Comment ne pas se rappeler ce jour de juillet 2000 où, en conférence de presse, quelques heures avant de se produire pour la première fois devant le public du Cognac Blues Passions, Bobby Rush nous avait dit : « Je joue le blues, je vis le blues, mais surtout, quand vous me verrez ce soir, ne prenez pas les choses au premier degré… ». Le soir même, on assistait à un show typique de Bobby Rush qui, malgré l’évidente notion de ce qu’aimait le public européen en matière de blues, avait choisi de ne rien changer à ses habitudes, ne pas se travestir. Un show où, micro sur les fesses d’une danseuse en Sue callipyge, slip immense d’une « big fat mama » montré au public, Little School Girl chanté avec le regard qui convient…, nous goûtions enfin – et pour la première fois sur une grande scène française – à un morceau de l’histoire du Chitlin’circuit. Ce soir-là les musiciens furent excellents, la musique au top, la funky soul de Bobby nous fit danser. Je me rappelle avoir partagé ce moment avec Jacques Périn de Soul Bag qui prit à peu près le même « pied » que moi. Quelle ne fut pas notre surprise en lisant dans une certaine presse a posteriori ces critiques qui font de la peine malgré leur bêtise, où l’on parlait à l’endroit de Bobby Rush de « pétomane » ou « de triste performance ». À l’évidence, nous n’avions pas vu, Jacques et moi, le même concert que ces gugusses. Certainement étaient-ils aussi passés à côté du formidable bluesman que nous avions eu devant nous et qui, depuis, à force d’enregistrements et de récompenses, est peut-être même devenu pour eux quelqu’un de « recommandable » ? Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts en presque 20 ans, mais n’oublions pas que Bobby avait déjà plus de 60 ans à l’époque et qu’il se produisait depuis tout gamin… Parrain du Musée Européen du Blues imaginé par Jacques et Anne-Marie Garcia qu’il a inauguré à Châtres-sur-Cher le 6 avril 2019, Bobby Rush était en France en avril pour cet événement et pour une série de concerts. Victor Bouvéron a eu la chance de pouvoir le suivre au quotidien dans cette tournée, le récit de ce moment unique vous est livré ici. Bobby Rush sort également un magnifique 26è album Sudio, « On The Top Of The Blues » – Deep Rush Records / Modulor, chroniqué dans ce numéro.
Ceux qui ont connu les scènes de La Nouvelle-Orléans dans les années 80 et 90 ont forcément été marqués par les artistes et les disques d’un label indépendant unique en son genre : Black Top Records. Fondé par les frères Nauman et Hammond Scott à NOLA en 1981, il s’était spécialisé dans le Blues et le Rhythm’n’blues et publia au total 134 albums avec de véritables pépites, mettant en lumière des musiciens peu connus du grand public tels Snooks Eaglin (artiste emblématique du label), Guitar Shorty, Robert Ward ou encore Clarence Hollimon, mais permettant aussi à des « personnalités » d’enregistrer des albums parmi leurs meilleurs, tel le « Live at the House of Blues » de Solomon Burke en 1994 (B.T. 1108). J’ai eu la chance inouïe d’être dans la salle ce soir là, le moment est quasi indescriptible et l’album offre exactement l’atmosphère qui y régnait. Mais, pour être honnête, y a t’il un mauvais album Black Top ? Pour nous aider à choisir parmi l’ensemble de ces enregistrements, Marin Poumérol a fait pour ABS Magazine une sélection plutôt futée à mon goût…
Art “Poppa Funk” Neville nous a quittés le 22 juillet 2019 à l’âge de 81 ans. Chanteur et organiste, il était une véritable icone de la musique de La Nouvelle-Orléans, notamment avec ses deux groupes : The Meters, puis The Neville Brothers fondé avec ses frères. Comment mettre des mots sur ce « vide » laissé par cet artiste ou sur la peine d’Aaron le jour des funérailles ? C’est en écoutant All These Things et avec ce verbe unique qui lui est propre, que Stéphane Colin lui dit « au-revoir ».
Enfin, « last but not least », il était temps de parler d’une artiste qui a une actualité pour le moins chargée, mais aussi une histoire de vie qu’on qualifiera de « romanesque » (doux euphémisme…). Il s’agit de Janiva Magness. Un « mémoire » poignant sur sa vie et sa carrière (« Weeds Like Us » – Fathead Records Publishing) et son 15è album (« Change In The Weather, Janiva Magness Sings John Fogerty » – Blue Elan Records) paraissent, l’occasion pour Robert Sacré qui l’a rencontrée de nous parler de sa carrière et de sa vie.
Dans ce numéro également de nombreuses chroniques sur les très belles nouveautés et rééditions que nous avons sélectionnées pour vous en cette rentrée. Bonne lecture. – Marcel Bénédit