• L’actualité des disques, DVD et livres traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…
Watermelon Slim
Traveling Man
Northern Blues Music NBM0066
En 1973, à son retour du Vietnam, William P. Homans ‘Watermelon Slim’ enregistrait un album contre la guerre, « Merry Airbrakes » (St George International ST06). Il attendit presque trente ans pour retrouver le chemin d’un studio d’enregistrement et la publication du CD « Big Shoes To Fill » (Southern Records Group & Management SRG1001). Depuis, Watermelon Slim n’a plus cessé d’enregistrer et de donner des concerts. Il a reçu de nombreuses récompenses pour la qualité de ses disques et de son orchestre. Il nous revient avec un double CD enregistré en public en Oklahoma où il vécut quelques années. Il se produisit seul avec sa guitare et son harmonica au Blue Door d’Oklahoma City, le 24 septembre 2016 (CD1) et au Depot de Norman, le 28 février 2016 (CD2). Ce cadre intimiste convient parfaitement à Watermelon Slim dont la voix rauque de baryton est bien mise en valeur. Son jeu de guitare au bottleneck uniquement est très convaincant. Il n’utilise l’harmonica que sur la composition de Cat Iron Jimmy Bell (CD1). Un habile dosage de chansons originales et de reprises entretient l’intérêt de l’auditeur. Deux des compositions de Watermelon Slim apparaissent pour la première fois sur disque : Northern Blues (CD1) qui parle de l’hiver dans le Massachussets et Dark Genius (CD2) dont le sujet est John Kennedy. Les reprises ne surprendront pas les amateurs de Watermelon Slim. Le traditionnel John Henry (CD2) est un pilier de ses concerts. En voici la première version publiée sur un disque de l’artiste. Mississippi Fred McDowell est une de idoles de Watermelon Slim qui interprète avec brio 61 Highway Blues et Frisco Line (CD1). Enfin, Watermelon Slim mêle intelligemment Howlin’ Wolf et Muddy Waters. Il nous fait passer insensiblement et avec beaucoup de dextérité de Smokestack Lightning – que dans son introduction il affirme chanter depuis qu’il l’entendit pour la première fois en 1963 sur un disque des Yardbirds –, à Two Trains Running et vice-versa ; Smokestack Lightning/Two Trains Running (CD1) est le titre logique de ce moment original. Tous les amateurs de Watermelon Slim se précipiteront sur ce double album, les spectateurs de ses chaleureux concerts aussi. Les autres auraient tort de se priver d’une si belle musique, en attendant son retour sur les scènes européennes. – Gilbert Guyonnet
Linsey Alexander
Live at Rosa’s
Delmark Records DE 862 – www.delmark.com
Ce printemps, le chanteur natif de Holly Springs dans le Mississippi nous dévoile son nouvel album qui est édité – comme les précédents – par la noble maison Delmark Records. Ce dernier a été enregistre au Rosa’s, célèbre établissement de la Cité des Vents, qui est situé sur W. Armitage. Celui qui a joué aux côtés de Buddy Guy, Magic Slim, A.C. Reed ou encore Byther Smith et Eddie Clearwater, nous propose ici une session des plus réjouissante en alternant habilement des reprises et des compositions originales. En guise d’hommage et respect, Linsey Alexander débute avec un classique de B.B. King, Please Love Me, qui est superbement interprétée. Les autres grandes gloires du Blues ne sont pas oubliées puisque les morceaux Have You Ever Loved a Woman appartenant à Freddie King et Ships on the Ocean de Junior Wells sont à nouveau admirablement mis en avant. Après les coups de chapeaux aux légendes, place aux chansons originales : My Days Are So Long a vu le jour en 2006 sur le CD éponyme autoproduit, tandis que I Got A Woman datant de 2014 est présent sur l’album intitulé « Come Back Baby », sans oublier également Goin’ out Walking et le magnifique Snowing in Chicago. L’habitué des clubs touristiques des quartiers nord n’a pas oublié de regarder néanmoins vers le sud et donne le meilleur de lui-même sur la chanson de Latimore, Somethin’ ‘bout ‘cha. La formation soudée qui l’accompagne sans faille est composée de Sergei Androshin à la guitare, Roosevelt Purifoy est aux claviers, Ron Simmons à basse, tandis que le métronome “Big Ray” Stewart est derrière ses fûts. Cet enregistrement fait maison les 16 et 17 mai 2019 chez Mama Rosa est réussi de bout en bout et ravira les nombreux fans du sympathique bluesman. – Jean-Luc Vabres
John Blues Boyd
What My Eyes Have Seen
Gulf Coast Records / GFI-Productions – www.gulfcoastrecords.net
Ces Ray-Ban là cachent des yeux qui en ont vu… Né dans le Mississippi en 1945 dans la région de Greenwood, il est ouvrier cueilleur dès l’âge de sept ans, milite pour les Droits Civiques en lien avec Martin Luther King à partir de seize ans, avant de devoir quitter sa maison et fuir son Mississippi natal sous le coup de menaces du Klu Klux Klan. Durant de nombreuses années, il exercera le métier de couvreur et vivra relativement reclus jusqu’à sa rencontre avec Dona Mae, qui deviendra son épouse et dont il partagera la vie durant 49 ans. Dans les années 80, il vit en Californie. Lui qui a toujours chanté se lancera finalement très tardivement – après le décès de son épouse en 2014 – dans une carrière de musicien, et enregistre son premier album à l’âge de 70 ans. « What My Eyes Have Seen… » est son sixième opus, le deuxième enregistré dans les Greaseland Studios de Kid Andersen qui est à la production, à l’écriture et à la guitare, avec son propre band. Ce formidable disque de Blues fait un peu figure de concept album, à la manière du premier opus marquant de Mighty Mo Rodgers, « Blues Is My Wailing Wall ». « What My Eyes Have Seen » raconte le passé de cet homme meutri, sans aucune mièvrerie, parle des Droits Civiques en s’adressant directement à l’assassin du Dr King (superbe Why Did You Take That Shot avec la guitare transcandée de Kid andersen), ou rend un hommage émouvant à son épouse disparue dans A Beautiful Woman (for Donna Mae). La voix grave de John Blues Boyd est d’une clarté remarquable, belle au sens propre, soutenue, émouvante. Le groupe qui intègre des cuivres est tout simplement exceptionnel, chaque titre mérite la plus grande attention. L’écriture et la collaboration musicale de John Blues Boyd et de Kid Andersen en dit long sur leur amitié. Sans nul doute, cet album promet d’être l’un des enregistrements incontournables des prochains mois avec, nous l’espérons, une venue prochaine en Europe des ces artistes hors norme. – Marcel Bénédit
Roomful Of Blues
In A Roomful Of Blues
Alligator ALCD4998 – www.alligator.com
On ne présente plus ce groupe fondé en 1967 mais qui a adopté sa formule actuelle en 1970 avec l’arrivée d’une section de cuivres. Cela fait donc cinquante ans que Roomful Of Blues – un octet avec des guests occasionnels – sillonne avec succès les highways du Blues et du R&B sous la direction aujourd’hui du guitariste Chris Vachon (arrivé en 1990 et aux commandes depuis 1998) avec le saxophoniste Rich Lataille (alto et ténor) arrivé en 1970 et le chanteur Phil Pemberton qui est là depuis 2010. Le groupe a privilégié, pendant longtemps, un jump blues énergique et festif, mâtiné de swing et de proto-rock’n’ roll, mais depuis quelques années il s’est ouvert à des influences plus blues, voire zydeco, et c’est ce que l’on découvre dans cet album, le cinquième pour Alligator Records et le vingtième pour faire bonne mesure, avec un premier opus sorti sur Island Records en 1977. Cela donne une idée du chemin parcouru et du succès rencontré. Le groupe actuel, les « anciens » et les « nouveaux », a toujours une pêche d’enfer, que ce soit dans les neuf titres originaux ou dans les quatre reprises dont de bonnes versions musclées du What Can I Do de Buddy Ace et du Too Much Boogie de Doc Pomus. Le jump blues bien enlevé est toujours là avec She’s Too Much, boosté par la section de cuivres omniprésente et mordante à souhait (I Can’t Wait, Watch Your Back). L’humour déjanté est présent avec Let The Sleeping Dog Lie, slow et chaloupé avec de bonnes parties de guitare, d’orgue (Rusty Scott) et de cuivres… Et surtout le désopilant Phone Zombies en mode slow et rythmé. Il y a de la place aussi pour du rock and roll endiablé avec We’d Have A Love Sublime, sans oublier de beaux slow blues comme You Move Me ou le dramatique Carcinoma Blues et le titre éponyme en medium. Citons enfin Have You Heard avec sa touche zydeco (avec, en guest, Dick Reed à l’accordéon) et on oubliera She Quit Me Again, une ballade (un peu trop) sirupeuse en slow. – Robert Sacré
Victor Wainwright and The Train
Memphis Loud
RUF Records RUF 1280 – www.rufrecords.de
Victor Wainwright fait le désespoir de tous les services communication de toutes les compagnies ferroviaires de ce pauvre monde ! Alors que ceux-ci usent leur jeunesse et leur santé à nous vendre les trains les plus rapides, les plus silencieux et les plus stables jamais conçus, le train de Victor Wainwright déboule dans un vacarme d’un autre siècle, au milieu d’un impénétrable nuage de fumée, ponctué de tchou-tchous assourdissants, comme dans Mississippi ou Memphis Loud. On lui pardonne, car son Amérique à lui – celle de ce chanteur, pianiste et – est encore celle du boogie-woogie, du rock’n’roll, du jazz et de la soul. Toujours épaulé par une solide section rythmique, des cuivres et de nombreux invités, il nous invite une nouvelle fois dans son univers malicieux, sinueux et sensible, que la grande ballade « otisreddingienne » Reconcile, en toute fin de disque, donne davantage encore envie de rejoindre. – Dominique Lagarde
Johnny Rawls
Live In Europe
Continental Blue Heaven CD 2037
En 2019, au cours d’un périple européen, Johnny Rawls a fait escale dans trois studios situés en Allemagne et au Danemark pour y enregistrer ce nouvel album. L’excellente formation germanique qui l’accompagne est celle des Özdemirs et c’est une affaire de famille puisque le père Erkan est à la basse, tandis que ses deux fils Kenan et Levent se partagent la guitare et la batterie ; à noter également la participation du pianiste italien Alberto Marisco. Le répertoire proposé mélange des titres originaux et des reprises puisque l’on retrouve des classiques comme Too Weak to Fight de Clarence Carter, Turning Point (l’hymne de Tyrone Davis) ou encore l’inusable Pouring Water on a Drowing Man qui appartient à James Carr. À noter également l’excellente interprétation de Beast of Burden des Rolling Stones qui est admirablement mise en valeur. Une composition originale touchera j’en suis sur de nombreux fans, c’est le titre qui clôture le CD, I miss Otis Clay ; la chanson est magnifique, difficile de ne pas être ému en écoutant l’ancien directeur musical d’O.V. Wright évoquer la mémoire de notre ami. Tous les deux avaient signé le superbe album intitulé « Soul Brothers » paru chez Catfood Records en 2014. À cette époque, les deux artistes nous avaient accordé une interview au cours du Lucerne Blues Festival. Signalons ici la cohésion du groupe entourant Johnny Rawls qui, au final, s’en sort avec les honneurs : chapeau bas The Özdemirs ! Une fois encore, le registre soul/blues concocté par Johnny Rawls fonctionne à merveille ; ce nouveau CD est à l’image des précédents, totalement réussi. Johnny Rawls possède une classe folle. – Jean-Luc Vabres
Carolyn Gaines
Beware Of My Dog
Polka Dot Records
Qui l’eut cru ? Roy Gaines est l’heureux père d’une chanteuse qui se lance hardiment dans la jungle du show business et, pour être accompagnée, elle a recruté entre autres deux légendes du R&B : les saxophonistes Big Jay McNeely (dans trois faces) et son oncle Grady Gaines Jr (dans deux faces). Elle a pastiché neuf des onze titres en s’inspirant d’artistes qu’elle admire comme Big Mama Thornton (le titre éponyme avec McNeely, calqué sur Hound Dog), ou Jimmy Reed (Stone out Of Your Raggy Mind – avec Grady Gaines Jr –, est basé sur Baby What You Want Me To Do ?), etc… Sa voix est très/trop nasale et souvent grasseyante, ce qui imprime à ses chants une bonne dose de vulgarité qui ne sera pas du goût de tous. C’est limite dans le nerveux Catch That Train (avec Grady Gaines Jr) inspiré par le Boom Boom de J.L. Hooker. Par contre, c’est patent (et dérangeant) dans ses « compositions-pastiches » comme Mr. Dill Pickle inspiré par I Want A Piece Of Your Pie de Blind Boy Fuller (1937), mais aussi dans I’m Your Cat Baby avec McNeely (vaguement calqué sur Back Door Man de H.Wolf) et dans les covers comme Hoochie Coochie Woman ; l’idée de faire un pendant au titre macho de Muddy Waters était bonne – mais le style vocal n’est pas à la hauteur, ou comme dans Done Got Old modelé sur le même titre enregistré en 1966 par David Jr. Kimbrough, etc… McNeely intervient aussi dans Something On Your Mind, une de ses propres compositions et une heureuse conclusion à l’album, mais on conseillera à Miss Gaines de se choisir un bon coach vocal. – Robert Sacré
Phantom Blues Band
Still Cookin’
Vizztone Label Group – www.vizztone.com
Ce groupe de musiciens de studio assemblés par Taj Mahal en 1993 pour son album « Dancin’ the Blues » en est à son quatrième CD (dont deux sur Delta Groove). Ils ont obtenus deux Grammys et un W.C. Handy Award. Ils ont tous joué avec les plus grands : Mike Finnigan (claviers et chant ) avec Jimi Hendrix, Etta James, Buddy Guy. Tony Braunagel (drums) avec Eric Burdon et sur plusieurs albums de Taj Mahal. Ils interprêtent ici un R’n’B moderne, puissant et groovy avec une batterie très en avant. Leur reprise de Don’t Fight It de Wilson Pickett nous ramène aux grandes heures de la soul de Memphis. Second line avec Wingin’ my Way dans le style Neville Brothers, Fess On Up est un hommage à Dave Bartholomew et I’m Just Your Fool de Buddy Johnson peut faire penser au titre du même nom de Little Walter, les cuivres remplaçant l’harmonica. Tout est bon et l’ensemble constitue un excellent CD qui n’a rien de fantomatique (vu le nom du groupe) ! – Marin Poumérol
Michelle David & The Gospel Sessions
Vol. 4
MDGS Records MDGS0005
Comme les vieux albums de James Cleveland chez Savoy, les disques de Michelle David & the Gospel Sessions portent un numéro. Cette chanteuse originaire de Caroline du Nord jouit d’une renommée grandissante et ce disque ajoutera une pierre importante à l’édifice. Il est ici question de Soul, sans exclusive, puisque des influences caribéennes ou africaines viennent colorer l’ensemble. Cette croisée d’influences musicales explose dans Victory !, très Santana, ou encore l’insistant Testify. Oh My My adopte un rythme reggae et le disque se referme sur un émouvant Second Chance. Si le reste de l’album – en particulier toute la première partie – se décline sous forme de soul/funk plus traditionnelle autour de la rythmique et des cuivres, il est toujours éclairé par de belles compositions et la voix haute et pleine de feeling de Michelle David. L’interprète a trouvé aux Pays-Bas des co-compositeurs, accompagnateurs, arrangeurs et producteurs de talent (Paul Willemsen, Onno Smit et Bas Bouma), qui permettent à cet album de rejoindre sans conteste le peloton de tête des révélations de la scène soul. – Dominique Lagarde
Mojo Buford
Mojo Workin’
Americana Anthropology AA-103
George Carter Buford alias “Mojo Buford” (1929-2011) fut l’une des grandes figures du Chicago blues. Natif d’Hernando, Mississippi, il chante d’abord à l’église puis apprend l’harmonica avec son père. Après un passage par Memphis où il joue dans les clubs à partir de 1943, il s’installe à Chicago dans la première moitié des années 50. Il y forme les Savage Boys et fait souvent les premières parties de Muddy Waters. Ce dernier, séduit par son jeu d’harmonica, finit par l’engager dans son groupe en 1959, succédant ainsi à James Cotton et Little Walter. Mojo Buford quitte le band de Muddy Waters, part à Minneapolis et entreprend ensuite une carrière solo avec, pour premier album, le très réussi « The Exciting Sound Of Mojo Buford » en 1963. Il reviendra néanmoins à plusieurs reprises jouer au sein du groupe de Muddy en 1967-1968, en 1971-1972 et au début des années 80, le suivant même en tournée mondiale. Dans les années 80 et 90, il enregistrera une dizaine d’albums. Nous aurons la chance de le voir une dernière fois lors du Lucerne Blues Festival, quelques mois avant sa disparition. Le disque présenté ici est une véritable gageur. Sundazed a mis la main parmi les archives sur une série de trois séances gravées en studio par Mojo Buford en 1969 avec de jeunes musiciens, dont le guitariste des Trashmen. Le répertoire comprend des morceaux que Buford jouait sur scène à l’époque (Help Me, Got My Mojo Working, Blues Is a Botheration…), mais aussi des compositions telles Love Without Jealousy qui sera réenregistrée postérieurement par Muddy Waters pour son album de 1973 « Mud In Your Ear ». D’autres faces sont des originaux de Mojo Buford : Deep Sea Diver, Lost Love, Stingin’ Bee Blues. Évidemment, la musique est ici superlative et ce disque fait office de document majeur concernant cet artiste qui, entre son album de 1963 et ses enregistrements des années 80-90, a peu séjourné en studio pour son propre compte. – Marcel Bénédit
Johnny Burgin
With Special Guests
No Border Blues
Delmark Records DE 863 – www.delmark.com
Après plusieurs tournées au Japon, Johnny Burgin a décidé de partager son nouvel album avec la fine fleur du Blues nippon. Ses déplacements sur l’ensemble de l’archipel au fil des années ont permis au guitariste – dorénavant relocalisé sur la côte ouest des États-Unis – de rencontrer de nombreux musiciens locaux. Tout ce beau monde s’est réuni à Osaka dans le studio Fukuda pour mettre en boîte ce nouveau CD sous la houlette de Stephanie Tice, l’épouse de Johnny, mais aussi la productrice de l’enregistrement. Autant le dire de suite, l’alchimie fonctionne à merveille sur les onze titres proposés, toute cette belle équipe s’en donne à cœur joie. Mention particulière pour la chanteuse et guitariste de Kobe, Nacomi Tanaka, qui est excellente ; elle assure un maximum sur le morceau Hurry Up Baby c’est une musicienne chevronnée qui connaît parfaitement l’éventail de la musique populaire afro-américaine, elle mérite vraiment sa place sur cet album. Elle a déjà joué aux USA et a croisé la route de nombreux bluesmen. N’oublions pas les harmonicistes Kotez, Iper Onishi et Kaz Nogio qui font des prouesses sur des compositions comme sur le classique de Little Walter I Just Keep loving Her (Mada Sukinanda), ou encore Samurai Harp Attack et Old School Player. Au niveau du chant, Lee Kanehira, Iper Onishi sont également tous les deux excellents, tandis qu’à la batterie nous découvrons le doué Takagiman, c’est l’un des coups de cœur d’un précédent voyage de l’ancien équipier de Tail Dragger qui souhaitait l’inclure dans ce nouveau projet musical. Saluons comme il se doit l’excellente initiative de Johnny Burgin – comme toujours impérial à la guitare – d’avoir réuni autour de lui la crème des musiciens japonais. Il signe une formidable session. Le titre de l’album est choisi à bon escient, il n’y a définitivement aucune frontière pour le Blues. Une belle réussite. – Jean-Luc Vabres
Ryan Perry
High Risk, Low Reward
RUF Records RUF 1278 – www.rufrecords.de
Quand un très jeune homme de vingt-cinq ans chante « I been around a long time, I’ve really paid my dues », paroles du classique de B.B. King Why I Sing The Blues, cela peut sembler un peu prétentieux et prêter à sourire. Mais le chanteur-guitariste Ryan Perry, originaire de Tupelo, Mississippi, peut se les approprier sans vergogne. Malgré son jeune âge, il une très longue expérience du monde du Blues. Tout débuta en 2007 avec The Homemade Jamz Blues Band, un trio familial formé de Ryan Perry (chant et guitare) ; son frère Kyle à la basse et sa sœur Taya derrière les fûts, sous la houlette de Renaud, le pater-familias qui parfois jouait de l’harmonica avec l’orchestre de ses enfants. Cette formation enregistra deux CD pour Northern Blues Records et deux en auto-production. Ryan Perry est sorti du cocon familial. Le voici décidé à devenir un leader. Mais il a gardé la formule en trio avec le bassiste et producteur de la séance, Roger Innis, et la batterie de Lucy Piper. C’est à Berlin (Allemagne) que Ruf Records a enregistré le disque. Ryan Perry est devenu un excellent guitariste au son assez moderne et au jeu tout en retenue. Il dédaigne l’esbroufe. Son chant est assuré, sa voix mûre ne trahit pas sa jeunesse. À ces qualités s’ajoutent chez Ryan Perry des talents d’auteur-compositeur. Huit chansons sont de sa plume. Changing Blues est sombre blues lent très prenant sur l’évolution de notre musique préférée. One Thing’s For Certain avec son riff funky et son excellent solo de guitare nous régale. High Risk, Low Reward et Hard Times ont un Hill Country groove du meilleur aloi. Trois reprises complètent le répertoire, dont une excellente lecture du Why I Sing The Blues de B.B. King et une interprétation aux sonorités hendrixiennes de Evil Is Going On de Willie Dixon. Grâce à ce disque prometteur, Ryan Perry rejoint la cohorte des rares talentueux jeunes (ou moins jeunes) bluesmen apparus ces dernières années. – Gilbert Guyonnet
Whitney Shay
Stand Up
RUF Records Ruf 1279 – www.rufrecords.de
Withney Shay est une chanteuse à la flamboyante chevelure rousse qui était censée faire partie de la Blues Caravan RUF 2020 avec Jeremiah Johnson et Ryan Perry… Mais la pandémie du Covid-19 en a décidé autrement, on espère seulement que cette Blues Caravan pourra se dérouler plus tard dans l’année ou l‘année prochaine, qui sait. En attendant, on peut déjà écouter Miss Shay dans cet album dont elle a composé dix des douze titres. Ses partenaires sont Red Young (keyboards), Chris Maresh (gt) et Brannen Temple (dms dans six faces) ou Tommy Taylor (dms dans quatre), et Laura Chavez (gt), sans oublier les Texas Horns de ‘Kaz’ Kazanoff (sax ténor et producteur de la séance) avec John Mills (sax baryton et flûte) et Al Gomez (tp), très en verve quasiment partout, en particulier dans You Won’t Put Out This Flame, Tell The Truth, Change With The Times… Ce n’est pas tout, il y a des guests de premier plan comme Marcia Ball (p) et Guy Forsyth (resonator gt) dans le chaloupé Boy Sit Down, une des meilleures faces du recueil, au parfum New Orleans et, de surcroit, Forsyth est en duo vocal avec Shay dans un très soul Far Apart (Still Close) avec une Laura Chavez très inspirée, comme dans Getting In My Way et ailleurs. Enfin, Derek O’Brien est à la slide guitare dans Equal Ground et se lance dans un super duo de guitaristes avec Laura Chavez. Pour le reste, on démarre en fanfare avec un robuste conseil à suivre sans modération – Stand Up – suivi de Someone You Never Got To Know, un titre plein d’émotion (et de larmes en studio paraît-il) et le reste est à l’avenant, ce compris deux ballades aux très belles mélodies : I Thought We Were Through et I Never Meant To Love Him. – Robert Sacré
Reverend Shawn Amos & The Brotherhood
Blue Sky
Put Together Music PTM-00008 – www.shawnamos.com
Ne faites pas le tour des multiples églises américaines pour savoir s’il est baptiste, adventiste, pentecôtiste ou que sais-je, vous ne trouverez pas trace du Révérend Shawn Amos dans les registres paroissiaux ! Pas vraiment usurpateur non plus, Shawn Amos, chanteur et harmoniciste, prêche depuis quelque temps déjà, sa foi dans le rock et les musiques raciniennes qui constituent aujourd’hui l’Americana avec un Stranger Than Today très accrocheur en ouverture. Autour de lui, des assistants comme le batteur Brady Blade, le bassiste Christopher Thomas et le guitariste Chris “Doctor” Roberts. Pas des enfants de chœur non plus, puisqu’ils savent élever le ton dès que les fidèles semblent s’égayer de l’office (le blues déclamatoire Troubled Man, avec Ruthie Foster ; Counting Down The Days ; les rocks/r’n’b’ Hold Back, The Job Isneverdone, 27 Dollars). Il faut garder la foi, tout en s’amusant, nous assure le révérend. C’est la philosophie de ce disque. – Dominique Lagarde
Chickenbone Slim
Sleeper
No label/no number – www.ChickenboneSlim.com
Le chanteur guitariste Chickenbone Slim (Larry Teves) et l’harmoniciste Troy Sandow proposent ici un troisième album avec en guest la guitariste Laura Chavez. C’est de l’excellent blues classique de bout en bout (Chicago et Gulf Coast surtout) enregistré au Greaseland Studios de Kid Andersen. C’est classique dans le sens prévisible, sans originalité flagrante, mais très agréable à écouter de bout en bout (et je me garderai de dire d’une oreille distraite), les bons moments abondent dans des faces comme Ride, Vampire Baby, Strolling with Chickenbone et autres Dignity ou These Things Happen, car tous les musiciens sont à la hauteur. – Robert Sacré
Sister Lucille
Alive
Endless Blues Records 132019
Sister Lucille est un quartet originaire du Missouri. Kimberly Dill a commencé sa carrière de chanteuse dans les années 1990 dans le domaine de la country, puis elle a découvert le Blues et le Rock qu’elle interprète maintenant. Jamie Holdren a obtenu sa première guitare à l’âge de six ans. Il a beaucoup joué avec des groupes locaux et il a toujours aimé écrire sa propre musique. Mais il a interrompu sa carrière pendant une longue période pour se consacrer à sa famille et surtout pour élever son fils. Des années plus tard, il retrouve sa passion pour la guitare, et il rencontre Kimberly à Memphis. Comme elle, il découvre le Blues et le Rock. Ce duo sera à la base de Sister Lucille qui est complété par Eric Quinn à la basse et Kevin Lyons à la batterie et aux percussions. Cet album a été enregistré en octobre 2019 au studio Ardent à Memphis. Avec neuf compositions originales et deux reprises, toutes les facettes de la musique américaine sont représentées, avec le Blues et le Rock bien sûr, mais aussi la Country, la Soul, le Jazz et le Funk. Le morceau Alive, qui donne son titre à l’album, évoque le long combat que Kimberly a mené contre une maladie. 99 Pounds est une reprise d’un classique du répertoire de la chanteuse Ann Peebles, ce morceau a été écrit par son mari, Don Bryant. W-O-M-A-N a été composé en 1960 par Etta James. À noter aussi que, pour donner plus d’ampleur à leur musique qui dégage déjà une formidable énergie, Sister Lucille a fait appel à une pléiade d’invités. Ainsi, le groupe a pu bénéficier de belles prestations de cuivres, d’orgue Hammond et d’harmonica. Et même si l’on retient surtout la voix chaude et émouvante de Kimberly et les puissants riffs de la guitare de Holdren, ce disque est une très belle réussite. – Robert Moutet
The Mary Jo Curry Band
Front Porch
Autoprod. / CD Baby
Originaire de l’Illinois, M.J. Curry a commencé sa carrière comme chanteuse classique, pianiste et actrice ! Sa rencontre en 2011 avec le guitariste Michael Rapier – devenu son mari – l’a mise sur la route du Blues et, en 2016, ils ont ensemble formé un quartet avec Chris Rogers (bs) et Rick Snow (dms) ; rejoints plus tard par Brian Moore (sax) et tantôt par Brett Donovan, tantôt par Ezra Casey aux claviers. Ils proposent leur premier album dans cette formule avec dix compositions originales et une reprise. En outre, ils sont rejoints par des guests de prestige en la personne de Tom Holland (gt), Albert Castiglia (gt), mais aussi Andrew Duncanson (Kilborn Alley) en duo vocal avec M.J. Curry dans un martial et bien scandé Lookin’ (avec Napier à la slide). A. Castiglia est mis en avant dans un bien enlevé Nothing Is Easy ainsi que dans le haletant We All Had A Real Good Time d’Edgar H. Winter (1972) et dans l’excellent titre éponyme, avec quelques effets wah-wah de bonne facture. Tom Holland, lui, intervient dans All your Lies, un beau blues en médium, ainsi que dans Shake And Bake, un instrumental vitaminé avec E. Casy (keys) et M.Rapier (gt) en super forme. Turn It Loose est aussi un morceau rapide et swinguant avec Curry et Napier qui se donnent à fond et on attribuera encore une mention à Explaining The Blues, un slow blues composé exprès pour Curry par Andrew T. Thomas, un batteur/compositeur bien connu de Chicago. Ajoutons que l’album se conclut avec un festif Joyful sur un mode délibérément funk et gospel, style New Orleans, avec des changements de rythme qui exsudent la bonne humeur et la joie. – Robert Sacré
The Don Washington Trio
Featuring Stan Noubard-Pacha & Simon Boyer
Le festival de Boogie Woogie de Laroquebrou est décidément un lieu d’échanges et de partage. C’est là que les trois protagonistes de cet album se sont rencontrés. Don Washington, né dans l’État de New York, fils de pasteur, a fait ses premiers pas en chantant à l’église et en jouant de l’orgue. Passionné de musique et multi-instrumentiste (il joue aussi de la guitare, de la batterie, de la trompette, du saxophone), il enseigne la musique dans différentes écoles aux USA. À l’âge de vingt ans, il se passionne pour le Blues (The Blues Is My Story) et le Boogie. On ne présente plus le batteur Simon Boyer, vertuose aux fûts tant en Blues qu’en Jazz, directeur artistique du Volcanic Blues Festival, ni les qualités ou le parcours éloquent du guitariste Stan Noubard-Pacha. Cet album est un condensé de ce qu’ils peuvent présenter depuis deux ans ensemble en trio des deux côtés de l’Atlantique. Un mélange de blues et de jazz, où le gospel n’est jamais très loin grâce à la voix magique de Don Washington (Tears On My Pilow, signé de sa main). L’ensemble des titres sont d’ailleurs des compositions de cet organiste magnifique, en dehors de I’m Tore Down de Sonny Thompson impeccablement interprété, de Wang Dang Doodle de Willie Dixon et de Nasty que l’on dit à Stan Noubard-Pacha. À ce propos, si un très léger reproche peut être fait à ce formidable album en trio, c’est à propos du mixage et d’une guitare que je trouve un peu trop « en arrière-plan » jusqu’à ce titre de Stan. Mais cela ne saurait entacher la qualité d’ensemble de cet album dont on se délecte de bout en bout. – Marcel Bénédit
Avey Grouws Band
The Devil May Care
Autoprod./ CD Baby
En 2017, la chanteuse Jeni Grouws et le guitariste Chris Avey ont uni leurs talents respectifs pour former un tandem très actif dans les Quad Cities, de part et d’autre du fleuve Mississippi (Davenport et Bettendorf en Iowa, Rock Island et Moline en Illinois). Leur quartet avec Bryan West (dms) et Randy Leasman (bs) a été demi-finaliste des I.B.C tant en 2018 qu’en 2020. À noter que Grouws possède une belle voix d’alto qui lui permet de chanter dans des registres très différents, passer d’une brise légère à une tornade tonitruante. De son côté, Avey est un guitariste haut de gamme et éclectique, bien soutenu par la section rythmique. Pour leur premier album (un peu court avec ses 35 minutes et des poussières…, mais dont Avey et Grouws ont composés les dix titres), ils se sont adjoint Nick Vasquez (très en verve au piano dans les superbes Dig What You Do et Let Me Sings The Blues ; il est à l’orgue dans Come And Get This Love) ; on retrouve aussi deux souffleurs (Dan Meier, tp et Nolan Schroeder, sax) dans Two Days Off (And A Little Bit Of Liquor), un hommage à ceux qui travaillent dur pour surmonter la difficulté des temps et d’ailleurs, tout du long, les textes sont intéressants, très en phase avec la vie courante, particulièrement ceux du titre éponyme (traitant d’une « affaire interdite… mais dont seul le diable se soucie »), de Dirty Little Secret ou de Rise Up (« … transforme ta colère en action ! »). Quant à Long Road, il célèbre avec lyrisme les grands espaces des plaines de l’Iowa avec Avey à la slide et Vasquez aux claviers. – Robert Sacré
Black Market Brass
Undying Thirst
Colemine Records
Cette formation instrumentale de Minneapolis sort un deuxième album, d’une musique menée à un train d’enfer et dans laquelle s’entrechoquent guitares, cuivres, rythmique, lancés à toute allure. Il y a peu de répit dans cet ensemble de huit titres, relativement court (34 minutes) où seul un titre plus atmosphérique baptisé Intro, donne un peu d’air sans vraiment apaiser. On pense à une bande originale de film de la Blaxplotation, où les scènes violentes et rapides s’enchaînent au bout du suspense, pourtant le propos semble encore ailleurs. « Une musique teintée d’Afrobeat nigerian qui nous projette dans le XXXIè siècle » dit un texte de présentation. Bref, nous pourrons nous estimer heureux si, le moment venu, comme celui qui orne la pochette, notre crâne est encore entier. Je préfère ne pas y penser. – Dominique Lagarde
Backtrack Blues Band
Your Baby Has Left
Vizztone Label Group VT-BTB07 – www.vizztone.com
Nouvel album pour ce groupe de la région de Tampa en Floride qui a accompagné une pléiade de blues bands (B.B. King, Buddy Guy, Koko Taylor, Johnny Winter, Stevie Ray Vaughan, Greg Allman, John Lee Hooker, Robert Cray…) et signe ici son septième album sous l’égide du chanteur/harmoniciste Sonny Charles qui, en outre, a composé six des neuf faces, tandis que le guitariste/chanteur Kid Royal en signe deux autres. Il y donc une reprise, le Natural Born Lover de Jimmy Reed et ce morceau, avec d’autres faces, marque l’influence du Chicago blues dans le répertoire de ce band, ainsi que Girl on Bordeaux Mountain (avec Bruce Katz au piano), Killin’ Time (B. Katz à l’orgue Hammond), You’ll Come Back Someday, … D’autres faces se rattachent plutôt au courant Texas blues comme Times Is Hard, un slow blues avec arpèges à gogo à la Texane sur guitare percutante (Royal), harmonica (Charles) et orgue (Katz), tous en phase, ainsi que des cuivres rentre-dedans (Vinnie Ciesielski, tp et Brad Gruin, sax). – Robert Sacré
Bourbon Street
Stop And Listen
Autoproduit – bourbon.street.free.fr
Bourbon Street est l’un des groupes français les plus anciens. Depuis 1992, le duo a produit cinq albums, un DVD live, et donné plus de 1000 concerts. Originaires et basés en Limousin, Eric Vacherat est au chant et à la guitare rythmique, Cyril Menet assure la guitare acoustique et la guitare slide électrique. Pour ce nouveau CD, ils ont fait appel à Laurent Cagnon qui est à l’harmonica sur la majorité des morceaux. Pour la reprise du morceau 32-20 de Robert Johnson, Ludovic Nagy apporte son soutien à la caisse claire et dans Sittin on Top of the World, Léonard Zandstra est au violon. Cyril et Eric se partagent les six compositions originales et interprètent sept reprises d’incontournables du Blues comme Charley Patton, Robert Johnson, J.B. Lenoir, Robert Wilkins ou Walter Vinson. Leur but est toujours de faire partager leur passion pour le blues acoustique. Ainsi, ils nous emmènent du Country blues au Chicago blues d’avant-guerre. Plus surprenante est donc la reprise de Seven Days du chanteur guitariste irlandais Rory Gallagher, mais l’explication est indiquée sur le livret : pour eux, Rory, disparu à 47 ans, était un ange ! Avec ce CD, la voix chaude d’Eric et l’excellent jeu de guitare de Cyril, Bourbon Street confirme sa place dans les meilleurs groupes de blues acoustique européens. À ne pas rater. – Robert Moutet
Mojo Bruno
Blues & Others Colored Inventions
Sweet Home Production SHP 0120
De son vrai nom Bruno Metregiste, “Mojo Bruno” est né à Toulouse, avec des ascendants originaires de la Guadeloupe. Sa passion pour le Blues s’affirme après plusieurs recontres avec Muddy Waters et Albert King. Et il y a déjà plus de vingt-cinq ans qu’il a formé son premier groupe – Mojo Band – qui sera suivi par les Mannish Boys. Donner à son groupe le nom d’un des plus célèbre morceaux de Muddy Waters n‘est pas un hasard. Depuis 1994, dix disques sont sortis sous le nom des Mannish Boys et deux sous le nom de Mojo Bruno où il est en solo acoustique.Voici donc le troisième disque de Mojo Bruno, mais avec ses fidèles compagnons des Mannish Boys : Phil Gal à la basse, Gilles Alberola à la batterie et Christian Seminor aux percussions. De plus, il fait appel à Loucas Bidard à la basse, Clément Boyer à la batterie, Fred Teysseyre aux claviers, et aux voix de Aïcha Ouro Agouda et Lilah Sèlèna. Mojo Bruno est au chant, mais aussi aux claviers et au dobro, à la guitare électrique et à l’ harmonica. Il a composé onze des treize morceaux, Big Bamboo étant de Mighty Sparrow et Voodoo Child de Jimi Hendrix. Ce dernier morceau est une remarquable réussite, bien qu’il soit très éloigné de son créateur. Il démontre que Mojo Bruno est toujours à la recherche de sonorités nouvelles. Et les autres morceaux de ce « Blues & Others Colored Inventions » le démontrent largement. – Robert Moutet
Philippe Grancher
25 years of blues 1995-2020
Culture Blues Production
Philippe Grancher nous propose avec ce CD un best of de son parcours discographique depuis son premier enregistrement paru en 1997 jusqu’à son dernier live au Bercy Village en 2018. Ce CD comprend onze titres dont quatre instrumentaux et quatre live. Pour ce long parcours qui mélange blues et rock avec un peu de jazz, il a su s’entourer de musiciens bien connus. Dans Shuffle in A, il dialogue avec Nico Wayne Toussaint et c’est le seul titre où Philippe joue de la guitare slide. Dans Mercy, Mercy, Fred Chapellier joue de la guitare rythmique. Jazz Pack nous offre un magnifique solo du saxophoniste Drew Davis. Sont invités dans d’autres faces Vincent Bucher, Stan Noubard-Pacha, Peter Nathanson, Nadège Dumas, sans oublier les G-Men. Pour les morceaux en live, Sky is Crying a été enregistré au Festival Grésiblues, All You Love et Let The Good Time Roll lors d’un passage au Méridien. Enfin, Big Time Gambler est une composition que Philippe avait jouée au Bercy Village. Voici donc un disque qui nous offre un agréable retour vers le passé et qui fera découvrir à ceux qui ne le connaisse pas encore, un excellent musicien qui fût souvent considéré comme l’un des meilleur guitariste français. – Robert Moutet
Fenton Robinson
The Chicago Blues Master
Live And Studio Sessions 1989/92
JSP Records JSP3017 – www.jsprecords.com
Le label de John Stedman fait ici un joli coup en nous proposant différentes – rares ou inédites – sessions du génial Fenton Robinson, artiste que l’on a tendance à oublier à mon humble avis un peu trop rapidement. Alors, rendons grâce à JSP de remettre ce grand musicien sous les feux de la rampe, c’est tellement mérité. Les quatre titres d’ouverture proviennent d’une session enregistrée à Manchester, le 28 mars 1989, dans les studios locaux de la BBC ; le maestro y est épaulé par la formation de Norman Beaker. Le créateur de Somebody Loan Me A Dime dévoile toute sa classe sur les classiques indémodables de son répertoire comme You Don’t Know What Love Is, I Had A True Love, Just A Little Bit ou You Say You’re Leaving. Ces quatre morceaux ont déjà vu le jour sur le compact intitulé « Paul Jones R&B Show Volume 3 » (JSPCD 235), tandis que les deux suivants – à savoir Help Me et Stormy Monday – datant du 21 mars 1989, ont été édités notamment sur un CD dédié au Burnley Blues Festival. Les quatre morceaux restants proviennent du passage de l’artiste, le 9 mai 1992, au Spring Blues Festival d’Ecaussines en Belgique. Présenté sur scène par Son Seals et épaulé par sa formidable formation, Fenton Robinson démarre en trombe avec son instrumental baptisé Nightflight, puis se lance durant près de dix minutes sur le funky Ghetto Train dans lequel les solos s’enchaînent d’une manière folle. Son Seals met à chaque fois son immense talent à la disposition de Fenton, ses attaques à la guitare sont reconnaissables à cent kilomètres à la ronde ; personnellement, elles me font à chaque fois chavirer de plaisir. Nous reprenons notre souffle avec le classique et admirable Going To Chicago pour finalement se régaler avec une nouvelle version You Ddon’t Know What Love Is, dans laquelle le génial guitariste déroule son jeu unique, subtil et délicat : un vrai bonheur ! Fenton Robinson était un artiste exceptionnel qui, malheureusement, suite à de nombreux déboires, n’a pas eu la carrière qu’il méritait. Voici un album dont il sera bien difficile de se passer. – Jean-Luc Vabres
John Lee Hooker
Documenting The Sensation Recordings 1948-1952
ACE JLHBOX019 (3 CD) – www.acerecords.co.uk
Le 22 août 1912 (1), à Tutwiler, dans le comté de Tallahatchie, Mississippi, une fée se pencha sur le misérable berceau d’un petit garçon prénommé John Lee. Elle lui attribua le « don de plaire ». « Mais plaire comment ? plaire … ? plaire pourquoi ? » lui demandèrent les parents, pauvres métayers du Delta. Ceux-ci n’imaginaient pas le monument qu’allait devenir leur rejeton qui séduisit la planète avec sa musique. John Lee Hooker semble avoir été élevé dans un univers à part. Aucun bluesman de la génération précédente, ni ses contemporains de Clarksdale interviewés, n’ont eu le moindre souvenir de John Lee Hooker. Son beau-père, Willie Moore, fit son éducation musicale. John Lee Hooker en revendiqua l’héritage. Mais Willie Moore est toujours une énigme : il n’a jamais enregistré. John Lee Hooker a très certainement exagéré la réputation de son beau-père. David Evans et Gayle Dean Wardlow, deux des principaux chercheurs de terrain, n’ont jamais rencontré la moindre anecdote ou le moindre indice au sujet de ce Willie Moore, malgré leurs infatigables pérégrinations dans le Delta du Mississsippi. Quand il arriva à Detroit en 1943, après avoir vécu six ans à Cincinnati, John Lee Hooker avait déjà mis au point cette musique inimitable et si personnelle qui n’a jamais cessé de nous envoûter. Son jeu de guitare est d’une splendeur sulfureuse. À un journaliste de Guitar Player, en 1991, qui s’étonnait que John McLaughlin citât le « mauvais guitariste » (dixit le journaliste) John Lee Hooker comme une de ses principales influences, McLaughlin répondit : « Croyez-moi, j’aimerais bien savoir aussi mal jouer de la guitare que John Lee Hooker ; réussir en quelques notes à créer une telle ambiance, un tel feeling … » Il exerça divers petits métiers pendant la journée. Parfois, il s’endormait sur son lieu de travail car, la nuit, il animait des « house parties » ou se produisait à l’Apex Bar, au Caribbean Club, au Henry’s Swing Club et au Sensation. La rumeur de l’éclosion d’un remarquable nouveau talent se répandit comme une trainée de poudre dans le monde du business musical de Detroit. Elmer Barbee, disquaire dans Lafayette Street, se rendit dans un Apex Bar bondé pour rencontrer le nouveau phénomène. Il aurait alors dit à John Lee Hooker : « You are the best I ever heard ». Après quelques tentatives d’enregistrement dans son arrière-boutique, Barbee, captivé par sa découverte, présenta Hooker à Bernard Besman, un homme d’affaire avisé, qui, de son propre aveu, était beaucoup plus intéressé par l’argent que par la musique. C’est ici, un 3 septembre 1948, que commence ce coffret ACE de trois CD. À cette époque, Hooker se produisait très souvent en trio. Le génie de Besman fut de convaincre son protégé d’enregistrer en solitaire et d’en tirer la quintessence. Peu importent le jeu de guitare erratique sur un seul accord, les monologues improvisés parlés au cœur de la chanson encouragés par Besman malgré le bégaiement de Hooker et le « foot tapping », plaie des ingénieurs du son des studios. Au contraire, Besman va renforcer cette frappe du pied en fixant une capsule de bouteille de soda sous la semelle de l’artiste et placer le micro afin de mettre en avant cette pratique peu orthodoxe dans les studios souvent rudimentaires de cette époque. Ce qui sera enregistré jusqu’en mai 1952 sous les auspices de Bernard Besman est devenu monument historique du Blues, l’un des sommets des musiques populaires du XXe siècle. Vous connaissez tous les titres rassemblés ici. Je vous épargne la liste. Je ne gloserai pas. En véritable archéologue, ACE a exhumé de ses archives dix-neuf inédits : versions plus longues que celles publiées, prises alternatives jamais entendues (Build Myself A Cave, Boogie Chillen #2, I’m In The Mood). ACE a confié la présentation de ce coffret à Peter Guralnick, une référence pour tout amateur de musique. L’absence de discographie a souvent été le péché du label anglais. L’absolution leur est accordée : une discographie complète le livret. Les chansons ont été disposées par ordre chronologique. Le troisième CD s’achève avec la séance du 22 mai 1952 et la présence de celui qui fut meilleur accompagnateur de Hooker : Eddie Kirkland ; ce dernier chante même It Hurts Me So. Qu’il est bon de se replonger dans cette musique qui mérite un chapelet de superlatifs. SPLENDIDE ! – Gilbert Guyonnet
(1) Pour l’année de naissance, vous pourrez trouver 1917. Mais j’ai retenu 1912 comme le proposent Bob Eagle et Eric S. LeBlanc dans « Blues, A Regional Expérience » p.190, Praeger Publishers (2013). Les auteurs ont consulté le recensement fédéral de Tutwiler réalisé le 3 février 1920. Il y est indiqué la présence d’un prénommé John, âgé de 7 ans, un des neuf enfants vivant chez William et Minnie Hooker. Ce qui semble bien indiquer 1912 comme année de naissance.
Johnny Fuller
California Blues – Mercy Mercy, 1954-1962
Jasmine Records JASMCD 3136 – www.jasmine-records.co.uk
Certains amateurs regrettent la diversification des styles musicaux pratiqués dans le champ de la musique africaine-américaine d’aujourd’hui. Il est vrai que les produits proposés sont très variés et parfois hétéroclites. En fait, ce foisonnement n’est pas nouveau. D’ailleurs, nombre d’artistes ont développé en parallèle des approches musicales très différentes. Le cas de Johnny Fuller est exemplaire. Écoutez donc Hard Times ou Buddy, enregistrés en 1954, qui ouvrent ce double CD. Nous avons affaire au Blues, dépouillé, parfois sombre, pur produit de la communauté noire. De celle venue du Sud en Californie pour y trouver une autre vie, moins âpre et de celle qui déjà ouvert de nouvelles voies musicales mais qui n’a pas encore répudié le langage rural. Nous sommes loin, par exemple, des Lovin’ Lovin’ Man ou Remember pourtant enregistrés également en 1954. Un Remember qui ne devrait pas laisser un souvenir inoubliable, surtout chez ceux qui attachent une certaine importance à la justesse, notamment au niveau des chœurs. Je suis toujours réservé sur la publication globale de morceaux qui, en grand nombre, sont menacés de distiller une certaine monotonie. Je ne reviendrai pas sur cet inconvénient. N’oublions pas que notre musique de prédilection fut très longtemps proposée en deux faces, 78 tours ou 45 tours. Peut-être devrions nous ne pas abuser d’auditions interminables pouvant lasser l’auditeur et l’empêcher de mesurer la valeur des artistes. Même avec ce défaut, ces deux CDs méritent certainement votre attention. Ils rendent justice à un bluesman qui méritait mieux qu’une carrière paradoxale qui a vu les séances d’enregistrement se succéder sans que l’une d’elles le conduisent finalement au sommet… Johnny Fuller manqua le train du blues revival qui disparut à l’horizon sans qu’il puisse y monter… Sa fin de parcours fut un peu mélancolique. Le livret nous éclaire sur la carrière de Fuller et, par ailleurs, fait appel à des extraits de Billboard et de Cash Box qui nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement du monde du blues enregistré, après la guerre. Rien que pour les quelques faces emplies de l’esprit le plus pur du blues, ce recueil pourra trouver sa place dans votre collection. Pour ce qui concerne les morceaux relevant le plus des variétés, à vous de choisir. Avant de décider, essayez d’écouter la sélection deux fois. Certains morceaux ont besoin d’acclimater l’auditeur à un univers musical pouvant convenir à un climat éloigné du blues. Un brin de Rockabilly avec No More, un soupçon de Louisiane avec Haunted House, un air sifflé avec You Got me Whistlin’. Ce dernier titre n’étant guère convaincant. Nous sommes loin de John Lee avec son Whistlin and Moanin the Blues à l’atmosphère vraiment magique. Mais, tous comptes faits, je persiste et signe. Ce double CD mérite l’achat non seulement pour Fuller, mais également pour un autre acteur important de la Côte Ouest, Bob Geddins, compositeur et arrangeur important. – André Fanelli
Eddie Bo
Slippin’ And A Slidin’ – Singles As et Bs 1956-1962
Jasmine Records JASMCD 3137 (2 CD) – www.jasmine-records.co.uk
Eddie Bo (1930-2009) est et reste un des géants de ce R’n’B made in New Orleans qui nous passionne tant. Il a enregistré pour une multitude de labels et a également produit des disques pour de nombreux artistes. C’était un animateur né, un pianiste agile et expressif, un chanteur convaincant et profond et un auteur toujours à l’écoute de sa communauté. Nous l’avions rencontré et interviewé en 2007 à Paris (voir ABS Mag #16) et nous en gardons un souvenir inoubliable. Sur ce double CD Jasmine, on trouve 43 titres qui sont ses premiers 45 tours gravés chez Ace (le label de John Vincent) puis Apollo, Checker, Ric et Rip, et c’est une page d’Histoire du R’n’B avec les excellents musiciens du cru et la gouaille et l’humour de notre homme. Musique de danse avant tout. Essayez de résister à des morceaux comme : I Love to Rock’n’roll, Ain’t it the Truth ou Check Mr Popeye qui fut son premier tube, et aussi I’m Wise qui fut repris par Little Richard et Buddy Holly sous le titre Slippin’ n’ Slidin’ . Tout cela est incontournable ! La plupart de ces titres ont déjà été réédités sur un CD « Famous » – Groove 971052 (1994), mais ce double CD est plus complet et possède un meilleur son. Par contre, il existe un excellent double album vinyl Vampisoul 095 qui continue la saga avec des faces de 1956 à 2007. Eddie Bo a énormément enregistré et il ne faut pas louper ses deux albums « Hole In It » et « Shoot From The Root » sur Soulciety et la petite merveille gravée en 1991 avec Chris Barber : « The 1991 Sea-Saint Sessions ». Quoi qu’il en soit, ce CD Jasmine reste une pièce essentielle dans la discographie d’un très grand artiste. À ranger à côté des œuvres de Dr John, Irma Thomas et Professor Longhair. – Marin Poumérol
Johnny Adams, Lee Dorsey
Johnny Adams Meets Lee Dorsey
Rhythm ‘N’ Blues in New Orleans, 1959-1961
Jasmine Records JASMCD 3146 – www.jasmine-records.co.uk
Various Artists
Play It Again Volume 1 – R&B Answers, Copycats & Follow-ups
Jasmine Records JASMCD 3126 – www.jasmine-records.co.uk
Généreuse compilation de 32 titres, dont le principe repose sur trois niveaux de lecture. Le premier : après avoir enregistré une chanson devenue un succès, un artiste tente de doubler la mise avec un titre quasiment identique. Le deuxième : un artiste tente de capitaliser sur le succès d’un autre par une chanson très proche du tube d’origine. Le troisième – très répandu dans les années cinquante et la toute première partie des années soixante – : la chanson réponse, du genre, à « Will you still love me tomorrow », fait écho un « Yes I will love you tomorrow », bâti sur une trame musicale identique. On s’amusait beaucoup à cette époque, dans la limite, bien entendu, du respect des droits d’auteur. Jasmine fait bien les choses en mentionnant le nom de l’original après celui de sa copie pour d’éventuels curieux. On prend plaisir à écouter cette sélection car, au-delà de la redite ou du plagiat, de la victime ou du coupable, cela donne une excellente compilation de R’n’B années 50, avec même de juteux rocks à la Little Richard. Et puis le casting est de tout premier ordre : Roy Brown, Johnny Guitar Watson, Lloyd Price, LaVern Baker, Jackie Brenston, The Cadillacs, Smiley Lewis, The Spaniels, pour ne citer que les plus connus. On trouve même un Jon E. Holiday & Group, sans rapport avec l’idole des jeunes. Attention quand même, les notes du livret sont les mêmes pour le volume 1 et le volume 2 (que nous n’avons pas encore entre nos mains). Des informations portent donc sur des titres qui ne sont pas présents ici. – Dominique Lagarde
Archie Edwards & Dr Ross
Piedmont Blues meets Mississippi Delta Blues
Wolf Records CD 120.930 – www.wolfrec.com
Le titre de cette nouvelle publication du label autrichien Wolf Records laissait augurer de la collaboration de deux musiciens de styles très différents jouant ensemble. Ce n’est pas le cas. Archie Edwards et Dr. Ross ne sont jamais réunis sur les quatorze chansons enregistrées en direct lors d’un concert à Athènes en décembre 1988. Peut-être la combinaison des deux artistes eut-elle lieu parfois sur scène lors de cette tournée en Grèce ? On peut rêver, mais ici pas de trace. Dr. Ross était un homme-orchestre originaire du Mississippi. Il grava une trentaine de titres remarquables pour Sun à Memphis entre 1951 et 1954, puis gagna Flint, Michigan, où il partagea son temps entre son travail dans l’industrie automobile et la musique, qui lui permit de venir souvent en Europe. Sa musique fruste, joyeuse et roborative enchantait le public. Archie Edwards, né en Virginie, s’installa à Washington DC où, après divers métiers dont celui de chauffeur routier, il ouvrit un salon de coiffure, l’Alpha Tonsorial Palace, en 1959. Cette boutique devint très vite un haut lieu fort couru des musiciens de Blues de la capitale américaine : les samedis s’y déroulaient d’interminables jams auxquelles participa Mississippi John Hurt. Ce dernier, idole et ami d’Archie Edwards, s’était installé à Washington DC après sa redécouverte. Le jeu en fingerpicking d’une grande délicatesse d’Archie Edwards était l’antithèse de celui de Dr. Ross. Edwards interprète ici The Road Is Rough and Rocky, une chanson qu’il avait écrite en 1966 en hommage à John Hurt à la mort de celui-ci. Sa musique est aussi marquée par celle de Blind Boy Fuller, Buddy Moss, Lightnin’ Hopkins et Blind Lemon Jefferson dont il reprend Bear Cat Mama. Le répertoire de Dr. Ross est plus familier ; sont particulièrement réussis Baby Please Don’t Go, Good Morning Little Schoolgirl et Biscuit Baking Woman chantés et accompagnés de son harmonica seulement. En fermant les yeux, on pourrait s’imaginer sous une véranda dans le Delta du Mississippi. Le plaisir certainement goûté des spectateurs athéniens est encore perceptible une trentaine d’années plus tard, même pour les oreilles les plus blasées. – Gilbert Guyonnet
Bobby Lewis
Mumblin’, Tossin’ and Turnin’
Jasmine Records JASMCD 1034 – www.jasmine-records.co.uk
Il y a quelque chose de magique dans le vaste univers du show-business américain. On y rencontre de véritables « destins » où rien ne manque pour parfaire de belles histoires, légendes et autres. Bobby Lewis est un exemple frappant de ces parcours : en quelques années, il ira de l’orphelinat au hit-parade en passant par quelques maltraitances dans une famille d’accueil et l’inévitable rencontre miraculeuse qui ouvre les portes des studios. N’allez pas croire cependant que la musique vint à la rencontre de Bobby de façon soudaine. Il avait déjà eu l’occasion de croiser des artistes et parfois pas des moindres. Wes Montgomery par exemple. Mais, chers lecteurs, j’abuse de votre temps car vous pourrez retrouver tous les éléments de cette histoire dans l’excellent livret qui accompagne cet album. Un album qui commence bien avec un titre bien enlevé qui reste attaché à Lewis : Mumbles Blues (première version ). Vous aimerez sûrement le beau solo de ténor (sans doute “The Man” Taylor). On retrouvera souvent cette présence du saxo-ténor qui n’avait pas encore été supplanté par les guitaristes. Tout au long du CD les moreaux dynamiques ou sirupeux vont se succéder. Yay Yay I feel So Gay, You Better Stop d’un côté, avec leur invitation à la danse, et d’autre part les productions gluantes que je vous laisse la joie de découvrir. Ne soyons pas trop sévères sur cet aspect du répertoire, même un génie comme Duke Ellington accueillait au sein de son show le crooner Al Hibbler que j’ai toujours trouvé particulièrement indigeste. Sans oulier bien évidemment Tossin’ and Turnin’ qui se vendit à trois millions d’exemplaires ! Ni l’autre version de ce morceau qui est assez réussie avec une ambiance un poil churchy à la Ray Charles. C’est l’occasion de rappeler à quel point les paroles comptent dans la musique populaire noire. Quelquefois (souvent) la musique n’est vraiment là que pour soutenir le chanteur et lui permettre de bien « raconter son histoire ». L’auditeur ne s’en offusque pas. Le disque s’achève sur un très bon Nothin’ But the Blues, ballade emplie de feeling qui nous fait un peu regretter que Bobby n’ait pas enregistré plus de morceaux de cette nature et de cette qualité. Un CD qui ne me semble pas indispensable mais qui comblera ceux qui aiment la musique afro-américaine au-delà du blues de stricte obédience. – André Fanelli
The Turbans
The Singles Archive 1955-1962
Jasmine Records JASMCD 1073 – www.jasmine-records.co.uk
Parmi la multitude de groupes vocaux des années 50, les Turbans étaient une sorte de « boys band » de leur époque. Issus des mêmes quartiers de Philadelphie, ils eurent la chance de débuter leur carrière avec un tube en 1955 : When You Dance, numéro 3 R’n’B et 33 dans les charts pop. Leur musique est plaisante sans être très originale : quelques rocks bien sentis : Sister Sookey, Bingo, Bye and Bye et des ballades larmoyantes. On sent l’influence des grands groupes comme les Coasters dans Curfew Time ou Bad Man et The Lament of Silver Gulch est une pâle copie de Along Came Jones. Ils enregistrèrent pour Herald, Red Top, Roulette, Parkway et Imperial avant de tomber dans l’oubli. Un disque pour collectionneurs de ce type de musique. – Marin Poumérol
T-Bone Walker and Band
T-Bone Jumps Again
Includes All His Greatest Chart Hits 1947-1950
Jasmine Records JASMCD 3149 – www.jasmine-records.co.uk
Aaron Thibeault “T-Bone” Walker naquit à Dallas, Texas, le 28 mai 1910. Sa grand-mère était de pur sang Cherokee. Sa mère avait épousé Rance Walker, un métayer qui cultivait le coton. Ne souhaitant pas une pénible vie de travaux des champs pour son fils, elle abandonna la campagne et son mari et retourna vivre à Dallas avec la petit Aaron Thibeault. Là, elle se remaria avec un homme qui jouait de multiples instruments de musique ; celui-ci encouragea la vocation musicale de son beau-fils. En outre, quand Blind Lemon Jefferson et Huddie “Leadbelly” Ledbetter venaient à Dallas, ils logeaient chez la mère de T-Bone. On peut imaginer les longues heures de pratique musicale ! Le gamin eut aussi l’insigne honneur d’être le guide de Blind Lemon Jefferson à travers les rues de Dallas. Il débuta sa carrière artistique comme danseur avant de devenir, avec Charlie Christian, l’un des pionniers les plus influents de la guitare électrique après avoir gagné Los Angeles en 1934. Son jeu original reconnaissable entre tous a laissé une empreinte indélébile sur les trois King (B.B., Albert et Freddie), Chuck Berry, Albert Collins, Buddy Guy, Eric Clapton, Jimi Hendrix, Duane Allman, Mike Bloomfield, Earl Hooker, Johnny Winter, … En plus de la musique, T-Bone avait la passion du whisky, des femmes et malheureusement du jeu. Sa générosité était proverbiale selon ses amis. Malgré son petit gabarit, il n’hésitait jamais à grimper sur une chaise ou une table pour faire le coup de poing avec un importun. La photographe anglaise Val Wilmer raconte dans son livre « Mama Said There Would Be Days Like This » comment le frêle T-Bone prit sa défense et mit KO un musicien célèbre et costaud au comportement exécrable avec elle. Après un premier volume, « Get These Blues Off Me, A’s & B’s 1950-1955 » (Jasmine JASMCD 3051), le label anglais s’intéresse à la fructueuse période précédente de T-Bone Walker quand, en 1946, la firme Black & White et sa filiale Comet l’engagèrent en lui laissant le libre choix de ses accompagnateurs : les saxophonistes ténors Jack McVea, Hubert ‘Bumps’ Myers, les trompettistes Joe ‘Red’ Kelly, Al Killian, John ‘Teddy’ Buckner, George Orendorff, Jack Trainor, les pianistes Lloyd Glenn et Willard McDaniel et une section rythmique assurée par les batteurs Rabon Tarrant, Oscar ‘Lee’ Bradley et le contre-bassiste Billy Hadnott. Cet auguste aréopage de musiciens contribua à la réussite absolue des vingt-six titres regroupés sur ce cd. Un habile dosage de jazz, blues et swing fit que ces pièces remportèrent un franc succès commercial. En témoignent les neuf chansons qui furent classées dans les charts R’nB du Billboard, dont Call It Stormy Monday (B&W 122) qui atteignit la cinquième place de ce classement et est devenu le classique adopté par des milliers de musiciens de tout bord musical. Du joyeux No Worry Blues à West Side Baby (Comet 50), le dernier titre enregistré pour Black & White et Comet, en passant par les irrésistibles shuffles It’s A Low Down Dirty Meal (B & W 115) et T-Bone Shuffle (Comet 53) ou la ballade inspirée Nat King Cole, Don’t Give Me The Turnaround (B & W 115) ou le pseudo-rythme latin Plain Old Downhome Blues (B & W 127) avec quelques mots chantés en espagnol, tout est un régal pour les oreilles de l’auditeur. N’oublions pas de signaler que tous ces enregistrements furent supervisés par Ralph Bass qui certainement eut sa part à leur réussite. Ce CD nous offre, par ordre chronologique de publication et non d’enregistrement, les treize 78 tours Black & White et Comet d’un géant. Même si vous possédez l’indispensable et très rare coffret « The Complete Recordings of T-Bone Walker 1940-1954 » (Mosaïc MR9-130), les charmes éperdus de la musique de T-Bone Walker rendent l’acquisition de ce CD inévitable. – Gilbert Guyonnet
B.B. King
Golden Decade Nothing But Hits
Classic Singles on The US Charts 1951-1961
Jasmine Records JASMCD 3155 – www.jasmine-records.co.uk
Difficile aujourd’hui de trouver un angle original pour publier une réédition des faces RPM de B.B. King. Difficile encore plus de savoir ce qui reste disponible sur le marché du gigantesque volume de compilations bon marché parues dans les années 1980, 1990, 2000. D’autres marques ont pris le relais pour ressortir sous d’autres emballages, ces classiques du blues, depuis belle lurette dans le domaine public. Le label Jasmine ne s’est pas posé trop de questions en éditant cette compilation de 24 titres des grands succès du Memphis boy, sous couverture d’une photo postérieure à la période retenue. Un disque à destination d’un public neuf, qui y découvrira le chant et la guitare de B.B. King, bien avant sa reconnaissance par le public rock. Pour les vieux, ne boudons pas notre plaisir de réentendre des titres puissants comme Please Love me ou la saga Sweet Sixteen, sous leur forme originale. – Dominique Lagarde
Rene Hall
My Kind Of Rockin’
The Unsung Rock and RollL, R&B Guitarist and Arranger, 1950-1960
Jasmine Records JASMCD31187 – www.jasmine-records.co.uk
Consulter le catalogue de rééditions rassemblées par Jasmine Records, c’est partir à la découverte d’artistes qui sont, pour la plupart d’entre nous, de parfaits inconnus. Pourtant tous ces artistes ont vécu, joué et, quelquefois, obtenu de remarquables succès. Leur musique était en étroite correspondance avec les attentes d’un public très particulier. Un public très majoritairement noir et donc, très minoritaire au sein de la population des USA. Pour l’amateur français, il peut paraître incompréhensible que tant d’artistes blancs aient été crédités de façon bien injuste de très nombreuses compositions de créateurs et d’interprètes noirs. En fait, dans l’Amérique raciste des années d’après-guerre, avant l’aube des droits civiques, les phénomènes de cross over permettaient à un public blanc de consommer des musiques plus aseptisées. Ne nions pas qu’il y ait eu des exceptions. Fats Domino, Little Richard ou Chuck Berry par exemple. Jasmine en tout cas nous guide dans des territoires qui pour certains relèvent plus ou moins directement du jazz. À en juger par les personnels des diverses sessions, cela peut se comprendre… et s’entendre. L’écoute nous fait rêver et nous nous imaginons dans ces immenses clubs dévolus à la danse où les samedis soirs devaient être inoubliables. Dans cet esprit a musique adopte souvent des tempos moyens très favorables au swing. Avec des lascars du calibre de Buddy Tate, Plas Johnson ou Bobby Donaldson le chef pouvait satisfaire son public. L’ensemble du CD est donc intéressant, et, mieux, réjouissant. J’ai aimé par exemple l’élasticité de Be Sure, avec un chœur sacchariné (mais néanmoins dynamique !) et le chant sympathique de Madeline Green avec sa diction impeccable, sans parler des chorus. René Hall était un bon guitariste, sans prétention certes, mais efficace. Les fans des six cordes pourront apprécier un Two Guitars Boogie bondissant capable de faire jaillir de leur chaise les danseurs les plus timides. Côté feeling, Southgate démontre les capacités de René Hall quand il s’agit de jouer LE blues. N’oublions pas tout de même quelques monstruosités du type Don’t Take Me For a Fool. Certes, le saxo ténor a des accents à la Ben Webster, mais on ne peut faire des miracles… Noyé dans le miel on est noyé tout de même. Que dire de My Uncle propret et guilleret ou de l’épouvantable Sole Moi… Le livret est particulièrement riche en informations passionnantes ce qui est fréquent chez Jasmine. On retrouve l’évocation d’une ville, Los Angeles, qui était et reste un des lieux saints de la musique africaine-américaine. Bravo. Au terme de notre lecture, on se demande comment des artistes aussi actifs et demandés que René Hall, arrangeur, pilier des studios, aient échappé à une plus vaste notoriété. En conclusion, ce CD n’est sans doute pas un must, mais il vous offrira quelques très bons moments. – André Fanelli
Bobby Rush
Bobby Rush Blues Revue
Ti & Bo – www.tiandbo.com
L’an passé, je vous racontais de l’intérieur la tournée de Bobby Rush en France (ABS Magazine n°67). Vous avez aujourd’hui l’opportunité de découvrir (ou redécouvrir) en son et en images cette tournée exceptionnelle. Un double DVD a pu voir le jour grâce au travail mené par Ti & Bo en partenariat avec la Maison du blues (musée européen du blues fondé par Jacques et Anne-Marie Garcia) et l’association Black Jack Blues. Sur le premier DVD, pas moins de 25 titres dévoilant toute la richesse du répertoire de Bobby Rush. Des classiques comme Hoochie Coochie Man, School Girl), des compos qui l’ont conduit jusqu’aux Grammy Awards (Porcupine Meat). Homme de scène hors pair, Bobby Rush est aussi un fameux conteur d’histoires. Des histoires, joyeuses ou tristes, qu’il partage sans réserve avec son public. Sur le deuxième DVD, quelques bonus précieux, notamment un documentaire instructif réalisé par Thibault Degraeuwe. Pendant 35 minutes, nous voilà plongés dans les coulisses de la tournée, avec une interview de Bobby Rush, ainsi que des images inédites filmées dans le bus de la tournée, dans les loges. Nous pouvons revivre l’inauguration de la Maison du Blues à Châtres-sur-Cher (dont Bobby Rush est le parrain) et la remise de la médaille de ville de Romorantin. Comme il le raconte lui-même, Bobby Rush s’est inspiré de nombreux musiciens de blues qu’il côtoyait régulièrement dans les clubs de Chicago ou d’ailleurs. Muddy Waters pour son style vestimentaire, B.B King pour son toucher de guitare sans équivalent, Howlin’ Wolf pour sa voix si particulière, Little Walter pour son jeu d’harmonica, Louis Jordan pour son sens de la composition et ses textes humoristiques. Bobby Rush s’est construit son propre univers musical en puisant dans toutes ces influences. Ce double DVD est un bel hommage à un artiste qui compte pas moins de 377 disques, quatre nominations aux Grammy Awards et 38 nominations aux Blues Awards. – Victor Bouvéron