Johnny Sansone

Johnny Sansone, MNOP 2013. Photo © Marcel Bénédit

Le Bayou St. John de Petitjean

• Petitjean n’habite plus la forêt de Sherwood ! Le colosse de Robin des Bois a depuis longtemps élu domicile sur le bayou St John de New Orleans. Qu’il se fasse appeler Johnny Sansone et qu’il joue de l’accordéon ou de l’harmonica chromatique ne saurait constituer une surprise….

Le gentil géant a trouvé son nouveau souffle sur le bayou du vaudou et il vit là, incognito, repu d’excès divers avec une timidité bonhomme devenue au fil du temps une marque de fabrique et de musique… Le soir, après un solide barbecue de saucisses de canard et d’andouillettes, il n’est pas rare qu’il tisse sa toile dans son jardin. Il essaie alors de régler son ordinateur et de projeter de vieux films improbables sur le drap blanc du fond du Backyard. Quelques verre de vins plus loin, après de multiples conciliabules avec d’autres amis réfugiés de Sherwood – à la compétence informatique équivalente – il est possible que la projection débute. « The Boucanniers » avec Yul Bruner dans le rôle du pirate Jean Lafitte. Un air de temps passé flotte sur le pont de bois qui enjambe le bayou avec ses traverses au fil de l’eau. Une nocturne fraîche sur une étendue lacustre lisse. Un havre de paix à quelques pas de la grande circulation.

Johnny Sansone en concert à Brive avec Monk Boudreaux, MNOP tour 2016. Photo © Stéphane Colin

La veille, Johnny avait présenté son dernier disque, « Hopeland » – Shortstack Records, au French Quarter Festival comme on part à l’assaut d’une caravelle du temps jadis. Des coups de mousquets semblaient sortir de la guitare de John Fohl, la rythmique attaquaient les morceaux au son du canon et devant la scène Johnny se lançait à l’abordage du public avec une fureur sauvage digne de la flibuste. Juste à côté, le Nachez, bateau à aubes surannées embarquait son lot de touristes sur le Mississippi. La concurrence sonore n’était pas vraiment à l’ordre du jour, tant Johnny, avec cette force sauvage qui l’habite parfois, focalisait toute l’attention. Dans la nuit de Mid City ou plus tard sur un balcon de Royal Street, on parlera de ce nouveau disque, de ces compositions sensibles et atypiques bien dans la lignée des trois derniers albums.

Johnny Sansone et une bande d’amis, dont Monk Boudreaux et Benoît Blue Boy, Périgueux, août 2016. Photo © Stéphane Colin

Plus violent que le Poor Man Paradise enregistré dans la maison du Bayou quelques semaines après Katrina, l’enregistrement s’écoute à toute puissance. Luther et Cody Dickerson du Mississippi all Stars, le guitariste Anders Osborne entourent la force du colosse, la canalise et la transcende. Un méchant son brut, radical, miroir de la scène:  « Ils appellent ça du Blues, ils appellent ça de la Country, ils appellent ça du Rock and Roll, c’est juste de la Soul avec “A Delta coating” ». Le méchant boogie sur Can’t Get There From Here ou le riff récurent de l’harmonica dans Derelict Junctiôn signent la marque de ce « revêtement du Delta ». On pense à une vieille composition pour laquelle Johnny avait eu un Award à Memphis, The Lord is Waiting and The Devil is Too. L’artiste mourait régulièrement sur scène, la basse épousant un rythme cardiaque de plus en plus défaillant. Jean Lafitte et Petitjean en résurrection depuis. Une scène et un enregistrement pour en attester.

Johnny Sansone avec Hervé Fernandez à la guitare, MNOP 2013. Photo © Marcel Bénédit


Par Stéphane Colin
MNOP