa tonalité. Les deux Mike s’entendent comme larrons en foire. Ils se complètent parfaitement, avec un Ledbetter impérial au chant et un Welch tout aussi impérial à la guitare. On compte trois compositions de Ledbetter (les excellents Kay Marie et Big Mama avec Laura Chavez en appoint et Can’t Sit Down). Il y a aussi deux compos de Welch dont un poignant I’m Gonna Move To Another Country en slow et un instrumental bien enlevé, Brewster Avenue Bump. Quant aux sept reprises, elles sont judicieusement empruntées à Willie Dixon, Elmore James, Tampa Red… Tous les accompagnateurs font un travail remarquable de mise en place et de soutien : Anthony Geraci (piano et orgue Hammond), Ronnie James Weber (basse), Marty Richards (drums), mais aussi les invités comme la guitariste Laura Chavez, très efficace dans quatre titres, ainsi que Sax Gordon (ts) et Doug James (ts) dans quatre autres. Le rythme est soutenu partout. Il n’y a pas le moindre temps faible et il est impossible de ne pas aller jusqu’au bout, et l’envie de recommencer est irrésistible. D’ores et déjà, c’est selon moi l’un des meilleurs albums de blues de 2017. Pour la bonne bouche, on citera encore Cryin’ Won’t Help You de Tampa Red, dans l’esprit Otis Rush et Goodbye Baby d’Elmore James, en slow, qui donne envie de danser joue contre joue. « A good ‘un »,  aurait dit Otis Rush. – Robert Sacré


Adrianna Marie And Her Roomful Of Stars

Kingdom Of Swing

Vizztone VT- AM 625 – www.vizztone.com

Al Copley, L.A. Jones, Junior Watson, Bob Corritore, Doug James, Duke Robillard et les autres… Roomful of stars : un aéropage de pointures de la scène west coast s’est rassemblé autour de la pulpeuse Adrianna Marie pour enregistrer cet album au parfum rhythm’n’blues des années 40/50. Des emprunts à Johnny Otis, Joe Liggins, Helen Humes, côtoient une demi douzaine d’originaux. Adrianna se met au service de l’orchestre plus qu’elle ne le conduit vraiment. Ses interventions vocales sont limitées à la manière ancienne des interprètes invités dans un big band. Si la pression monte un peu sur Jump With You Baby ou T-Bone Boogie, on reste dans l’exercice de style convenu plutôt que dans le monument de swing XXL qu’on pouvait espérer. – Domnique Lagarde


John Latini

The Blues Just Makes Me Feel Good

Smokin’ Sleddog Records 1658-4-SSR

13 titres pour découvrir un chanteur, guitariste et songwriter de talent qui se balade de blues électriques urbains en morceaux d’aspect plus « traditionnel », voire NOLA, comme avec le morceau titre de l’album. Excellent guitariste, chanteur à la voix posée et non forcée, il s’entoure d’un excellent groupe. Les choeurs sont un des éléments très appréciables de ce disque, tout comme l’intervention des cuivres sur quelques titres. C’est un disque fort agréable et divers, tant dans ses thèmes que ses mélodies. – Marcel Bénédit


Thorbjorn Risager & The Black Tornado

Change My Game

Ruf 1240 / Socadisc – www.rufrecords.de

Onzième album du chanteur et guitariste danois, onze ans après le premier, « From The Heart », en 2006. Son Black Tornado est un orchestre de huit musiciens dont trois cuivres. Avec « Too Many Roads », en 2014, Thorbjorn Risager a entrepris une profonde ouverture de ses horizons musicaux. Une recherche qui se poursuit ici. Pochette en gris, noir et blanc, ruelle glauque, visages de marbre, l’heure n’a pas l’air exquise au pays de la petite sirène. Sous le borsalino, Thorbjorn a de faux airs d’un Jagger avec quelques années de moins. Non, le Danemark ne veut pas sortir de l’euro. Mais alors, qu’y a-t-il dans le chapeau ? À côté de blues ou de rocks électriques et puissants, une belle place est donnée à des titres incantatoires (Holler’n’moon), sombres (Long Gone), voire carrément lugubres (Lay My Burden Down), entre Tom Waits et Nick Cave, peut-être le moment le plus fort du disque. Risager et ses acolytes ont pris la main sur la production et le mixage de l’album. Et cela se ressent dans sa proximité et sa profondeur. – Dominique Lagarde


James & Black

Live At La Chapelle

autoproduction

C’est à l’occasion de ses (trop) rares passages à Paris que le duo a enregistré ce live le 7 Juin 2016 à La Chapelle des Lombards. Ils étaient accompagnés de leurs fidèles complices Nicolas Thys (basse), Felix Sabal Lecco (batterie/percussions), DJ Phil Ross (samples/scratches) qui possèdent de soldes références (Toots Thielemans, Prince, Paul Simon, Peter Gabriel). À l’inverse des prestations de Porretta, le répertoire n’inclut pratiquement que des compositions originales dues à la plume créative et aux inspirations diverses de Bruce James. C’est ainsi que le titre d’ouverture, Brighter Than This, tout comme Right On, ont des allures de mélodies pop sautillantes sixties. La répartition des tâches semble bien faite, car Bruce James interprète ses propres pièces dans un style proche de ceux de Dr. John ou Tom Waits, alors que celles que Bella Black a écrites semblent refléter sa personnalité. Henry et Jonah en sont à ce titre symptomatiques par la profondeur de l’inspiration et de la puissance vocale qui laissent penser à une Nina Simone moderne. Impression d’ailleurs renforcée lors des prestations live tant le mimétisme est autant vocal que visuel. Deux reprises figurent : I’m Just An Old Chunk Of Coal, du chanteur country Billy Joel Shaver, et American Girl, de Tom Petty. Enfin, difficile de ne pas conclure ce rapide survol sans mentionner une approche délibérément moderne avec l’apport d’un DJ qui, par ses délicates interventions de scratches et de samples soigneusement sélectionnés de leaders politiques et musicaux (j’en ai même reconnu un de Gladys Knight dans Nothing Left To Do !), contribue à créer une ambiance sonore originale. – Jean-Claude Morlot


Hurricane Ruth

Ain’t Ready For The Grave Hurricane

Ruth Records – www.hurricaneruth.com

Chanteuse, Ruth La Master est une force de la nature, avec un gabarit et une voix à niveau. Elle a grandi baignée dans la musique, car son père était propriétaire d’un juke joint, The Glendale Tavern, à Beardstown, à mi-chemin entre Chicago et Saint Louis. Elle a été à bonne école, car y ont défilé des tas de musiciens de blues, de jazz, de R&B et de country. Son quatrième album est d’ailleurs dédié à son père, Milt LaMaster Sr. Il est produit par un as du genre, le batteur Tom Hambridge, et s’y sont joints Pat Buchanan et Rob McNeeley (guitares), Michael Rhodes (basse) et Reese Wynans (claviers, Hammond B3). On démarre en fanfare avec un Barrelhouse’s Joe swinguant en diable avec Ruth et Wynans en vedette. L’autobiographique Hard Workin’ Woman, en medium, n’est pas en reste, c’est l’auto-portrait de Ruth, motivée et bosseuse. Le guitariste Pat Buchanan est bien en évidence partout, et en particulier dans des blues lents comme Far From The Cradle, For A Change ou My Heart Aches For You (avec Ruth et Wynans au top aussi) ou en médium et bien syncopé, comme Let Me Be The One. Enfin, une mention toute spéciale aux McCrary Sisters, un groupe féminin de black gospel bien connu des amateurs, qui accompagne Ruth sur deux faces, un Good Stuff bien syncopé et surtout Yes I know, une des meilleures faces de l’album avec des variations de rythme surprenantes mais très réussies. – Robert Sacré


Hector Anchondo Band

Roll The Dice

Autoproduit

Originaire d’Omaha dans le Nebraska, Hector Anchondo est un chanteur guitariste qui a déjà une longue carrière. Il a débuté avec des influences loin du blues mais, passionné par la guitare Fender Stratocasters, il s’inspire et prend modèle sur Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan et Eric Clapton. En 2002, il sort un album de rock acoustique et bénéficie dans sa région d’un énorme soutien musical par les radios, la distribution et ses tournées. Et il reconnaît alors que sa carrière doit beaucoup à la ville d’Omaha. Mais vers 2010, les gens ont subitement cessé d’aller aux spectacles à cause de la crise économique. Alors, Anchondo décide de prendre une voix solo et il se tourne vers le blues. Avec le label Red Bird Records, il sort deux albums et réussit à partager la scène avec notamment Magic Slim, Coco Montoya et Ronnie Baker Brooks. Il enchaîne les récompenses et il est finaliste de l’International Blues Challenge de Memphis en 2016. Voici donc son nouvel album, « Roll The Dice », enregistré avec son band (Justin Shexlton à l’harmonica, Josh Lund à la basse, Khayman Winfield à la batterie). Tous les morceaux sont des compositions originales, sauf Black Magic Woman écrit par Peter Green. Son jeu à la guitare slide est impeccable, du fait qu’il ait pris des leçons avec Damen Wood, le guitariste de James Brown. Les critiques aux US sont en grande majorité positives envers cet artiste, à juste titre. – Robert Moutet


Vin Mott

Quit The Women For The Blues

Self Records

Une belle voix, un jeu d’harmonica tout en nuances, et un vrai talent pour l’écriture font de ce jeune artiste du New Jersey de 27 ans une figure à suivre. De Chester Burnett à ses propres compositions, le garçon a déjà une maîtrise évidente qu’il retranscrit ici dans dix titres très blues, aidé par un excellent groupe au son très brut avec un excellent Sean Ronan à la guitare. À suivre de près. – Marcel Bénédit


Steve Krase

Should’ve Seen it Coming

Connor Ray Music CRM 17-001

Steve Krase est un chanteur harmoniciste qui joue depuis 30 ans à Houston. Voici son 4ème enregistrement sous son nom, et il a aussi à son actif trois disques avec Trudy Lynn. Cette dernière chante sur trois morceaux dont Crazy For My Baby de Willie Dixon. Fats Domino et Clarence Henry sont aussi à l’honneur avec chacun la reprise de l’un de leurs morceaux, ainsi que le producteur Rock Romano et le regretté Jerry Lightfoot qui fut pendant des années le mentor de Steve. Deux morceaux et les deux bonus sont des compositions de David Krase, le frère de Steve. La majorité de ce CD a été enregistré en direct sur deux nuits, et les guitaristes Mark May et Bob Lanza ont pu participer à l’enregistrement. À l’écoute de cet album, on imagine très bien les spectacles de Steve qui sont décrits comme dégageant une énergie légendaire. Alors, comme il est annoncé en tournée en Europe cette année avec Trudy Lynn, espérons que nous pourrons apprécier à leur juste valeur leurs performances scéniques. – Robert Moutet


Aki Kumar

Aki Goes To Bollywood

LittleVillageFoudation.org LVF 1008 – www.akikumar.com

Aki Kumar a déménagé dans la Silicon Valley à l’âge de 18 ans. Son objectif était de devenir un ingénieur en informatique performant. Or, son destin en a décidé autrement. Il a découvert le blues avec la musique de Howlin’ Wolf et celle jouée dans les clubs de blues dans la région de San Francisco. Finalement, il a abandonné son travail pour se consacrer entièrement à la musique afro-américaine. Certes, Kumar a baigné dès l’âge de huit ans dans la musique, mais, comme tous les jeunes garçons en Inde, ce n’était pas particulièrement dans le blues, il a comme d’autres été inscrit par ses parents dans une école afin de suivre des cours de musique traditionnelle indienne. La musique Hindustani semblait donc être derrière lui. Que nenni. Son premier album (cf ABS N° 49), qui sonne résolument blues, était composé pour l’essentiel de standards. Avec un certain culot, Kumar prend ici le risque de décevoir les « puristes ». La musique indienne et le blues font corps dans ce deuxième CD produit par Kid Andersen dans les studios Greaseland à San José (CA) et co-produit par Jim Pugh pour Little Village Foundation. Sans lien avec ce partenariat, on pouvait craindre un coup marketing pour surfer sur un créneau « fashion ». Or, Kumar ne l’entend pas de cette oreille. En utilisant le terme « Bollywood » avec un brin d’humour sarcastique, il affiche une vision très personnelle du « double entendre » qui consiste à mixer deux cultures musicales a priori aux antipodes. Brisant les préjugés, Kumar se fend d’une fusion assumée et rafraîchissante entre Blues et musique de Bollywood. Chanté en Indien, Eena Meena Deeka est interprété par des musiciens de la Côte Ouest dont June Core (d) Jim Pugh (p) et Vance Ehlers (b) avec un sacré jump. Ça swingue à tous les étages grâce notamment à la guitare accrocheuse de Kid Andersen. Kumar a parfaitement intégré dans son jeu les accents chaloupés et ondulants du blues joué dans les clubs de la Californie d’après-guerre. Kisi Ki Muskurahaton Pe est un morceau au tempo mi-rapide qui incite à danser langoureusement. Chala Jaata Hoon met en avant l’harmonica dans un rythme soutenu par une basse métronomique. Une version en acoustique de My Home Is A Prison se glisse subrepticement dans ce blues mondialisé, le diatonique de Kumar y est aérien. Kid Andersen joue du sitar, instrument aux sonorités superbes en mode mineur, ponctué par un battement lancinant de grosse caisse. C’est le morceau phare de cet album qui a lui seul mérite son achat. Le dernier titre de l’album, Back To Bombay, s’inscrit dans la veine du grand Howlin’ Wolf et du Chicago blues pur jus. L’audace sera-t-elle payante ? C’est un album qui sort résolument des sentiers battus et que nous vous recommandons. – Philippe Prétet


Tinez Roots Club

Have You Heard ?

Donor Production RR 89705

Un sympathique et ultra swingant disque de R’n’B par une formation emmenée par le saxophoniste et chanteur Martin “Tinez” Van Tour avec baryton, trompette, orgue Hammond et drums. Le disque est recommandé par Sax Gordon, ce qui est une référence. Les cuivres sont bien en avant dans une majorité d’instrumentaux chauffant au maximum. On ne peut s’empécher de danser. Tout cela est très plaisant avec un son de qualité. – Marin Poumérol


Billy T Band

Reckoning

Bigh Records Bighcd1601

Une bonne découverte que ce CD ancré dans la soul de Memphis façon Willie Mitchell. Billy T Band est le groupe du chanteur et bassiste William Troiani, pourtant new-yorkais bon teint et sideman régulier, parmi maintes collaborations, du bluesman Eddie Kirkland douze années durant. Fondé en 2003 et toujours constitué du line up d’origine, Billy T Band publie ici un quatrième album qui ne s’interdit pas quelques allées et venues du côté de La Nouvelle-Orléans (It Aain’t Right) ou du Texas pour une reprise de l’excellent Shame Shame de Mighty Hannibal. La musique est fluide et bien interprétée, les compositions de bonne qualité avec des pointes de violons « pour te sophistiquer un peu la soul » comme diraient les québecois. Les guitares se ménagent des instants plus appuyés comme dans On your own ou Trouble. – Dominique Lagarde


5 ROYALES

The Definitive “5” Royales

Set History of Soul Soul 025 (6 CD)

Trois double CD avec 174 tracks comprenant : CD 1, The Complete Apollo Recordings ; CD 2, curiosités, des faces de Lowman Pauling et des alternates ; CD 3, faces A de chez King Records ; CD 4, faces B d’origine King ; CD 5, Complete Home of the blues Recordings ; CD 6, d’autres curiosités et les faces sorties sous le nom de El Pauling. Un véritable « Graal » pour les amateurs de groupes vocaux, de Doo-Wop, de R’n’b grande époque ou tout simplement de rock’n roll ! Dès août 1951 chez Apollo Records, le label de New York, les Royal Sons Quintet imposent leur style dans un répertoire gospel qui va virer assez rapidement vers le R&B sous l’influence de leur leader, le guitariste et compositeur Lowman Pauling, également showman époustouflant. Tout est déjà là lorsqu’ils passent chez King Records en avril 1954. Les harmonies audacieuses, les parties de guitare en avance sur leur temps et les mélodies contagieuses. Ces faces King constituent le sommet de leur œuvre. Il s’agit d’une série de classiques qui ont influencé des générations de soulmen : Tell The Truth et Think repris par James Brown et Otis Redding , Come On And Save Me, Dedicated To The One I Love qui sera un tube pour les Shirelles, The Real Thing, Don’t Be AshamedI’m With YouThe Slummer The Slum. On pourrait tous les citer ! Il faut, bien sûr, insister sur l’influence majeure du jeu de guitare de Lowman Pauling. Steve Cropper ne tarit pas d’éloges sur lui, ses plans de guitare et sa sonorité magiques sont toujours d’actualité. Il ne faut pas oublier les autres membres du groupe : Johnny Tanner (lead vocal), Jimmy Moore (vocal), Obadiah Carter (vocal), et Eugene Tanner (ténor) frère de Johnny. En 1961, ils signent chez Home Of The Blues à Memphis où ils sont produits par Willie Mitchell pour une nouvelle série de faces somptueuses jusqu’en 1963. Ils enregistreront par la suite quelques 45 tours anecdotiques pour Smash et White Cliff et se produiront épisodiquement jusqu’en 1992 avec un personnel renouvelé. Leurs faces Apollo, King et Home Of The blues ici réunies constituent un grand moment de l’histoire de la musique afro-américaine. – Marin Poumérol


Various Artists

Brûle, The Bronx Mixtape

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Ce CD est la bande sonore jumelle du roman « Brûle » de Laurent Rigoulet, journaliste à Télérama, sorti aux éditions Don Quichotte l’an passé et dont l’action nous replonge des années 70 dans le Bronx, quartier dévasté et sinistré de New York, généralement considéré comme l’un des plus pauvres et des plus dangereux d’Amérique. Des jeunes y dansent dans les ruines, sur la musique entendue ici. « Le Bronx », le nom a fait école depuis, et figure désormais, chez nous, dans le langage commun pour désigner tout ce qui ne va pas. Les titres réunis ici ouvrent un corridor humanitaire dans la guerre des gangs en 16 étapes musicales et autant d’artistes différents vers la mutation de la soul en hip hop. Au fil de l’enquête menée par l’auteur on apprend qu’un DJ connu sous le nom de Kool Herc est à l’origine de l’acte fondateur de ce qui n’est encore qu’une sous-culture urbaine à l’été 1973. En voyant dans l’avènement du hip hop en 1979 la fin d’une époque plutôt que le début d’une autre, Laurent Rigoulet prend d’ailleurs le contrepied de l’idée généralement établie. Défilent ici des incontournables du « soulèvement urbain » comme Stand !, Say it loud (I’m black and I’m proud), The Message, Rapper’s Delight, mais aussi The Mexican de Babe Ruth ou Apache par l’Incredible Bongo Band, pour rappeler que cette effervescence n’a sans doute pas touché que la communauté noire américaine. Shorty Long, Baby Huey, Rufus Thomas, Jimmy Castor, Isley Brothers, Ohio Players, Afrika Bambataa figurent aussi au casting. – Dominique Lagarde


Muddy Waters,
Howlin’ Wolf & Little Walter

The Chicago Super Blues Revisited,
Singles As & Bs 1961-1962

Jasmine Records JASMCD 3084 (2 CD Set)

www.jasmine-records.co.uk

Un coup d’œil rapide à la pochette et au titre de ce CD laisserait penser que nous avons dans les mains la réédition des deux albums que Chess destina au public rock : « Super Blues – Muddy Waters/ Bo Diddley/ Little Walter » en juillet 1967 et sa suite, « Super Super Blues Band » avec Muddy, Bo et Howlin’ Wolf en janvier 1968. Il n’en est rien. Jasmine délivre ici les deux faces de tous les 45t que publièrent, pour Chess et Checker, Muddy Waters, Howlin’ Wolf et Little Walter en 1961 et 1962, sombre période pour les bluesmen. Les jukeboxes et playlists des radios étaient envahis par la Soul music. Chess ne sortit, en 1961, qu’un seul 45t de Muddy Waters avec une relecture du hit de Junior Wells Messin’ With The Kid devenu Messin’ With The Man. En 1962, Muddy part à l’assaut du public blanc avec The Muddy Waters Twist. Le succès des productions de Mel London et son label Age, en particulier l’instrumental de Earl Hooker Blue Guitar, mit la puce à l’oreille de Leonard Chess. Il acheta quelques instrumentaux à Mel London et y ajouta la voix de Muddy Waters : You Shook Me, You Need Love, chansons qui fonctionnent assez bien. En 1985, You Need Love rapporta une fortune à Willie Dixon, somme versée par Led Zeppelin accusé de plagiat avec Whole Lotta Love. À la même époque, Howlin’ Wolf ne faisait aucune concession et enregistrait Back Door Man, Down In The Bottom, The Red Rooster, I Ain’t Superstitious, Shake For Me, véritables bijoux de l’histoire du Blues. La carrière de Little walter, présent ici aussi avec ses trois 45t, déclinait. Son alcoolisme et abus d’autres substances illicites le rendait incontrôlable, dangereux pour lui-même et ses proches. Chess piocha dans ses archives pour publier trois singles. Malgré leur excellence, Crazy Legs (1953), Just Your Fool (1960), I’ve Got to Find My Baby (1954), ces disques ne rencontrèrent pas le succès escompté. Ce CD est une mise en perspective intéressante de trois piliers du label Chess en une époque de déclin du Blues. – Gilbert Guyonnet


Bob Holmes’

Nashville Soul

Kent END 463 – www.acerecords.co.uk

Musicien, arrangeur et producteur, Bob Holmes fut un personnage important de la scène jazz, soul et R&B de Nashville, avec une carrière continue sur plusieurs décades. Ce CD propose 24 titres qu’il a produits ou/et composés dans les années 60 et 70 avec le gratin de la scène locale. On y trouve aussi bien des groupes vocaux comme les Hytones, les Avons, les Tydes, des artistes confirmés comme Roger Hatcher, Freddie North, Bill Brandon, Freddie Waters, les excellents Johnny Truitt et Roscoe Shelton, sans oublier Jimmy Church et même un titre de Slim Harpo,  Tip On In, et un de Joe Tex, Under Your Powerful Love » de 1975 paru chez Dial. Il y a finalement une grande variété dans ces musiques parues sur divers labels et ce disque s’écoute avec grand plaisir. – Marin Poumérol


Various Artists

Hustle ! Reggae Disco

Soul Jazz Records SJRD368 – www.souljazzrecords.co.uk

Réédition de l’album désormais épuisé « Hustle ! Reggae Disco » paru il y a une quinzaine d’années, cette fois dans une version comprenant cinq bonus pour composer au total 13 titres. Le principe ? L’arrangement et l’interprétation de classiques de la soul et du funk dans un style reggae et disco par des groupes différents. Le Ring My Bell d’Anita Ward est ici interprété par les Blood Sisters, I’m Every Woman de Chaka Khan par Latisha, ou Don’t Stop ‘Til You Get Enough de Michael Jackson par Derrick Larro and Trinity. Autant d’interprétations parfois surprenantes mais toujours réussies, avec en toile de fond cette rythmique de reggae ou ces arrangements disco qui donnent à bouger de manière quasi réflexe. Un disque pour danser. – Marcel Bénédit


Freddie North

What Are You Doing To Me?
The complete A-BET Recordings Plus

Kent CD TOP 464 – www.acerecords.co.uk

Freddie North, chanteur soul de Nashville, se fit connaître grace à son « tube » de 1971, She ‘s All I Got, mais ses disques de 1967 à 1970 pour A-Bet sont injustement méconnus. Ils sont tous réunis ici, plus des faces d’après 1972 et des inédits. North possède une voix douce et sensuelle, très à l’aise dans les ballades. Sa version de Rainy Night In Georgia est une vraie réussite, mais beaucoup d’autres titres sont du même haut niveau comme I Loved Another Woman ou You’re Killing Me Slowly et That’s How Much You Mean To Me de George Jackson. Freddie resta chez Nashboro jusqu’en 1977, puis devint pasteur de son église de Nashville où il chante à l’occasion, mais a abandonné toute carrière musicale. – Marin Poumérol


Mahalia Jackson

Intégrale Mahalia Jackson vol.15 (1961)

Frémeaux et Associés FA 1325 – www.fremeaux.com

Dans ABS Magazine N°54, nous avions annoncé une série de quatre albums « Mahalia Sings » avec la bande son de clips filmés à Hollywood en Californie, dans les studios Paramount, en 1961. Voici le volume 2 avec 20 faces et avec les mêmes accompagnateurs : Mildred Falls (pianiste et directrice musicale), Edward C. Robinson et Louise Overall Weaver-Smothers (orgues), Barney Kessel (guitare)(1), Keith M. “Red” Mitchell (basse) et Sheldon “Shelly” Manne (drums). La qualité est à nouveau au rendez-vous avec des hymnes, en général en tempo lent et assez solennel, mais souvent sauvés par de belles mélodies rehaussées par le talent et par la force de conviction de Mahalia : His Eye Is On The Sparrow, I Am Healed By The Wound In His Side, (I’m) A Child Of The King, Guide Me O Thou Great Jehovah, Leaning On The Everlasting Arms, Only Believe… Parfois à la limite de la grandiloquence comme (End Of) A Perfect Day ou un I See God plus proche de la variété. Il y a aussi des negro spirituals en slow comme (Just) A Closer Walk With Thee ou bien enlevés comme You Can’t Hurry God et surtout un superbe Somebody Touched Me en tempo rapide, avec de superbes interventions de Mildred Falls et de Barney Kessel. Et puis il y a des gospels de derrière les fagots et bien syncopés comme le It Don’t Cost Very Much de Thomas A. Dorsey, Out Of The Dephts et Let The Church Roll On à déguster sans modération, sans oublier l’excellent (To Me) It’s So Wonderful en medium avec une belle mélodie, composé par Ralph Goodpasteur, comme Holding My Savior’s Hand de Robert Anderson, et une très bonne version en medium et syncopée de When The Saints Go Marching In. Recommandé sans réserves. – Robert Sacré

Note 1 : et non Kenny Burrell, comme erronément annoncé dans ABS N°54, ma plume ayant fourché !


John Lee Hooker

Gotta Boogie, Gotta Sing

Jasmine Records JASMCD3084 (2 CD Set)

www.jasmine-records.co.uk

Jasmine avait publié une première compilation consacrée à John Lee Hooker, « Blues In Transition 1955-1959 » (JASCD562). C’est grâce aux enregistrements de cette période que John Lee Hooker devint une vedette internationale. Jasmine poursuit l’exploitation de l’immense catalogue de Hooker. Le label anglais remonte le temps et extrait 52 titres gravés par le grand bluesman entre 1948 et 1954. La sélection a été réalisée par Neil Slaven producteur des six doubles CD « The Complete John Lee Hooker 1948-1954 » que publia Body & Soul entre 2000 et 2005 (on ne remerciera jamais assez Gilles Pétard pour son infatigable activité en faveur des musiques afro-américaines !). Après une vie itinérante, John Lee Hooker s’installa à Detroit vers 1947. Il s’acheta une guitare électrique et en devint un véritable innovateur. Utilisation très personnelle de la distorsion, de la saturation et de l’écho. Sa réputation parmi les clients des clubs afro-américains de Detroit, sis dans Hasting Street, grandit assez vite. L’homme d’affaires Bernie Besman, impressionné par l’atmosphère dramatique créée par John Lee Hooker, le fit enregistrer. Boogie Chillen’ devint n°1 des charts R’n’B du Billboard en 1949 : plus d’un million d’exemplaires auraient été vendus ! À partir de là, John Lee Hooker va enregistrer pour de nombreuses compagnies indépendantes, sous divers pseudonymes pour des raisons contractuelles. La production de John Lee Hooker, entre 1948 et 1954, est un des sommets de l’histoire du Blues. Seul la plupart du temps avec son style erratique si caractéristique ou accompagné par l’harmonica d’Eddie Burns (Miss Eloise) ou associé au guitariste Eddie Kirkland (Four Women in My Life, How Can You Do It, Leave My Wife Alone, trois chefs-d’œuvre), Hooker a produit de nombreux joyaux que l’on retrouve sur ce double CD. Le premier, intitulé « Gotta Boogie », rassemble des bogies uniquement ; le second, « Gotta Sing », des blues lents ou mid-tempos. La musique est grandiose, indispensable… Que l’on soit néophyte ou collectionneur invétéré possédant l’intégrale de cette période, l’écoute de ces deux disques est jouissive. – Gilbert Guyonnet


The Clarence Daniels Orchestra

Hard Workin’ (West Coast Big Band R’n’B Grooves And Jazz Jump)

Ace CHD 1504 – www.acerecords.co.uk

Le contrebassiste Clarence Daniels dirigea dans les années 60 un big band de jazz qui se produisait surtout en Californie. Il enregistra deux albums : « Love Affair » (Kent LP 5025) et « Do The Deal » (Affiliated 45) qui sont réunis sur ce CD augmenté de prises « alternates ». Il s’agit de jazz cool, swinguant, mais en douceur. Daniels chante d’une façon détendue sur 4 titres, la plaisante chanteuse Sandy Miller est présente sur trois autres et surtout l’excellent chanteur “Young” Obie Jessie, valeur sure du R’n’B et rock’n’roll de l’époque (n’oublions pas Hit, Git and Split  et ses prestations avec les Coasters) un peu assagi, mais superbe sur quatre titres. Un disque très intéressant qui a le mérite de sortir de l’oubli une formation de grande qualité et qui s’adresse en priorité aux amateurs de jazz. Le son est impeccable. – Main Poumérol


Vieux Farka Touré

Samba

Six Degrees 657036-126626

Vieux Farka Touré est né au Mali en 1981. Il est le fils du légendaire artiste malien Ali Farka Touré. Un premier album en 2007, « Vieux » (World Village), suivi de « Fondo » en 2009 (Six Degrees), puis le très beau « The Secret » en 2011, produit par le guitariste Eric Krasno, « The Tel Aviv Session » en avril 2012 et « Mon Pays » en 2013, disque superbe unanimement apprécié par la critique, sont les enregistrements « fondateurs » de ce grand artiste ouest-africain. De nombreuses collaborations ont aussi jalloné son parcours, comme celle avec Idan Raichel. Sa musique comporte évidemment une grande part d’influences venant de son père, mais aussi des lignes qui nous font penser très fort au blues, avec parfois un côté hypnotique et répétitif à la John Lee Hooker. Les mélodies sont toujours sublimes, quant à la voix de Vieux Farka Touré, c’est un don du Ciel. Parfois surnommé “le Hendrix du Sahara”, il y a une approche résolument moderne dans sa musique, sans jamais oublier la tradition. Vieux Farka Touré est aussi un artiste militant comme son père pour les plus pauvres, les malades, la planète. Les dix morceaux de ce « Samba » enregistré devant un public intimiste à Woodstock, NY, sont un véritable moment de rêve éveillé distillés par des musiciens tous aussi brillants les uns que les autres, et la voix et la guitare de Vieux Farka Touré, sublimes. – Marcel Bénédit


Bill Haley

Bill Haley and his Comets, Live in Paris

Frémeaux FA 5671 – www.fremeaux.com

Dans sa collection des Grands concerts Parisiens, le label Frémeaux nous propose ce superbe document qui ravira tous les amateurs de vrai Rock’n’roll. Pensez donc, les premiers concerts de rock à avoir lieu en France, les 14 et 15 octobre 1958 à l’Olympia. Bill Haley et ses Comets dans une ambiance indescriptible vont ravir un public avide de sensations à une époque où le rock était décrié dans la presse et absent des radios. C’est une page d’histoire. Tous les titres sont pris sur des tempos ultra rapides. Haley laisse ses musiciens s’exprimer. Solos de sax inspirés des saxophonistes hurleurs de R’n’B, solos de batterie, l’ambiance est torride avec les classiques des Comets Rock Around The Clock, See You Later alligator, Rock A Beatin’ Boogie, Rudy’s Rock et des reprises signées Fats Domino ou Big Joe Turner. Un disque indispensable dans une collection rock’n’roll. Comme on aurait aimé assister à ces concerts historiques ! – Marin Poumérol


Benoît Blue Boy avec Nico Duportal

À Boire Et À Manger À St-Germain Des Près

Tempo Records TMP1601 – benoitblueboy.com

Il s’agit du 15ème album de Benoit Blue Boy, qui délaisse un temps le blues pour rendre un hommage à sa façon aux pionniers du rock français tels Mac Kac, Moustache ou  Jean Pierre Sasson. Retour en arrière donc, pour swinguer et danser à Saint Germain. L’ombre de Boris Vian plane sur ce disque de bout en bout. Huit titres pour guincher, que je ne résiste pas à citer : T’es partie en socquettes, Et là-bas (la Louisiane n’est jamais loin de Benoît), Blue à St-Germain-de-Près Pt.II, Une petite salade (avec de la mayonnaise), Tu m’as laissé tomber (comme une vieille chaussette), J’marche doucementLe rock steak frites, T’es pas tombé sur la tête. Autant de titres qui prêtent à discuter philo, évidemment. Une partie du gratin (qui va bien aussi avec le steak) des musiciens français entoure Benoît : Nico Duportal et Stan Noubard Pacha (guitares), Thibaut Chopin (contrebasse, chœurs), Olivier Cantrelle (piano, orgue, chœurs), Sylvain Tejerizo (saxo), Alex Bertein (saxo, chœurs) et Pascal Mucci (batterie, percussions, chœurs). Cette musique d’après-guerre est nécessairement gaie, entraînante, elle arrive tout droit des US grâce GI’s. Ce swing et ce rock que Benoît et ses amis nous offrent ici donnent vraiment l’impression d’être immergés dans une des ces caves de Saint Germain quelque 60 ans an arrière. Musicalement, c’est absolument top. Côté paroles, les textes de Sasson, Moustache et consorts, tout comme le J’marche Doucement de Benoît s’associent à merveille, avec souvent une bonne dose d’humour, voire de franche rigolade parfois. Mention spéciale au Blue à St-Germain-des-Près Pt. II et à l’harmonica de Benoît. Il est possible d’acheter l’album sur le site de Benoît Blue Boy. La pochette version vinyle 25 cm avec le graphisme de Misteratomic participe aussi du plaisir à posséder ce disque. – Marcel Bénédit


The Windy City Blues Band

Living Avignon Blues

Autoproduit

En 2011, le chanteur Phil Faissolle décide de former un groupe reproduisant le son du blues de Chicago des années 70. Et il décide que le nom de l’orchestre, The Windy City Blues Band, sera le lien entre Chicago et sa ville, Avignon, où le mistral souffle très fort… Avec David Giancola à l’harmonica, Alex Rabilloud à la guitare, Lionel Azéma à la basse et Pat Duvivier à la batterie, Phil va reprendre les grand classiques de son idole, Muddy Waters, mais aussi ceux du Wolf, de Willie Dixon, et de Little Walter. Les huit titres de ce premier disque sont un vrai retour aux sources avec le jeu parfait des musiciens et la voix de Phil qui est fort plaisante. Pour enfoncer le clou, la pochette de ce disque reprend la présentation de la célèbre compilation « Living Chicago Blues » du label Alligator Records parue entre 1978 et 1980, sans oublier le sceau de cire rouge. – Robert Moutet


Little Hook

Naked NP025

En 2016, quatre musiciens belges de renom ont formé le groupe Little Hook et se sont retrouvés dans un studio de Maastricht pour enregistrer leur premier album. Renaud Lesire (guitare et vocal) a joué dans toute l’Europe, accompagnant sur scène Candie Kane, Rusty Zinn, James Harman et Keith Dunn. Le batteur Steve Wouters a joué avec Sista Monica et Lurrie Bell. Pour compléter le groupe, Big Dave Reniers est à l’harmonica et Bart Mulders à la deuxième guitare. Les dix morceaux sont des compositions de Renaud Lesire, sauf Hooked qui a été écrit par Big Dave Reniers. Pour caractériser la musique de ce groupe, on peu parler de mélodies que l’on retient vite, de rock et ballades lorgnât vers les 80’s, mais surtout de Mississippi country blues avec un petit détour vers la chanson française. Voici donc un groupe hors du commun qui préfigure peut-être le nouveau visage du blues moderne européen. – Robert Moutet


Mo Al Jaz and Friends

The Blues of Little Walter

Chest CH-1428-CD

Marion Walter Jacobs, dit Little Walter, reste aujourd’hui l’un des harmonicistes les plus influents du blues. Alors, rien d’étonnant qu’il soit l’idole depuis toujours de Mo Al Jaz, harmoniciste français de talent. « The Blues of Little Walter » est un vibrant hommage de Mo à l’harmoniciste de la Windy City produit par Lille Victor, autre harmoniciste reconnu. Avec David Imir et Dexter Shaw aux guitares, Francesca Shaw (la fille de ce dernier) à la basse et Robert Pokorny à la batterie, Mo Al Jaz est impressionnant par la facilité avec laquelle il reproduit les riffs de Walter. Sept reprises, deux versions de My Babe de Willie Dixon et des morceaux de compositeurs moins connus comme Walter Spriggs et Jimmy Oden composent ce magnifique album. Mo pouvait-il espérer meilleur hommage que celui de Marion Jacobs Diaz, la fille de Little Walter, qui déclara, après avoir écouté le disque : « Il sonne vraiment bien ! »Robert Moutet


Pierre Sibille

Peace, Love, and Bob Dylan

PSDYL2017

On est ici assez loin du 12 mesures « conventionnel », mais quand le talent est là, il faut en parler. Nous avions découvert ce musicien avec son excellent album « Catch Me Falling » distribué par Socadisc, en 2015. Harmoniciste, claviériste, bon chanteur et auteur-compositeur, Pierre Sibille réussissait avec brio et une grande élégance, un album très soul qui nous avait ravis. Ici, on est dans un autre registre, avec des combo personnelles et des reprises du nouveau prix Nobel de littérature dont la lecture est très originale, toujours avec des musiciens de très haute volée, à l’image du guitariste Richard Arame. Cet album de 9 titres enfonce un peu plus le clou s’agissant du talent de ce musicien qui n’hésite pas à explorer des horizons différents, avec, toujours, la même réussite. Très recommandé. – Marcel Bénédit