De la batterie à la guitare…
• Cedric Burnside était le 4 juillet 2024 à l’affiche de la deuxième édition du Montpellier Blues Festival, dans le splendide cadre de la Place Royale du Peyrou. Il débarqua à l’aéroport de Montpellier Fréjorgues le 2 juillet. J’avais l’espoir de réaliser une longue interview dans la journée du 3 juillet. Hélas, Cedric ne répondit pas à mes sollicitations. Il accepta que nous nous rencontrions le jour du concert après la balance de l’après-midi. Pour en apprendre plus sur Cedric Burnside, je vous renvoie au #71 d’ABS Magazine (en ligne). Nous nous retrouvâmes néanmoins dans sa loge, en compagnie de son bassiste Kody Harrell, de son batteur Joe Eagle et d’Anand Le Prince qui enregistra et filma l’interview.
ABS : Est-ce la première fois que tu joues à Montpellier ?
C.B. : Oui. Je ne suis jamais venu ici. Mais je me suis déjà produit dans le sud de la France. Je pense que je ne suis venu qu’une seule fois. C’était avec “Big Daddy” (NDLR : c’est ainsi que Cedric Burnside nomme affectueusement son légendaire grand-père RL Burnside. Dorénavant, au cours de la conversation, “Big Daddy” renverra à RL Burnside). Je ne me souviens pas de l’année. Mais je suis sûr d’être venu au moins une fois dans le sud de ton pays. Mais je ne me suis jamais produit dans ce festival.
ABS : Normal ! Ce n’est que la deuxième édition.
C.B. : D’accord (dans un grand éclat de rire).
ABS : D’où arrivez-vous ?
C.B. : Nous venons du Canada. Notre dernier concert a eu lieu à Montréal. Nous avons volé de Montréal jusqu’ici. Ce sera notre premier concert de cette tournée européenne. Nous avons treize dates prévues. Nous débutons à Montpellier.
ABS : Tes musiciens et toi étaient libres toute la journée d’hier (3 juillet). En avez-vous profité pour visiter Montpellier ?
C.B. : Ouais ! Nous avons marché partout au centre de la ville, mec. Je suis allé dans un tas d’endroits. Nous sommes aussi venus visiter le site du festival. Nous sommes venus jeter un coup d’œil sur le lieu de notre concert de ce soir. J’ai pris beaucoup de photos. En outre, nous avons pu apprécier d’excellentes nourritures.
ABS : Tu aimes cette vieille ville ?
C.B. : J’adore ! C’est absolument magnifique. Nous avons eu l’occasion d’aller sur la place, tu connais, là où il y a toutes ces fontaines et jets d’eau (NDLR : pour celles et ceux qui connaissent Montpellier, c’est la “nouvelle Esplanade”, prolongement de la Place de la Comédie entièrement refaite et inaugurée quelques jours plus tôt). Beaucoup de gens fort sympathiques étaient là, prenaient le frais ou surveillaient leurs enfants se faisant arroser par les jets d’eau.
ABS : Tu viens du nord du Mississippi que l’on appelle “Hill County”. Y habites-tu toujours ?
C.B. : Oui (NDLR : cri du cœur !)
ABS : Comme l’indique le titre de ton magnifique dernier disque « Hill Country Love » (Provogue PRD77282), tu aimes particulièrement cette région. Peux-tu nous expliquer ton amour pour cette terre ?
C.B. : J’ai grandi aux États-Unis, dans l’État du Mississippi. J’ai quelque rapport très spirituel avec cette région du globe. J’y ai passé toute ma vie. Tu sais, je sors dans la cour et j’entends les oiseaux gazouiller. Cela m’inspire pour mon écriture. Je vais me balader dans les bois et j’entends le coassement des grenouilles et des crapauds. C’est aussi une source d’inspiration. J’ai besoin de cet environnement pour écrire. Même si j’ai voyagé partout dans le monde et ai découvert des lieux magnifiques, rien ne me donne envie de quitter le Mississippi.
ABS : Ton grand-père, RL Burnside, t’a énormément influencé ? Tu as joué tant d’années avec lui. Peux-tu me parler de ton légendaire grand-père ?
C.B. : Eh bien, je peux affirmer que c’est un immense honneur d’appartenir à la famille Burnside. Tu sais, mon “Big Daddy” RL a ouvert la voie, non seulement pour moi, mais pour toute la famille Burnside. Ainsi qu’à d’autres grands musiciens qui aiment et jouent ce style de musique qu’est le Hill Country Blues. J’ai commencé à accompagner “Big Daddy” très jeune. J’ai fait ma première tournée avec lui quand j’avais treize ans. Cela commença à Toronto, Canada. Depuis, je n’ai cessé d’être musicien professionnel. Tu sais, j’ai 45 ans maintenant et j’ai joué cette musique toute ma vie.
ABS : Pourquoi as-tu décidé de passer de la batterie à la guitare ?
C.B. : Je savais que je passerais un jour à la guitare dont j’ai toujours joué. C’était en moi. C’était dans mon sang. Mais la batterie était mon premier instrument. Avec la guitare il est plus facile de chanter, de vivre la mélodie, de composer.
ABS : Ton père, Calvin Jackson, était batteur ?
C.B. : Oui. Il était le batteur de “Big Daddy” avant que je ne le devienne. Quand j’étais encore très jeune, je devais avoir huit ou neuf ans, mon père m’a installé derrière les fûts de sa batterie et m’a demandé d’accompagner “Big Daddy” avec lui. Ce fut le catalyseur. Mon père jouait de la batterie avec “Big Daddy” avant ma naissance. Un jour, mon père, Calvin Jackson, a déménagé et est parti s’installer aux Pays-Bas. Après son départ, j’étais le premier sur la liste de ceux qui étaient capables d’accompagner “Big Daddy” avec ce style de batterie complexe. Ce n’est pas un style facile à jouer.
ABS : Je connais effectivement quelques musiciens qui s’y sont essayés et se sont plantés (éclats de rire de Cedric Burnside)…
C.B. : C’est une façon peu orthodoxe de battre. Et donc mon “Big Daddy” m’a emmené sur la route. Il m’a fait entière confiance et j’ai suffisamment cru en moi pour partir sur la route à ses côtés. J’ai joué avec lui pendant environ onze ou douze ans, jusqu’à son décès en 2005.
ABS : Et la guitare ?
C.B. Je pense que c’est vers 2003 que j’ai commencé à jouer sérieusement de la guitare pour la première fois. Comme je l’ai dit avant, je savais que je finirais par le faire. J’avais appris à en jouer très jeune. J’adorais en jouer. En tant que batteur, j’ai accompagné de nombreux guitaristes. Je me suis aperçu que ma voix sonnait mieux quand je m’accompagnais d’une guitare. J’ai alors compris que pour exprimer la musique que j’avais en tête, il me fallait l’aide d’une guitare. Avec la guitare, je peux jouer et chanter ce que j’entends en moi-même plus que derrière les fûts d’une batterie. Je suis enfin arrivé là où je voulais aller. Il est également plus facile d’écrire des chansons à la guitare. La guitare est définitivement devenue mon nouvel amour. Avec elle, j’exprime totalement la musique que j’ai en tête.
ABS : Effectivement, j’imagine qu’il est difficile de jouer de la batterie et chanter en même temps ?
C.B. : Ça l’est. Je ne peux pas mentir à ce sujet. Quand j’ai commencé, c’était plutôt compliqué. Je suis un « battant », tu sais, j’aime réaliser mes objectifs. Je me suis enfermé dans une chambre avec mon oncle Garry Burnside, lui-même chanteur et guitariste, et nous avons réalisé un CD, « Descendants of Hill Country » (NDLR : sous le nom de Cedric Burnside Project en 2014, avec aussi Trenton Ayers à la basse, produit par Scott Bomar – sans nom de label). Nous avons joué pendant des heures et des heures. Grâce à ces innombrables heures de travail, j’ai pu utiliser ma voix pendant que je jouais de la batterie. J’étais assez doué. Je suis devenu plutôt bon, n’est-ce pas ? (accompagné d’un clin d’œil).
ABS : Heureux d’être en Europe cet été ?
C.B. : Ouais, mec. Un vrai bonheur. Le nouveau disque, « Hill Country Love », marche très bien. Et nous bénéficions d’une belle publicité. Il est sorti le 5 avril (NDLR : est très chaleureusement recommandé par votre serviteur). Je suis en tournée en Europe cet été. Je reviendrai en octobre.
ABS : Que penses-tu du site du festival au cœur de Montpellier ?
C.B. : Magnifique ! J’ai hâte que le soleil se couche, alors je pourrai voir tous les jeux de lumière avec le château d’eau derrière. Ça va être magnifique. C’est incroyable.
Le concert de Cedric Burnside, quelques heures après cette rencontre, fut remarquable. Après un impressionnant début seul à la guitare acoustique dont une superbe version de You Got To Move, Cedric Burnside, Kody Harrell et Joe Eagle ont enchanté le public du Peyrou venu nombreux, avec divers titres du cd « Hill Country Love » et quelques reprises du cher “Big Daddy”, RL Burnside, dont Cedric est l’héritier musical mais jamais l’imitateur.
par Gilbert Guyonnet)
Remerciements à Gilles Michat et à Bertrand Hanslik
(www-montpellier-blues-festival.org)