Raphael Wressnig

Raphael Wressnig. Photo © Ivan Bandic

Le B3 dans le sang !

• Raphel Wressnig, artiste d’origine autrichienne, est devenu au fil du temps un spécialiste reconnu des claviers et en particulier de l’orgue Hammond B3. Son talent s’accompagne d’un éclectisme étonnant. Il est performant tant dans un jazz bourré de swing (comme le pratiquaient ses mentors Jimmy McGriff ou Jimmy Smith qu’il a eu la chance de rencontrer et dont il a bénéficié des conseils), que dans le blues, le R&B, la soul et le funk. Il passe avec maestria d’un style à l’autre et, souvent, il en fusionne les meilleurs éléments rythmiques et mélodiques. Lumière sur ce musicien hors norme qui brille autant par son talent que par sa joie de vivre, son sourire et sa modestie.

Raphael Wressnig est un véritable globe-trotter et son bagage musical s’est fortement enrichi grâce à ses rencontres avec un nombre important de musiciens dont il a partagé les expériences de composition et d’interprétation comme le montre sa discographie impressionnante avec des partenaires comme Larry Garner, Enrico Crivellaro, Alex Schultz, James Gadson… et des pointures de New Orleans comme John Cleary, George Porter Jr., Stanton Moore, Walter Wolfman Washington et beaucoup d’autres encore. Son aisance et son savoir-faire dans le blues, le jazz, la soul et le funk lui ont au fil du temps apporté l’attention soutenue et l’approbation de tous les critiques musicaux et des amateurs.

Raphael Wressnig. Photo © Mirjam Koch

Il a également eu de multiples nominations depuis plus de dix ans avec, à titre d’exemple, sa désignation chaque année comme Best Organ Player of the Year par les critiques du magazine Down Beat ainsi que dans les Readers Polls du même magazine. Il considère son tout dernier album – « Soulful Christmas with A Funky Twist » (chroniqué dans ABS n°84) – comme sa meilleure réussite à ce jour, en précisant ceci : « Beaucoup de gens n’aiment pas la musique de Noël, trop typée… C’est donc un fameux obstacle à surmonter et il faut y mettre le paquet pour faire passer ce sujet et faire adopter le résultat. Pourtant c’est entièrement de la soul music et j’aime énormément jouer ce genre de musique avec mes ingrédients habituels et personnels,soul et funk, mais aussi blues et jazz ».

De gauche à droite : Gisele Jackson, Hans-Jürgen Bart, Raphael Wressnig. Photo © Roland Kämpfer

Raphaël a accepté de raconter son parcours et ses expériences, alors laissons lui la parole…

Les origines

Je suis né le 14 octobre 1979 à Graz, en Autriche. Il n’y a pas de musiciens dans ma famille, mais mes parents adorent la musique. Ma mère chante dans une chorale et mon père est un farouche collectionneur de disques. Moi, dès mon plus jeune âge, j’ai été fasciné par la musique et j’allais assister à tous lesconcerts où j’étais admis, la plupart du temps avec mon père qui, par ailleurs, avait dans son importante collection de disques un paquet de rock ‘n roll classique et de R&B. J’adorais les écouter en boucle.

Raphael Wressnig & the Soul Gift Band (Enrico Crivellaro, guitare, Hans-Jürgen Bart, drums), Vienne, Autriche. Photo © Georg Cizek-Graf

L’éducation musicale

Très jeune, j’ai appris le piano à l’école de musique, vers sep ans je crois. Cela m’a profondément ennuyé. Je n’aimais pas jouer ces piècesclassiques ni devoir m’exercer à jouer des études, encore et encore ! Attention, aujourd’hui j’apprécie énormément la musique classique et je peux en jouer et m’en inspirer, mais à ce jeune âge, j’en avais la nausée et j’ai décroché. J’ai arrêté le piano, mais je l’ai repris plus tard, à seize ans, en autodidacte et j’ai découvert que je pouvais écouter les musiques que j’aimais et, si j’y passais assez de temps, que j’étais capable de les reproduire sur mon piano. C’est à cette époque, à quinze ou seize ans que j’ai démarré ma propre collection de disques et j’ai approfondi ma connaissance des styles musicaux. J’ai découvert aussi des artistes de la soul et du blues à cette époque, vers 1994-1995… J’aimais Buddy Guy, Muddy Waters, Dr. John, et très vite j’ai été fasciné par les organistes Jimmy Smith et Jimmy McGriff. L’orgue Hammond remplace le chanteur et joue en leader pendant que le registre des basses, en concordance avec les drums, renforce l‘assise du band, le porte et l’exalte. 

Raphael Wressnig. Photo © Andre Dietermann

Profession ? Musicien !

Je n’ai jamais eu de métier à proprement parler en dehors de la musique. Je me suis vite considéré comme musicien professionnel, mais j’ai démarré en douceur, au milieu des années 90. J’ai organisé mon propre band en passant du piano à l’orgue et on a décroché des gigs ici et là ; on jouait ce que je joue encore aujourd’hui, du R&B, du funk, de la soul, du jazz et du blues, soit tels quels, mais plus souvent en fusion. De plus en plus de gens et d’organisateurs nous ont remarqués et on a commencé à jouer de plus en plus et j’ai rencontré pas mal d’autres musiciens. Le jour où j’ai obtenu mon permis de conduire, je suis allé à Salzbourg pour assister à un show de Lucky Peterson, il a fait des prouesses tant avec son B-3 qu’avec sa guitare et, en plus, son band était top niveau ! J’ai été marqué à vie par la beauté de cette musique et, ensuite, j’ai très souvent partagé l’affiche et la scène avec Lucky. Il a fréquemment joué de mon B-3, on a jammé à de multiples reprises et passé beaucoup de temps ensemble pour le plaisir. Ce fut une importante source d’inspiration pour moi, comme l’ont été peu après Jimmy Smith et Jimmy McGriff ! Ma passion pour l’orgue Hammond B-3, c’est eux qui me l’ont inspirée, cela me semble une évidence.

Raphael Wressnig et Deitra Farr, Tremblay en France. Photo DR (courtesy of Raphael Wressnig).

Des rencontres déterminantes

Pour en revenir aux débuts, à l’âge de vingt ans, en 2002, j’ai pu enregistrer mon premier album à l’orgue, « Manic Organic », chez EPS Records. À cette époque, j’ai commencé à faire partie des tournées et des shows du bluesman autrichien Oliver Manny et je suis présent sur trois de ses albums en 2002, 2003 et 2004. Lors d’une de ces tournées, on a accompagné le guitariste et chanteur Larry Garner de Baton Rouge et Larry a aimé mon style de jeu à l’orgue Hammond. L’été suivant, il m’a appelé et demandé de rejoindre son band pour la saison des festivals d’été. Bref, cinq ans seulement après mes débuts, j’ai pu rejoindre cet orchestre louisianais prestigieux et tourner dans toute l’Europe avec lui. On a joué dans des festivals en partageant l’affiche avec Sherman Robertson, Magic Slim, Duke Robillard, John Hiatt et beaucoup d’autres avec lesquels j’ai sympathisé et échangé idées et avis. J’ai aussi eu la chance de jouer avec Phil Guy, Buckwheat Zydeco, John Primer, Magic Slim, Duke Robillard, Billy Paul et consorts. Rien que du bonheur ! Au total, ce fut une bénédiction pour moi de rencontrer tous ces artistes et surtout des organistes de talent, en particulier Jimmy Smith qui, lors d’une brève rencontre, m’a quand même encouragé et donné des conseils. C’était très inspirant et encourageant, mais aussi un défi de taille que de rencontrer autant de grands joueurs d’Hammond, de partager leur affiche, de jouer dans des festivals d’orgue en simple ou en duo. J’ai partagé l’affiche avec Brian Auger, Georgie Fame, Dr. James Polk (l’organiste-maison du club de jazz de Jimmy Smith à Los Angeles), Ian McLagan (The Faces, The Rolling Stones), Red Young et pas mal d’autres.

Raphael Wressnig. Photo © Helmut Neuber

Je dois aussi mentionner Dr. Lonnie Smith ; j’ai participé à trois festivals d’orgue avec lui et il y a joué de mon propre instrument, en fait c’est sur mon B3 qu’il a composé un de ses classiques pour la première fois. Dr. Smith était un maître, à nul autre comparable pour mettre en valeur la beauté des sons et des couleurs de l’orgue B-3. Il était unique sur tellement de points… Il pouvait générer un groove et un funk à haute tension, jouer du deep blues et, bien entendu, maîtriser jazz et swing ! Il était unique. Il y a encore un paquet d’organistes en activité à l’heure actuelle, mais très peu sont à la hauteur des grands maîtres qui nous ont précédés. Jouer de l’orgue B-3 demande dextérité et des aptitudes hors du commun que seuls quelques-uns maîtrisent. Pas mal d’organistes aiment le son de l’instrument et ils jouent le son, mais être capable de jouer une ballade tout en maîtrisant à la fois les pédales de basse et les commandes du clavier, mais aussi le changement des couleurs et des tons, c’est une autre paire de manches et un défi difficile à relever pour beaucoup ! Parmi les mentors avec lesquels j’ai beaucoup travaillé, je m’en voudrais de ne pas citer Jim Mullen, un guitariste de Glasgow et musicien d’exception. Il a enregistré et tourné avec Herbie Mann, Terry Callier, The Average White Band et, bien sûr, Morissey-Mullen. On a fait pas mal de concerts ensemble, en compagnie du maître afro-cubain Chucho Valdez. 

The Soul Gift Band avec Raphael Wressnig (orgue) et Hans-Jürgen Bart (drums). Photo © Georg Cizek-Graf

Tournées et albums

Outre les tournées avec Larry Garner et Oliver Mally déjà mentionnées, il y eut aussi une tournée très importante pour moi avec les Women of Chicago Blues organisée par Larry Skoller avec un All Stars de musiciens locaux comme Kenny “Beedy” Eyes Smith aux drums, le regretté Felton Crews à la basse, Billy Flynn à la guitare et moi-même à l’orgue Hammond pour accompagner les chanteuses Deitra Farr, Grana Louise et Zora Young. On a assuré des shows mémorables en France, partout en Europe et même dans les Iles CaraÏbes ! J’aimais beaucoup ce groupe avec de superbes musiciens comme Billy Flynn qui connaît tant de choses sur la musique et ce fut un régal de jouer un vaste programme avec eux et avec ces merveilleuses chanteuses au service du R&B, de la soul et, bien sûr, du deep blues. Après cela j’ai encore fait plusieurs tournées avec Deitra Farr, Enrico Crivellaro, Sax Gordon Beadle, Walter “Wolfman” Washington, en Europe dont la Belgique en 2012 quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Pour certains concerts, il y avait une section de cuivres, mais Deitra Farr était la vedette comme elle l’a été sur notre album “ Soul Gift ”avec le guitariste Alex Schultz en 2012 et surtout dans un duo vocal fabuleux de Deitra avec Tad Robinson, un vrai régal. En parlant d’Alex, c’est à cette époque que j’ai démarré une collaboration très étroite avec lui. Il est un guitariste exceptionnel et on partage tous deux la même passion et le même amour pour les mêmes choses, surtout dans le domaine musical, et j’ai eu le plaisir d’enregistrer de superbes albums avec lui. On a fait de nombreuses tournées avec mon band et Alex à la guitare avec, en plus, les superbes vocaux de Finis Tasby qui nous a quittés en 2014 et qui me manque énormément. On a participé ensemble à tant de concerts exceptionnels !

The Soul Gift Band avec la chanteuse Donniele Graves. Photo © Jacob Heine

À ce stade de notre entretien, j’ai beaucoup de peine à mettre tout cela dans l’ordre chronologique, car toutes ces tournées et concerts avaient lieu à la même époque, entre 2008 et 2012. Pendant cette période, on a ouvert le club Joe Zawinul’s Birdland à Vienne en Autriche. Au début, on y avait, pour l’essentiel, des groupes légendaires de renommée internationale qui y jouaient pour toute une semaine. Puis ils ont commencé à programmer des groupes autrichiens le dimanche et on a eu l’avantage d’inaugurer cette série de concerts car Eric Zawinul, le fils de Joe, qui était notre booking agent. Grâce à Eric, j’ai eu l’honneur de jouer avec le saxophoniste de jazz Craig Handy et avec Horacio “El Negro” Hernandez, le grand maître des drums latinos ; il revenait tout juste d’une tournée avec Carlos Santana ! Ce sont des expériences uniques qui m’ont énormément inspiré car, quand tu travailles avec des musiciens de ce calibre, du lourd, il faut y aller à fond et avoir du répondant. C’est le genre de challenge que j’ai toujours aimé relever.

Raphael Wressnig en compagnie de Walter “Wolfman” Washington sur son front porch, New Orleans, après l’enregistrement de la session « Soul Gumbo ». Photo DR (courtesy of Raphael Wressnig).

Quant à l’album « Soul Gumbo », en 2014, je suis allé à La Nouvelle-Orléans pour l’enregistrer. J’y ai engagé de grosses pointures locales et j’ai fait venir Alex Schultz de Los Angeles et Craig Handy de New York. Cela faisait un tout cohérent qui avait du sens. Craig venait juste de sortir son album « Second Line Smith » reprenant des compos de Jimmy Smith jouées avec une coloration New Orleans. J’avais joué ce répertoire en tournée avec Craig, tout collait parfaitement entre nous. Craig est une figure majeure du jazz qui tournait à cette époque avec Dee Dee Bridgewater et Wynton Marsalis. Quand j’ai été prêt à faire cette séance studio à La Nouvelle-Orléans, mon ami Eric “Benny” Bloom, du groupe de funk Lettuce, m’a appelé pour dire qu’il venait juste de s’installer en ville et il m’a proposé de jouer de la trompette sur l’album, mais aussi qu’il pouvait, si je le voulais, rassembler la meilleure section de cuivres possible de NOLA. J’ai dû lui dire que j’avais déjà engagé tous les musiciens dont j’avais besoin, mais il a insisté : « Qui as-tu choisi ? Je parie que je peux t’amener de meilleurs partenaires… ! » Je lui ai dit que j’avais Craig Handy au saxophone ténor et il a répondu : « OK, je vois, tu as raison, alors je ne suis pas en mesure de faire mieux… ».

De gauche à droite : Alex Schultz, Craig Handy, Johnny Vidacovich, Raphael Wressnig, Porgy & Bess, Vienne, Autriche. Photo © Mirjam Koch

Quand l’album « Soul Gumbo » est sorti, j’ai eu envie de lui donner une grande exposition sur scène, en tournée, et j’avais envie d’en renforcer l’effet jazz avec Alex Schultz à la guitare, Craig Handy au saxophone et chant, moi à l’Hammond B-3 et, comme Stanton Moore, batteur sur l’album, n’était pas disponible pour la tournée, j’ai demandé à John Vidacovich de nous rejoindre et il a accepté. En vérité, cela a fortement rélevé notre niveau d’avoir, avec nous, ce batteur légendaire (ex-Professor Longhair, James Booker, Dr. John, Allen Toussaint…). Je suis encore d’avis que “ Soul Gumbo ”fait partie de mes albums les plus importants. J’ai pris mon temps pour le faire. J’y pensais depuis longtemps, depuis les tournées avec Larry Garner en fait, quand j’avais une vingtaine d’années. Larry m’a fait rencontrer et connaître un paquet de musiciens de New Orleans et de Louisiane et l’idée d’une collaboration s’est lentement imposée, mais je ne voulais pas me précipiter, je voulais réfléchir à tous les aspects et aux possibilités, m’y accrocher et avoir des idées précises sur la musique et les morceaux à interpréter, les miens bien sûr, mais il fallait que des musiciens de NOLA y incorporent leur grain de sel et des épices pour que cela devienne un savoureux gumbo, un gumbo musical bien épicé. Cela a pris beaucoup de temps pour que je me fasse une idée précise dans les moindres détails de ce que je devais faire… En Europe, on a tendance à trop catégoriser la musique. C’est soit du jazz ou du blues ou de la soul ou du funk, tandis qu’à La Nouvelle-Orleans, on considère la musique comme un tout et j’aime énormément cette conception. La musique y est funky avec des tonnes de R&B ainsi que de la soul, du blues et du jazz, la clé c’est le Rythme. Pour moi, c’est le problème majeur de bon nombre d’orchestres en Europe : le rythme ! Les rythmes funky omniprésents dans la musique de la Cité du Croissant m’ont toujours inspiré et le fait d’engager Stanton Moore pour les drums sur mon album fut l’élément clé !Au fil du temps, j’ai eu la chance de travailler avec quelques-uns des meilleurs batteurs du business musical : James Gadson (ex-Bill Withers, Quincy Jones, Eddie Harris), Johnny Vidacovich, Stanton Moore, Horacio “El Negro” Hernandez, Kenny “Beedy Eyes” Smith… C’est ce qui m’a poussé en avant et fait accepter le challenge de grandir en tant que musicien, de développer un concept rythmique fort et d’adopter une solide fondation rythmique.

Raphael Wressnig (orgue) et Igor Prado (guitare). Photo © Ekatarina Golovina

Puis sont venus « Soul Connection » en 2014, « Soul Connection Captured Live » en 2016, « Groove & Good Times » en 2021 et « More Groove & Good Times Live » en 2023… C’est Gordon Beadle qui m’a mis en contact avec le guitariste brésilien Igor Prado pour jouer au Poretta Soul Festival. Dès le départ, on a été sur la même longueur d’onde et on est devenu sde grands amis. Igor m’a fait venir à plusieurs reprises au Brésil et il était clair que nous devions enregistrer au moins un album ensemble. On a le même âge et on a des goûts musicaux très voisins. C’est juste que nous évoluons dans différentes parties du monde, mais on essaie tous les deux de jouer des versions dynamiques de soul, de funk et de R&B inspirées de ce qu’ont fait les créateurs, en nous efforçant de leur insuffler de la fraîcheur et un côté résolument contemporain. Je suis très content de ce premier album ainsi que du “ Live ”, c’est du fait-maison. Igor a été à la production, au mixage et au mastering, tout a été dans nos mains et cela nous a permis de continuer à apprendre et à à grandir. On voulait réussir à produire l’essai le plus intéressant et le plus abouti d’un projet boosté par l’orgue, adopter un concept funky nourri au deep blues, car on vient tous du blues à la base, mais un blues fusionné avec le funk et la soul, le blues amenant de l’épaisseur, de la saveur et du goût. Igor et son frère Youri ont une connaissance très profonde de ces styles et, quand tu collabores avec des partenaires aussi doués, cela conduit à de la fraîcheur et à une saine compétition. On peut jouer funky, mais si cela nous chante, on peut swinger ou jouer un morceau avec un absurde beat uptempo et nos publics ressentent cela, le band est expérimenté et en demande, pas de souci s’il joue les tempos les plus lents, une ballade, du slow blues ou des faces ultra-rapides avec beaucoup de swing, car il sait que chaque membre du band y mettra une saveur et du goût sans pareil. C’est dans le même esprit qsue nous avons enregistré, ensemble, « Groove & Good Times » en 2021 et « More Groove & Good Times – Live » en 2023.

Raphael Wressnig & the Soul Gift Band avec Gisele Jackson. Photo © Aleksandra Pruenner

En 2018, avant les albums avec les Frères Prado, j’avais refait un album – « Chicken Burrito » – avec Alex Schultz, l’un de mes partenaires favoris. On a joué des quantités de shows ensemble et fait de nombreux enregistrements et je savais qu’Alex demandait souvent à James Gadson de l’accompagner dans ses concerts à Los Angeles. James est l’un des plus importants batteurs dans les domaines du R&B, du funk et des musiques roots en général. Ce sont Gadson et Bernard Purdie qui ont gravé quasi tout le catalogue de la musique soul classique, du funk et du R&B, tous les hits. J’ai toujours été avide d’apprendre au contact des maîtres et de relever les challenges. Pour cet album, on a choisi le concept d’un trio et j’ai écrit tous les morceaux en essayant de mettre en avant les idées ad hoc dans le format ad hoc : Gadson-Schultz-Wressnig. On a gravé cet album en une seule journée au studio de Joe Smith à Los Angeles. James Gadson m’a complètement bluffé car, pour chaque morceau, sapartie de drums était un chef-d’œuvre. On n’a enregistré que deux ou trois versions de chaque morceau en tout et pour tout. Si je réécoute toute la séance, je relève entre vingt-cinq et trente séquences de drumming qui devraient figurer dans un recueil et être exposées. C’est ça la beauté de la musique, quandc’est authentique. Gadson avait 79 ans à l’époque et la musique sonne fraîche et convaincante !

Raphael Wressnig (orgue) avec Kirk Fletcher (guitare). Photo © Klara Tischler

Enfin, « Soulful Christmas with a Twist of Funk », en 2023. Pendant la pandémie de Covid en 2020, je me morfondaisdans mon studio et quelques chants de Noël me trottaient dans la tête. J’en ai enregistré quelques-uns avec Igor et Yuri Prado sur un single, car j’ai toujours aimé la musique de Noël et je connaissais pas mal d’organistes comme moi qui avaient gravé un ou plusieurs albums dans ce domaine commeBooker T & the MG’s, Jimmy Smith, Jimmy McGriff, Don Patterson et même Joey DeFrancesco et il y a beaucoup d’autres exemples dans le jazz et le blues comme Lou Rawls, William Bell, Charles Brown, Ray Charles, etc. C’est une musique très attachante. J’ai toujours eu à cœur de trouver des arrangements originauxet, au cours des années suivantes, j’ai continué à en rechercherpour un répertoire de Noël à graver avec Alex Schultz sous la forme d’un EP digital puis, à la réflexion, je me suis dit que je devrais sortit un album complet et j’y ai travaillé sans relâche. Malheureusement, pas mal de gens en Europe considèrent la musique de Noël comme démonétisée, démodée voire barbante. Je ne suis pas d’accord, c’est classique dans la forme mais il y a moyen de dépoussiérer le canevas général.

Raphael Wressnig. Photo © Georg Cizek-Graf

En changeant le rythme, avec le son de mon orgue Hammond et une approche différente, cela permettrait d’atteindre ce but. Il était tentant d’essayer de transformer des chants « européens » en chants « américains » farcis au funk et à la soul, ainsi les chants de Noël en Europe sont dans le format 2/2 ou 6/8 et je les ai fait passer dans un format 4/4 typique du funk New Orleans, Silent Nightest en 2/2 (ou 6/8) et j’ai choisi de le jouer en valse jazz. Certains ont été désorientés par ma version de Jingle Bellscar ils sont habitués à un rythme de swing, de mon côté je lui ai donné le sond’un gospel-blues avec claquements de mains etbattements de pieds, etc. Cela a l’air facile, on prend une mélodie et on change le rythme, mais ce n’est pas si simple si on veut le faire bien. En tout cas, j’ai fait de mon mieux et je pense qu’il y a pas mal de découvertes à faire dans cet album et je suis fier de mon travail d’organiste et de producteur. Le travail de production et de réalisation a été fascinant, Alex a fait des prodiges de bon goût et de dextérité dans toutes ses interventions et j’ai beaucoup apprécié la performance de Gisele Jackson dans ma version du classique This Christmasde Donny Hathaway, Gisele en a fait son propre chant et elle y met tout son cœur et son grand talent, c’est une très grande chanteuse et je l’invite souvent dans mon groupe. Je suis infiniment satisfait du résultat global.

Raphael Wressnig. Photo © Tomek Dorawa

Le futur

Je n’ai pas trop à me plaindre, je suis encore jeune, mon palmarès parle pour moi et j’ai tout l’avenir devant moi, à suivre la même voie, à encore améliorer mon jeu d’orgue, à accumuler les rencontres, les expériences et les associations musicales qui se présenteront pour enregistrer d’autres albums. Je vous tiendrai au courant.


DISCOGRAPHIE (en dossier attaché)

Cette discographie ne mentionne pas les albums où Raphaël Wressnig est un « speciel guest » ni ceux qu’il a enregistrés avec

Larry Garner : « Here Tody, Gone Tomorrow »

B.B. & The Blues Shacks : « Unique Taste » et « London Days »

etc…