Chroniques #84

• L’actualité des disques, livres et films traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

Blind Boys of Alabama

Echoes of the South

Single Lock SL 071 – www.singlelock.com

Ah ! Ces Blind Boys… Premiers enregistrements en 1948 ! À l’instar des Dixie Hummingbirds du grand Ira Tucker et du Golden Gate Quartet, ce sont des carrières de plus de soixante-quinze années, bien plus encore que ces fameux Rolling Stones qui remplissent stades et médias. Ils débutèrent chez Coleman Records puis enregistrèrent chez Specialty (1952-1957), VJ, Hob, Savoy, Jewel (une escapade de leur leader Clarence Fountain 1969-1973 ), Elektra, House of Blues, Real World, Virgin. Ce dernier disque est un véritable monument à leur gloire et sans doute le plus émouvant de tous. Émouvant à plus d’un titre : de par la qualité des voix et des musiques sur les onze titres qui forment un tout sans faille. Magnifique reprise du Keep On Pushing de Curtis Mayfield ou du Heaven Help Us All de Stevie Wonder. Les grands classiques que sont You Can’t Hurry God ou Jesus You’ve Been Good To Me sont revisités d’une façon merveilleuse. Mais c’est sans doute la dernière version de The Last Time – déjà gravé en 1953 et en 2001 sur l’album «  Spirit of the Century » – qui est la plus touchante (« C’est peut-être la dernière fois que nous chantons ensemble, I don’t know… ») lorsqu’on sait que Jimmy Carter s’est retiré et ne chantera plus, que Ben Moore – depuis quatorze ans avec les Blind Boys – est décédé en 2022, et que le grand Paul Beasley – ancien leader des Gospel Keynotes puis des Mighty Clouds of Joy – nous a quittés au printemps dernier. Il ne reste plus que les anciens, Ricky McKinnie, Joey Williams (baryton et guitariste) et le Reverend Julius Love pour perpétuer l’œuvre originellement débutée avec l’immense Clarence Fountain et redire l’importance et le talent charismatique de ces grands solistes que furent Archie Brownlee pour les Blind Boys of Mississippi, R.H. Harris pour les Soul Stirrers, Claude Jeter pour les Swan Silvertones, Joe Ligon pour les Mighty Clouds of Joy, Julius Cheeks pour les Nightingales et Ira Tucker pour les Dixie Hummingbirds. On pourrait prolonger la liste ! Une grande époque, mais ce dernier album des Blind Boys en est digne. Ce disque est un bijou pour tous les amateurs de musique, amateurs de gospel ou non. – Marin Poumérol


Robert Finley

Black Bayou

Easy Eye Sound EES 033 – store.easyeyesound.com

Ce quatrième volume de Robert Finley voyage encore beaucoup, faisant fi des frontières stylistiques. À 69 ans, il invente une fusion des genres très groovy et voluptueusement caressée par une voix qui n’hésite pas à voler dans les plumes de l’aigu ou parfois attendrir les graves. Peut-on parler de Blues ici ? Tous les acteurs en sont fondus, c’est certain, et parmi eux se trouvent des aguerris du genre, mais Robert sait mener sa troupe dans un groove qui malaxe généreusement et avec foi les racines afro-américaines. Alors oui, il est blues tout autant qu’il regorge – à gorge profonde – de Soul avec un grand S, appuyé par la basse funky du fidèle Deaton que rythme efficacement les baguettes de Patrick Carney, autre fidèle du grand Louisianais qui percute autant les swamps du bayou, les fifties de Memphis, que le laconisme musical des collines du nord Mississippi. Et Kenny Brown, tout en douceur, qui envoie par ci par là des slides fugaces et mortels (je t’aime toi !), très judicieusement accompagné par Tim Quine qui sait se mettre en avant quand il le faut, tout comme s’effacer… Il y a quelque chose qui me fait rudement penser à André Williams chez Finley… L’homme n’arrive pas comme çà par hasard, faut pas croire. Né en Louisiane quand le Rhythm & Blues faisait des vagues, il attaque la gratte à onze ans et se nourrit au gospel jusqu’en 1970 où il embarque pour l’armée et se retrouve rapidement dans l’orchestre maison. Voyages donc et retour au bercail pour partager avec les autres ce qu’il a reçu en héritage. Brother Finley and The Gospel Sisters ne rapporte pas assez pour vivre, alors le voilà menuisier, mais menuisier pour un aveugle, c’est un peu galère. Les rues des villes, les baraques paumées des champs seront son terrain de « jeu » et petits boulots pour le beurre. Finley taille sa route et se retrouve en Arkansas, arpentant Helena de long en large jusqu’à se faire remarquer par la Music Maker Relief Fondation qui  le prend sous son aile et lui organise des tournées. Son premier fait, « Age Don’t Mean a Thing » en 2016, se fera chez Big Legal Mess avec un producteur avisé qui avait su renifler cette Soul qui transpirait de partout. Bruce Watson – le prod du moment donc – fait appel à Jimbo Mathus et l’envoie à Memphis dans les pattes des Bo-Keys pour mettre en exergue cette Soul qui dégouline de toutes parts. Bingo pour le come back ! Dan (Auerbach), le renard, ne tarde pas à pointer son museau aiguisé et signe le bonhomme qui se fait vieux d’un contrat juteux. « Murder Ballads » sort en 2017 sur Easy Eye Sound, puis l’autobiographique « Sharecropper’s Son », toujours avec la même équipe que deux auparavant. Enfin, ce formidable album, peut-être LE disque qu’il faut avoir de cet artiste. Par les temps obscurs que nous traversons, « Black Bayou »  fait figure d’éclaircie lumineuse et chaleureuse et, rien que pour ça, mérite amplement qu’on se le procure. Robert Finley fait une relecture de certains genres (blues, gospel, doo wop, soul, funk) particulièrement pertinente et terriblement personnelle, mais extrêmement Soul. Elle vient de l’âme et du cœur, son chant tient du gospel et déborde d’énergie, sa voix rocailleuse aurait pu donner le La au swamp d’un autre temps et emmène l’auditeur dans un voyage captivant à travers ses relations d’adulte et son enfance, près de la frontière de l’Arkansas. Ce disque est aussi l’histoire d’une vie faite de mille choses, une fille qui vous coince par l’argent, la réalité des personnes âgées dans les foyers qui ont été oubliées par leurs enfants, leur famille et leurs amis, où cette très personnelle histoire d’un bayou de l’enfance quand son grand père se servait de lui comme appât pour attraper un alligator. Le marais n’est pas loin, sa torpeur non plus, le souvenir est encore très présent quand on entend Robert Finley chanter ce petit bijoux de Alligator Bait qui termine ce grand album. – Patrick Derrien


Marcel Smith

From My Soul

Little Village Foundation – www.littlevillagefoundation.org

Produit de main de maître par Christoffer “Kid” Andersen, ce deuxième album qui vient de paraitre sur le dynamique label de Jim Pugh confirme tout le bien que l’on pense de l’excellent chanteur californien, natif de Sacramento. Pétri de talent, il est imbattable quand il aborde les registres de la Soul, du R’n’B et du Gospel, c’est d’ailleurs dans le répertoire sacré qu’il fit ses premières armes à l’âge de quinze ans aux côtés de Willie Washington. Ce dernier remarqua ses qualités vocales en lui faisant intégrer la formation des W.D. Gospel Singers, avant que Marcel Smith rejoigne, à partir de 1986, la formation The Soul Prophets. Ce formidable enregistrement rassemble à nouveau la crème des musiciens, puisque nous retrouvons les cadors du studios Greaseland, à savoir le maître des lieux à la guitare Kid Andersen, le bondissant Derrick « D’Mar » Martin à la batterie, sans omettre le légendaire bassiste Jerry Jemmot, mais aussi Rick Estrin à l’harmonica, ce dernier étant impérial sur Freedom Blues. Pour enrober les treize titres proposés, les cuivres et les cordes de Aaron Lington, John Worley et Don Dally sont également conviés. La session alterne des compositions originales, à l’image de I’m Comin Home To You et Nothing Left To Burn, mais aussi des reprises comme Turn Back The Hands Of Time interprété magistralement aux côtés de Johnny Rawls qui est également présent sur l’émouvant There Goes My Used To Be. Marcel Smith revisite aussi avec talent et efficacité la composition de Jimmy Liggins intitulée Drunk. Il donne littéralement le frisson et nous bouleverse quand il interprète, avec une émotion non feinte, le classique créé par les Bee Gees et repris entre autre par Al Green, How Can You Mend A Broken Heart. Cette chanson fut enregistrée en public lors d’un concert intitulé Live At Greaseland, quelques jours après la disparition de la mère du chanteur. Il va de soi que cet album, réussi de bout en bout, est fortement recommandé. Il faut activement souhaiter que cet artiste exemplaire, au sommet de son art, puisse enfin se produire sur le territoire européen. – Jean-Luc Vabres


Johnny Rawls

Walking Heart attack

Catfood Records CFR-033 – catfoodrecords.com

À l’âge de quinze ans, Johnny Rawls accompagnait avec sa guitare Z.Z. Hill, Little Johnny Taylor, Joe Tex et The Sweet Inspirations, pendant leurs tournées dans le sud-est des États-Unis. Au mitan des années 1970, il devint le chef d’orchestre du prodigieux chanteur de Soul O.V. Wright qu’il accompagna jusqu’à sa mort en 1980. C’est pourquoi il enregistre une chanson d’O.V. Wright sur chacun de ses disques. Ici, il reprend avec bonheur Born All Over, une composition de Johnny Copeland que la légende de la Soul interpréta. Johnny Rawls enregistra un premier disque solo en 1996 pour la firme de disques anglaise JSP Records. Son vingt-et-unième cd (si mon compte est bon) est publié par le label texan Catfood Records qui avait publié huit cd de Johnny Rawls entre 2008 et 2017. Trois de ces albums apparurent dans la liste des meilleurs disques de l’année sélectionnés par les critiques du célèbre magazine américain Downbeat. C’est dire que la collaboration Johnny Rawls – Catfood Records (maison de disques dirigée par le bassiste et auteur-compositeur Bob Trenchard) – fonctionne parfaitement et est fructueuse. Aux côtés de Johnny Rawls, The Rays : Dan Ferguson (claviers), Ricky Puga (batterie), Johnny McGhee (guitare), Bob Trenchard (basse), Andy Roman et Nick Flood (saxophones), Mike Middleton (trompette), Frank Otero (trombone), Jon Olazabal (percussions) et les choristes Janelle Thompson et Shakara Weston. Johnny Rawls ne joue de la guitare que sur One More Sin et Lies. L’album débute par Walking Heart Attack, une chanson co-signée par Johnny Rawls et Bob Trenchard qui parle d’une jeune femme fatale qui séduit les hommes, ceux-ci étant attirés par elle comme un papillon l’est par la lumière (« like a moth to a flame »). Guitar funky, cuivres énergiques et choristes irrésistibles vous invitent à gagner la piste de danse. Trying To Live My Life Without You, chanson popularisée par Otis Clay, nous rappelle l’amitié qui unissait les deux hommes qui enregistrèrent ensemble le superbe cd « Soul Brothers » (Catfood Records CFR-021) peu avant le décès subit d’Otis Clay. Free, composition de Johnny Rawls, et Heal Me écrit par Derrick Procell, sont très marquées par le Gospel. Tell Me The Truth est un pur soul-blues sur lequel la guitare de Johnny McGhee fait des merveilles. Johnny Rawls chante magnifiquement Lies. Mississippi Dreams est un hommage au Mississippi, État où il naquit en 1951. Enfin, la surprise est la reprise d’une chanson de Bruce Springsteen, Hungry Heart ; Johnny Rawls en accélère légèrement le tempo. Le résultat, sans être génial, est convainquant. Dans une interview pour le Houston Press du 13 octobre 2023, l’artiste explique ce choix : « C’est une idée de Bob (Trenchard). Ce n’était certainement pas la mienne. Mais j’aime les paris ! Cette chanson n’a rien à voir avec mon style de musique ». Les amateurs de Johnny Rawls savent à quoi s’attendre avec ce disque : du chant gorgé de soul, des compositions de qualité soutenues par un solide orchestre. Ce nouveau est un grand cru. – Gilbert Guyonnet


Candice Ivory

When The Levee Breaks

Little Village LVF 1057 – www.littlevillagefoundation.org

La chanteuse Candice Ivory, dont la vie s’est partagée jusqu’à aujourd’hui entre Memphis et St Louis, a mené à bien un projet qui lui tenait à cœur : donner sa propre lecture des chansons de la légendaire Memphis Minnie (1897-1973) en cette année du cinquantenaire de sa disparition. Baptisée “Queen of Avant Soul”, issue d’une grande famille de musiciens actifs dans le Gospel et le Blues (son grand-oncle, Will Roy Sanders, fut membre des Fieldstones), Candice Ivory est une chanteuse puissante qui a pris le parti de ralentir le rythme des versions originales pour donner un ton plus incantatoire à ses interprétations. Exit aussi les entrelacs de guitare créés par Minnie et Kansas Joe. Elle a rebâti nombre des douze morceaux autour de percussions d’inspiration africaine ou afro-cubaine (Me And My chauffeur, When The Levee Breaks, When You Love Me, World of Trouble). La guitare de Pile Driving Blues flirte avec le hip-hop, quand New Bumble Bee est traité en reggae. Hoodoo Lady ou Blues Everywhere, Hole in the Wall suivent davantage la trame d’origine. La pedal steel parcourt Crazy Crying Blues, You Can’t Rule Me et Hard Down Lie. Une approche très originale. – Dominique Lagarde


Mathias Lattin

Up Next

Vizztone Label Group VT-ML-01 – www.vizztone.com

Ce jeune musicien originaire de Houston rejoint quasiment en même temps ses amis D.K. Harrell et Sean “Mack” McDonald sur le devant de la scène. Sans conteste, c’est vraiment plus que mérité tant son talent est grand. Adolescent, il est passé par la renommée Kinder High School for Performing and Visual Art. Une fois son cursus terminé, il intègre rapidement la scène locale grâce à de récurrentes blues jam, avant de rejoindre, entre autre, la formation de l’excellente chanteuse Kessha Pratt. Auteur d’un fort intéressant E.P. intitulé Let’s Start Here, publié à compte d’auteur durant sa dernière année scolaire, il remporte à vingt ans l’édition 2023 de l’International Blues Challenge. Quelques mois plus tard, il signe chez Vizztone et, dans la foulée, livre ce superbe album comprenant dix compositions originales. Guitariste surdoué, ses influences vont naturellement vers les grands noms du Blues, mais aussi en direction de George Benson, Wes Montgomery ou encore vers d’autres légendes du Jazz comme Archie Shepp et Sonny Rollins, sans omettre – dans un autre registre – Bobby Womack et Marvin Gaye. Ses nouvelles compositions comme Can’t Stop The Feeling, Lose Some Weight, I Tried So Hard ou Who’s Loving You, confirment que nous avons à faire à un musicien plus que doué, maîtrisant totalement son sujet. Il est à son aise dans tous les styles, son spectre musical ne s’arrêtant pas aux douze mesures traditionnelles, loin de là. D’ailleurs, son ami D.K. Harrell déclare à son sujet dans l’interview qui lui est dédiée dans ce même numéro : « Mathias Lattin ? Je le considère comme le Frank Zappa du Blues ! ». La carrière de cet artiste s’annonce vraiment prometteuse ; nous n’avons pas fini d’en entendre parler. À n’en pas douter, voici un musicien à suivre de très près et surtout à voir sur scène. Petite confidence : Mathias Lattin piaffe d’impatience de découvrir le continent européen, la France en particulier. Nous le souhaitons de tout cœur. – Jean-Luc Vabres


Christone Kingfish Ingram

Live In London

Alligator Records ALCD 5015 (2 CD) – www.alligator.com

“Kingfish”, c’est le « Wonder Boy » du Blues, considéré comme son avenir. Né à Clarksdale, Mississippi, en 2000 dans une famille de musiciens, il est venu tôt au blues et, intégré dans la famille Alligator, il a sorti « Kingfish », son premier album, à 19 ans, suscitant l’admiration et l’engouement unanime de la critique et des amateurs sans exception. Il a un timbre de voix juvénile mais assuré et captivant et un talent de guitariste hors norme doublé d’un don inouï pour la composition, étonnant étant donné son âge ! Bref, que des qualités ! Son deuxième album, « 662 », sorti en 2021, a confirmé ses dons exceptionnels. Depuis longtemps (?!), il rêvait d’un « live », rêve réalisé en 2023 au célèbre club The Garage à Londres avec ses partenaires attitrés : Christopher Black (drums), Paul Rogers (basse) et Deshawn “D-Vibe” Alexander (piano, orgue Hammond B3, clavinet). Se retrouvent ainsi sur ce double album 17 faces qui tiennent toutes leurs promesses et renforcent la renommée de Kingfish. Il y reprend des versions matures de la plupart des grands succès de ses premiers opus, souvent autobiographiques (Hard Times, 662, etc). Il y a ajouté une version exaltante et survoltée du Empty Promises de Michael “Iron Man” Burks et deux nouvelles compositions, Mississippi Night, un long slow blues instrumental (10 min) qui rend compte avec lyrisme des nuits de son État d’origine, tantôt chaudes, humides voire oppressantes, tantôt froides et pluvieuses, selon les saisons… et Midnight Heat sur un thème voisin. Les autres titres mériteraient commentaires et louanges ;, on se contentera de mettre l’accent sur deux faces en solo (gt, vo) en mode country blues qui concluent le CD 1 (Been Here Before et Something In The Dirt), ainsi que She Calls Me Kingfish qui ouvre la séance – avec intro parlée suivie de phrases de guitare tranchantes et d’orgue inspiré (D-Vibes) –, et aussi sur 662 (1) débridé, enlevé et festif à l’instar de Long Distance Woman et ses remarquables passages de guitare. Ce double CD est un « must » pour tous. – Robert Sacré

Note (1) : 662 est le préfixe téléphonique régional pour Clarksdale.


Mizz Love

Classy Woman

MizzLove Records MLR-008 

Les habitués du Porretta Festival connaissent bien Mizz Love pour son imposante présence aux côtés de BobbyRush. Considérée comme une sorte de faire valoir par ses prestations sexy et légèrement provocatrice, elle n’avait jusque-là guère l’occasion de s’exprimer vocalement. C’est désormais chose faite avec ce premier CD pour lequel elle a largement bénéficié du soutien de son mentor avec lequel elle a co-écrit la totalité des titres. Dotée d’un impressionnant tempérament vocal, elle nous présente un recueil aux inspirations aussi diverses que variées allant du blues classique (Honey TreeEasy Baby) au plus poisseux (Classy Woman), en passant par le rhythm and blues de I Ain’t Givin Up My Love sur lequel Bobby Rush la rejoint dans un échange un peu à la manière du Tramp d’Otis Redding et Carla Thomas où il la supplie de croire qu’il n’a pas bu. La réponse arrive avec le titre suivant, Drink Drink, dans lequel elle l’accuse de boire en permanence ! S’ensuit Take My Love, seul titre dans lequel Bobby Rush chante réellement, alors qu’il est omniprésent à l’harmonica. Cet album survitaminé contient peu de ballades (trois sur dix titres) avec une mention pour 4Leaf Clover au contenu désespéré (« La vie est comme un trèfle à quatre feuilles, comme un rêve… »). Il semble que Paul Brown (également un habitué de Porretta) soit responsable de la totalité de la partie musicale, puisqu’il est crédité de l’orgue Hammond, des cuivres et même des percussions ! Cela fleure bon l’électronique sans avoir, fort heureusement, le côté hélas cheap de nombreuses productions sudistes. – Jean-Claude Morlot


Jason Ricci & The Bad Kind

Behind The Veil

Gulf Coast Records GCRX-9048 – www.gulfcoastrecords.net

Harmoniciste et chanteur reconnu, Jason Ricci est installé à La Nouvelle-Orléans depuis longtemps et il y jouit d’une réputation considérable et justifiée par une activité débordante comme enseignant, arrangeur, producteur. Il est très bien représenté sur You Tube et il a accompagné un nombre impressionnant d’icônes du Blues, d’Ana Popovic, Joe Louis Walker ou Nick Moss jusqu’à Walter Trout, Mike Zito, Joe Krown, Cedric Burnside et The Mannish Boys, en passant par Johnny Winter, JP Soars et pas mal d’autres. Son épouse, Kaitlin Dibble (chant et composition), est originaire de Boston et est harmonieusement intégrée au Bad Kind Band de son époux avec Brent Johnson (guitare), Jack Joshua (basse) et John Perkins (drums). C’est leur premier album pour Gulf Coast Records de Mike Zito, il est produit par Ricci lui-même et Tony Daigle avec des invités comme Joe Krown (piano, orgue Hammond B3) et Joanna Connor (guitare), entre autres. Concrètement, le duo Dibble-Ricci est attachant, voire percutant dans trois faces mémorables comme le 5-10-15 de Rudy Tombs ; c’est du R&B typiquement New Orleans, vitaminé et musclé, avec un Joe Krown très inspiré au piano pour booster le jeu de Ricci et le chant de Kaitlin Dibble. Il y a aussi, en deux parties scandées et déterminées, Wrong Part of Easy (composé par Kaitlin Dibble) couplé adroitement au Nobody But You de Little Walter, sans oublier No Way (une compo de Kaitlin Dibble encore) avec, en invitée, Joanna Connor et ses envolées psychédéliques à la guitare. À noter un bon conseil dans la saga du couple Ricci-Dibble qui est quasi tout le temps sur la même longueur d’onde mais qui, comme tout couple, doit parfois affronter un différend… Alors, OK mais Why Don’t We Sleep On It ? (avec Krown à l’orgue Hammondd B3). Cirque du Soleil est un slow blues en hommage à cette institution célébrissime et le Ain’t She Fine de Bobby Rush est pris sur un mode passionné et véhément, c’est haletant et fonceur ! Ajoutons-y Saint James Infirmary, un classique du jazz New Orleans, en slow avec Jason Ricci qui s’en donne à cœur-joie à l’harmonica et au chant avec sa voix rocailleuse. Le reste est à l’avenant, intéressant et plaisant à l’écoute, comme le morceau qui clôture l’opus, l’instrumental Hip Hug-Her de Booker T & The MG’s, de la Memphis soul à la sauce NOLA, animé et plein d’attraits avec Joe Krown en grande forme. Une belle réussite et un album phare de 2023. – Robert Sacré


Bob Margolin

Thanks

Vizztone label group VT-SRR07 – www.vizztone.com

En cette année 2023, Bob Margolin fête les cinquante ans de son recrutement par Muddy Waters. Il resta sept années au sein de l’orchestre du géant du Blues. Il y apprit beaucoup et est devenu l’un des grands guitaristes de Blues. Les mânes de Muddy Waters surgissent dans chaque chanson de ce nouveau disque. C’est réjouissant. Entre 1993 et 1996, Bob Margolin publia trois cd chez Alligator puis créa, en 2007 – en compagnie de l’harmoniciste Richard Rosenblatt – le label Vizztone qui édite de multiples disques de qualité, dont ceux du patron, Bob Margolin. Celui-ci est seul aux manettes de cette nouvelle production intitulée « Thanks ». Son jeu en slide sur le titre d’ouverture, Going Down To Main Street, une composition de son mentor Muddy Waters, est exceptionnel. La ligne de basse et les percussions sont de Margolin. Celui-ci adapte et interprète avec une élégance confondante Shape I’m In du regretté Robbie Robertson, guitariste du Band, Who de Willie Dixon, Hard Working Man de Jimmy Rodgers et son fils Jimmy Lane et, plus surprenant, For You My Love du pianiste Paul Gayten. L’apport de Bob Margolin en tant qu’auteur-compositeur est remarquable. Avec Mean Old Chicago, c’est Muddy Waters qui revit. Lonely Man Blues, co-signé avec Muddy Waters, est de la même veine. De haut niveau sont aussi Baby Can’t Be Found, Just Before Dawn et No Consolation, pendant lequel on peut entendre brièvement l’aboiement de Levon, le chien de Bob Margolin, baptisé du prénom du batteur du Band, le regretté Levon Helm. Amoureux d’authentique guitare blues, procurez-vous en toute confiance ce remarquable compact-disc. Même le chant moyen de Bob Margolin ne m’a pas trop dérangé, contrairement à ses enregistrements précédents. – Gilbert Guyonnet


Leon Beal
Luca Giordano Band

Live at Poretta Soul Festival 2019

No number – www.lucagiordanoband.com

Le désormais célèbre festival de Soul music italien a été fondé en décembre 1987 par Graziano Uliani, un passionné de ce style musical, et il est devenu un rendez-vous annuel incontournable qui rassemble les amateurs venus de partout. En 2019, suivant la suggestion du saxophoniste Sax Gordon Beadle, le soulman Leon Beal fut invité à s’y produire avec le Luca Giordano Band comprenant une section de cuivres (trompette et deux sax ténors, dont Sax Gordon). Beal est originaire de Floride, mais il est maintenant installé à Boston et il donne ici un show flamboyant et bien soutenu, entre autres par Luca Giordano (guitare), la section de cuivres et Abramo Ritti (piano et orgue Hammond), dans les huit faces de l’opus. Beal met de la passion (et de l’âme…) dans chaque morceau, que ce soit dans une longue version (plus de 8 minutes) du Hole In the Wall de Mel Waters, avec une longue intro parlée et autobiographique ou dans Keep on Pushin’, un classique des chants dédiés à la lutte pour les droits civiques, attribué ici à Beal alors que – chacun le sait – c’est un des morceaux phares du répertoire de Curtis Mayfield ; mais peu importe, car cette version est transcendante. On citera encore dans le superbe A Change Is Gonna Come de Sam Cooke, sur le même thème, chanté avec une fougue peu commune, tout comme le constat amer None Of Us Are Free martelé avec conviction ! En conclusion, on appréciera Still Here, une composition de Leon Beal, autobiographique de bout en bout (My Testimony). – Robert Sacré


Bob Corritore & Friends

Somebody Put Bad Luck On Me

Vizztone Label Group SWMAF 26 – www.vizztone.com

Après une somptueuse série d’albums dans lesquels Bob Corritore puisait allègrement dans ses archives pour nous offrir de formidables pépites inédites, place aujourd’hui à des enregistrements nettement plus récents. Les seize titres proposés sur cette nouvelle compilation ont été enregistrés entre 2019 et 2023, avec une fois encore une étincelante (le mot est faible) distribution. Il n’y a que le boss du club le Rhythm Room à Phoenix qui puisse nous offrir un tel plateau, jugez plutôt : Thornetta Davis, Diunna Greenleaf, Francine, Tia Carroll Reed, Bobby Rush, Johnny Rawls, John Primer, Bob Margolin, Carl Weathersby, Willie Buck, Eugene “Hideway” Bridges, Bob Stroger, Lurrie Bell, Sugaray Rayford, Jimi “Prime Time” Smith, Billy Flynn et Oscar Wilson sont entre autres les invités de l’harmoniciste. Bref, ce n’est plus un album, mais plutôt un véritable festival où les différents musiciens et chanteurs donnent véritablement à chaque titre le meilleur d’eux-mêmes. La grande qualité de Bob Corritore, c’est qu’à chaque nouvelle composition, il ne vole pas la vedette. Il s’applique, bien au contraire, avec ses interventions terriblement efficaces, à toujours mettre en lumière l’artiste invité, à l’image de I’m Good As Gone de Bobby Rush, ou encore le classique de Jimmy Rogers intitulé Act if You Love Me, interprété ici par Lurrie Bell. Si vous suivez (et vous avez raison !) fidèlement les différents cd déjà publiés ces derniers mois à une cadence infernale, il vous sera alors bien difficile de faire l’impasse sur cette nouvelle production qui réunit la crème du Blues. Une très belle réussite. – Jean-Luc Vabres


Blackburn Brothers

Soulfunkin’ Blues

Electro-Fi Records E-Fi 3464 – www.electrofi.com

Ces Brothers sont Duane (chant, orgue, piano), Brooks (guitare, basse, vo), Robert (guitare, vo), Cory (drums, percus, vo) et Nathan (basse), accompagnés par Roger Williams, Mark et Howard Ayee (basses), Nail Brathwaite (sax ténor), Ted Peters (trombone) et Pat Perez (horns). Les Blackburn Brothers ont composé les onze faces et ils sont les descendants de Elias Earls, un esclave né en 1792 dans le Kentucky qui s’est enfui et a gagné le Canada via l’Underground Railroad, dans le sud de l’Ontario ; une odyssée qui est le sujet de Freedom Train, poignant, soul et funky, comme d’autres faces relatives à la lutte pour les droits civiques des Noirs. Ainsi, Little Sister, soft et détendu et surtout Sister Rosa, un hommage à Rosa Parks, héroïne de cette lutte dans les transports en commun à Memphis. Le titre de l’album est tout à fait adéquat, sous le signe de la Soul et du Funk de bout en bout. C’est dansant et c’est prenant avec des faces gaies, enjouées et ironiques comme Let The Devil Play, Why Do I Do (What I Do) ? ou Soul Brother (avec des parties de cuivres et de guitare habitées), et des faces slow tout aussi plaisantes comme Bobby’s Blues ou She’s A Heartbreaker. D’autres sont plus mordantes et punchy comme Won’t You Let Me Go ou Be My Wife, etc. L’album se clôture sur I Don’t Ever Want To Be Alone, une ballade soul sentimentale boostée par orgue, cuivres et guitare inspirés. – Robert Sacré


Jennifer Lyn
& The Groove Revival

Gypsy Soul

J&R Collective

Voici la dernière production de la chanteuse et guitariste américaine Jennifer Lyn. C’est une suite logique de son disque précédent, « Nothing Holding Me Down », qui a remporté le titre de meilleur album de blues-rock aux Independent Blues Music Awards. Ce nouvel enregistrement comporte cinq titres écrits par Jennifer et son producteur Richard Torrence. Ce dernier l’accompagne à la guitare et au chant, avec Barb Jiskra aux claviers, Chris Addison à la basse et Jim Anderson à la batterie. Avec beaucoup de solos de guitare, on découvre un mélange de blues, de rock avec une touche de funk. L’album commence avec Gypsy Soul, un morceau très swingant qui donne son titre à l’album. Il se termine avec You Can Take It All, un magnifique blues lent qui met bien en valeur la magnifique voix de Jennifer. Voici donc un disque qui va beaucoup plaire aux fans de blues-rock, avec un regret, sa courte durée de seulement 18 minutes. – Robert Moutet


Willie J. Campbell

Be Cool

Blue Heart Records BHR/050 

Bassiste, chanteur, compositeur et membre pendant plus de cinquante ans de groupes phares comme The Fabulous Thunderbirds, James Harman Band, The Mannish Boys, The Proven Ones, etc, Willie J. Campbell est décédé en phase terminale de la terrible sclérose latérale amyotrophique peu de temps après l’enregistrement de cet album d’hommage que ses nombreux amis, tous des pointures du Blues et de R&B, ont voulu graver avec lui dès que la terrible nouvelle de sa maladie incurable et de sa fin proche a été connue. Le résultat est prodigieux, avec les producteurs Kid Ramos, Brian Templeton et W.J. Campbell qui est lui-même en vedette à la basse et à l’honneur, entre autres faces, dans Docksidin’, un instrumental bien enlevé avec Brooks Milgate (claviers, présent et brillant dans les quinze faces, tout comme Jimi Bott le batteur) et un fabuleux quatuor de guitaristes : Anson Funderburgh, Kid Ramos, Mike Morgan et Shawn Pittman en soutien ! Ces musiciens sont présents ailleurs encore comme dans Devil On My Shoulder, un excellent slow blues chanté par Shawn Pittman avec Kim Wilson (hca) et No More, un festival de guitares avec Brian Templeton au chant et Jimmie Wood (hca) ou encore Can’t Stay Away, un slow blues dramatique qui prend aux tripes, avec Janiva Magness (vo). Sugaray Rayford est là aussi au chant dans You Better Let Go, un sermon funky sur les méfaits du matérialisme et dans Standby, un soul blues avec Sax Gordon (sax) et Joe Louis Walker (guitare solo). On a envie de citer chaque autre face tellement le disque est bon dans son ensemble. She’s A Twister est un boogie endiablé à propos d’une « wild woman » avec Ramos et Templeton en délire, My Fault (à la Rolling Stones), Drone (slow, à la Fat Possum, style Mississippi Hill country, torturé et hypnotique) avec Jason Ricci (hca). On pourrait aussi s’arrêter sur You Can’t Stop Her, un hommage très New Orleans à son compositeur, Huey P. Smith : du boogie woogie au top. One Man Chain Gang est un slow blues, complainte exacerbée du pauvre mec qui traîne son boulet avec Templeton (hca), Jimmy Woods (vo, compo) et Mondo Cortez (gt). Forever Shall Be est une ballade sentimentale à la tonalité gospel avec Templeton (vo). On notera aussi deux hommages émus et vibrants à Campbell en conclusion de l’opus : Use As Needed, une ballade en slow et Albaross de Peter Green, un instrumental léger et aérien, plein de nostalgie. Une belle réussite et un album que je considère comme indispensable. – Robert Sacré


Tracy Nelson

Life Don’t Miss Nobody

BMG 538870092 – www.bmg.com

Tracy Nelson est une remarquable et discrète artiste. Son disque précédent date de 2011. Elle débuta en 1965 avec l’album « Deep At The Roots » (Prestige-PR 7393) accompagnée par Charlie Musselwhite. Originaire du Wisconsin, elle partit à San Francisco, CA, à la fin des sixties. Chanteuse du groupe rock Mother Earth, elle partagea l’affiche avec toutes les stars de la scène psychédélique californienne. Elle s’est fixée à Nashville depuis de nombreuses années. Elle joue du piano, de la guitare, chante le blues, le gospel, le rhythm & blues, le jazz et la country avec le même grand talent. Elle compose très peu. Un bon goût certain la guide dans le choix des chansons de son répertoire qu’elle arrange avec originalité. Ce nouveau disque en est une preuve. Le traditionnel Strange Things Happening Every Day, popularisé par Sister Rosetta Tharpe, ouvre le cd. Poussée par le brillant jeu du pianiste Kevin McKendree, la voix de Tracy Nelson impressionne. Vous connaissez probablement les belles interprétations de la chanson de Doc Pomus, There Is Always One More Time, par B.B. King ou Johnny Adams ? Tracy Nelson, avec l’aide de l’harmoniciste Mickey Raphael, lui donne de belles inflexions gospel. Le talentueux Jontavious Willis joue de la guitare à résonnateur sur le très réussi Your Funeral And My Trail de Rice Miller ‘Sonny Boy Williamson’. Tracy Nelson chante sans problème Ma Rainey, Yonder Come The Blues, avec le clarinettiste Doug Mosher. Elle a rappelé Irma Thomas et Marcia Ball. Les trois chanteuses avaient collaboré pour le cd « Sing It » (Rounder CD 2152) en 1998. Elle a choisi à cet effet une chanson d’Allen Toussaint, I Did My Part. Quel plaisir d’écouter son duo avec son homonyme le grand Willie Nelson, et Honky Tonkin’ de Hank Williams. Impressionnant est Charlie Musselwhite sur It Don’t Make Sense de Willie Dixon. La célèbre interprétation de Les McCan (piano et chant) et Eddie Harris (saxophone ténor) de la protest song de Gene McDaniels, Compared To What, donnée au Montreux Jazz Festival 1969, est largement égalée par celle de Tracy Nelson avec le soutien du saxophoniste Terry Hanck. Tous les musiciens et chanteuses (Irma Thomas et Marcia Ball) s’amusent beaucoup pendant la caribéenne version de Brown Eyed Handsome Man de Chuck Berry. Tracy Nelson est surtout une interprète. Elle a pourtant composé deux excellents titres : Life Don’t Miss Nobody avec le percussionniste Mike Dysinger, Tracy jouant du piano Wurlitzer, et, avec Marcia Ball, le gospel Where Do You Go (When You Can’t Go Home). Deux émouvantes interprétations du traditionnel Hard Times complètent ce cd. Tracy Nelson y joue de la guitare à douze cordes : une version orchestrée avec, entre autres, Jim Pugh à l’orgue Hammond B3 et l’accordéoniste Steve Conn, et une seconde où elle est seule avec sa voix et sa guitare. Parfaite conclusion d’un brillant disque. Souhaitons qu’il ne faille pas attendre une dizaine d’années pour écouter une nouvelle production de Tracy Nelson. – Gilbert Guyonnet


Steve Howell

Gallery of Echoes

Out Of The Past Music OOTP 0018

Steve Howell (chant, guitare) est Texan et troubadour. Il revisite avec passion les racines du Blues et le répertoire des bluesmen ruraux d’avant 1943 ainsi que des classiques de vieux jazz. À ce jour, il a gravé dix albums avec son band, The Mighty Men, et/ou avec un large panel de musiciens partageant ses vues musicales et issus d’Arkansas, Louisiane et Texas. Pour ce nouvel album de neuf faces, il est en solo (à une exception près) et démontre sa maestria en finger-picking au service de morceaux traditionnels comme le sombre Cluck Old Hen, en slow (avec J. Weinheimer, basse) ou assimilés comme le tragique All My Friends Are Gone de Stefan Grossman et I’m Going Away de Nick Katzman. C’est avec délices qu’il reprend deux faces de Blind Lemon Jefferson, Stocking Feet Blues (une lamentation sur une femme qui repousse ses avances) et Easy Rider Blues. Il reprend aussi le Statesboro Blues de Blind Willie McTell dans une version très personnelle bourrée d’émotion et différente de l’original mais aussi de celles des Allman Brothers ou de Taj Mahal (ma préférée !). Il rend aussi un hommage appuyé à son idole, le Reverend Gary Davis, avec trois faces emblématiques comme le spiritual Twelve Gates To The City, slow et mélancolique, le gospel Sit Down On The Banks Of The River, plus enjoué, et un primesautier Sally Where’d You Get Your Liquor From ? On notera aussi un instrumental, le Mississippi Blues de William Brown, joué avec retenue et la conclusion de cet opus avec l’instrumental Dallas Rag de Coley Jones, pour faire bonne mesure. – Robert Sacré


The DIG 3

Damn The Rent

Autoprod. – www.thedig3band.com

Si vous ne vous êtes pas replongé récemment dans le Chicago blues façon Maxwell Street, ceci est pour vous. Cet ensemble constitué d’Andrew Duncanson (chant et guitare), Ronnie Shellist et Gerry Hundt (percussions, mandoline et harmonica) ravive le souvenir de Big John Wrencher, Big Smokey Smothers, Hound Dog Taylor ou Johnny Young et nombre de bien plus obscurs ayant animé les allées du marché aux puces. Une approche qui n’exclut pas les références à John Lee Hooker (Big Water), au style Hokum (Olddog), au Bo Diddley beat (Take a Ride), ou à Slim Harpo (Dip My Toe). Andrew Duncanson possède une belle voix soulful qui pilote des boogies/shuffles bien enlevés. En bonus, deux titres très funky, augmentés de basse et batterie. « Au diable le loyer, payez vous plutôt ce disque ! » Tel est le message de The Dig 3. Tentez quand même de vous organiser pour avoir les deux… – Dominique Lagarde


The Namedroppers

Blue Diamonds

Horizon Music Group/ Select-O-Hits – www.thenamedroppers.net

Ce groupe s’est formé en 2019 et sort son troisième album. Les musiciens sont Rafe Klein (gt, vo), Bobby “T” Torello (dms, vo), Scott Spray (bs) et Ron Rifkin (p, orgue). Tous sont des anciens de chez Johnny Winter et/ou Charlie Karp et c’est suite au décès de ce dernier qu’ils ont formé une nouvelle équipe. Torello et Klein ont composé seuls ou en collaboration huit des dix faces et ils sont entourés d’invités comme Bill Holloman (saxophone) dans Hollywood et Just Come Home, ou le pianiste Mark Naftalin – autre ancien du Paul Butterfield Blues Band – dans une face posthume qui n’est autre que le Red House de Jimi Hendrix, un slow blues plein d’émotion en hommage à Karp. L’autre reprise est Further On Up The Road (Don Robey / Bobby Blue Bland) vitaminé et entraînant. À noter aussi les performances de Jay Willie à la guitare slide dans trois faces:  un Back To Chicago à la Bo Diddley au rythme saccadé, ainsi que Ukraine We Stand au titre explicite, c’est lyrique ainsi que martial avec B. Torello qui bat ses tambours de guerre et encore Are You Lonely, nerveux et fonceur. L’opus se conclut avec une face live : Blue Guitar, du R&B aux accents rock and roll, enlevé, joyeux et exsudant la bonne humeur, donnant une idée de ce que les Name Droppers peuvent donner en tournée, sur scène. – Robert Sacré


Chris Beard

Pass It On Down

Blue Heart Records BHR033 

Le fils du formidable Joe Beard se rappelle à notre bon souvenir avec ce nouvel album. Chris Beard avait lancé sa carrière discographique en 1998 grâce à une bonne session intitulée « Barwalkin’ », éditée par le label anglais JSP, puis trois ans plus tard avec « Born To Play The Blues », avant de publier en 2005 un enregistrement public, « Live and Wire ». Plus proche de nous, il décide de créer son propre label baptisé Destin Records et sort entre autres dans la foulée « Eye Of The Witch ». Cette fois-ci pour le compte de Blues Heart Records, il nous délivre une roboratif album qui démontre aisément qu’il faut toujours compter sur l’énergique guitariste. Son illustre paternel (qui n’a malheureusement pas fait la carrière qu’il méritait largement) est présent sur la superbe composition intitulée Pass It on Down. Cette réunion familiale, symbole d’un passage de témoin, est totalement réussie voire émouvante, avec en prime un certain Johnny Rawls dans les chœurs ! Les compositions originales, à l’image de Let The Chip Fall, One More Cry For Love ou encore House Of Shame et Big Girl, satisferont sans le moindre doute les fans du guitariste au jeu vigoureux et puissant qui, tout gamin, a vu fréquemment assis dans son salon Son House, l’ami et voisin de quartier de son père. Voici une session totalement aboutie qui confirme tout le bien que l’on pense de ce remarquable bluesman. – Jean-Luc Vabres


The Groove Krewe
featuring Jonathan Boogie Long

Blues From The Bayou

EP Sound Business Services SBS-2752 – www.soundbusinessservicesllc.com

On a ici un EP-5 titres de moins de 18 minutes seulement, mais c’est du concentré et du blues VSOP à apprécier à sa juste valeur. À New Orleans, les clubs du Mardi Gras s’appellent des Krewes et celui-ci est dirigé par les compositeurs/producteurs Rex Pearce (+ gt), Nelson Blanchard (+ clavierss, gt, basse, vo) et Dale Murray (+ percus). Leur opus précédent, avec Nick Daniels III, a remporté un très grand succès et les revoici avec deux saxophonistes (Jason Parfait et Ian Smith), omniprésents dans les cinq faces, David Peters et Eddie Bayers (drums), Leon Medica et David Hyde (bass) ainsi que l’excellent chanteur/guitariste, J. Boogie Long ! ce dernier est doté d’une voix rocailleuse et son jeu de guitare est exceptionnel, que ce soit dans Ain’t No If About It, un superbe blues enlevé et nerveux, ou Empty Pocket Blues, un autre blues dynamique et scandé, mais c’est aussi le cas dans Lighnin’ Done Struck Again, un slow blues boosté par des passages de guitare cinglants, et dans un déterminé Dangerous Curves. On déplorera un petit goût de trop peu, mais OK, c’est comme ça! – Robert Sacré


Sue Foley

Live in Austin vol.1

Stony Plain SPCD1482 – stonyplainrecords.com

Née en 1968 à Ottawa, Sue Foley est guitariste et chanteuse. Elle reçoit sa première guitare à l’âge de treize ans et elle s’intéresse au punk-rock avant de venir au blues. En 1991, elle est remarquée par Clifford Antone qui lui propose d’enregistrer un disque. Elle s’installe alors à Austin, Texas, et sort son premier disque, « You Girl Blues ». À ce jour, Sue a publié quatorze albums et un livre, « Guitar Woman ». Voici sa dernière production, live, un concert enregistré au légendaire Continental Club d’Austin. Pour les onze morceaux du disque, Sue est à la guitare et au chant, avec Jon Penner à la basse, Corey Keller à la batterie et le guitariste Derek O’Brien invité sur certains titres. Les morceaux ont été choisis parmi les plus grands succès des quatorze albums de Sue. Le premier, New Used Car, est issu de l’album de 2006 qui porte ce nom. Howlin For My Darlin est un classique de Howlin’ Wolf et Willie Dixon ; il est le morceau préféré de Sue, ici avec un jeu entre sa guitare et celle de Derek O’Brien. Avec ce nouvel album, elle confirme qu’elle est l’une des meilleures interprètes de blues-rock actuellement en activité. – Robert Moutet


Joel Astley

Seattle To Greaseland

Blue Heart Records BHR/047 

Joel Astley (chant, hca, compos, band leader) a formé son premier orchestre à Seattle en 2014 et il a engrangé pas mal de récompenses reçues de la Washington Blues Society, avant de graver son premier album en 2022 aux studios Greaseland de Kid Andersen à San José en Californie avec Andersen (gt, claviers), Johnny Burgin (gt), June Core (drums), Randy Bermudes (basse) et deux vocalistes. Astley a composé les onze morceaux du disque. Il se révèle être un excellent chanteur et un très bon harmoniciste et ses acolytes sont plus qu’à la hauteur. L’album est excellent de bout en bout avec un éclectisme incroyable. On a un Second Hand Kid ultra funky, ironique et bien balancé avec un beau solo de Johnny Burgin, un Just Right sur rythme honky tonk enlevé avec une belle combinaison guitare-batterie, du jump blues qui déménage avec Candy Shop, c’est véhément, exubérant et décoiffant, sur l’amour des sucreries, avec Astley (hca) et Andersen (Hammond B3), du rock and roll/rockabilly bluesy avec Hot As Hell, du « tous en piste sur le dance floor » avec Burgin en grande forme, Down To The River entraînant et vitaminé, un Takin’ It With Me genre Tin Pan Alley song qui swingue à tout va, un Karma Wheel en slow avec guitare réverb de toute beauté et des blues comme Born Cryin’ et Work With What You Got. En conclusion, on a un coup de chapeau au Bobby’s Club, un club de Seattle (maintenant disparu) qui a donné un super coup de pouce à Astley et ses complices en début de carrière ; nostalgie, nostalgie… avec une ligne de guitare obsédante. Enfin, on part à l’église avec No Brighter Gold, célébrant en fanfare et avec conviction, la joie que la musique peut générer, c’est joyeux et syncopé, avec chœurs, du gospel, je vous l’ai dis… Vivement recommandé. – Robert Sacré


Boney Fields

Just Give Me Some More

Blues Project BFB 2023 – www.boneyfields.com

Habitué des tournées marathon, où la générosité de ses performances finit par emporter même les plus frileux, Boney Fields se trouva, comme la fourmi de la fable, fort dépourvu lorsque la bise fut venue : en l’occurrence, la crise sanitaire et la suspension des concerts. Un mal pour un bien peut-être, puisque le trompettiste a mis à profit ces longs mois d’attente pour confectionner cet album dont le message est : Restons positifs ! Une transition qui lui a permis de se concentrer sur l’écriture et le chant. Au bout du tunnel, onze titres dans un registre blues/soul/funk, forcément riches en parties de cuivres, dont une majorité d’originaux et quelques emprunts à Bobby Rush (le délicat Crazy ‘boutyou), James Cotton (Cross my Heart) ou Roy Hawkins (The Thrill is Gone). De la plume de Boney Fields, les soulful Back in the Day et Control of You plongent dans les souvenirs familiaux de son enfance. Produit par Sébastien Danchin, également auteur de The Change Has Yet To Come, c’est un album bien équilibré et conçu avec soin. – Dominique Lagarde


Chris O’Leary

The Hard Line

Alligator Records ALCD5016 – www.alligator.com

Né près de New York en 1968, O’Leary (chant, harmonica, guitare, basse, compos) est un baroudeur qui a vécu dangereusement et bien roulé sa bosse, d’abord dans les Marines de 1986 à 1993, déployé au Moyen-Orient et dans la Guerre du Golfe, puis comme agent de la police fédérale (jusqu’en 2018) mais, entre-temps, il a donné libre cours à sa passion pour le Blues et fait la connaissance du batteur Levon Helm (The Band) qui l’emmena à New Orleans pour l’accompagner dans son club sur Decatur Street pendant une bonne année, puis de James Cotton dont il devint l’ami et lequel fut son mentor pour l’harmonica. En 2003, il participa à l’album « Them Shoes » de Hubert Sumlin (produit par Keith Richards avec Helm, Cotton, Bob Margolin et Eric Clapton !) et en 2010, Margolin aida O’Leary à sortir son premier album sous son nom pour Vizztone. Il fut suivi de deux autres albums pour le même label et deux autres pour American Showplace. Il vient de rejoindre la famille Alligator pour ce sixième opus qu’il a produit lui-même et dont il a composé les douze titres, tous inspirés par son vécu et ses expériences de vie (« J’écris et je chante ce que je connais… »). Il a une voix forte et bien timbrée et son jeu d’harmonica est conquérant. La liste des accompagnateurs est fort longue avec Chris Vitarello (gt), Andy Huenerberg (basse), Dan Vitarello et Michael Bram (drums) et des invités comme Monster Mike Welch (gt) dans I Cry At Night, un slow blues intense relatif à la vie de O’Leary au sein des Marines, avec une section de cuivres (saxes, tb) en pointe et efficace et que l’on retrouve dans un désabusé mais bien enlevé Things Ain’t Always What They Seem et encore dans le slow blues Funky Little Club On Decatur au parfum New Orleans, dédié au club de L. Helm où O’Leary a joué une année entière, mais aussi dans No Rest qui ouvre le bal avec O’Leary dans de belles envolées de guitare. On le retrouve aussi à la basse (et harmonica) dans un humoristique et haletant You Break It You Bought It. À noter encore un bon conseil sous forme de slow blues, Lay These Burdens Down et de très personnels Lost My Mind, Ain’t That A Crime, Who Robs A Musician ? et My Fault. Excellent de bout en bout. – Robert Sacré


Ghalia Volt

Shout Sister Shout !

Ruf Records 1308 – www.rufrecords.de

De son vrai nom Ghalia Vauthier, Ghalia Volt est une compositrice chanteuse guitariste et batteuse belge de blues-rock. Elle a quitté Bruxelles il y a 6 ans pour La Nouvelle-Orléans. Dans un premier temps, elle a été la chanteuse du groupe Mama’s Boys, avant de sortir son premier disque en 2016. « Shout Sister Shout ! » est son sixième album (les derniers sont chez Ruf Records). Les douze morceaux du disque sont écrits et arrangés par Ghalia. Les musiciens qui l’accompagnent sont Ben Alleman au piano, Danny Frankel à la batterie et percussions, avec David Catching invité à la guitare. L’enregistrement a eu lieu dans le studio Rancho de la Luna situé dans le parc Josua Tree en Californie. Tout au long de ces 45 minutes de ce puissant blues, nous nous baladons du Sud jusqu’à Chicago. On retiendra plus particulièrement des morceaux comme Every Cloud, qui ouvre l’album, No Happy Home ou encore l’excellent Hop on a Ride. – Robert Moutet


Various Artists

Jingle All The Way

Blue Heart Records BHR053

Voici une compilation de saison et qui plaira à pas mal d’amateurs. Au moins, ils vont échapper à Mariah Carey (ce qui n’enlève rien bien sûr aux qualités vocales intrinsèques de cette reine de la pop music mainstream…) et à ses chants de Noël usés jusqu’à la corde, comme de pas mal d’autres artistes du même acabit. C’est l’idéal pour animer des repas festifs en famille en dansant autour d’un arbre de Noël croulant sous les cadeaux ou à recommander aux D.J.’s des restaurants et autres salles de bal. Beaucoup des titres repris ici sont tirés d’albums chroniqués en ces colonnes mais pas tous, loin de là, et puis, qui a tous ces albums ? Donc le plais Even Santa Gets the Blues, avec Teresa James que l’on retrouve dans l’enjoué et festif I Saw Mommy Kissing Santa Claus. Beaucoup de plaisir aussi à retrouver Benny Turner dans I Want Some Christmas Cheer, Clarence Spady dans Christmas ou Vaneeese Thomas dans Peace and Goodwill, mais aussi Rick Vito en veine de confidence dans l’obsédant I Was A Bad Boy This Year, Lil’ Red & The Rooster dans Santa Baby ou Tiffaby Pollack et Eric Johanson dans River. À ne pas négliger encore, les faces de Jim Koeppel, Bobby Gentillo, Tomislav Goluban, Mark Cameron, Laura Tate et Peter Veteska. Enjoy et Merry Xmas to y’all ! – Robert Sacré


Big Daddy Wilson
& The Goosebumps Bros

Plan B

Continental Blue Heaven CD 2053

Wilson Blount est né en 1960 à Edenton, en Caroline du Nord. Il s’est établi en Allemagne à la suite de son service militaire et y réside depuis. C’est avant tout un excellent chanteur possédant une voix très soul. Il a déjà gravé de nombreux albums depuis 2004 dont « I’m Your Man » en 2013, « Time » en 2015 (produit avec Eric Bibb et Staffan Astner), « Pay Day » en 2021 avec Hans Theessink et l’excellent « Hard Time Blues » en 2021 que nous avions chroniqué dans nos pages. Sur ce dernier CD, on retrouve ses impressionnantes qualités vocales et son style habituel fortement influencé par Eric Bibb. Il y est accompagné par un groupe italien formé par Cesare Nolli (guitare, percussions), Paolo Legramandi (basse), Nick Taccori (drums), et Enzo Messina (claviers), plus quelques vocalistes et choristes pour neuf  compositions originales. C’est une musique soul impeccable, bien faite, agréable à écouter, un peu trop uniforme peut-être.. On aimerait que Big Daddy monte dans les tours et se lâche un peu plus, mais ce disque est très bien tel qu’il est. – Marin Poumérol


Tom Hambridge

Blu Ja Vu

Quarto Valley Records QVR 0172 – www.tomhambridge.com

Auteur, compositeur, producteur à succès pour les autres, Tom Hambridge distille avec parcimonie les albums solo sous son nom. Ce « Blu Ja Vu » permet donc pour la première fois depuis cinq ans de l’entendre comme interprète. Buddy Guy, Joe Bonamassa, James Cotton, Christome Kingfish Ingram, Rob McNelly, Josh Smith ont bénéficié de ses services et viennent ici rendre la monnaie de la pièce. L’ambiance est au heavy blues rock bien épais, mais des titres comme Symptoms of Love ou Get Outta Town procurent un peu de fraîcheur. Convaincants aussi, le swinguant Ain’t It Just Like Love avec Buddy Guy et Blues Don’t Care en compagnie de Kingfish Ingram. Mais il faut se rendre en fin de disque pour rencontrer la séquence émotion et le titre semi-acoustique de Johnny Winter ; porteur d’une terrible question : Pourquoi diable Johnny Winter n’est-il toujours pas admis au rock’n’roll Hall of Fame ? Les lignes vont peut-être bouger… – Dominique Lagarde


Teresa James
& The Rhythm Tramps

Rose Colored Glasses vol2

Blue Heart Records BHR1054

Teresa James est originaire de Houston, Texas, mais vit à Los Angeles depuis les années 1990. Elle est chanteuse, pianiste et, avec son mari Terry Wilson qui est multi-instrumentiste, elle a formé le groupe The Rhythm Tramps. En janvier 2023, ils ont produits « With A Little Help From Her Friends », leur douzième album. Les dix morceaux de ce disque sont des reprises des classiques des Beatles. Mais pour ce volume 2 des “Lunettes Roses”, c’est un retour aux sources soul-blues. Pour presque chaque morceau, les musiciens sont différents. Terry Wilson joue en one-man band de la guitare, de la bassse et du clavier, Darrell Leonard joue de tous les cuivres. Mais au fil des morceaux, il y a quatre batteurs différents. La voix de Teresa James passe d’une forte puissance à une douce sensualité. On appréciera en outre l’émouvante ballade The Idea Of You. Un disque à découvrir. Cette artiste est – à juste – nominée aux Blues Music Awards 2023 dans la catégorie Contemporary Blues Female Artist. – Robert Moutet


Big Harp George

Does Christmas

Blue’s Mountain Records BMR CD06 

George Bisharat a.k.a. Big Harp George, a fait une brillante carrière d’avocat pénaliste à San Francisco et dans la Bay Area et comme professeur au HC Hastings College of the Law avant de céder aux sirènes de la musique et d’entamer une carrière de chanteur, compositeur et harmoniciste. Il a gravé un premier album en 2014 et en est maintenant à son sixième opus dans lequel il déploie sa voix nasale haut perchée et un talent indéniable à l’harmonica chromatique. Il a composé les onze titres enregistrés aux fameux Greaseland Studios de Kid Andersen à San José (CA) avec Andersen (gt, basse), Chris Burns (claviers), Doug Rowan (sax baryton), Michael Peloquin (sax ténor et baryton), Mike Rinta (trombone), Joe Kyle (bass), Derrick O’Mar Martin (drums, percus) et des invités. Dès le départ, B.H. George souhaitait donner un coup de chapeau et des souhaits de bonheur à tous les amoureux de Noël, mais avec une musique non conventionnelle et des compositions originales. Mission accomplie avec brio. Le jeu d’harmonica est transcendant dans toutes les faces, les cuivres sont des plus efficaces de bout en bout, au service d’un humour décapant et d’une ambiance jazzy tout du long, comme dès la face d’entrée, Bad Santa, le trublion, dans Reindeer on Strike, un slow blues avec les rennes du Père Noël en grève, dans un War On Christmas fonceur, sarcastique et agressif, dans That Gricnh In Me, un slow blues grinçant ainsi que, en clôture, It’s New Year’s Eve, jazzy en médium avec swing et optimisme. La palme revient à Where I’ll Be for Christmas ?, un slow blues mélancolique de 2018 avec le regretté Little Charlie Baty, très inspiré dans son solo de guitare, au service de cette triste histoire du gars qui ne sait où aller à Noël, toute sa famille et ses amis lui ayant tourné le dos ! Chapeau bas aussi pour The Three Kings, un hommage fougueux et festif non pas aux Rois Mages mais à B.B.King, Freddy King et Albert King, avec des passages de guitare éloquents et ciblés (Kid Andersen) consacrés à chacun des trois héros ; cette face se termine avec Big Harp George souhaitant à tout un chacun « a most joyous holiday season, wherever you are… ». Citons aussi deux instrumentaux : Snow Shuffle (bluesy et dansant), ainsi que Fireside Waltz (une valse lente, très dansante elle aussi), et pourquoi pas les deux faces aux résonances latino : le chaloupé Carioca Christmas et Coquito Girl, festif et enjoué, dansant également. Bel album, fortement recommandé. – Robert Sacré


Andy Fairweather Low

Flang Dang

LMCD232 – www.lastmusic.co.uk

Les vraiment très anciens ont peut-être en mémoire un groupe pop/psychédélique de Cardiff baptisé Amen Corner apparu et disparu presque aussi rapidement à la fin des années 1960. Le temps de laisser quand même à la postérité quelques tubes (Gin House ; Bend Me, Shape Me ; If Paradise Is ; Half as Nice). Mais les ans ne semblent pas avoir de prise sur son chanteur soliste : Andy Fairweather Low. Embarqué dans une carrière solo à éclipses depuis les années 1970, il est de retour avec cet album sans prétention, composé de onze chansons originales, moulé dans le rock’n’roll/rockabilly, à l’exception du rock steady Ska67 et du jazzy At the End of All Roads. Les nostalgiques des grandes heures du studio Rockfield, au Pays de Galles, seront ravis de retrouver ce son si recherché dans les années 1970/1980, popularisé notamment par le guitariste Dave Edmunds. Dans le même esprit que son illustre prédécesseur, Andy a enregistré lui-même tous les instruments. – Dominique Lagarde


Layla Zoe

Back to the Spirit of 66

Cable Car Records

Layla Zoe est une chanteuse de blues canadienne, originaire de Vancouver. C’est à Toronto qu’elle a sorti son premier album, « Shades of Blue », en 2006. Après avoir remporté un concours d’écriture de chansons en Finlande, elle rencontre le guitariste allemand Henrik Freischlader. Pour collaborer avec lui, Layla va s’installer en Allemagne. Remarquée par Ruf Records, elle est engagée avec Ina Forsman et Tasha Taylor pour la tournée de Blues Caravan 2016. Début 2023, elle enregistre « The World Could Change », son onzième album, avec Henrik qui est le producteur et joue de la guitare, de la basse et de la batterie. Ensuite, et après trois ans d’absence de la scène, Layla part en tournée avec Krissy Matthews à la guitare, Felix Dehmel à la batterie et Paul Jobson aux claviers et à la basse. Cette tournée de trente concerts en deux mois dans six pays se termine dans la salle Spirit of 66 à Verviers, en Belgique. C’est en septembre 2023 que sort le double album enregistré live dans cette salle. Elle y interprète les chansons de ses meilleurs albums studio et pense que c’est, à ce jour, son meilleur album. Sur le plan musical, certains titres se rapprochent de morceaux d’albums de jazz avec des durées supérieures à huit ou dix minutes. On retiendra la magnifique interprétation de Roses and Lavender et le final avec He Loves Me, une belle chanson d’amour. – Robert Moutet


Willie J Law Jr.

Too Much Blues

Pilot Light – No number

Ce « Too Much Blues » du musicien texan Willie James Laws Jr. est une découverte. Ce monsieur est pourtant un artiste professionnel depuis plus de trente-cinq ans. Il a déjà publié quatre cd. Pour en savoir plus à son sujet, lisez – dans Living Blues Magazine #271 – l’excellente interview que fit de lui notre regretté ami et collaborateur d’ABS, Scott M. Bock. Willie James Laws Jr. est né à Taft, Texas, 25 miles au nord-ouest de Corpus Christi. Encore gosse – il avait neuf ans – il vit un vieil homme jouer de la guitare dans un bar de Houston où son oncle trainait ses guêtres. Il découvrit, bien des années plus tard, que celui qui lui avait montré trois accords était Lightnin’ Hopkins en lisant son obituaire illustré d’une photographie dans Rolling Stone Magazine. Il a pas mal bourlingué. D’abord comme marin de l’US Navy pendant six ans. Puis, une fois devenu musicien, après l’abandon de sa carrière militaire, ses divers lieux de résidence furent : le Texas, New Orleans, Las Vegas, la Californie et maintenant le Massachussetts. Ainsi fit-il les premières parties de B.B. King, Etta James, Buddy Guy, Willie Nelson, Hall & Oates, Lynyrd Skynyrd, … Un large spectre musical. Il a développé un remarquable jeu de guitare sobre, swinguant et sans épate très influencé par B.B. King, nourri de réminiscences de blues texan, de rhythm & blues, de funk, de musiques tex-mex et louisianaise, de zydeco et country. Il est en outre un très bon chanteur avec des inflexions gospel. En enregistrant ce nouveau disque, Willie J Laws Jr. semble s’être souvenu de son mentor Phillip Walker qui l’engagea en 1986. Il en parle avec émotion dans une interview réalisée par Michel Limnios pour le magazine en ligne blues.gr : « Mes meilleures leçons proviennent de l’époque où je tournais avec le regretté Phillip Walker qui m’avait pris sous son aile alors que je n’avais pas trente ans. On l’appelait le ‘Gentleman of the Blues’. La plupart des gens ne savait pas qu’il lisait et écrivait à peine, ni qu’il était un mécanicien fantastique. C’est lui qui entretenait le van de tournée qui circulait de la côte ouest à la côte est. Phillip Walker l’avait baptisé “Miss Lula B.” ; le véhicule avait plus de 500000 miles au compteur. C’était une véritable Bluesmobile ! ». Ce disque prouve qu’en plus d’être un excellent chanteur-guitariste, Willie J Laws Jr. a un véritable talent d’auteur. Il rassemble douze chansons, dix écrites par lui et deux reprises, I Want To Be Loved (composition de Willie Dixon enregistrée pour la première fois par Muddy Waters en 1953) ici traitée avec un groove funky, et Who’s That Lady des Isley Brothers qui lorgne vers Robert Cray. Les originaux sont marqués par la qualité des paroles. Regl’ Ol’ Blues est un hommage appuyé à B.B. King, Bobby Blue Bland et Little Milton. Stuck In Traffic fait un parallèle entre le fait d’être bloqué dans un embouteillage et les difficultés de carrière pour un musicien afro-américain. L’harmoniciste Jerry Portnoy et le jeu en slide du guitariste Paul Nelson illuminent Sorry Charlie qui doit beaucoup à Mr. Charlie de Lightnin’ Hopkins et au Chicago blues. Willie J Laws rappe sans difficultés sur Getcha’ Knee Off My Neck, une allusion évidente au meurtre de George Floyd par des policiers blancs. Autre thème politique, Ain’t Going To Texas, qui dénonce les travers d’une certaine droite américaine qui bannit les livres, l’amour ; « tu seras le prochain banni » chante même l’artiste . The Right est une déclinaison des diverses significations de ce mot. Je vous laisse imaginer. Voici un disque important dont vous apprécierez toutes les facettes et richesses après plusieurs écoutes. – Gilbert Guyonnet


Mike Vernon
& Cat Squirrel

Blues What Am

Brand New Music Ltd / DixieFrog DFGCD8843

On ne présente plus Mike Vernon, une légende du Blues Revival anglais des sixties, fondateur du label Blue Horizon et producteur de sessions d’enregistrement mémorables avec des groupes anglais (Bluesbreakers avec Mayall et Clapton, Fleetwood Mac…) mais aussi des pointures du Blues (Otis Spann, C.J. Dupree, Elmore James…). Il n’a jamais quitté le circuit et le voici au chant dans un album produit par lui-même et enregistré à Séville (Espagne) en mai 2022, en compagnie des musiciens chevronnés et talentueux de son groupe : Mingo Balanguer (hca), Kid Carlos Moreno (gt, slide), Oriol Fontanal (basse) et Pascual Monge (drums). En outre, il a composé neuf des quatorze titres en collaboration avec Carlos Moreno et un autre avec Bob Ross. Vernon n’a, en rien, perdu le main pour composer et produire, le résultat est bluffant ! Superbe quasi de bout en bout, que ce soient les quatre reprises ou les compositions originales avec Moreno (gt) et Balanguer (hca), impériaux et transcendants face en face, des festifs et enjoués Sugaree Sugaree, Out On A Limb et Heart Of Gold, au bien enlevé All She Wants Is Me, en passant par le percutant One Minute et les slow blues My Baby’s Gone (triste à souhait) et surtout Baby Please (de facture classique), sans oublier Let The Boogie Rip, un boogie déjanté à la John Lee Hooker. Quant aux reprises, What The Blues Will Do (Arbee Stidham) fait le job et You Got Me Dizzy (Jimmy Reed) est trépidant. La palme revient à une superbe version uptempo de Cat Squirrel (Dr. Ross) avec slide et à I Feel So Good (Big Bill Broonzy) vigoureux, aussi uptempo et avec slide. Un album qui fera chaud au cœur des amateurs de blues électrique traditionnel ! Du V.S.O.P. 5 étoiles, qu’on se le dise ! – Robert Sacré


Gaby Jogeix

Smile To The Clouds

Autoprod. – www.gabyjogeix.com

Avec patience et détermination, le bluesman madrilène parcourt les salles de concert de notre pays pour tenter d’asseoir sa réputation « tras los montes ». Entre blues, rock, soul, funk, gospel et worksongs, ce nouvel album enregistré dans différents studios de la péninsule devrait l’aider à franchir un cap supplémentaire. L’énergique Smile To The Clouds ouvre les débats, un sourire aux nuages vers lesquelles pointent les nombreuses parties de pedal steel qui parcourent l’album, et dont Gaby Jogeix est un spécialiste reconnu. In The Other Life et Low Tide dispensent une soul à la fois rayonnante et sensible. Le vieux complice et excellent songwriter Jeff Espinosa est invité sur Take It Easy, Nico Wayne Toussaint sur le gospelisant I Ain’t Mahalia. In The Bathing Sun et le sax de Blue Lou Marini nous amènent en villégiature, vers le bassin d’Arcachon où les photos du disque ont été prises. Après « Meanwhile in New Orleans », il y a trois ans, Gaby Jogeix s’était donné pour objectif de parfaire toujours plus son chant. Le résultat ici est probant et, comme les chansons ont aussi gagné en concision, ce « Smile To The Clouds » est son album le plus abouti. – Dominique Lagarde


Nic Clark

Everybody’s Buddy

Little Village Foundation 2496 – www.littlevillagefoundation.org

Voici le deuxième album de Nic Clark (chant, guitare, harmonica) avec Charlie Hunter (guitare, basse, production), Georges Sluppick (drums) et DaShaum Hickman (gt pedal steel). Clark est un jeune Mexicain-Américain installé maintenant dans le Colorado. Il nous entraîne dans un voyage « Feel Good » avec des chants intimistes et personnels, interprétés en une sorte de thérapie qui semble porter ses fruits : mélancolie est le maître-mot tout du long. Tous les morceaux sont en relation avec ce qui fut le quotidien de Clark, les hauts et les bas et en particulier la dureté de la vie, les deuils (How I Met The Blues pour une cousine et It’ll Be Alright pour la mort de sa grand-mère, etc) et surtout son surpoids et une obésité hors norme l’exposant aux quolibets et au mépris à l’école puis au lycée et dans la vie de tous les jours, son combat pour y remédier et son anxiété récurrente (Anxiety Blues). Tout est en mode slow ou médium sauf le Good Advice de J.B.Lenoir (un conseil à suivre) plus agressif et Don’t Count On Yourself, plus dans l’autodérision, enlevé et nerveux. D’autres faces, plaisantes, sont dans la lignée de la country music avec guitare pedal-steel comme le titre éponyme, une ode à l’amitié et She’s A Fighter dédié à une nutritionniste qui l’a bien aidé pour retrouver un poids acceptable mais qui souffrait elle-même de la maladie de lyme. – Robert Sacré


Will Jacobs, Ally Venable, Ashley Sherlock

Blues Caravan 2023

Ruf Records 1304 – www.rufrecords.de

C’est en 2005 que Thomas Ruf réunit ainsi trois des artistes qui enregistrent sur son label : Sue Foley, Candye Kane et Ana Popovic, pour une tournée avec l’enregistrement d’un disque. c’est désormais devenu une tradition chez Ruf, avec un trio différent chaque année, et dernièrement avec le film du concert en DVD. 2023 en est donc la dix-huitième édition, enregistrée le 7 mai au Musiktheater Piano de Dortmund, en Allemagne. Trois guitares et trois voix pour cette tournée qui a débuté en février. Ces trois artistes ne sont pas des inconnus. Ally Venable, venue du Texas, a sorti chez Ruf Records un premier album en 2019 et un deuxième en 2021. Elle a participé à la tournée Blues Caravan 2019. Will Jacobs est originaire de Chicago. Il a beaucoup joué dans les clubs de sa ville natale avant de s’instaler à Berlin en 2016. En 2022, il a sorti le disque « Goldfish Blues » chez Ruf Records et déjà participé à la tournée Blues Caravan. Ashley Sherlock, le troisième chanteur-guitariste de cette tournée, est originaire de Manchester. Après des performances en solo, il a formé en 2017 un trio de blues-rock avec lequel il a enregistré plusieurs disques. Son prochain album doit sortir cette année chez Ruf Records. Pour ouvrir le concert, les trois vedettes chantent ensemble sur scène, accompagnées par Arne Imig à la basse et Isaac Pulido à la batterie. Ensuite, le concert, qui dure près de 140 minutes, verra se succéder les trois acteurs avant le final. Le CD comporte quatorze morceaux qui sont tous repris dans le DVD qui en comporte vingt-trois. Quel plaisir de désormais retrouver chaque année cette formule de concert live en CD et DVD, unique dans le domaine du blues, avec de jeunes musiciens de grande qualité. – Robert Moutet


Raphaël Wressnig
& Alex Schultz

Soulful Christmas (With A Funky Twist)

Pepper Cake Records (Vinyl LP/PC 2143-1 ; CD /PEC 2143-2 )/ZYX-Music – www.raphaelwressnig.com

D’un côté, c’est de saison que de concocter un album de chansons et musiques de Noël en cette fin d’année, de l’autre c’est un fameux challenge à relever pour susciter de l’ intérêt dans le public blues/r&b/soul/jazz et apparentés ! Raphaël Wressnig (orgue Hammond B-3, Wurlitzer piano et clavinet) et Alex Schultz (guitares), avec batteur et une invitée, ont relevé ce challenge avec brio. C’est une réussite totale et un album qui s’écoute avec grand plaisir et un goût de revenez-y. Cela est dû – outre le niveau très élevé des deux leaders – à de fortes doses de sons funky (cf. sous-titre), jazz, r&b, soul et blues comme dans This Christmas, un excellent blues chanté par Gisele Jackson (ex-Ray Charles, Donna Summer, James Brown,…), Santa Claus Is Coming To Town (du R&B musclé et dynamique), tout comme Winter Wonderland, ou encore Merry Christmas Baby (un superbe slow blues avec Raphaël Wressnig et Alex Schultz en grande forme. Mais il en est de même de toutes les autres faces, et en particulier dans Silent Night, slow et solennel mais jazzy et émouvant ou O Tannenbaum enlevé, jazzy et accrocheur. En fait, on a ici tout un lot de cantiques de Noël revisités avec fougue et avec un swing dévastateur. Même les chants de Noël par excellence comme The Little Drummer Boy et Stille Nacht/Silent Night ainsi que Leise Rieselt der schnee (un chant de Noël pour enfants), reprennent vie dans des versions secouantes. Mention à Jingle Bells qui swingue en slow dès le début et se déchaîne en deuxième partie sous l’attaque du B3 de Raphaël Wressnig et des parties inspirées de guitare d’Alex Schultz. Une belle réussite. – Robert Sacré


Julien Brunetaud

Bluesiana
Blues & Boogie

No label – No number

Quand j’ai ouvert l’enveloppe contenant les quelques cd à chroniquer pour ce nouveau numéro d’ABS, quelle fut ma joie en découvrant un disque de blues et boogie woogie joués sur un vrai piano acoustique ! C’est avec un a priori favorable que je glissai immédiatement le nouvel enregistrement du chanteur et pianiste Julien Brunetaud (son sixième) dans mon lecteur de cd. Je ne fus pas déçu. L’excitation initiale ne faiblit pas à l’écoute de cette musique. Dès les premières mesures de Nola Boogie, une composition de Julien Brunetaud qui ouvre le disque, on reste scotché à l’écoute d’une musique intense. Celle-ci est la combinaison de l’écoute de nombreux disques de pianistes afro-américains, de voyages en Louisiane et dans le Mississippi et des rencontres du musicien avec des pointures telles B.B. King, Chuck Berry, Joe Louis Walker, Mojo Buford, John Primer, Louisiana Red qu’il accompagna. Le cd est un mélange de six compositions originales et six reprises où se mêlent les divers styles de piano afro-américain joués avec feeling et swing. Le jeu de piano de Julien Brunetaud est passionnant. Son chant n’est pas exceptionnel, mais fort agréable. Cet enregistrement entièrement acoustique devait initialement être en solitaire. Mais Julian Brunetaud a jugé bon d’inviter des amis pour donner plus de chair à quelques titres. L’harmoniciste Kevin Doublé intervient sur Nobody Knows You Where You’re Down and Out de Jimmy Cox, It Hurts Me Too de Tampa Red et Firebug Blues de Julien Brunetaud. Le contrebassiste Patrick Ferné contribue à Nobody Knows When You’re Down And OutIt Hurts Me Too et Worried Life Blues de Big Maceo. Le guitariste Igor Pichon donne un coup de pouce sur le titre de Jimmy Knox, Music Is My Business, de Roosevelt Sykes, et Cycle Of Love qu’il co-signe avec Julien Brunetaud. Ce choix de reprises est une preuve de bon goût. On peut y ajouter Tipitina de Professor Longhair et Otis In The Dark d’Otis Spann. Les compositions du pianiste ne déparent pas cette collection. Un jeu de piano de premier plan sans esbrouffe où Julien Brunetaud est au service du blues et du boogie woogie rend ce disque particulièrement attractif. – Gilbert Guyonnet


Dr. Sugar

These Words

DRSO 1023

Pierre Citerne a.k.a. Dr. Sugar, chant, guitare, piano, dobro, harmonica et auteur compositeur inspiré par Ry Cooder a créé le groupe Marvelous Pig Noise en 1996 qui s’est arrêté en 2008. Il s’est impliqué ensuite dans le groupe Hush, il a collaboré avec Mathias Haug, Jilly Riley et Sugarcane, avant de poursuivre sa route sous le nom de Dr. Sugar, se consacrant aux musiques du Mississippi et surtout de Louisiane, ce qu’il démontre dans ce nouvel opus dont il a composé les dix titres et qui est produit par Nicolas Sarran (aux drums, également batteur de Red Beans & Pepper Sauce) avec David Jelley Bardy (tambourin), Emmanuel Beer (orgue Hammond B3), Pierre Cordier (basse) et, en invités, Philippe Anciaux (cuivres), le New Orleans Gospel Quartet, etc. Le ton est donné avec, en slow, I Want To Go To New Orleans, du R&B jazzy à la façon des marching bands avec cuivres, comme dans Ready To Give Love Again, encore une marche sautillante aux forts et plaisants accents NOLA. À côté de quelques ballades, dont My Heart Is Beatin’ boosté par la batterie de Nicolas Serran, on notera un Half-hearted Lovin’ intense et jazzy avec d’excellents passages d’orgue (E. Beer), Good Bye Baby (un slow blues), The Little Church (un gospel festif et entraînant, avec le NO Gospel Quartet) emmené par une excellente partie de piano (Dr. Sugar) et Je M’suis Bonifié (seule face chantée en français), une complainte enjouée, en forme de confession pour des frasques de jeunesse, passées et corrigées avec des passages de guitare très inspirés. Les paroles de chaque morceau sont reprises dans les notes de pochette. – Robert Sacré


Van Morrison

Accentuate The Positive

Exile 3369580

Sans doute avec l’âge, l’inspiration se tarit un peu chez Van Morrison. L’inspiration, mais pas la verve, You Are My Sunshine porté par sa voix unique, en offre le témoignage dès l’ouverture. Dix-neuf morceaux qui ont jalonné son parcours de jeunesse sont retenus ici. Certains peut-être découverts dans la conséquente collection de disques que possédait son père. Ainsi, vous pourrez danser tout à loisir pour ces fêtes de fin d’année au son de cet album entièrement constitué de reprises de standards américains (et anglais !) du swing, de la pop, du rhythm’n’blues ou du rock des années quarante/cinquante. La section rythmique balance en diable avec le soutien de piano, orgue et cuivres. Et ce en toute légitimité, puisqu’avec Them, il y a près de soixante ans, il fut un des principaux passeurs de cette musique vers nos rivages européens. Van Morrison ne vise pas qu’un public de nostalgiques. Les jeunes aussi. Si l’on en juge par les notes de pochettes en caractères microscopiques. Trop petits pour les vieux yeux des vieux fans sans le secours de la médecine. Un détail. L’essentiel étant qu’avec “Van the Man”, la taverne de l’Irlandais soit toujours bien remplie. Elle n’est pas prête de se vider. – Dominique Lagarde


Addis Black Mamba

Heptahedron

Orient Street Records
 
Tout commence avec les premières influences musicales européennes en Ethiopie qui remontent à l’adolescence de l’époque baroque, au début du XVIIe siècle, quand les méthodes d’évangélisation des jésuites se heurtèrent à un mur. Christianisée dès le IVe siècle, l’Ethiopie rejeta finalement les Romains et leur catholicisme, et ce malgré le conversion de l’empereur Susenyos qui abdique en 1632 sous la pression de la toute puissante église Copte Orthodoxe. Suite à la victoire de Ménélik II en 1896 contre les Italiens, la musique moderne prend véritablement racine en Ethiopie grâce au kit de fanfare offert par le Tsar Nicolas II *. Cette lente appropriation des instruments durera presque un demi-siècle, jusqu’à la guerre qui opposera une fois de plus l’Ethiopie contre l’Italie (1935/1941), appropriation qui se fera à travers un répertoire fortement influencé par des musiques européennes. Après guerre, et grâce à des instructeurs très inspirés par les big bands américains, la musique éthiopienne accompagnera la fin du régime impérial qui prend date en 1974, avant d’être démantelé par le gouvernement militaire provisoire d’une Ethiopie devenue socialiste (appelé DERG d’après sa première dénomination en Amharique, il désigne le gouvernement mis en place en 1974 par des militaires suite à la révolution qui chassera le régime d’Hailé Sélassié. Ce fut le premier régime non monarchique de l’histoire Éthiopienne. Viscéralement attachée à sa culture et majoritairement anti-Africains, l’Ethiopie s’accordera davantage des influences européennes et américaines, faisant fit du panafricanisme officiellement proclamé dans la capitale de l’Organisation de l’Unité Africaine, Addis-Abeba. L’étrangeté du phénomène (les sections de cuivres des bands institutionnels qui intégraient la Soul comme le Rhythm’n Blues dans les années 1960) aura pour conséquence de produire une musique aisément identifiable et singulière au sein de la grande scène africaine. C’est l’irruption des instruments européens qui a présidé à l’émergence progressive des musiques « modernes » locales, parfois qualifiées d’« urbaines » parce qu’elles se sont essentiellement développées à partir des villes ou des nouvelles capitales. Le décor est planté. Les musiciens font presque tous partie de groupes officiels d’état et il faudra attendre la fin des années 1960 pour voir apparaître, timidement et sous l’impulsion d’Amha Eshèté, le premier groupe indépendant sans la moindre tutelle. The Soul Echos ne ressemblait à rien d’autre de connu jusque-là, leur musique ainsi que leurs costumes tenaient plus du swinging de Londres que des orchestres nationaux. Leur liberté de ton dans les textes, leurs pattes d’eph, coupes afro, choucroutes et mini jupes, détonnaient furieusement dans les nuits chaudes de la capitale qui s’exonérait petit à petit des smokings bien repassés et du devoir de réserve imposé aux musiciens institutionnels. Et puis il faut souligner qu’à partir de ce moment, ce sont ces musiciens qui participent aux sessions d’enregistrements alimentant le marché du disque tenu jusqu’alors par l’état monopolisateur. En créant Amha Records, A. Eshèté, à peu près à la même époque, bravera ce monopole d’état sur l’importation et la production, mais surtout donnera naissance à ce groove, ce « swinging d’Addis » qui lorgne gravement celui de Londres. On n’oubliera pas les Peace Corps qui apporteront dans leurs bagages des influences multiples gravées sur disque, et puis la station radio Kagnew installée sur la base militaire d’Asmara qui diffusait toute cette musique américaine. Mais en France, l’Ethio-jazz ne se fait toujours pas entendre… Pionnier de cette nouvelle scène, A. Eshèté entraîne avec lui tout un pan de musiciens soucieux d’une part de s’affranchir de quelconques tutelles et, d’autre part, de montrer que l’on peut se soucier de l’altérité, de partager des valeurs contestataires (qui sont le ferment d’une jeunesse mondiale en mal de reconnaissance) et moderniste que véhiculent si bien les musiques anglaises et américaines de cette époque. Mais l’arrivée en 1974 du DERG mettra fin à cette extraordinaire pulsion d’indépendance au profit d’une musicalité particulièrement rigide puisque martiale. En quelques mois, la ville s’est éteinte de toute vie nocturne et, durant toutes ces années sombres faites d’intimidations, de censures et autres propagandes, il ne restera plus que deux trois groupes en activité. Les grandes stars locales se débrouillant avec ce qu’il restait (regroupés principalement au sein du Roha Band, du Wallias Band et de l’Ethio-Star Band), quand elles n’étaient pas réquisitionnées par la propagande de la Télévision éthiopienne. 1984, Francis Falceto (musicographe et producteur, spécialiste des musiques du monde) fait la rencontre de Mahmoud Ahmed par l’intermédiaire de quelques disques empruntés à Bernard Gallodé. Coup de cœur. Un an plus tard, il se rend en Ethiopie pour rencontrer le chanteur et lui propose de rééditer son album de 1975, « Erè Mèla Mèla », sur le label bruxellois Crammed Disc. Ce succès international pousse Falceto à créer la collection « Ethiopiques » dix ans plus tard sur le label Buda Musique (label indépendant créé en 1987 par Dominique Buscail, François Dacla et Gilles Fruchaux), mettant en avant les artistes des années 1950 à 1975, produits pour la plupart par A. Eshèté pour son label, mais aussi pour Kaifa Records (tenu par Ali Abdella Kaifa). Il faudra encore attendre 2005 pour une reconnaissance mondiale d’une musique à part avec la sortie de « Broken Flowers » de Jim Jarmusch qui utilisera trois titres du futur père fondateur de ce que l’on nommera dorénavant l’Ethio-jazz, Mulatu Astatqe. Pourquoi toute cette histoire pour présenter un groupe fait de musiciens professionnels et amateurs ? Parce que Addis Black Mamba tient de toute cette épopée. C’est un groupe pluriel qui explore une musicalité qui trouve ses sources dans l’Ethio-jazz comme dans l’Afro-beat avec des pointes presque free parfois où se mêlent groove et pulsion funky. Addis Black Mamba ne manque pas de sources créatives pour nous envoyer valser dans les limbes anciennes comme modernes d’une musique qui ne finit pas de se réinventer. Pluriel aussi de par l’expérience de chacun des membres qui apporte au groupe une tonalité particulière à chaque titre, en faisant de vrais hits potentiels (dans un style différent mais avec la même approche, Blundetto ou Le Tigre de Platane se posaient là aussi), incorporant des guitares à résonance psyché (Shibuya), des basses funky (Dunno), des cuivres chauds et des harmonies aériennes riches et métissées au point de faire sonner Twelve Birds de façon presque caraïbéenne dans son exotisme (appuyé par des percussions afro-latines pertinentes). Composé de sept éléments particulièrement perturbateurs (Nico Barnier au saxophones ténor et baryton, Thomas Blon à la basse, Cyril Decubber aux percussions, Nicolas Mausmond à la batterie, Julia Guilloton à la flûte, Benoît Roudel à la guitare et Olivier Trénel à la trompette), Addis Black Mamba donne naissance à des interprétations et réappropriations aussi diverses que les continents qu’elle a conquis. L’implication du groupe (après quelques changements de line up au fil du temps) est telle que Julia Guilloton (nouvelle venue) prendra des cours d’Amharique pour coller encore plus à cette fascinante musique. On en regretterait presque qu’il n’y ait qu’un seul titre (l’hommage à Mahmoud Ahmed avec Aynotché Térabu) sur lequel elle pose sa voix particulièrement confondante, à s’y méprendre. Au bout du compte, on tient là un bel et grand album façonné avec patiente et persévérance, qui met beaucoup de soleil, de pulse et de chaleur sur des temps qui s’obscurcissent de plus en plus. – Patrick Derrien
Note * :
Après le cadeau cuivré du Tsar de Russie en 1897, c’est à Jérusalem que la musique éthiopienne moderne croise à nouveau son destin, en 1924. Entre-temps, l’empereur Menelik est mort (1913) et son successeur désigné, Lidj Iyassou, a été déposé (1916) par le jeune Tèfèri Mèkonnen qui a installé Zèwditou, fille de Ménélik, sur le trône d’Éthiopie. Désormais Ras Tèfèri et régent, le futur Haylè Sellassié Ier a, dès 1916, la haute main sur le pays. Peu après l’admission de l’Abyssinie au sein de la Société des Nations, le prince régent se rend en Europe pour une longue tournée diplomatique qui le conduira à Paris, Bruxelles, Luxembourg, Stockholm, Rome, Londres, Athènes… Avant une première étape au Caire, la délégation se rend en pèlerinage à Jérusalem. La fanfare qui l’accueille en terre sainte impressionne tant le Ras Tèfèri qu’il décide de l’engager pour en faire la musique officielle de l’Éthiopie. Cet orphéon a ceci de singulier qu’il est entièrement composé de jeunes orphelins arméniens rescapés du génocide perpétré par les Turcs en 1915. Un contrat de quatre ans est aussitôt signé avec son autorité de tutelle, l’archevêque arménien de Jérusalem. Quatre mois plus tard, après d’intenses activités diplomatiques en Europe, la délégation éthiopienne rentre au pays sans oublier les quarante musiciens qui embarquent à l’escale de Port-Saïd. Le Ras Tèfèri recrute également un chef de musique, lui aussi arménien, qui se trouvait depuis six mois au Caire, après plusieurs exils mouvementés.

Sources :
• Francis Falceto : « Abyssinie Swing. A Pictorial History of Modern Ethiopian Music/Images de la musique éthiopienne moderne », Addis Abeba, Shama Books, 2001.
• Notes de pochettes des 30 volumes « Ethiopiques » paru sur Buda Records.
• Florent Mazzoleni : « Épopée de la Musique Africaine » / Hors Collection 2008.
• Serge Dewel : « Ethiopie, une histoire » / l’Harmattan, 2021.
• Kebede Ashenafi : « Roots of Black Music ; The Vocal, Intrumental and Dance Heritage of Africa and Black America » (a spectrum book) / Prentice-Hall 1983.


Sugar Boy Crawford

Hey Now
New Orleans Classics 1953-1958

Jasmine Records JASMCD 3266 – www.jasmine-records.co.uk

James “Sugar Boy” Crawford, décédé en 2012 à 77 ans, paraît bien oublié aujourd’hui malgré son intronisation bien méritée au Lousiana Music Hall of Fame. Ce chanteur et pianiste de talent grava vingt-trois titres pour Chess/Checker en 1953-1954 et dix titres en 1957-1958 pour Imperial qui constituent ce CD Jasmine. Tous ces titres avaient déjà été réédités en albums vinyls en 1976 : « Chess Blues Masters Series 2 » – ACMB 209 (double album) et « New Orleans Classics Imperial 1561351 » en 1985 chez Pathé Marconi. Les faces Chess sont débordantes de vitalité et très typiques de ce bon vieux r’n’b made in New Orleans. La plus célébre étant bien sur Jockomo qui devint Iko Iko et qui fut un succès durable repris tous les ans pour les parades du Mardi Gras. Mais Sugar Boy n’en tira que peu de bénéfice, car c’est la version des Dixie Cups qui fit un véritable carton. Sur deux titres, le tout jeune Snooks Eaglin fait ses débuts : You Call Everybody Sweetheart et If I Loved You Darling. Sugar Boy et son orchestre des Canes Cutters – qui comprenait David Lastie au saxo, Frank Field à la basse, Big Boy Miles au trombone et Eric Warner aux drums – eurent pendant quelques années une excellente réputation régionale et, en 1957, ils signèrent chez Imperial où, produits par Dave Bartholomew, ils enregistrèrent chez Cosimo Matassa quelques superbes faces qui sont sur ce CD. Malheureusement, début 1959, Sugar Boy fut agressé par deux policiers blancs qui le frappèrent violemment. Il lui fallut une grosse année pour se remettre et il laissa tomber la musique pour se tourner vers son église. Ce n’est qu’en 1995 qu’il réapparait sur l’excellent CD de son petit-fils Davell Crawford, «  Let Them Talk » (Rounder 2139) en chantant avec lui un formidable Walk Around Heaven. Il faut écouter Sugar Boy Crawford. C’est une cure de bonne humeur, de joie de vivre et de N.O. rhythm’n’blues à nulle autre pareil ! – Marin Poumérol


Various Artists

This Thing Called Love
And Some Pain And Heartache Too
“Soul Blues Grooves”

JSP Records JSP3028 – www.jsprecords.com

Lucky Peterson venait de commencer à travailler sur un projet de disque purement soul avec John Stedman et sa firme de disques JSP Records quand il mourut subitement le 17 mai 2020, à l’âge de 55 ans. John Stedman eut alors l’idée de compiler quelques-unes des productions les plus soul de son maintenant imposant catalogue JSP ayant vu le jour en 1979. Les dix-huit chansons proviennent d’enregistrements réalisés entre 1990 (Paycheck To Paycheck du chanteur-guitariste Lucky Lopez Evans, mort à la Dodge County Prison, Wisconsin, le 28 janvier 2004, provenant du disque « Southside Saturday Night » – JSPCD234) et 2020 (Send Me de Stevie Washington accompagné par le clavier de Lucky Peterson tiré de « Just A Matter Of Time » – JSP3019). Aussi serez-vous nombreux à les connaître. Qu’allez-vous découvrir dans ce disque ? Lucky Peterson et son épouse Tamara disposent de trois titres. Love You Baby et Back In Charge Again sont deux inédits. Smile, chanté par Tamara Peterson, est disponible sur « Darling Forever » (JSP8814, en 2009). La grande dame du Soul Blues, Denise LaSalle, interprète formidablement son tube This Thing Called Love, enregistré en public à Ecaussines, en Belgique, le 12 mai 2017, lors d’une de ses rares venues en Europe ; à ses côtés, l’excellent guitariste Vasti Jackson et l’organiste Joe Krown. Ceci est disponible sur le cd de Denise LaSalle, de 2019, « Mississippi Woman Steppin’ Out » (JSP3014). L’excellente chanteuse Deitra Farr a droit à deux chansons, une de chacun de ses deux cd JSP : I’m Trough With It extraite de « Let It Go » (JSP5105 EN 2005) avec, en particulier, le guitariste Billy Flynn et Anywhere But Here de « The Search Is Over » (JSPCD284 en 1997). Il est incompréhensible qu’une chanteuse du niveau de Lisa Bourne n’ait enregistré qu’un seul disque, « Bluehipnotik » (JSPCD3702 en 2001) ; John Steman a choisi le prenant Soul Searching. Le chanteur-guitariste Percy Strother avait 45 ans quand il fut découvert et superbement produit par Blue Loon Records. Sa carrière fut hélas trop brève puisqu’il mourut en 2005, à l’âge de 58 ans. Il enregistra pour JSP l’excellent « It’s My Time » (JSPCD295 en 1997) dont vous retrouverez ici avec grand plaisir Get Out Of My House Woman et So Called Friends. JSP produisit, en 2007, « Stop The Game » (JSP8804) de la talentueuse et regrettée chanteuse et guitariste Deborah Coleman, morte en 2018 à l’âge de 62 ans ; Long Time en est un extrait. Je vous recommande de visionner le film de 2004 de Robert Mugge, Blues Divas, dans lequel vous pourrez apprécier le talent de Deborah Coleman sur la scène du Ground Zero de Clarksdale, Mississippi. Little Nikki fut découverte dans un club de Dallas. John Stedman lui fit enregistrer Blame It On Me, accompagnée par l’auteur de cette bonne chanson, le guitariste Andrew ‘Jr.Boy’ Jones, longtemps guitariste de Charlie Musselwhite et publia le résultat sur le double cd « Texas Blues » en 1997 (JSPCD403). Little Nikki devint un peu après choriste de Johnnie Taylor (et non Johnny Taylor comme l’écrit dans ses notes de pochette John Stedman). Destini Rawls profita des séances d’enregistrement de son père Johnny Rawls présent sur Lonely Street extrait de « I’m Movin’ In » (JSPCD2149 de 2001). Le cri du cœur du bien trop sous-estimé Lonnie Shields est de réclamer une nouvelle chance : One More Chance provient de « Tired Of Waiting » (JSPCD270- année 1996). Enfin, Jackie Payne et Willie Edwards complètent cette collection. Pourquoi deux titres du médiocre Willie Edwards ? Que vous possédiez tous ces disques originaux ou que vous soyez profane, vous prendrez un même grand plaisir à l’écoute de cette compilation très réussie. – Gilbert Guyonnet


James Ray

Got My Mind Set On You
Complete Recordings

Jasmine Records JASMCD 1190 – www.jasmine-records.co.uk

Le chanteur James Ray est un cas très particulier. Les quelques 25 titres qu’il a gravés entre 1959 et 1962 ont impressionné pas mal de monde : Paul McCartney le citait parmi ses artistes préférés, son If You Gotta Make A Fool Of Somebody fut un succès pour Freddie and the Dreamers, groupe anglais de la grande époque. James Ray était un formidable chanteur soul un peu dans le style de Little Willie John : une grande voix ! Mais il est souvent mal produit, soutenu par des choristes pas dans le coup, envahissants et peu plaisants. Le répertoire n’est pas au top non plus. Un album vinyl était paru en 1983 : « Itty Bitty Pieces » et est devenu un collector recherché (Charly CRB 1065). Ce cd regroupe ses singles en mono et un album en stéréo avec des titres en commun. Il y a des interprétations ou la voix de James domine et fait merveille : Lazy Bones, St James Infirmary,  Got My Mind Set On You, et d’autres où il faut faire abstraction de l’accompagnement. Dommage ! Mais, de plus en plus dépendant de la drogue, il devenait incontrôlable et peu fiable et disparaissait souvent sans qu’on sache où le trouver. À 25 ans, en 1965, il disparut, victime de ses addictions. Ce disque – qui comporte des hauts et des bas – est son héritage et mérite d’être écouté pour qu’il ne tombe pas dans les oubliettes de l’Histoire. – Marin Poumérol


Various Artists

Wild and Whammy Guitars
The Blues Fretboard Master

Jasmine Records JASMCD3265 – www.jasmine-records.co.uk

Le Blues est un père de famille nombreuse. À la sortie des années 1950 et à l’aube des sixties, quand la Soul pointait son nez avant le raz de marée que l’on sait, les guitares étaient furieuses, acides et lancinantes, aiguisées sur le fil du jump, elles venaient autant de New-York (Wild Jimmy Spruill) que de Clarksdale (Ike Turner), prenaient vie dans les mains diaboliques d’un Magic Sam, transfuge du Mississippi qui finira par donner ses lettres de noblesses à la scène west side de Chicago d’une façon rude et abrupte, idem pour Buddy Guy et son First Time I Met The Blues sauce live pour Chess en 1960. Si il n’y a pas vraiment d’inédits dans cette compilation, quelques petites pièces pas commodes à trouver se retrouvent ici en bonne compagnie. Jimmy Nolen – qui n’avait pas encore rejoint Johnny Otis – accompagne judicieusement le groupe de Monte Easter de quelques riffs blues presque mélancoliques sur Blues Is Evening gravé en 1954. Le mystérieux K.C. “Mojo” Watson et son All Alone (1957) – qui n’enregistrera qu’une poignée de chansons pour le label Atlas Records de New York – tout aussi obscur et dirigé par le trompettiste Tommy Robinson de l’incontournable Take Five de Hound Dog Taylor pour Key Records en 1960, etc. Si tout ce beau monde trouve ses sources plus où moins directement aux racines des premiers balbutiements des guitares  électriques de Lonnie Johnson et T. Bone Walker, il n’y a pas de doute que chacun trouvera sa façon de les appréhender pour en jouer d’une manière toute personnelle. Ce qui me blesse le plus, m’indigne un tant soi peu, sont les notes de pochettes trop maigres et pas toujours d’actualité. Au fil de la lecture du disque apparaît un sujet d’étude qui aura mangé une quinzaine d’années de mon existence. Ne pas être au courant du travail accompli par plusieurs chercheurs sur le personnage qui se faisait appeler “Sly Williams” (travail édité d’une part avec la parution de l’article de Gene Tomko dans le magazine Living Blues N°281 de novembre 2022, l’excellente interview de Gilbert Guyonnet, le beau travail paru dans Il Blues et les nombreux autres articles parus dans la presse internationale), en l’occurence Cleo Page (puisque c’est de lui qu’il s’agit) et d’autre part l’édition du vinyle qui lui est consacré et dans lequel sont aussi retracées nos recherches, c’est troublant. Aujourd’hui, on ne peut guère se tromper sur l’identité de Sly Williams/Cleo Page si l’on s’en donne la peine, et qui nous livre un Boot Hill rugueux sur le label de Los Angeles, Dalton Records, en 1959. Hormis ce « petit détail » d’annotation, l’album est une vraie régalade de sons « garage » avant l’heure, dans lesquels les titres se suivent en bande organisée. Un plaisir de tout instant pour celui qui cherche encore ce que le swing et le jump on pu apporter au blues et au rock. – Patrick Derrien


Mary Deloatch
aka Marylyn Scott

She Got What Her Daddy Likes

Jasmine Records JASMCD 3276 – www.jasmine-records.co.uk

Sous son véritable nom Mary Deloatch, cette jeune et jolie artiste grava des titres « sérieux » très orientés vers le gospel, mais ses titres plus r’n’b, plus portés sur le sexe, furent enregistrés sous le nom d’emprunt de Marylyn Scott. Chose souvent pratiquée dans le monde du blues où on ne mélangeait pas les deux choses. Entre 1950 et 1958, elle va graver une vingtaine de titres, tous réédités sur ce cd essentiel. Ses gospels inspirés par Sister Rosetta sont tous superbes ; mention spéciale pour I Want To Die Easy qui donne la chair de poule, mais Move This Thing ou The Lord’s Gospel Train sont du même niveau. Il y a d’autre part deux titres de septembre 1950 qui sont des chefs-d’œuvre absolus : Beer Bottle Boogie, qui pourrait être considéré comme l’un des premiers rock’n’roll et Uneasy Blues, avec l’orchestre de Johnny Otis dont Pete Lewis à la guitare et Devonia Williams au piano. Ces morceaux sont indispensables dans toute bonne discothèque ! Qu’est-il advenu de Mary Deloatch par la suite ? Le magazine anglais Blues and Rhythm vient de publier un article à ce sujet dans son dernier numéro. En tous cas, cette artiste est une vraie découverte à ne pas laisser passer. – Marin Poumérol


Al Smith

In Session 1952-1958
Fooling Around Slowly

Jasmine Records JASMCD 3234 – www.jasmine-records.co.uk

Jasmine consacre un nouveau volume de son intéressante série « In Session » à une personnalité importante et peu connue du grand public de la scène de Chicago. Al Smith, originaire du Mississippi, où sa mère aurait possédé un juke joint ou une barrelhouse, posa ses valises à Chicago en 1943 après un passage dans l’US Navy. Il jouait de la basse, devint un chef d’orchestre célèbre qui avec de nombreux artistes. Il composait aussi bien sûr. Il fut le manager de la fin de carrière de Jimmy Reed. Grâce à celui-là, celui-ci signa avec une firme de disques importante, ABC Bluesway. Il devint producteur pour ce label (consultez l’excellente discographie de ce label compilée par Stefan Wirz (www.wirz.de). Il créa sa propre maison de disques Blues on Blues ; une vingtaine d’albums à la clé : Jimmy Reed, Detroit Jr, Willie Mabon, Homesick James, Earl Hooker, Big Joe Williams, … Quand il mourut, en février 1974, ses archives disparurent. Pas de downhome blues sur ce disque, mais du solide Rhythm & Blues instrumental ou chanté par Big Bertha Anderson, Bobby Prince pseudonyme de Charles Gonzales, Dave ‘Dizzie’ Dixon, Little Junior Parker, Larry Birdsong. Al Smith a travaillé avec de nombreux groupes vocaux en vogue dont The El-Dorados, The Dells et The Lyrics qui devinrent The Falcons (rien à voir avec le groupe homonyme de Detroit qui eut dans ses rangs Eddie Floyd, Wilson Pickett, Mack Rice et Robert Ward). La crème de la scène musicale de Chicago est présente : le saxophoniste ténor James ‘Red’ Holloway, le pianiste Horace Palm et le guitariste Lefty Bates. Toutes ces faces virent le jour en 78 et 45 tours sur Chance, Vee Jay, Duke (Little Junior Parker), Falcon et Abner. Quelques titres ont plutôt mal vieilli tels Smokes Get In Your Eyes, Fooling Around Slowly et Distant Love.D’autres vous laisseront indifférents : Slow Mood, I Want To Hold You, Annie’s Answer, One, Two, Cha Cha, Left Field, Road House. La majorité des autres titres est toujours agréable à écouter. Tout dépend de vos goûts pour ce type de musique, mais une écoute s’impose avant achat. – Gilbert Guyonnet


Marie Adams

I’m The Bluest Gal In Town

Jasmine Records JASMCD 3261 – www.jasmine-records.co.uk

Marie Adams est surtout connue pour avoir fait partie des 3 Tons of Joy, groupe féminin constitué de trois chanteuses, danseuses carrément obèses qui furent l’une des attractions du Johnny Otis Show entre 1954 et 1958 : elles savaient mettre de l’ambiance et Johnny savait les mettre en valeur ! Mais Marie Adams avait débuté bien avant cela chez Peacock en 1951 avec l’orchestre de Bill Harvey (les quatre premiers titres du cd), puis avec le groupe de Cherokee Conyers en 1952. Ensuite, avec Johnny Otis dès 1953, elle grave de nombreuses faces dont des reprises de Ruth Brown (Mama He Treats Your Daughter Mean), de Joe Liggins ou des Five Royals (Baby Don’t Do It) et même un hommage à Johnny Ace (In Memory). En 1957-1958, elle enregistre des faces beaucoup plus rock’n’roll :  Ma He’s Makin’ Eyes At Me ou Loop de Loop qui vont bien marcher. En 1960, elles quittèrent Johnny Otis pour se produire dans les cabarets sur la Côte Ouest. Elles y retournèrent en 1972 pour une série de tournées, mais leur style avait bien vieilli. Marie Adams reste une chanteuse dynamique à la voie bien posée et agréable. Ce disque, sans être indispensable, est très plaisant du début à la fin, mettant en évidence une bonne chanteuse, un super groupe (celui de Johnny Otis) et le reflet d’une époque ou l’on savait s’amuser… – Marin Poumérol


James Harman

Back Door Rumba
Live Sessions-Volume Two
Spring Blues Festival in Ecaussines, Belgium 2003

JSP Records JSP3029 – www.jsprecords.com

JSP Records publiait, l’année dernière, un excellent enregistrement en public au Festival de Tamines en Belgique de James Harman : « Sparks Flying : Live in 1992 » (JSP3023). Cette firme de disques met en vente un nouveau disque du chanteur et harmoniciste James Harman capté en live lors du Spring Blues Festival d’Ecaussines, en Belgique, le 24 mai 2003 : « Back Door Rumba-Live Sessions Volume Two ». Pas vraiment la suite du premier concert ! Né dans l’Alabama rural, James Harman a vécu à New York, Chicago, New Orleans, Miami et Panama City (Floride) avant de rejoindre la Californie dans les années 1970 où il va s’imposer très vite, malgré de sérieux concurrents harmonicistes tels William Clarke, Kim Wilson et Rick Estrin. Il devint un des piliers de la scène blues californienne. Il eut la bonne idée de suivre les conseils de B.B. King qui lui dit un jour : « Tu as une bonne voix, mais tu ne deviendras jamais l’artiste James Harman si tu n’arrêtes pas d’interpréter mes chansons ou celles d’autres musiciens. Tu dois composer tes propres chansons ». Fort de ce conseil avisé, James Harman est devenu un remarquable auteur-compositeur de Blues authentique influencé par le Delta blues et le swing. Ses chansons racontent toutes une brève histoire. Quelqu’un l’a comparé à Raymond Chandler. Un bel hommage ! Son répertoire n’est donc constitué que de ses propres œuvres. Soutenu par une formation belge de haut niveau recrutée et emmenée par l’excellent guitariste Marc ‘T’ Thijs qui comprend le saxophoniste Jan ‘Paperboy’ Boeckhaerts, le bassiste Renaud Lesire et le batteur Franky Gomes, James Harman délivre ses historiettes avec passion et humour : Leavin’ For Memphis, Green Snakeskin Shoes, le tempo latino Back Door Rumba (à la fin des sixties, James Harman joua, à Miami, dans une formation avec deux Noirs et deux Cubains), Crapshoot, … et Helsinki Laundromat Blues (et non Laundromat Blues comme indiqué par la pochette). Une erreur qui pourrait laisser accroire, avant écoute, une quelconque identité avec le titre homonyme d’Albert King. Le chant de James Harman est expressif. Son jeu d’harmonica est très personnel et immédiatement reconnaissable, malgré les très fortes influences de Sonny Boy Williamson (Rice Miller) et Little Walter. Pas de bavardages inutiles. James Harman va à l’essentiel. Il a parfaitement compris qu’il n’y a pas de musique sans silence. Il sait émouvoir et séduire son auditoire grâce à sa sensualité musicale et sa générosité sur scène. Quel plaisir a dû prendre le public de ce concert ! Il est bon que les présents à cette soirée retrouvent ces moments d’intense émotion et que les absents puissent les découvrir. Merci JSP pour cette publication bienvenue. – Gilbert Guyonnet


Stick McGhee

The Spo-Dee-O-Dee Man
1946-1960

Jasmine Records JASMCD – www.jasmine-records.co.uk

Comment aborder cette chronique ? Une fois de plus, nous nous trouvons face à une musique composite où se mêlent les « vestiges » du passé et des expressions plus modernes. Une musique où l’harmonica voisine avec la guitare mais où le Rythm and Blues déploie déjà ses fastes cuivrées et ses chœurs. On a pu dire que Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee a été, au-delà de l’industrie du disque et au-delà même de l’influence strictement musicale, l’expression d’un besoin d‘ouvrir de nouvelles perspectives, d’oublier les tensions nées de la guerre. Au fil des années, bien des artistes ont utilisé Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee. Notamment des musiciens aussi divers que Jerry Lee Lewis, Johnny Burnette, Van Morrison, The Animals ou le Grateful Dead. Au plan strictement musical, la composition de Stick McGhee a séduit et continue à séduire de multiples émules. Elle est considérée comme l’une des chansons les plus populaires des décennies de l’après-guerre. Pas en France en tout cas. Comment comprendre l’absence de notoriété d’artistes de cette qualité n’ayant aucun écho dans notre pays ? Il faut sans doute considérer le contexte culturel. Rassurez-vous, je ne vous embarque pas, à l’insu de votre plein gré, dans une analyse géopolitique. Simplement, j’attire votre attention sur le fait qu’au lendemain de la guerre, notre pays, en Europe, était le moins directement influencé par les USA. Et, en France, la connaissance de l’anglais n’était pas répandue parmi les ados et leurs parents, sans doute faute d’un enseignement moins académique. La nature ayant comme chacun sait horreur du vide, les gamins ressentaient un sentiment d’exclusion. Et tout cela a fait que l’apparition d’un Rock and Roll bien de chez nous fut la conséquence d’un désir légitime de s’approprier le nouveau langage. Et les groupes de rock tricolores, au travers d’un nouveau pidgin english, se vautrèrent allègrement dans les délices du yaourt. Alors que les paroles étaient le plus souvent riches de sens pour les anglophones, elles comptaient évidemment peu pour le public français. C’est sans doute pour cela que les rockers français furent plus attachés au charisme des artistes qu’aux textes qu’ils chantaient. Les chanteurs étaient adulés. Les paroliers étaient négligés, encore plus pour les textes. Tout ça pour parler d’un illustre inconnu… Est-ce bien nécessaire ? Combien de lecteurs passionnés, véritables gardiens de toute flamme, connaissent Stick McGhee ? Le frère de Brownie… Combien l’ont déjà écouté ? Ce cd arrive à pic pour permettre aux bluesfans curieux de rencontrer Stick au long de sa carrière. Une carrière bien trop courte. Mais bien remplie, avec des sidemen de classe, particulièrement Bubba Brooks, Sir Charles Thomson, Specs Powell, le grand Mickey Baker, sans oublier l’omniprésent frère de Stick, Brownie McGhee, et son acolyte Sonny Terry. Installez-vous dans votre fauteuil favori et accordez vous le temps nécessaire pour ressentir que, sous son apparente simplicité, ce langage possède le pouvoir de vous entraîner très loin. Plus je l’écoute et plus je la ressens. Ouvrez vos oreilles et embarquez. J’aimerais terminer cette chronique en confessant que j’ai beaucoup aimé la version instrumentale de Tennessie Waltz toute simple mais non dénuée de feeling. Pour satisfaire la légitime curiosité du lecteur qui se demande quelle peut être la signification du titre, sachez que Spo-De Wine Spo-Dee-O-Dee se réfère à une mixture fortement alcoolisée très populaire, particulièrement chez les hobos, ces vagabonds qui ont sillonné les États-Unis, héros de bien des romans picaresques et consommateurs sans mesure. Un peu comme le légendaire Canned Heat qui nous a privé de bien des musiciens du Sud… Expérimenter un tel breuvage est fortement déconseillé. Dont acte. – André Fanelli


The Edsels

From Rama Lama Ding Dong
to Shaddy Daddy Dip Dip

Jasmine records JASMCD 1155 www.jasmine-records.co.uk

Au cours des années 1950 et 1960, il y eut aux States une mode effrénée pour les groupes vocaux dits de doo-wop. Des centaines d’entre eux envahirent les Charts ; d’abord les plus grands : Drifters, Coasters, Clovers, Dominoes, Five Keys, Midnighters, Platters, Dells. Tout ceci est très bien résumé et expliqué dans la série de rééditions Bear Family à posséder « Street corner Symphonies : The Complete Story of Doo-wop » en 15 volumes. Mais il y avait aussi des seconds couteaux qui ne durèrent pas très longtemps : le temps d’un tube dans le hit parade. Tout est dit dans le titre : il s’agit d’onomatopées répétées sur un rythme dansant et qui vous prennent la tête un peu comme le Blue Moon des Marcels. Ce fut un énorme tube en 1958 , puis rebelote l’année suivante avec Rink A Din Ki Do pour finir en 1962 avec Shaddy Daddy Dip Dip, tout cela d’un niveau intellectuel soutenu ! Les Edsels, groupe originaire de Youngstown (Ohio), enregistrèrent aussi d’autres titres plus « sérieux », plus rock/r’n’b, qui ont bien tenu le coup et qui complÈtent agréablement ce CD, comme Don’t Know What To Do ou What Brought Us Together. Un disque parfait si vous envisagez une soirée « fifties ». Ambiance garantie ! – Marin Poumérol


Lead Belly

Amaury Cornut

Le Mot Et Le Reste ref  978-2-38431-234-4

Comment aborder Huddie “Lead Belly” Ledbetter (1888-1949), le colosse, sans se heurter aux poncifs associés au phénomène folk du siècle dernier qui fera naître de sa douze cordes les désirs de gloire de quelques-uns qui la connaîtront, en laissant dans le fossé leurs racines ? Celui qui fera dire à George Harrison que sans lui pas de Beatles * est mort presque aussi pauvre que lorsqu’il prend sa vie en main à dix huit ans en quittant Mooringsport pour Shreveport. On ne va pas raconter le livre qui se lit d’une traite comme un roman biographique dans lequel l’auteur à tenu à remettre certaines pendules à l’heure dès le début. Et peut-être que toute l’astuce réside là ! On se débarrasse de suite des superflus, des pièges que tout un chacun n’aurait pas toujours évité. Une fois fait, libre court pour reprendre à son compte la bio d’un influenceur de première qui donnera le biberon à bien de jeunes pousses folkloristes, aidé en cela par l’étude de Wolfe Charles et Lornell Kip (« The Life and Legend of Leadbelly » – Secker & Warburg, 1993) qui lui sert de fil conducteur. Armé d’une documentation solide et de sources vérifiées, Amaury Cornut replace l’homme dans son contexte historique, social et culturel, sans tomber dans les travers de l’anachronisme qui perd trop souvent le lecteur dans ce type de livre. Il ne joue pas non plus sur le misérabilisme qui nourrit tant de récits sur les musiciens afro-américains. Alors, dans une lecture fluide parsemée d’anecdotes croustillantes, de témoignages et autres petites vérités qui parfois égratignent le vernis d’une histoire que l’on voudrait nous faire croire lisse, on voit grandir et vivre un personnage dans le sens noble du terme. Un bon homme qui prenait soin des siens, qui avait ses coups de sang, ses passages sombres éclairés de quelques lueurs et qui, dans son « blues » à lui, mettait tous les espoirs d’un peuple opprimé. Ce livre est une très belle étude qui nous attache à un personnage qui essaiera par les moyens mis à sa disposition de sublimer les conditions de vie qui étaient les siennes. Amaury Cornut n’arrive pas comme çà de ses vignes nantaises, la fleur au fusil. Sa rencontre déterminante avec Moondog (Louis T. Hardin) durant ses études au sein du département Information & Communication de l’université de Nantes va lui donner l’opportunité d’imaginer et de réaliser le projet hommage à Moondog donné en mai 2010 dans la cour du Château des ducs de Bretagne. S’ensuit l’organisation de concerts, deux ans au sein du Pôle Musique de la Scène Nationale de Nantes, puis la création de l’Ensemble Minisym destiné à jouer la musique du “Vicking” comme il aime appeler T. Hardin. C’est aussi à ce moment qu’il écrit la première biographie française consacrée à Moondog (un second livre sur Moondog par Guy Darol et illustré par Laurent Bourlaud aux éditions Philharmonie de Paris dans la collection Supersoniques est paru depuis) qui paraît en 2014, avant que la ville de Toulouse fasse appel à ses conseils pour une saison culturelle qui lui sera entièrement consacrée à travers une trentaine d’événements organisés dans des lieux emblématique de la ville rose en 2017, jusqu’au bouquet final édifié par l’Orchestre National du Capitol de Toulouse qui, sous la direction du Singapourien Kahchum Wong, fera une relecture des pièces orchestrales de Moondog. « Je m’intéresse donc depuis « toujours » à ces figures qui sont dans l’ombre ou dans les marges et à qui on doit pourtant énormément. Lead Belly est un archétype, en ce sens que son influence a littéralement modelé un pan de la musique du XXe siècle, puisque George Harrison lui-même disait que sans lui les Beatles n’auraient pas existé. Et si on sait ce que l’on doit aux Beatles, on sait  moins ce qu’eux doivent à Lead Belly. Et les Beatles ne sont un exemple parmi d’autre, Dylan à considéré Lead Belly comme son point de départ lors de son discours du Prix Nobel de Littérature, Kurt Cobain (“ Adolescent, j’étais vraiment fan de Nirvana et je le suis resté, je pense que c’est par Kurt Cobain que j’ai entendu parler de Lead Belly d’ailleurs ”) le citait régulièrement quand il n’arborait pas des t-shirt à son effigie, Janis Joplin, Van Morrison, Tom Waits, tous ces noms qui comptent beaucoup pour moi vénèrent cet homme que la littérature musicale française avait pourtant étonnamment délaissé. J’ai donc proposé à mon éditeur, Le Mot et le Reste, de partir sur les traces de Lead Belly, et il a accepté ». L’approche est éminemment personnelle et est rehaussée de passion et fait de ce livre un document un peu à part dans une littérature principalement rédigée par des « professionnels » de la musique : « N’étant ni universitaire, ni musicologue, mon approche est celle d’un modeste passionné curieux et désireux de transmettre, d’où ma devise : « je ne fais que passer » ». À travers l’histoire de Lead Belly, c’est celle de la musique en elle-même qu’on raconte, puisqu’il va voir naître le blues, le jazz, l’industrie du disque, le courant folk et les prémices du rock’n’ roll, il meurt juste avant l’avènement de la pop music dont il est en quelque sorte le père (« je n’ai pas peur de le dire, d’aucun le considère comme le père du Rock’n’roll, mais je pense sincèrement que son influence est plus large encore en réalité »). Je laisse l’auteur terminer cette chronique dont les deux dernières phrases illustrent très bien cette ambiance qui s’est immiscée et permet une certaine distance, un recul qui lui a permis d’être le plus en phase possible avec un personnage haut en couleur. Ce livre bienvenu devrait autant plaire aux initiés qu’aux néophytes et je pense très sincèrement que sa lecture plaisante et émotive finira par servir de référence. « Ce qui est étrange, c’est que la musique de Lead Belly – qui est un mélange de folk et de blues – ne me fait pas l’effet qu’a pu me faire celle de Moondog. Si la folk est un genre qui me plait beaucoup, je ne suis pas particulièrement mordu de blues, ou plutôt je n’aime pas le blues autant que j’aime le jazz. C’est donc un peu étrange je crois, mais la musique de Lead Belly ne m’a jamais fait à moi l’effet qu’elle a fait à Harrison, Dylan, Cobain et Joplin. Pourtant, je prends énormément de plaisir à la défendre, mais je crois que mon approche avec Lead Belly n’est pas de dire « écoutez, écoutez comme cette musique est géniale », comme j’ai pu le faire avec Moondog (la vie complètement romanesque de Moondog apportant un folklore incroyable) mais plutôt « sachez que cet homme à existé, et voici ce qu’il a dit, chanté et fait ». – Patrick Derrien

Note * : Tous les propos sont issus d’une conversation personnelle avec Amaury Cornut.


Rhythm’n’Blues
Jump Blues, (1) Doo-wop & Soul Music
100 Hits de 1942 à 1965

Belkacem Meziane

Le Mot et le Reste 2023; 256 p. ; ill. ; isbn 978-2-38431-212-2

Cette maison d’édition semble se spécialiser dans des compilations qui font le tour d’un style musical par le biais de 100 hits, 100 albums ou 100 ans ayant marqué l’histoire musicale. L’auteur lui-même a déjà signé des livres de ce type comme « Funk en 100 albums », « Disco en 100 hits » et « R&B en 100 albums » (bis repetita placent !) et il y en a d’autres dans le catalogue Le Mot et le Reste (« Parcours Blues en 150 albums », « New Orleans 100 ans de musiques », etc.). Le concept est intéressant, mais il a ses limites liées à la subjectivité des auteurs confrontés à des choix cornéliens (2). Ajoutons qu’il y a déjà pas mal d’ouvrages sur le R&B comme le montre mal la bibliographie sélective reprise par l’auteur, Elle est non seulement très (trop ?) sélective avec ses quinze nominations, mais elle compte quelques livres disons mineurs (3) qui eussent pu être remplacés – entre beaucoup d’autres – par les incontournables « Encyclopédie du Rhythm & Blues et de la Soul » de Sébastian Danchin chez Fayard (2002) et « L’Odyssée de la Soul et du R & B » de Florent Mazzoleni chez Hors Collection (2010) : liste non limitative, j’insiste ! Pour le reste, on ne boudera pas son plaisir à la lecture de l’historique, des tenants et aboutissants de grands succès de Lionel Hampton, Louis Jordan, Big Jay McNeely, Wynonie Harris, Earl Bostic, Tiny Bradshaw, Jimmy Forrest, Bill Doggett, King Curtis, etc ; les authentiques rois du R&B, mais aussi tous les autres artistes sélectionnés par l’auteur, un plaisir qui sera incomplet sans l’écoute de tous ces hits. Cela ne sera pas évident pour tout le monde, amateurs compris, même si d’aucuns possèdent une collection personnelle de disques fort large, il pourra s’avérer nécessaire d’aller explorer des plateformes Internet comme YouTube, Spotify, Deezer, Tidal, Qobuz, Apple Music, Amazon Music, etc., ou de rester sur une profonde frustration. – Robert Sacré

Notes :

(1) À noter une virgule mal venue entre « jump » et « blues » pages 3 et 5
(2) En l’occurrence, le choix de l’auteur d’étendre sa recherche à des styles comme le doo-wop et la soul pose question ; pour le jump blues, OK, mais pour le reste, ces deux styles peuvent être dissociés du R&B et cela faire l’objet d’ouvrages spécifiques (c’est déjà fait !). Mais c’est le choix de l’auteur.
(3) On ne les citera pas, par respect pour le travail réalisé par leurs auteurs, mais aussi parce que cela aussi est subjectif.


Fleetwood Mack

Christophe Delbrouck

Éditions du Layeur 2023 ; 320 pages ; discographie ; notes. ISBN 978 2 38378 039 7 – www.editionsdulayeur.com

Ce groupe est assurément l’un des plus importants de l’histoire du Rock et de la culture pop mais avec des racines profondes dans le Blues et le R&B, voire la Soul. Il méritait largement une biographie en français et son auteur a fait un travail remarquable avec une recherche approfondie des tenants et aboutissants de l’odyssée hors du commun de ce groupe mythique qui démarra au cœur du Blues Revival des années 1960 avec Mick Fleetwood et se poursuivit avec John et Christine (Perfect) McVie et le couple Lindsay Buckingham/Stevie Nicks, sans oublier les guitaristes géniaux mais maudits Peter Green, Denny Kirwan et Jeremy Spencer ; ils connaîtront un succès phénoménal en 1977 avec l’album « Rumors », suivi d’autres opus mémorables entre 1980 et 2000. Une aventure semée d’embûches : escroqueries du business, crises mystiques et conflits amoureux. Avec pertinence, Christophe Delbrouck distingue cinq époques (de huit épisodes chacune, sauf la cinquième – quatre épisodes – dont l’épilogue) dans l’histoire mouvementée du groupe. La première (1947-1970) va de la naissance de Michael dit “Mick” Fleetwood en 1947 et sa vocation musicale (drums, percus) jusqu’à sa rencontre et son amitié indéfectible avec John McVie (basse, guitare) en 1965 (John venait des Housebreakers de John Mayall) dans le Swingin’ London, de ses échanges avec le gratin des musiciens anglais Blues/R&B de l’époque : Eric Clapton, Brian Jones, Mick Jagger, Bill Wyman, The Animals et bien d’autres, de son association avec Peter Green (gt, compo) en un groupe que ce dernier baptise Fleetwood Mac (pour Mick et McVie) ! Ils sont rejoints ensuite par Jeremy Spencer (vo, p, gt) en 1967 et Denny Kirwan (gt) peu après. Du Blues pur et dur, le groupe passe progressivement à la Pop psychédélique puis au Folk Rock, au Blues Rock et même au Hard Rock en 1969. Le succès ira en s’amplifiant, les tournées vont s’enchaîner (USA, Europe…) et les albums aussi, mais le fanatisme religieux et la folie suicidaire de Green boostée par les drogues (LSD…) iront en grandissant et il devra abandonner le groupe. Kirwan est de plus en plus instable, en proie à une paranoïa destructrice et à une dépression abyssale. Cette période s’achève, fin 1969, avec la sortie d’un double album phare pour les amateurs de blues : « Blues Jam At Chess », Fleetwood Mac y joue avec Otis Spann, J.T. Brown, Walter Horton,Willie Dixon, Buddy Guy, Honeyboy Edwards, etc, mais c’est vite de l’histoire ancienne ! La deuxième époque (1970-1975) salue l’arrivée en force, après des participations occasionnelles, de Christine Perfect (p, compos) ex-Chicken Shack et aussi de Bob Welch, Dave Walker, Bob Weston ; les albums se suivent et les tournées US et européennes s’enchaînent sans répit, sans pauses, au détriment de la santé physique et mentale des membres du groupe et les dissensions internes vont en croissant tandis que le répertoire évolue vers le rock progressif et le country rock. Kirwan, Walker et Weston sont virés et la survie du groupe est en danger, d’autant plus que le manager Clifford Davis fait tourner en 1974 un groupe fantoche, The New Fleetwood Mac, rapidement rejeté par le public et la critique. Mick Fleetwood reprend la main avec Welsh et McVie pour sauver le groupe. Dans les troisième (1975-1980), quatrième (1980-1995) et cinquième époques (1995-2023), l’auteur y poursuit consciencieusement et avec minutie la saga du groupe avec, comme précédemment, un luxe inouï de détails nourris de hauts et de bas incessants jusqu’à la fin définitive du groupe, des septuagénaires alors, le 30 novembre 2022 avec le décès de Christine Perfect McVie. En résumé, cela donne le départ de Welch fin 1974 et l’arrivée en 1975 de Stéphanie “Stevie” Nicks (vo, p) et de Lindsay Buckingham (gt, bjo,…) ; il s’ensuit des problèmes de couples entre John et Christine McVie, entre Mick et sa femme Jenny, et même, entre Stevie et Lindsay ! 1976 voit la réconciliation temporaire des couples et le retour d’un succès fracassant avec une consécration sans précédent de l’album « Rumors » qui témoigne dela force collective du groupe et de l’harmonie qui règne pour un temps parmi les cinq protagonistes principaux (Mick, John, Christine, Linsdsay, Stevie). Ensuite, les disputes et les départs reprennent malgré le succès des tournées et albums (« Fleetwwod Mac Live », 1980 ; « Mirages », 1982 ; « Tango in the Night », 1987, …). Cette période est marquée par une multitude de projets individuels avec d’autres partenaires, puis c’est le départ fracassant de Lindsay Buckingham qui plombe la tournée suivant le succès de Tango in the NightLindsay est remplacé par Rick Vito et Danny Burnette, mais cela ne marche pas. Christine et Stevie renoncent aux tournées et sont remplacées par Bekka Bramlett, mais l’album « Time » (1995) est un échec retentissant. En 1996, Lindsay, Christine et Stevie reviennent pour célébrer les 20 ans de « Rumors » et c’est reparti pour la gloire. On les appelle maintenant The Rumors Five (Mick, Christine, Stevie, Lindsay, John) et leur nouvel album, « The Dance »remporte un succès mondial. Les turbulences sont loin d’être finies mais fin 2000 ; à l’invitation d’Hillary Clinton, les Rumors Five viennent à La Maison Blanche pour la deuxième fois et rendent hommage au Président Clinton, en fin de mandat. C’est le calme après les tempêtes. En 2015, les quasi-septuagénaires ont soif de calme et de repos (Lindsay a 66 ans, Stevie 67, Mick 68, John 70 et Christine 72). Il y a encore quelques tournées, sans Christine qui meurt en novembre 2022, et le groupe n’y survivra pas. Il n’y a pas de bibliographie classique. Elle est remplacée par bon nombre de notes citant les sources des anecdotes et faits rapportés, des déclarations et interviews de tous les membres du groupe dans toute une série de publications. Quant à l’iconographie, elle est sommaire et consiste seulement en la reproduction d’une vingtaine de couvertures d’albums (rectos, versos) avec trop peu de photos des membres de Fleetwood Mac. Auteur et éditeur ont sans doute été confrontés à des demandes exorbitantes de la part des ayant-droits, mais c’est dommage, on eut souhaité (re)voir des photos des musicien(ne)s dans leur vie privée et aussi en concert et en studio. Par contre, la discographie est exhaustive avec les albums originaux (1968- 2013) et les rééditions et versions de luxe (1999- 2021) avec la liste de tous les titres. Une belle épopée racontée avec gusto et qui se lit comme un thriller tant il y a de retournements de situations et de suspense. – Robert Sacré


Otis Redding
La soul dans la peau

Éditions Petit à Petit

Retracer la vie d’Otis Redding (1941-1967), l’un des artistes certainement les plus emblématiques de l’Histoire de la Soul music, sous ce format Docu-BD issu du travail de véritable passionnés, est une gageure pour les lecteurs et amateurs que nous sommes. Porté à juste titre au pinacle de la musique afro-américaine du XXe siècle, ce musicien a, en seulement sept ans de carrière, gravé des faces qui – outre avoir en leur temps dominé les charts – restent à jamais dans la mémoire collective : I’ve Been Living You Too Long, These Arms of Mine, Try A Little Tenderness, (Sittin’ On) The Dock Of The Bay (premier single posthume), pour n’en citer que quelques-unes. Fauché en pleine gloire, comme chacun le sait, son histoire est ici contée en mêlant dessins et éléments documentaires. C’est fait de manière très intelligente et scindé en dix-neuf chapitres, de l’année de sa naissance en Géorgie jusqu’à son décès accidentel en 1968. Les scénarios sont imaginés par Tony Lourenço, les documentaires fournis par Frédéric Adrian (auteur en 2013 de « Otis Redding » chez Castor Astral), douze dessinateurs et coloristes (Cynthia Thiéry, Samuel Figuière, Thomas Balard, Gilles Pascal, Romain Brun, Céheu, Morvan Le Rest, Martin Trystam, Christian Galli, Adrien Roche, Benjamin Reiss, Anne Royant) mettent les textes en scène avec talent, le dessin de couverture étant l’œuvre de Carmelo Zagaria. Loin du sobriquet de “Mr Pitiful”, les lettres de noblesse de ce virtuose qui a connu tous les triomphes (succès discographiques, acclamations du public des salles les plus prestigieuses) sont ici portées haut, avec sérieux et souci du détail, et pourtant de manière ludique et accessible à tous. C’est un ouvrage remarquable en tout point. – Marcel Bénédit