Un ciel sans nuage
• Régulièrement, les labels annoncent la découverte d’un nouveau jeune grand talent du Blues, nous promettant à grands coups de décibels que la relève, sans conteste, est bien là… Lors du Eastside Kings Festival 2022, à Austin, Texas, nous avons rencontré Sean « Mack » McDonald dont Eddie Stout nous avait dit le plus grand bien lors de l’élaboration de sa programmation. Une visite sur les réseaux sociaux à la découverte de ses vidéos confirmait ce que nous avait annoncé le boss de Dialtone Records. Le jeune artiste avait préalablement été invité à se produire sur la scène du King Biscuit Blues Festival en 2019. Après avoir vu ses différentes prestations devant le public texan, nous pouvons affirmer sans le moindre doute que ce jeune musicien est une véritable pépite. Tout juste diplômé de la Middle Tennessee State University, il peut dorénavant se consacrer totalement à son art, la musique. Souhaitons lui le meilleur, car ce jeune artiste est pétri de talent. Il est largement temps de faire plus ample connaissance avec ce très sympathique guitariste qui a tous les atouts pour débuter une belle et longue carrière.
Une guitare au pied du sapin
Je suis né à Augusta le 26 juillet 2001, la ville qui a vu naître l’illustre James Brown ! Elle se situe dans l’État de Géorgie. Il n’y a pas trop de musiciens du côté des familles de mes parents, seul mon père, grand fan de jazz, joue de la batterie de façon épisodique. Finalement, c’est grâce à un ami qui s’appelle Rick Calloway et qui joue parfaitement de la guitare, que j’ai opté pour cet instrument. En parallèle, au sein de ma congrégation, il y avait également d’excellents musiciens qui se réunissaient tous les dimanches et m’ont également fortement influencé. Au départ, c’est une évidence, les disques que possédaient mon père ont eu une sur moi une influence déterminante. Dès mon plus jeune âge, il m’a fait découvrir tous les musiciens qu’il chérissait, les grands noms du jazz bien sûr, mais aussi des groupes comme Parliament-Funkadelic. Je n’oublie pas qu’en voiture, avec ma mère, nous écoutions du Rhythm’ and Blues, tandis qu’avec mon paternel c’était plutôt du Hip-Hop. Avec ma tante, les grands classiques du Blues, R’n’B et du Gospel étaient toujours au rendez-vous.
Cette formidable alchimie musicale qui m’était proposée me permit de creuser ensuite mon propre sillon, principalement avec le Blues et tous les styles qui en découlent. J’ai su très tôt – sans trop savoir ce que je voulais faire – que la musique tiendrait définitivement dans ma vie une place prépondérante. Je décidai donc d’apprendre la guitare en autodidacte. Seule ombre au tableau, je n’avais pas d’instrument ! Pour faire le tour du sujet, j’ai commencé le piano à l’âge de trois ans, puis j’ai enchainé avec l’harmonica deux ans plus tar, avant d’opter pour la guitare à ma septième année. Commencer très jeune m’a permis de me débrouiller avec d’autres instruments. Bien des années plus tard, à l’université, dans le studio que nous avions à disposition, j’ai enregistré des morceaux où je jouais de tous les instruments sur chaque piste qui comprenait guitare, harmonica, piano, basse et batterie ! Noël approchant, ma mère m’a demandé ce que je souhaitais comme cadeau : « Une guitare ? », me dit-elle, « Mais tu ne vas certainement pas t’en servir plus de deux semaines, puis tu passeras à autre chose ! ». Je lui répondis que j’étais plus que motivé pour apprendre à en jouer et que c’était loin d’être une passade. Finalement, grâce à ma grand-mère, j’ai pu recevoir comme cadeau ma première six cordes, j’étais aux anges, j’avais sept ans. Puisant en parallèle dans la discothèque, j’ai ainsi pu faire mes gammes sur un éventail musical très complet qui embrassait toutes les musiques que nous aimons tous.
Musique et études vont de pair
Bien plus tard, l’envie de faire de la musique ne m’avait bien sûr pas quittée. Au lycée, j’avais monté un groupe qui s’appelait Sean McDonald and Company. J’avais également rencontré un professeur de collège qui s’appelait Tim Sanders et qui avait joué avec Wilson Pickett, Percy Sledge et d’autres grands noms de la Soul music. Ce fut pour moi un excellent apprentissage d’être dans une formation à ses côtés, avant que je vole de mes propres ailes en montant un orchestre baptisé les Blue Lites. Après le lycée, je pris la direction de l’université, la suite logique des études se déroulait, je suivais les conseils de mes parents en donnant la priorité à ma scolarité dans le but de viser un emploi stable, mais j’avais autre chose en tête. Mon père aurait souhaité que je fasse carrière dans le sport, tandis que ma mère, c’est normal, pensant à mon avenir, me voyait décrocher un bon job. Un soir que je jouais dans un club près de chez moi, je dis à mon père qui était dans l’assistance, que j’envisageais de faire de la musique mon métier. Il me répondit : « Après ce que j’ai vu ce soir, laisse tomber le sport, tu es fait pour être musicien, c’est une évidence ». Ma mère fut également d’accord, elle voyait que j’étais sérieux dans mes études et que si la musique ne marchait pas trop, j’avais un « plan B » avec mon bagage universitaire qui englobe la production audio, la prise de son mais aussi le côté économique de l’industrie musicale avec ses différentes branches, dont les droits d’auteurs et de publications. Mes parents m’ont toujours encouragé et ont toujours été bienveillants et constructifs par rapports à mes choix et décisions.
Premier engagement
Mon premier concert professionnel s’est déroulé chez moi, à Augusta, j’avais onze ans. Une fois par mois, en ville, se tient un rendez-vous musical baptisé First Friday, lors duquel les musiciens de nombreux établissements viennent jouer. C’est devenu un rendez-vous incontournable. Avec un ami également guitariste, Phillip Laird, nous avions décidé de nous y rendre. J’avais préparé une liste de titres que j’avais griffonnés sur une feuille. J’avais un trac fou avant de débuter. Au final, j’ai joué deux heures d’affilée. Ce qui me surprit alors le plus, c’était qu’au fur et à mesure que je déroulais les morceaux, le public venait déposer de l’argent dans l’étui de ma guitare qui était resté à mes côtés. On a dû gagner une bonne centaine de dollars ce soir-là ! Mon appréhension du début avait totalement disparu, j’étais vraiment heureux de ce premier engagement qui reste à mes yeux important et fondateur des futurs choix professionnels que j’ai dû faire quelques années après.
J’ai rencontré Jontavious Willis non pas au cours d’un concert, mais tout simplement sur Facebook ! J’avais quinze ans. Un jour, je me rends dans un magasin de musique pour rencontrer un musicien d’Augusta, Michael Vincent Baideme, souhaitant essayer sa guitare à résonateur. L’instrument en main, je me mets à jouer une composition d’Elmore James. « Mais c’est trop bon, ça ! » dit Michael, stupéfait. « Joue encore, je vais te filmer ! ». Puis il posta la vidéo sur Facebook. Ce qu’il avait enregistré devint viral sur le réseau social grâce à la communauté blues. Jontavious vit l’enregistrement et me contacta aussitôt : « il faut absolument que l’on se rencontre », me dit-il dans son premier message, enchainant aussitôt : « Et ce musicien-là, tu le connais ? Cette composition, ça te dit quelque chose ? ». Le contact était établi et nous sommes devenus des amis proches. Nous avons fait un premier concert ensemble en 2017. Je le considère comme un grand frère, je lui dois beaucoup, il m’a donné de bons conseils, m’a fait découvrir les musiciens de Country blues qu’il écoutait, cela m’a beaucoup influencé.
Mes mentors sont nombreux, mais je peux avant tout citer Ray Charles, je l’ai découvert quand j’avais trois ans dans une film. Je peux citer James Brown, mais aussi Screamin’ Jay Hawkins, B.B. King, T-Bone Walker, Johnny Guitar Watson, Chuck Berry, Muddy Waters et tant d’autres… Le Jazz avec Duke Ellington et Count Basie, le Gospel bien sûr qui a bercé toute mon enfance. J’adore quand le bishop fait son sermon et qu’il chante entre deux phrases, par exemple quand il déclame : « And the Lord says ! Everybody wants to know… ». La façon dont je chante, je le pense fortement, vient de ce que j’entendais le dimanche dans ma congrégation.
Puisque j’évoque le chant, je voudrais tirer un grand coup de chapeau à Tail Dragger. Je l’ai vu pour la première fois hier soir dans le club Antone’s, j’étais plus qu’impressionné, c’est définitivement une légende. Assis sur sa chaise, son implication est totale, il dit tout simplement en direction l’orchestre : « On démarre avec un la », ensuite la magie opère. Ce auquel j’ai assisté il y a quelques heures est tout simplement formidable. J’ai pu le rencontrer car nous sommes ici, à Austin, dans le même hôtel. Tail Dragger fait partie de la grande Histoire du Blues.
Eddie Stout et “Mack” McDonald : première rencontre
NDLR : L’engagement de Sean “Mack” McDonald au Eastside Kings Festival 2022 d’Austin accéléra grandement sa prometteuse carrière. Eddie Stout, le boss de cet événement annuel, revient sur la genèse de leur premier contact.
J’ai découvert Sean grâce aux vidéos qu’il avait postées sur Facebook. Ce que je voyais sur mon ordinateur était vraiment enthousiasmant. Je pris aussitôt contact avec lui, il me répondit en me laissant par courriel son numéro de téléphone. Au bout du fil, avant l’épisode pandémique, je lui proposai de venir à Austin pour jouer lors du festival que j’organise chaque année, mais sa maman souhaitait qu’au cours de cette même période il donne la priorité à ses études universitaires. Ce n’était donc que partie remise. Nous sommes bien sûr restés en relation et, finalement, en 2022, il a enfin pu faire le déplacement dans la capitale du Texas. Ses prestations ici durant le festival furent époustouflantes. Le public fut conquis par l’aisance et la technique de ce jeune musicien. Daniel Mebold – qui est membre de l’équipe organisatrice du prestigieux Lucerne Blues Festival – était à présent à Austin et fut lui aussi impressionné. Par mon entremise, ils se rencontrèrent pour discuter. Nous pouvons maintenant annoncer qu’il sera en Suisse en novembre prochain avec également à l’affiche Stan Mosley. Sean est un formidable artiste qui est doté d’une forte présence sur scène. Il déroule avec une aisance déconcertante ses notes de musique, à l’image de ses illustres ainés, mais en plus il y ajoute un supplément d’âme qui fait de lui un guitariste sur lequel il faut dorénavant compter. En ce moment, il effectue avec succès sa première tournée en Amérique du Sud (avril 2023). J’aimerais beaucoup qu’il enregistre pour Dialtone Records, cela est tout à fait envisageable et vraiment plus que mérité.
Par Jean-Luc Vabres et Gilbert Guyonnet
Toute notre gratitude à Eddie Stout