Papa John Creach

Papa John Creach. Photo DR

Violoniste multi facettes

• Il y a une trentaine d’années, je regardais sans conviction particulière un film à la télé dont j’avais loupé le début, mais l’action se déroulait en Louisiane et, subitement, j’eus un coup de foudre pour un violoneux qui jouait dans une cabane ; apparition inattendue pour moi, mais la musique était superbe et je pus en regardant le générique de fin retenir son nom : Papa John Creach…

À l’époque, pas d’internet, et ce n’est que plusieurs années plus tard que je tombais par hasard chez un disquaire sur un magnifique album de ce Papa John que j’achetai sans écouter, rien que pour la beauté de la pochette (Grunt FTR 1003). Bonne pioche ! la musique était de premier ordre et c’était bien l’artiste que j’avais vu dans ce film (Jacob dans le film de Volker Schlondorf « Colère en Louisiane » comme je devais l’apprendre plusieurs années après…).

Le violon dans le blues ? Oui, il y en avait déjà pas mal. Si on remonte aux années 20 et 30 : Lonnie Johnson (1928), Eddie Anthony avec Peg Leg Howell, Will Batts avec Frank Stokes, Charlie Pierce avec le Memphis Jug Band, Bo Chatman alias Bo Carter, Chasey Collins avec Big Joe Williams, Lonnie Chatman, Henry Sims, puis plus près de nous Howard Armstrong, Don “Sugarcane” Harris et même ce mystérieux Remo Biondi derrière Jimmy Reed ou Roosevelt Sykes et Bo Diddley au violon sur quelques titres, sans oublier l’excellent Clarence “Gatemouth” Brown et mon préféré, Claude Williams, très jazzy avec Jay McShann (1).

Papa John Creach, portrait tiré du livret du CD Acadia 8084. Photo © H.B. Greene

Mais revenons à notre Papa John. Né John Henry Creach le 28 mai 1917 à Beaver Falls en Pennsylvanie. Il apprend le violon auprés d’un oncle, puis au conservatoire. Il débute dans les bars de Chicago en 1935. Il rejoint un trio – les Chocolate Music – et part en tournée avec eux. « Il fallait être capable de jouer dans une grande variété de styles pour survivre à l’époque : du folklore allemand ou polonais, des polkas ou de la musique cubaine ». Il se met au violon électrique en 1943. Il retourne à Los Angeles en 1945, travaille sur des croisières et apparaît dans plusieurs films dont le « Blue Gardenia » de Fritz Lang.

Il va enregistrer plusieurs 78 tours et 45 tours à partir de 1946 chez Excelsior, Dootone avec son trio en 1951, avec Roy Milton en 1960, puis chez Warwick et Era en 1967. Son amitié avec le drummer Joey Covington – du Jefferson Airplane – lui permet de rejoindre ce fameux groupe en vogue et de se faire connaître du public rock californien.

Papa John Creach sur scène avec Hot Tuna. Photo DR.

Dans son propre groupe Zulu il y a un jeune guitariste promis à un bel avenir : Kevin Moore alias Keb Mo. Papa John apparaîtra à de nombreuses occasions avec différents groupes connus dont Hot Tuna et joue souvent avec le gratin pop de la Côte Ouest : Jack Casady, Jorme Kaukonen et Grace Slick, San Francisco All Stars, puis The Dinosaurs (1982-19 89). Il est “Le” chanteur violoniste rock de l’époque. Il grave aussi sous son nom une série d’albums de grande qualité. En 1987, il interprète le rôle de Jacob, un violoniste dans ce fameux film de Volker Schlondorf, « Colère en Louisiane ».

Il meurt à Los Angeles le 22 février 1994 des suites d’une pneumonie.

Papa John est un chanteur agréable et plutot « cool », à l’aise dans les blues. Écoutez son album « Papa Blues » et des morceaux comme Everytime I Hear Your Name. Cet artiste est un grand du Blues, mais c’est comme violoniste qu’il s’impose avec un jeu moderne et funky : Plunk a Little Funk, Soul Fever, Filthy Funky, Milk Train, String Jet Rock avec une touche de psychédélisme que l’époque imposait. J’ai toujours un grand plaisir à réécouter ces disques qui n’ont pas vieilli et qui apportent une bouffée de fraîcheur et de joie de vivre. Merci Papa John !


Note :
(1) Lire (ou relire) l’article « Violon et Blues » paru dans le ABS Magazine n°13, mars 2007.

Sélection discographique :
« Papa John Creach » – Grunt 1003 (son meilleur LP) (1971)
« Filthy » – Grunt 1009 (1972)
« Playing My Fiddle For You » – Grunt (1974)
« I’m The Fiddle Man » – Buddha (1976)
« Rock Father » – Buddah (1976)
« The Cat and the Fiddle » – DJM (1977)
« Imphasion » – DJM 18 (1978)
« Papa Blues » (avec The Bernie Pearl Blues Band) – CD Bee Bump Records (1992)
Il est à noter que les deux albums « Playing My Fiddle For You » et « Filthy » ont été réédités sur un seul CD : Acadia 8084, tout à fait recommandable.


Par Marin Poumérol