Jean-Jacques Milteau

Jean-Jacques Milteau. Photo © Isabel Tabellion

Key to The Highway

• Je n’aurai pas l’outrecuidance de vous refaire toute l’histoire de l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau qui, tout au long de sa carrière, a traversé le blues pour se retrouver aussi sur scène avec des artistes jazz ou de pop au fil des décennies (Gil Scott-Heron, Eddy Mitchell, Barbara, Little Milton, …). Ce nouvel album, « Key To The Highway » (Dixiefrog Records DFGCD8846) est particulièrement intéressant au niveau des arrangements, de la production de très grande qualité et des intervenants judicieusement choisis de notre point de vue…

Ainsi retrouvons-nous sur cet album, outre Jean-Jacques et les musiciens qui l’accompagnent, de fascinants artistes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Tenez-vous bien, vous pourrez y entendre Mike Andersen, Harrison Kennedy, Carlton Moody, Michael Robinson sous la direction du claviériste Johan Dalgaard. Avec ses talentueux complices, Jean-Jacques Milteau surfe sur une bande sonore inspirée par le Blues et toute la musique du sud des USA qu’il programme depuis une vingtaine d’années dans son émission « Bon Temps Rouler » sur TSF Jazz.

« Toute ma vie a été déterminée par l’achat d’un petit harmonica quand j’avais quinze ans. Pour moi, c’était vraiment La Clé de la Grand-route, … Que ce soit la version de 1958 de Little Walter, celle de Clapton et Duane Allman en 1970, ou celle considérée à tort comme l’originale par Big Bill Broonzy et Jazz Gillum, Key To The Highway est sans aucun doute considérée comme un classique. Toutes les études de blues s’accordent à dire que les paroles doivent souvent être prises au pied de la lettre, mais ici nous avons l’évidence : l’aspiration commune aux adolescents de toutes les époques de s’affranchir de leur condition et de trouver un chemin personnel et gratifiant. Je n’ai jamais cru que l’harmonica servirait à un tel dessein. Je l’ai toujours plutôt considéré comme un assaisonnement, savoureux certes, mais un peu trop typique pour être un plat principal ! Et pourtant, je dois honnêtement admettre que tous ceux qui ont constitué ma vie, je les ai rencontrés grâce au petit Marine Band 1896/20 : La Clé de la Grand-route… »

De gauche à droite : Johan Dalgaard, Michael Robinson, JJ Milteau, en studio. Photo © Marie Llamedo

Arrêtons-nous un instant sur les arrangements et la réalisation de cet album qui bénéficie d’un mixage de très grande qualité, de l’intérêt de faire côtoyer sur un même enregistrement des artistes de blues blancs et noirs américains, avec entre autre pour effet de donner un écrin parfait à la magnifique voix de Harrison Kennedy. Les arrangements rugueux mettant en avant l’harmonica sont pleinement justifiés sur un tel projet, d’autant que par le génie de ceux-ci, l’instrument de Jean-Jacques Milteau se met en permanence au service des voix présentes sur l’album, comme pour les embellir encore.

Jean-Jacques Milteau. Photo © Isabel Tabellion

Le répertoire est très varié. Quelques exemples : Maggie’s Farm de Bob Dylan et Sunshine of Your Love de Cream chantées par Mike Andersen, Rainy Night In Georgia de Tony Joe White et Angel From Montgomery du grand auteur-compositeur et interprète de country folk John Prine incarnées par Carlton Moody, Chains of Fools de Joe Tex par Harrison Kennedy, Love the One You’re With de Stephen Stills par Michael Robinson. Deux titres originaux : Takin’ It Back délivrée par son auteur-compositeur, l’excellent Harrison Kennedy, vieux complice de Milteau, et la composition de Michael Robinson et Johan Dalgaard, New Key To The Highway. Cette dernière chanson est un hommage à l’harmoniciste Jazz Gillum, une des influences de Jean-Jacques Milteau.

Mike Andersen (au chant) et & Johan Dalgaard (claviers), en studio. Photo © Marie Llamedo

Le maintenant classique du Blues, Key To The Highway, fut gravé par le pianiste Charles Segar fin février 1940 pour Vocalion. Deux mois plus tard, Jazz Gillum, accompagné de Big Bill Broonzy, l’enregistra à son tour pour Bluebird avec une mélodie légèrement modifiée. En 1941, Big Bill en donna sa propre version pour Okeh avec Jazz Gillum soufflant dans son harmonica, la seule fois que celui-ci enregistra en tant qu’accompagnateur. Nous n’omettons pas évidemment d’évoquer les musiciens qui contribuent à la réussite de ce disque, en plus de ceux cités précédemment : le contre-bassiste Laurent Verneray, le percussionniste David Donatien et les batteurs Raphael Chassin et Toma Milteau. 

Malgré son éclectisme de façade, ce disque bénéficie d’une grande unité portée par le superbe jeu de Jean-Jacques Milteau. À écouter et réécouter souvent.


Par Thierry De Clémensat et Gilbert Guyonnet
Merci à Sophie Louvet et Marie Llamedo