Jazz Me Blue

Macy Gray (2014). Photo DR

News In My Heart

• Certains disques passent sans s’arrêter au point de rendre l’expression « jeter une oreille » un tantinet périlleuse. Pour un peu, le lobe auriculaire finirait dans le même sachet plastique dévolu au Garbage Man, l’homme poubelle cher à Buddy Guy et à Maurice John Vaughan (1), noyé au milieu d’un ressac de chansons prédigérées…

Bien heureusement il y a les autres, ces moments de grâce qui vous feraient réconcilier avec la terre entière ou presque… Écouter Macy Gray dans les conditions de son dernier disque (2) confine à la quête d’un sublime de pureté et de simplicité qui transcende l’instant présent en moment de grâce. Le terme « seulement accompagnée » par le trio du guitariste Russell Malone relève pour le coup de l’euphémisme tant cet orchestre ne joue que les bonnes notes sans ostentation ni fioritures.

Enregistré dans une église autour d’un seul micro, il règne tout le long du disque une impression d’équilibre, d’harmonie apaisée qui n’est pas pour rien dans ce sentiment d’appropriation que l’écoute et à la réécoute de ce véritable pic de la carrière de Macy peut générer. Une impression de live en studio où tout se joue sur le fil du rasoir façon Night Beat (3) de Sam Cooke ou Stormy Monday de Lou Rawls (4) est particulièrement palpable ici. Une mise en danger permanente d’autant plus palpable sur Nothing Else Matters ou Lucy où le trompettiste Wallace Roney amène le « supplement de Miles » qui transporte et bouleverse. Sensation identique pour Anabelle où la guitare de Russell atteint des sommets bluesés ou pour la reprise du Redemption Song de Bob Marley qui manie l’art du décalage avec une maestria proche des grands moments de Cassandra Wilson (5).

Cette impression de maîtrise épurée, on la retrouve curieusement dans trois autres enregistrements de chanteuses parus récemment. Rihannon Giddens, par ailleurs leader des Carolina Chocolate Drops, continue d’élargir la palette de ses talents par le biais d’une carrière solo faisant la part belle à une country soul dépoussiérée. Son Come Home Come en est un parfait exemple (6). Dans un registre proche, la voix acidulée de Valerie June trouve sur With You (7) un matériel qui se rapproche de la version acoustique de Somebody To Love, pièce marquante de son disque de 2013. Dernière mouture de cette grande chanteuse de country qu’est Alison Krause, River In The Rain (8) épouse à merveille cette esthétique simple et sobre qui ramène à sa version du traditionnel Down In The River To Pray, fer de lance du film des frères Coen, O’Brother.


Références

(1) Maurice John Vaughan, « Generic Blues Album » – Alligator (1988)
(2) Macy Gray, «  Stripped » – Chesky (2016)
(3) Sam Cooke, « Night Beat » – BMG (1962)
(4) Lou Rawls with Les McCann Trio, « Salt’n Pepper » – (1963)
(5) Cassandra Wilson, Crazy dans « Glamoured » – Blue Note (2003)
(6) Rhiannon Giddens, « Freedom Highway » – Nonesuch (2017)
(7) Valerie June, « Two Hearts » – June Tunes (2017)
(8) Alison Kraus – Hokker (2017)


Par Stéphane Colin

 

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