« Run Your Race »
• Kandace Springs est une des plus belles voix actuelles qui navigue dans un style très personnel : mélange de jazz, de soul et de blues. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire, puisque le Washington Post déclare : « La voix de Kandace Springs est, c’est indéniable, l’une de ces voix générationnelles. Dès la première note, vous savez qu’elle est spéciale… » Son nouvel album, « Run Your Race » (SRP Records), sublime, confirme ce talent hors du commun.
De fantastiques musiciens accompagnent Kandace sur cet album : Caylen Bryant (basse), Camille Gainer (drums), Carl Sturken, Bob Palmieri (guitares), Caylen Bryant, Theo Griffin (cello), Elena Pinderhughes (flûte), Cindy Mizelle, Theo Griffin, Caylen Bryant, Christie Moran (chœurs), Jeannette Williams (cajon), David Mann (arrangements des cordes). On y trouve douze créations originales, car Kandace n’est pas seulement une extraordinaire interprète, elle est aussi une excellente pianiste et compositrice qui livre ici un album très personnel avec un titre dédié a son père disparu en 2021, pour lequel elle avait à la fois un profond amour et un profond respect ; il était un grand sportif, d’où le titre de cet album et de cette chanson (Run Your Race) que je vous laisse apprécier ici :
L’album et sa chanson titre rendent en effet hommage à son père, feu Kenneth « Scat » Springs, une ancienne star de l’athlétisme universitaire qui a ensuite dirigé son propre groupe de R&B et a chanté en tant que choriste pour des artistes allant de Garth Brooks à Aretha Franklin.
Cet album comporte également deux reprises dont sa surprenante interprétation de What Was I Made For ?, la chanson thème du film Barbie, nominée aux Oscars. Mais ce qui marque le plus cet album, c’est le côté émotionnel qui est présent sur chaque titre. On notera également Closer To Me, une ballade R&B classique, clairement influencée par Prince qui l’a invitée à se produire avec lui à Paisley Park pour le 30e anniversaire de l’album « Purple Rain » après avoir vu une vidéo de Kandace interprétant Stay With Me de Sam Smith. Ainsi commença un mentorat étroit entre Kandace et le « Purple One », comme elle continue de l’appeler. Ils ont écrit des chansons et partagé des réflexions sur tout ce qui est musical.
La famille est le point central de la vie de Kandace. Si « Run Your Race » est dédié à son père, son précédent album était intitulé « The Women Who Raised Me ». Aussi serions-nous négligents de ne pas parler de la mère de Springs, Kelly. Voici ce que Kandace déclarait au sujet de cet album : « Alors que Papa s’arrangeait pour que j’apprenne auprès de professionnels comme les frères Wooten, Maman me conduisait à mes leçons dans la camionnette familiale tout en écoutant la station de musique locale. » C’est là que Kandace a entendu Dusty Springfield pour la première fois (la version par Springs de What Are You Doing the Rest of Your Life est riche en chagrin et en drame) et, à maintes reprises, le succès susmentionné de Bonnie Raitt. Elle a appris cette dernière dans sa fin de l’adolescence, alors qu’elle travaillait dans un hôtel local. « Run Your Race » est en ce sens la suite de son album de 2020, « The Women Who Raised Me », salué par The New Yorker, Paris-Move, DownBeat, NPR et de nombreux autres. L’album présentait Kandace interprétant la musique d’icônes vocales féminines comme Billie Holiday, Nina Simone, Sade, Bonnie Raitt et Ella Fitzgerald (avec Norah Jones la rejoignant sur Angel Eyes d’Ella Fitzgerald).
Dans le cas de ces deux albums, ce qui en fait le succès, a l’évidence, c’est la sincérité dans la musique, les textes et des qualités de très grande interprète, avec une immense richesse intérieure. Au total, sur ce nouvel album « Run Your Race », ce sont en tout quatorze titres qui vont raisonner dans vos oreilles, dont certains deviendront vraisemblablement des classiques assez rapidement. L’écrin offert ici à Kandace est à base d’instruments acoustiques, ce sont de tels albums qui perdurent dans le temps. Mais la conscience artistique de Kandace Springs va encore plus loin, jusqu’à l’enregistrement et au mixage. Le résultat est un disque admirable de beauté dans la simplicité et efficace dans le bon sens du terme ; n’y cherchez pas de « gros effets », la technique se concentre sur l’essentiel : la pureté.
Parmi les autres moments forts de l’album, on trouve la luxuriante So Far, So Near agrémentée de cordes et la belle et songeuse Look, que Kandace a écrite adolescente. Chasing Shadows, qu’elle a écrite avec Sturken et Rogers, prend vie avec un groove bouillonnant fourni par sa section rythmique de longue date : le batteur Camille Gainer-Jones et le bassiste Caylen Bryant, avec un supplément de piquant apporté par la flûtiste Elena Pinder-Hughes (Herbie Hancock). Elle a d’autre part co-écrit l’entraînante Pulse avec Gregg Wells (Katy Perry).
Et pour être complet concernant cette artiste, voici quelques mots de son historique… Tout a commencé pour Kandace en 2014, avec un premier EP Blue Note Records produit par Pop & Oak. Love Got In The Way a été son premier clip musical. On note des collaborations avec Ghostface Killah sur son single de 2014, Love Don’t Live Here No More. Elle s’est produite dans divers show télévisés : Show Starring Jimmy Fallon et Later… with Jools Holland. Prince lui a demandé – comme écrit plus – de se produire avec lui sur scène. En 2016, ce fut la sortie de son album « Soul Eyes », continuant à travailler avec Sturken et Rogers ; elle a également attiré le producteur Larry Klein. Une belle part fut faite à des ballades comme Place to Hide ou à des chansons mid-tempo relaxantes comme Talk to Me, s’accompagnant elle-même au piano. On note aussi la collaboration du trompettiste Terence Blanchard, des guitaristes Dean Parks et Jesse Harris et du batteur Vinnie Colaiuta. Son album de 2018, « Indigo », a été produit par Karriem Riggins. On y retrouve des influences R&B et un solo de trompette par Roy Hargrove.
« Run Your Race », bien que très diffèrent de ses albums précédents, est de mon point de vue une œuvre majeure, Kandace montrant ainsi sa capacité à se renouveler sans faire de faux pas. La marque des grands artistes….
par Thierry De Clémensat