Chroniques #88

• L’actualité des disques, livres et films traitant de blues, soul, gospel, r’n’b, zydeco et autres musiques afro-américaines qui nous touchent, vue par ABS Magazine Online…

De 1977 à 2017, Blind Pig Records publia d’innombrables disques de blues, zydeco et americana, …, puis disparut. En 2023, cette firme de disques renaquit de ses cendres. Elle vient de produire ses deux premiers disques consacrés à de jeunes et prometteurs musiciens afro-américains qui ont choisi le blues pour s’exprimer : Sonny Gullage avec « Go Be Free » et Jovin Webb avec « Drifter ».

Sonny Gullage

Go Be Free

Blind Pig Records BPCD 5175 – www.blindpigrecords.com

De 1977 à 2017, Blind Pig Records publia d’innombrables disques de blues, zydeco et americana, …, puis disparut. En 2023, cette firme de disques renaquit de ses cendres. Elle vient de produire ses deux premiers disques consacrés à de jeunes et prometteurs musiciens afro-américains qui ont choisi le blues pour s’exprimer : Jovin Webb (cf chronique de « Drifter » dans ce numéro) et Sonny Gullage avec « Go Be Free ». Kevin ‘Sonny’ Gullage est un chanteur, pianiste et auteur-compositeur néo-orléanais. Il a 25 ans et une déjà longue expérience musicale. Son père, Tony Gullage, est bassiste. Il a joué avec les regrettés Dr. John et Henry Butler, ainsi que d’autres pointures de La Nouvelle-Orléans. Sa grand-mère, Sister Albertina Gullage, enregistra quelques disques de gospel dans les années 1960. Sonny Gullage baigne dans une atmosphère musicale depuis sa plus tendre enfance. Il a bien sûr travaillé avec son père sur scène et en studio. Il a complété sa formation artistique et musicale en étudiant au New Orleans Center of Creative Arts (NOCCA) puis au programme des Loyola University’s Jazz Studies. « Go Be Free », produit par le célèbre Tom Hambridge (Buddy Guy, Kenny Neal, Joe Louis Walker, James Cotton, Kingfish, …) et enregistré à Nashville, est annoncé comme le premier opus de Sonny Gullage. Ce n’est pas tout à fait exact puisqu’avec sa formation The Blues Groovers, Sonny Gullage enregistra, en 2022, un cd dans le studio de l’Université Loyola Kevin and the Blues Groovers : « Something Old, Something New, Something Borrowed ». Les douze chansons de ce disque vous feront découvrir un talentueux chanteur et pianiste. En outre, il a co-écrit avec Tom Hambridge onze titres de grande qualité, qui mêlent avec bonheur blues, rhythm & blues, soul, funk, jazz et rock ‘n roll. Le funky Just Kiss Me Baby qui ouvre ce disque, rappelle le tube des années 1970 de Billy Preston, Nothing For Nothing. Le titre éponyme du cd, Go Be Free, débute par des claquements de mains pour indiquer le beat de cette chanson très gospel. Le beau chant de Sonny Gullage est bien aidé par l’orgue très soul de Kevin McKendree. La section de cuivres injecte un groove jazzy contagieux à Things I Can’t Control. Separate Ways lorgne un peu vers une agréable musique pop. Le talentueux Christone ‘Kingfish’ Ingram a été invité. Worried About The Young est un remarquable dialogue entre la guitare de Kingfish et le beau chant de Sonny Gullage. Une belle idée d’avoir réuni deux jeunes artistes âgés de 25 ans porteurs des espoirs d’un renouveau du Blues. Blues All Over You est un Chicago blues avec une délectable partie de piano. On enchaîne avec la belle ballade I’ve BeenThere. Une ferveur à la Little Richard se dégage de Stop That Stuff grâce au chant de Sonny Gullage, son jeu de piano boogie woogie et la guitare rockabilly de Kenny Greenberg. Le superbe blues lent after hours, Tatooed Wings et son piano lancinant, évoque le meilleur de Bobby Blue Bland. Un compliment ! Hot House n’est qu’un bon blues-rock. File It Under Blues évoque John Lee Hooker. La ballade soul Home To You conclut de bien belle manière ce disque avec un dialogue piano (Sonny Gullage) et orgue (Kevin McKendree) très poignant. Impressionnant début d’un jeune artiste afro-américain qui a choisi les musiques qu’ABS apprécie et soutient. Il rejoint la cohorte de jeunes afro-américains qui ont choisi le Blues pour exprimer leurs idées. Un vrai bain de jouvence et une bouée d’espoir pour cette musique. – Gilbert Guyonnet


Jovin Webb

Drifter

Blind Pig Records BPCD 5176 – www.blindpigrecords.com

Drifter est le premier disque du jeune chanteur, harmoniciste et auteur-compositeur Jovin Webb, originaire de Gonzales, Louisiane, mais maintenant installé à Baton Rouge. Celui-ci n’est pas un inconnu du grand public : en 2020, il était un des finalistes du télé-crochet de la chaîne ABC, American Idol. Comme pour le CD de Sonny Gullage, la production a été confiée au très expérimenté Tom Hambridge qui a co-écrit onze des douze titres, huit en collaboration avec Jovin Webb. En outre, Tom Hambridge est derrière les fûts et assure les chœurs. Les autres musiciens sont le guitariste Kenny Greenberg, le pianiste Mike Rojas et le bassiste Rob Cureton. Jovin Webb joue très peu de l’harmonica mais ne révolutionnera pas l’histoire de cet instrument. Il possède en revanche une belle voix grave, forte et rugueuse à souhait pour interpréter le blues et la soul. Bottom of a Bottle ouvre le CD dans un style Chicago blues. L’harmonica de Jovin Webb gémit alors qu’il chante la poisse (« Don’t know where I’m going, don’t know where I’ve been, but the bartender knows me as soon as I walk in »). Le message de Save Me est positif : « I was raised not to judge another of a man by the color of their skin… I choose to love not to hate ». I’m A Drifter est un clin d’œil réussi à Papa Was A Rolling Stone des Temptations et Rolling Stone de Muddy Waters. Drunk On Your Love est une belle ballade soul romantique. Le pianiste Mike Rojas s’en donne à cœur joie sur le rock & roll à la Little Richard Wig On Wrong. Une pointe de gospel transcende le blues lent Livin’ Reckless où le chanteur demande à Dieu de l’aider à trouver le bon chemin. Blues For A Reason est d’une facture classique, tout comme la ballade soul Mine Someday. Funky et rhythm & blues sont les grooves des excellents Hand On The Bible et Bad Deeds. Passage à Chicago avec It’s the Hawk, où le vent glacial « makes you wish you had your long johns on ». La conclusion du disque est magnifique : Jovin Webb chante à merveille Born Under A Bad Sign, la composition de Booker T. Jones et William Bell popularisée par Albert King ; le trompettiste Julio Diaz et le saxophoniste Max Abrams apportent leur touche. Voici l’émergence d’un nouveau jeune talent dans le monde du blues. Un autre bain de jouvence sur le même label ! – Gilbert Guyonnet


Smilin’Bobby

Chicago Blues Live

Solo Blues Records 006 – www.soloblues30.com

L’excellente revue espagnole Solo Blues met un point d’honneur depuis de nombreuses années à mettre en avant, au fil de ses publications, la diversité et la vivacité d’artistes afro-américains. En parallèle, le magazine a régulièrement organisé des tournées avec des artistes comme Crystal Thomas, Sean “Mack” McDonald, Taildragger et, au cours de l’année 2018, Smilin’ Bobby. Nous avons à faire ici à deux enregistrements en public distincts. Les six premiers titres furent enregistrés en 2001 à Chicago grâce à Scott Dirks. Les quatre suivants datent de 2018, ils furent captés au cours d’un concert à Gijon, ce fut malheureusement l’ultime apparition en Europe du bluesman de Chicago. Le répertoire de Bobby est bien sûr mis en avant, ses compositions comme Watchdog, Boogie All Night Long, One Time ou encore Bobby’s Rock, qui nous rappellent tant de formidables moments passés ensemble, que ce soit à Paris, Chicago ou Austin. Les reprises, avec sa griffe, à l’image de Messin’ With Kid, Don’t Answer The Door et As The Year Go Passing By sont, comme d’habitude, interprétées avec une implication totale. Il faut saluer ici le travail et l’abnégation de Jay Bee Rodriguez qui, au travers de cette nouvelle production à tirage limité, rend un formidable hommage à notre ami qui nous manque tant aujourd’hui. Juste après sa prestation en 2006 au Cognac Blues Passions, certains clamèrent haut et fort, qu’il n’était qu’un vague musicien de second plan… Smilin’ Bobby possédait en vérité  – n’en déplaise à ces esprits chagrins – l’âme des plus grands, de ceux qui firent vibrer durant des décennies les longues nuits du West Side, ainsi que les formidables week-ends de Maxwell Street. Un grand et émouvant merci à nos amis de Solo Blues qui, grâce à cette production, remettent Bobby une dernière fois sous les feux de la rampe. C’est tellement mérité.
Jean-Luc Vabres


Terry ‘Harmonica’ Bean

Drop Dead In Front Of Your Door

Music Maker Relief Foundation MMCD219 – musicmaker.org

Né à Pontotoc, Mississippi, le 26 janvier 1961, dans une famille très nombreuse (il a 23 frères et sœurs !), Terry Bean vint au Blues grâce à son père Eddie, lui-même guitariste dans une formation de blues électrique. Muddy Waters, Howlin’ Wolf et Rice Miller Sonny Boy Williamson l’inspirèrent beaucoup. En 1988, le concert de Robert Lockwood Jr lors d’un festival à Greenville, Mississippi, sera le catalyseur de la carrière de Terry Bean. Celui-ci décide alors de présenter sa musique sur scène. Avant d’embrasser la vie de musicien de blues, Terry Bean, encore adolescent, était un brillant et prometteur joueur de base-ball. Il s’apprêtait à rejoindre les professionnels quand il fut victime d’un accident de motocyclette. Son rêve se brisa. Il avait 20 ans. Ce huitième disque de Terry ‘Harmonica’ Bean a été enregistré chez lui à Pontotoc, bourgade qu’il n’a jamais quittée sauf pour ses concerts. Il vit dans la maison familiale qu’il a transformée en un véritable musée grâce aux souvenirs consacrés au Blues collectés depuis une trentaine d’années. La photographie de la pochette présente le musicien devant chez lui. Terry ‘Harmonica’ Bean a été pris en main par la formidable Music Maker Foundation, cette œuvre caritative créée par Tim Duffy. Ce dernier se rendit, en mars 2023, avec du matériel d’enregistrement, chez Terry ‘Harmonica’ Bean. C’est dans la salle de séjour de celui-ci que furent enregistrées les onze chansons de ce cd intitulé « Drop Dead In Front Of Your Door », aussi une chanson de Muddy Waters excellemment reprise ici ; tout comme She Moves Me. Les autres reprises sont How Many More Years (Are You Gonna Wreck My Life) et She’s Hot Baby de Chester Burnett ‘Howlin’ Wolf’, I’m Ready de Willie Dixon, Help Me de Sonny Boy Williamson II et Willie Dixon et, plus surprenant, le classique tube de James Brown It’s A Man’s World. Toutes ces chansons sont interprétées avec originalité par Terry ‘Harmonica’ Bean de sa voix forte et grave. Son jeu de guitare est un subtil mélange de downhome Delta blues et de Hill Country blues. Boogie With Me People, Can I Be Your Man et Pretty Girl sont les trois titres personnels de Terry. Il s’y avère être un harmoniciste particulièrement « lowdown », avec un jeu clair et en nuance. Il me semble difficile de ne pas acquérir un disque aussi remarquable. – Gilbert Guyonnet

PS : Ne vous fiez pas à la liste des titres imprimés sur le recto de la pochette ; elle ne correspond pas aux chansons du disques. Vous découvrirez les titres sur le livret en bas de page en tout petit caractère. Un clin d’œil humoristique du bluesman !


Kat Riggins & Her Blues Revival

Revival

House Of Berry Records

Sixième album de cette chanteuse originaire de Miami élevée par des parents dont les goûts éclectiques allaient de Koko Taylor à Janis Joplin en passant par Sam Cooke. Son ambition, comme l’indique le titre de l’album, est de revenir à un blues authentique. Son style mélange habilement blues, rock et gospel, et témoignage de l’héritage reçu dans son environnement familial durant ses jeunes années, qu’elle souligne d’une voix légèrement rauque et hargneuse. Le guitariste Eric Guess apporte une note qui tire allègrement vers le blues/rock ; New Level, Lucky, Mojo Thief, Mighty, en sont, à ce titre, emblématiques. Il faudra se rabattre sur Healer pour trouver des influences plus authentiques. Le texte de Southern Soul (« Ain’t nothing like a Southern Soul, Blues in all my toes, Rockin’ roll folks singing ») se veut un hommage au style musical de cette partie des USA, englobant tous les genres musicaux présents sans toutefois en reprendre les codes, alors que le terme est une référence à une soul sudiste aux caractéristiques très spécifiques. – Jean-Claude Morlot


Myles Sanko

Let Unfold

213 Music – www.mylessanko.com

En 2921, l’album « Memories Of Love » de Myles Sanko nous avait déjà laissé une forte impression. En général, quand on parle de musique soul/funk, Myles suit une voie un peu différente. Il est Anglais, chanteur-compositeur, producteur et réalisateur. Ancré dans les cultures ghanéenne et française, sa musique incarne une riche tapisserie de cultures. Depuis quelques semaines, Myles Sanko nous tease avec quelques vidéo, qui, selon moi, marquent une continuité vers l’excellence de son travail. D’abord, j’ai été impressionné par les musiciens en entendant l’introduction du premier morceau de cet album, Unfold. Le trompettiste Samuel Ewens a donné le ton dès le début, tandis que le guitariste Chris Booth nous rassure pour le reste de l’album. En effet, il n’y a aucune raison d’être déçu. La voix de Myles Sanko, déjà impressionnante sur l’album précédent, atteint de nouveaux sommets. Bien que nous n’ayons pas un nouveau Barry White, la musicalité est encore plus raffinée et les comparaisons abondent. C’est comme si Myles Sanko et ses musiciens avaient pris un peu de toute l’Histoire de la musique soul. Un album aux couleurs de la grande époque de Motown, c’est bien plus qu’agréable à écouter. Habitué à la crème des artistes soul comme Tower Of Power chez nos amis du label Mack Avenue ou Ghost-Note, je trouve que Myles Sanko tient sa place. À travers ses influences de soul, hip hop, jazz et bien plus encore, il a désormais réussi à établir un style inimitable où les paroles jouent également un rôle important, comme on peut l’entendre dans le remarquable morceau Stronger. Les musiciens de cet album font des merveille. Les arrangements et les compositions sont incroyablement efficaces. Avec une équipe de cette qualité, Myles Sanko est prêt pour les festivals internationaux qui, à mon avis, devraient avoir tout intérêt à le programmer, car il apporte à l’évidence quelque chose de plus et affiche une originalité unique dans ce style musical. Sur cet album, on retrouve Myles Sanko (voix, chœurs), Tom O’Grady (piano & Rhodes), Jon Mapp (basse), Chris Booth (guitare électrique), Ric Elsworth (batterie, vibraphone, marimba, congas), Gareth Lumbers (saxophone, flûte), Samuel Ewens (trompette, bugle). On se retrouve rapidement hypnotisé par cet album. Les amateurs de jazz s’y retrouveront autant que les passionnés de soul ou de funk. L’ordre des morceaux est tout aussi appréciable, nous emmenant dans différents univers, comme avec le morceau Won’t Be Lonely. L’album se termine avec le brillant Say It. Les onze titres de cet album passent bien trop vite. Je confesse l’avoir écouté plusieurs fois avant de commencer cette critique, tellement j’étais fasciné par les arrangements, si bien adaptés à la voix de Myles Sanko. Cet album est vraiment impressionnant. – Thierry De Clemensat


Ben Levin 

Presents Holiday Blues Revue 

Vizztone Label Group VT BL 006 – vizztone.com

Une bonne surprise ! Ben Levin est un jeune chanteur, pianiste, organiste dont c’est déjà le cinquième album sur le label Vizztone. Depuis longtemps, inspiré par des albums classiques dans ce style de Freddy King, Charles Brown ou Amos Milburn, il avait envie de faire un disque sur le thème de Noël. C’est chose faite et il faut le dire : c’est une réussite. Vocaliste ordinaire mais sans faiblesses, il est un excellent pianiste : Elf Boogie ou Regifted en sont la preuve ; il est capable d’installer un climat, une ambiance. Dans ce disque, il a su bien s’entourer avec Lil’ ED percutant au chant et à la guitare sur Candy Cane, Sonny Hill sur Next Christmas ou Little Jimmy Reed très bon sur Lump of Coal. Mais tous les autres musiciens impliqués dans ce formidable projet sont de haute qualité pour un disque qui balance bien, plaisant en tout point, avec de solides parties de piano. Ben Levi est décidément un artiste à suivre. – Marin Poumérol


Vaneese Thomas

Stories In Blue

Overton Music OMX 1001 – www.vaneesethomas.com

La fille de l’illustre Rufus Thomas n’a pas énormément enregistré sous son nom au fil de sa carrière. Toutefois, le travail ne lui a pas manqué pas, puisqu’on la retrouve aux côtés de pointures comme Stevie Wonder, Michael Jackson, Bruce Springsteen, Sting ou encore Luciano Pavarotti ! Cette session nous propose sept compositions originales qui mettent parfaitement en valeur les atouts de la native de Memphis. La chanteuse démarre sur les chapeaux de roues avec le titre Do Y’All en demandant à ses auditeurs s’ils savent d’où vient le Blues. Ce morceau devrait faire des étincelles sur scène lors de ses prochaines prestations. Wandering, de l’aveu de la chanteuse, est un clin d’œil à un titre des fameux Chi-Lites intitulé Have You Seen Her, en tout cas c’est de la Soul qui prend aux tripes, bref, tout ce qu’on aime. À l’écoute de The Last Thing on My Mind, 1917, End Of The Road ou encore 7 Miles From Home, on constate que l’implication de Vaneese Thomas est sans faille, ce qui nous fait regretter qu’il n’y ait pas plus de titres sur ce CD. Mention particulière aux musiciens qui sont à ses côtés, à savoir Al Orlo à la guitare, Dave Keyes aux claviers, Ross Peterson derrière les fûts, Paul Adamy étant, lui, à la basse ; la section de cuivres est composée de Tim Ouimette à la trompette, Andy Drelles au saxophone et Walter Barrett au tuba. Les choristes Emily Bendiger, Berneta Miles, Jason L. Terry et Darryl Tookes sont admirables. Voici une session certes un peu courte mais totalement réussie, qui nous donne qu’une seule envie, celle de recroiser au plus vite la route de Vanesse Thomas. – Jean-Luc Vabres


Ronnie Baker Brooks

Blues In My DNA

Alligator records ALCD 5023 – www.alligator.com

Rodney Dion Baker est le fils de Lee Baker Jr. qui adopta le pseudonyme de Lonnie Brooks une fois installé à Chicago où il fut un des piliers très respectés de la scène blues. Entre 1978 et 1999, Lonnie Brooks enregistra neuf albums pour la firme de disques Alligator. Son fils a choisi “Ronnie Baker” Brooks comme nom d’artiste. Il a baigné dans une atmosphère blues toute sa vie et a croisé la route de la crème du blues de la Windy City. Il a appris à jouer de la guitare très jeune. Une fois son diplôme du secondaire en poche, Ronnie Baker Brooks devint roadie de l’orchestre de son père, puis bassiste et enfin le second guitariste. Il apparut pour la première fois sur disque en 1988, celui de son père « Live From Chicago : Bayou Lightnin’ Strikes » (Alligator AL 4759). Avec la bénédiction paternelle, il créa son propre label Watchdog et publia « Gold Digger » (1998), « Take Me Witcha » (2001) et « The Torch » (2006). En 2017, année de la mort de son père, « Times Have Changed » sortit chez Provogue. Ronnie Baker Brooks a maintenant signé avec Alligator, cette firme de disques indépendante qui a tant fait pour promouvoir la carrière de son père. Les onze chansons originales ont été travaillées et peaufinées pendant l’épisode de la pandémie de COVID. Elles rendent un hommage évident à Lonnie Brooks qui avait dit à son fils : « … keep these blues alive ! ». Le disque est produit par l’illustre Jim Gaines (Santana, Stevie Ray Vaughan, Lonnie Brooks, Luther Allison, …), hélas décédé le 9 novembre dernier. La surprise vient du choix des accompagnateurs liés à Memphis et Muscle Shoals et non à Chicago : le guitariste rythmique Will McFarlane, le bassiste Dave Smith et le batteur Steve Potts auxquels se joignent, selon les titres, Rick Steff (piano électrique), Clayton Ivey (Hammond B3), Brad Quinn (saxophones ténor et baryton) et Drew White (trompette). Beaucoup de blues-rock de grande qualité dans le jeu de guitare et les compositions de l’artiste, en particulier I’m Feelig You, Blues in My DNA et All True Man. My Love Will Make You Do Right et Accept My Love, hommage de Ronnie à sa mère Jeannine Baker morte en 2023, sont deux belles ballades sentimentales remarquablement chantées. Le funky I Got To Make You Mine varie les plaisirs auditifs et évite la monotonie. Stuck On Stupid est une longue relecture (plus 8 minutes) d’un blues lent original de Ronnie Baker Brooks qu’il avait créé sur son premier CD « Gold Digger ». Robbing Peter To Pay Paul est dans un pur style shuffle de Chicago. Il semble que Ronnie Baker Brooks a passé l’essentiel de son activité musicale sur scène, loin des studios d’enregistrement. Il est un chanteur et un guitariste de grand talent. Ses compositions tiennent la route. Son cinquième disque depuis 1998 est une grande réussite qui devrait séduire même les oreilles les plus réticentes au blues-rock et lui valoir une reconnaissance internationale. – Gilbert Guyonnet


Bob Corritore & Friends

Doin’ the Shout !

Vizztone Label Group / SWMAF Records SWMAF28 – vizztone.com

Décidément, Bob Corritore est un musicien et producteur très prolifique ! Sur les quinze dernières années, il a sorti pas moins d’une trentaine de CD. Et n’allez pas croire qu’il s’agit de fonds de tiroirs et que la qualité s’en ressente. Bien au contraire. Chaque nouveau disque est une nouvelle perle, jamais de faute de goût, Bob Corritore est devenu une référence dans le blues « traditionnel », en particulier dans le Chicago blues, ville dont il est originaire même s’il réside à Phoenix depuis plusieurs décennies. Ce nouveau CD s’inscrit dans la lignée des précédents « Somebody Put Bad Luck On Me », « You Shocked Me », « Spider In My Stew » et « Don’t Let The Devil Ride ». Si Bob Corritore ne chante toujours pas, il n’a pas son pareil pour savoir s’entourer, réunissant pour ce CD une sorte de « dream team » du blues, en l’occurrence des chanteurs et chanteuses parmi les meilleurs du moment accompagnés par des musiciens top niveau dont, bien sûr, Bob Corritore lui-même à l’harmonica sur l’ensemble des titres. Ses interventions sont toujours pertinentes, au service des morceaux sans jamais être envahissant, du grand art ! Les titres sont issus de neuf sessions différentes datant de 2023 et 2024, pourtant une unité et une homogénéité indéniables se dégagent. La première session contient deux titres chantés par Thornetta Davis, la reine du blues de Detroit : la reprise d’Alberta Adams Say Baby Say et That Don’t Appease Me présent sur son dernier album. Elle est accompagnée de Johnny Burgin (guitare), Dave Keyes (piano), Bob Stroger (basse), Wes Starr (batterie). Les deux titres sont très enlevés, elle s’y plaint de son homme qui la trompe et la rend malheureuse, un thème classique dans le blues au féminin. La deuxième session comprend le chanteur des Cash Box King, Oscar Wilson, accompagné de Bob Margolin (guitare), Bob Stroger (basse), Anthony Geraci (piano), Wes Starr (batterie). Dans ces deux titres (Woman Wanted, Just A Dream) rappelant Muddy Waters avec un superbe solo de slide de Bob Margolin, il est bien sûr question de femmes, notamment qu’il est difficile de trouver la femme de ses rêves ! Dans la troisième session, Nora Jean et sa voix surpuissante chante le titre éponyme Doin’ the Shout ainsi que It’s My Life accompagnée par des musiciens de Phoenix : Johnny Rapp (guitare), Yahni Riley (basse), Brian Fahey (batterie). Suit I Guess I’m a Fool, un titre très jazzy de Francine Reed (chant) parfaitement accompagnée notamment par Duke Robillard (guitare) et Ben Levin (piano). Puis, c’est au tour de Bobby Rush (chant), avec notamment Dexter Allen à la guitare, de chanter un titre humoristique : I’ve Got Three Problems (with my woman, my girlfriend and my wife…) qui raconte l’histoire d’un gars qui a une triple vie ! Il les appelle numéro 1, numéro 2 et numéro 3. Cela rappelle Problems de Big George Brock ou You Got Trouble de Johnny Drummer. Tia Carroll (chant) reprend ensuite un titre de Slim Harpo, I’ve Got To Be With You Tonight, accompagnée par Kid Ramos (guitare), Jimmy Main (guitare), Bill Stuve (basse), Stephan Hodges (batterie). John Primer, habituel complice de Bob Corritore, reprend avec brio un titre de Bobby blue Bland, I’ve Got A Twenty Room House. Pour la session suivante, Jimi “Prime Time” Smith partage le chant avec Carla Denise pour reprendre un titre de sa mère Johnnie Mae Dunson, Same Old Thing, qui ressemble clairement à Big Boss Man ! Le CD se termine avec un titre des « trois Bob » (Corritore, Stroger, Margolin), My First Love, chanté par le vétéran Bob Stroger. Bref, on retrouve dans ces enregistrements tous les ingrédients qui nourrissent les grands albums de blues, des bons morceaux bien servis par d’excellents chanteurs, chanteuses et musiciens, de la complicité, du feeling, de la nuance, de la profondeur. De l’enregistrement au mixage, tout est parfait ! Cerise sur le gâteau, ce CD bénéficie d’une magnifique pochette dessinée par le génial illustrateur Vince Ray qui a déjà collaboré à six reprises dans un passé proche avec Bob Corritore. Il y a même une petite devinette : «  How many cats can you count ? » (à l’arrière de la pochette). Moi, j’en compte 8 ! Vous l’avez sans doute compris, l’écoute de ce CD est fortement conseillée ! – Jocelyn Richez


Chris Bergson Band

Comforts of Home

Continental Blue Heaven CBCHD 2055 – www.chrisbergson.com

Un dixième album pour le chanteur et guitariste Chris Bergson, si l’on additionne ceux publiés sous son nom seul et ceux crédités au Chris Bergson Band. Toujours secondé par le chanteur Ellis Hooks qui apporte une touche soul à Retribution, Uptown side, et surtout un parfum New Orleans à l’excellent Laid Up With My Bad Leg in Lenox, traversé d’éclairs de slide et appuyé par la batterie du légendaire Bernard Purdie. L’album s’écoule sur des rythmes groovy, ponctués de cuivres, alternant ballades intimistes et funk léger. Les conforts domestiques en somme. Think About It Twice énergique et au son heavy, est l’exception qui confirme la règle. Chris Bergson est un parolier sensible, aux textes autobiographiques. Cet album qui prend racine dans le meilleur des musiques américaines, se referme sur deux instrumentaux, Moses Supposes et Epilogue (Cycle’s Descending), le premier porté par l’orgue, le second par une guitare acoustique. – Dominique Lagarde


Kaz Hawkins

Live in Brezoi (I)

Dixiefrog Records DFGCD8850 – dixiefrog.com

La chanteuse, auteure-compositrice et guitariste Kaz Hawkins est originaire de Belfast, en Irlande du Nord, où elle a débuté sa carrière. La musique lui a permis de surmonter de pénibles épreuves, violence, dépression, addiction à la drogue. Forte de cette peu enviable expérience, elle compose des chansons personnelles inspirées par le blues, la soul, le gospel, la musique irlandaise et le rock. Sa voix grave et puissante la sert beaucoup pour faire passer le message de ses excellentes compositions. Après cinq albums auto-produits entre 2014 et 2020 et un succès grandissant, Kaz Hawkins signe avec Dixiefrog qui publie, en 2023, « Until We Met Again ». La firme de disques française livre un nouveau disque enregistré en public lors de l’Open Air Blues Festival de Brezoi en Roumanie, en juillet 2023, « Live in Brezoi (I) ». Le (I) du titre indique qu’un second volume est prévu. Il devait être enregistré lors de la prestation de la chanteuse pendant l’édition de juillet 2024 du festival roumain. Hélas, les intempéries (pluies diluviennes) firent tomber le projet à l’eau. Ce n’est que partie remise, puisqu’elle sera de nouveau à Brezoi en juillet 2025. Ce concert sera bien sûr enregistré. Pour ce concert roumain, la chanteuse est soutenue par son orchestre habituel : l’excellent organiste et pianiste Cédric Le Goff, le batteur Amaury Blanchard, le bassiste Julien Boisseau et le bon guitariste Stef Paglia dont je n’apprécie pas quelques interventions, ce qui n’ôte rien à la qualité de son jeu. Grâce à sa voix puissante, Kaz Hawkins s’impose d’entrée avec sa composition Don’t Make Mama Cry. Elle ne lâche plus le public un instant en passant de Drink With The Devil qui rappelle la grande Koko Taylor à l’émouvante ballade folk style irlandais The River That Sings. Les mânes de Nina Simone, Feeling Good, et d’Etta James, I Just Want To Make Love To You, planent sur cet enregistrement. Le son de ce live est très correct, malgré, parfois, un écho intempestif dû à la géographie du lieu qui est cerné de montagnes. Même si la musique de ce CD contient quelques rares moments trop pop-rock à mon humble goût, Kaz Hawkins nous invite à un beau voyage musical. – Gilbert Guyonnet


Colin James

Chasing The Sun

Stony Plain Records SPCD1499 – stonyplainrecords.com

Colin James est un guitariste et auteur-compositeur originaire de Vancouver au Canada. Grâce à sa musique à dominante blues-rock, il a obtenu un nombre impressionnant de distinctions pendant ses quarante ans de carrière. Avec huit prix Juno, trente-et-un Maple Blues Awards et une intronisation au Canadian Music Industry Hall of Fame, Colin James continue sa carrière avec « Chasing The Sun », son 21ème album. Pour les onze titres de cet enregistrement, il a réuni une pléiade de talents dont le légendaire harmoniciste Charlie Musselwhite. Dans Protection, titre d’ouverture, la chanteuse Lucinda Williams interprète ce morceau qu’elle a écrit en 2014. Les stars du gospel Ann et Regina McCrary sont au chant dans I’M Still Alive et Open Your Mind. À noter enfin le morceau Devilment avec un duo guitare-harmonica dans un blues exceptionnel ; l’harmonica de Charlie Musselwhite est explosif et la guitare de Colin James est un modèle de blues-rock. Les amateurs qui possèdent déjà « Open Road », le dernier album de Colin qui date de 2021 et qui a reçu de multiples récompenses, peuvent acquérir en toute confiance la nouvelle production de cet excellent artiste. – Robert Moutet


Bria Skonberg

What It Means

Cellar Music

Bria Skonberg fait partie de ces artistes qui ont des choses à dire et une personnalité extraordinaire. Elle est une excellente compositrice, une talentueuse trompettiste et une chanteuse remarquable. Cet album est certainement sa meilleure carte de visite. Malgré son apparence calme, Bria Skonberg est une véritable bête de scène. « J’aime performer. J’aime préparer des chansons de manière à surprendre et à ravir les auditeurs, en ajoutant différentes variables et en trouvant des points communs. J’adore jouer de la trompette sur une section rythmique groove. J’aime entendre des harmonies de cuivres et chanter d’un murmure à un rugissement. C’est une expérience cathartique et satisfaisante pour l’âme, et tout ce que j’ai voulu faire depuis que j’ai rencontré la trompette », , dit-elle. Nous attendions depuis longtemps le nouvel album de Bria Skonberg et, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été déçus. Chaque album de cette artiste donne l’impression d’une renaissance avec de nouvelles propositions et un nouvel univers. Cette fois, c’est un voyage à La Nouvelle-Orléans. Voici comment ce projet a vu le jour. En janvier 2021, Bria a ressenti le poids du confinement. N’ayant pas vu ses parents depuis plus d’un an et ayant interagi avec d’autres musiciens moins de dix fois depuis le début du confinement, combiné à la merveille kaléidoscopique de devenir parent, elle a éprouvé à la fois la désolation d’un profond isolement et l’émotion submergée d’un nouvel amour. Lorsque les concerts ont finalement repris, elle a eu l’impression d’essayer de « retrouver son chemin tout en avançant ». Ce qui s’est avéré profondément ancrant au milieu de ce retour tumultueux à la normalité sociétale, c’était de revisiter le matériel qu’elle avait appris à l’adolescence — des classiques comme Cornet Chop Suey de Louis Armstrong — et de s’immerger dans les favoris musicaux de sa famille, comme Van Morrison et les Beatles, ainsi que les siens, notamment la musique du septet de Wynton Marsalis. Il n’en a pas fallu beaucoup plus à cette artiste immensément talentueuse pour trouver l’inspiration nécessaire. Tout commence avec le morceau titre de l’album, une version abrégée de l’un des standards les plus célèbres sur la Cité du Croissant : Do You Know What It Means To Miss New Orleans ?. On peut réaliser ici à quel point la culture de Bria Skonberg est impressionnante, avec sa manière de mêler les genres musicaux et de les éparpiller tout autour. Puis soudain, la voix de Bria “Sweet Pea” surgit et nous sommes dans un film, la voix parfaite pour ce type de chanson. La façon dont elle la pose comme elle place les notes à la trompette, crée des miracles. Cet album est une cascade de belles surprises et de poésie. C’est l’un des albums les plus cohérents que j’ai eus entre les mains ces derniers temps. Presque chaque morceau est connu et fait partie de l’univers populaire et, ce qui est fascinant, c’est la vision très personnelle de Bria Skonberg pour chaque morceau. On retrouve dans cet album une grande variété de musiciens, dont de nombreuses figures actuelles de la scène jazz de NOLA. En particulier, l’album met en lumière l’indispensable batteur/percussionniste et légende de La Nouvelle-Orléans Herlin Riley. Bria Skonberg n’avait jamais travaillé avec le bassiste Grayson Brockamp avant cet album, mais elle l’a engagé sur la recommandation de Riley et a été immédiatement impressionnée par sa capacité et ses contributions de goût à la structure et à la mise en forme de chaque morceau. L’excellent pianiste Chris Pattishall est l’un des plus anciens collaborateurs de Bria, qui utilise son expérience dans la musique de film pour créer des paysages sonores luxuriants au piano. Présent à la guitare et au banjo, Don Vappie est un géant de La Nouvelle-Orléans, connu pour son leadership solide du projet King Oliver et imprégné du patrimoine musical de la ville. Aurora Nealand, la saxophoniste soprano entendue sur la première piste, est une ancienne colocataire de Bria Skonberg d’un festival de swing à Stockholm ; « J’étais impressionnée par sa capacité à obtenir autant de son de ses instruments et par sa maîtrise de la musique de Sidney Bechet », dit Bria. Étant donné la liste particulièrement longue, je vais arrêter ici avec la description. Cet album est fascinant, amusant, brillant et, de mon point de vue, un un exercice un peu risqué pour cette artiste connue pour une autre forme de jazz, mais ici totalement réussi. – Thierry De Clemensat


Eddie 9V (9volt)

Saratoga

Ruf Records Ruf 1315 – www.rufrecords.de

En 2021, Eddie 9V, chanteur et guitariste originaire d’Atlanta, avait surpris par sa maîtrise et l’éclat de sa sonorité, sur son premier album chez Ruf. Une impression confirmée en 2023 avec Capricorn et une palette d’inspiration toujours élargie. Aujourd’hui, « Saratoga » nous conduit sur des chemins encore différents. L’album baigne d’abord dans une atmosphère Memphis soul des années 1970, avant – surprise  – de faire… volte-face vers un style folk-rock à la Crosby Stills Nash and Young (la ballade Truckee, Love you all the Way Down) ou de la country (The Road to Nowhere). Delta est très swamp blues, Wasp Weather, funky rap. Eddie 9V met son cœur à nu dans la ballade passionnée Cry Like The River. Chamber of Reflection et son sax, se veut un passage plus ambitieux, aux touches jazz. – Dominique Lagarde


Eric Bibb

In The Real World

Stony Plain Records SPCD1488 – stonyplainrecords.com

Le troubadour Eric Bibb poursuit sa route, entre finger-picking à la guitare, mélodies douces, messages d’espoirs, regards sur le monde et un sens inné de la scène, seul ou accompagné. Pour ce trente-sixième album (!!!), les sessions d’enregistrement se sont partagées entre les fameux studios Real World (d’où le titre à double entendre) de Peter Gabriel à Bath, ceux du label suédois Repute Records et LittleBIG Sound à Nashville. Parmi les excellents musiciens qui l’accompagnent – au total une vingtaine –, notons la présence du guitariste Robbie McIntosh (The Pretenders, Norah Jones, Paul McCartney,…) et du multi-instrumentiste Glenvin Anthony Scott (claviers, guitare, mandoline, basse,  batterie, chœurs) qui font des merveilles. Quinze titres composent cet album aux ambiances très diverses, du Take The Stage d’ouverture au magnifique morceau de clôture Victory Voices avec la présence remarquée de Lily James. Entre country blues et gospel, la poésie est au rendez-vous de la plus belle des manières. J’ai beaucoup aimé Dear Mavis (dédié à Mavis Staples), Everybody’s Got A Right ou encore Make A Change et If There’s And Rule qui rappellent la collaboration d’Eric Bibb avec Habib Koité. Un très beau disque. – Marcel Bénédit


J.P. Reali

Blues Since Birth

Reali Records RR 8142

J. P. Reali est un vétéran de la scène musicale de Washington DC. Durant toutes ces années, il a joué en solo ou en groupe à travers les États-Unis et il a même eu un grand succès au Japon pendant seize semaines. En 2007, il a sorti son premier enregistrement solo blues acoustique avec six reprises et neuf compositions. Nominé pour de multiples récompenses, il retrouve aujourd’hui son vieil ami après trente ans de séparation, le batteur Jim Larson, pour un enregistrement de huit nouveaux morceaux et d’une reprise de Bob Dylan, It Takes a Lot To Laugh, It Takes A Train To Cry. J.P. Reali est au chant, aux guitares, à l’harmonica, à la basse, au piano, mais aussi au banjo dans le morceau Eileen Left. Il est accompagné par Josh Borden aux claviers, Gill Glass à la basse et bien sûr Jim Larson à la batterie. Pour le morceau d’ouverture, The Devil’s Take, il a fait appel à son frère Chris Reali pour l’écriture. Avec des sons et des rythmes qui peuvent nous rappeler de grands noms du Blues, cette nouvelle production de J.P. Reali s’écoute avec plaisir. – Robert Moutet


Eb Davis

Then And Now

Zyx Records  PEC 2146-2 – www.ebdavis.com

Originaire de l’Arkansas, Eb Davis fit ses débuts sur scène durant les décennies 1960 et 1970 à New York, au sein de la formation The Soulgroovers. Changement de décor, début de la décennie 80, l’Oncle Sam lui fait revêtir la casquette de G.I., il se retrouve alors affecté à Berlin Ouest. Visiblement, le pays de Goethe lui convint, car il décide, une fois démobilisé, de s’installer définitivement en Allemagne. La dernière fois que je l’ai croisé par le plus grand des hasards, c’était au milieu des années 1990 à Chicago dans la maison du bassiste Aaron Burton, nichée en plein cœur du West Side. Après un concert à Saint-Louis, il passait alors quelques jours dans la maison de son ami (qui lui aussi fut expatrié quelque temps), avant de repartir sur le Vieux Continent. Cette nouvelle session nous propose dix compositions originales et deux reprises. Excellent chanteur, Ed Davis n’a rien perdu de sa superbe à l’écoute de Monday Morning Blues, Glad I’m No Alone, I talk About You ou encore Good To Me. Lorsqu’il s’attaque à deux gros standards comme Glamour Girl de T. Bone Walker et Driving Wheel de Roosevelt Sykes, il s’en sort admirablement. Coup de chapeau aux musiciens qui l’entourent et qui sont vraiment formidables. Jurgen et Mike Russel sont aux guitares, Willie Pollock et Ben King Perkoff font office de section de cuivres, Nina T. Davis est aux claviers, tandis que Tom Blacksmith gère la basse et DiCarlo est derrière ses fûts. Cette nouvelle production, très bien produite, ravira les fans du chanteur tout comme ceux qui souhaitent découvrir cet artiste attachant qui, depuis le cœur de l’Europe, continue au fil de ses publications à nous enchanter. – Jean-Luc Vabres


Gary Nicholson

Common Sense

Autoproduit – www.garynicholson.com

« Common Sense » fut, il y a trente-neuf ans et quelques lunes, le titre d’un album du folksinger John Prine. Sa pochette s’orne d’une gravure où un jardinier distrait s’apprête à marcher sur les dents d’un râteau. Filiation. Aujourd’hui la jaquette du « Common Sense » de Gary Nicholson s’orne du dessin d’un bûcheron sciant la branche sur laquelle il est monté. Encore plus bête. Avec humour, bienveillance et espoir, Gary Nicholson prêche l’attention, le bon sens. Mission impossible dans un monde survolté. Gary Nicholson est un auteur compositeur prolifique, avec plus de sept cent chansons écrites pour des artistes aussi divers que Ringo Starr, Willie Nelson, Fleetwood Mac, ou… John Prine. Secondé par les guitares d’Anson Funderburgh, Colin Linden, Mike Zito, et les claviers de Mike Finnigan (Electric Ladyland de Jimi Hendrix). À l’image de ses maîtres, Guthrie et Dylan, Nicholson se nourrit de country, de folk, de gospel, de blues (All That Makes Me Happy Is The Blues) et referme cet agréable et champêtre opus sur le délicat There’s No Them.Dominique Lagarde


Guy Davis

The Legend of Sugarbelly

M.C. Records MC-0094 – mc-records.com

Le New-Yorkais Guy Davis est un artiste complet : auteur de théâtre et surtout musicien de blues acoustique. Influencé par Skip James, Mississippi John Hurt et Blind Willie McTell, il est un superbe guitariste (6 et 12 cordes), un talentueux joueur de banjo et excellent harmoniciste. En outre il est auteur-compositeur. Il interprète ses chansons originales profondément ancrées dans la tradition afro-américaine avec sa belle voix parfois rocailleuse. Ce nouveau disque, « The Legend of Sugarbelly », est dédié au regretté harmoniciste Phil Wiggins mort récemment, avec lequel il joua souvent. Peut-être Guy Davis a-t-il hérité du talent de son oncle William Conan Davis, « un talent hors pair pour raconter des histoires malgré un important bégaiement », écrit Guy Davis dans le livret. C’est lui qui a inspiré la chanson Sugarbelly, l’histoire vraie racontée par son oncle d’une jeune femme inconnue de tous mais dont tout le monde connaissait le nom du meurtrier sans que quiconque ne le révélât. Guy Davis l’interprète au banjo. Ce titre introductif nous plonge dans un univers sombre mais au charme envoûtant et délicieux jusqu’à l’ultime chanson Don’t Know Where I’m Bound marquée par le subtil jeu en fingerpicking de Gary Davis. Celui-ci est soutenu par le contre-bassiste et violoncelliste Mark Murphy, le mandoliniste et banjoïste Christopher James, le joueur d’orgue Hammond Professor Louis Hurwitz. Le country blues brille de tous ses feux sur l’original Kokomo Alley joué à la guitare et Who’s Gonna Love You Tonight (That’s Alright) de Sam Chatmon où Guy Davis montre ses qualités d’harmoniciste. Early In The Morning est une superbe ballade originale. Le chanteur dit au revoir à ses proches un matin parce que le lendemain il ne sera peut-être plus là. Plus optimiste est le mid-tempo In The Evening Time, célébration des promenades nocturnes qui apaisent son esprit. Les deux titres les plus rapides sont : Firefly où, banjo en mains, Guy Davis déclare sa fascination pour les lucioles, et Long Gone Riley Brown où, dans un style d’harmonica très proche de celui de Sonny Terry, Guy Davis raconte l’évasion de prison d’un trafiquant de moonshine whiskey ; boisson qui est le thème de Come Gitchu Some. Guy Davis nous gratifie d’un bel arrangement du traditionnel Little David Play On Your Harp qu’il découvrit la première fois chanté par la cantatrice Kathleen Battle. Les relectures de Black Snake Moan de Blind Lemon Jefferson dans l’arrangement de Lead Belly et Laura de Lead Belly lui-même auraient fait sourire de bonheur le légendaire Huddie Ledbetter. Je vous invite chaleureusement à découvrir ce beau disque. – Gilbert Guyonnet


Sean Taylor  

Short Stories

Digital only – bandcamp.com

Sean Taylor est l’un des rares artistes de blues blanc que nous diffusons sur Bayou Blue Radio, pourquoi ? La raison est simple. Cet artiste ne cherche jamais à être autre chose que lui-même, possède une large culture musicale et ses albums précédents sont là pour le prouver. Il est à l’Angleterre ce que Elisa Gilkyson est à la musique folk aux USA, ce sont tous deux des artistes amoureux des mots et pour qui le mot « Art » a un sens. La musique de Sean Taylor est-elle du Blues ? Parfois. Pas tout au long de cet album dans lequel on s’installe, on écoute, saisi par la beauté de ses textes et sa façon de nous les conter. Bien loin d’un Tom Waits désespéré, il y a une forme de malice dans ses récits comme dans sa voix, une façon de glisser sur les notes, une forme de simplicité dans sa musique et parfois une ambiance qui pourrait nous amener dans un pub a une heure tardive… On y verrai Sean Taylor, guitare à la main, finir la soirée avec quelques amis, tantôt engagé, se servant des ses instants de vie, parfois partageant une foule de sentiments comme sur le titre Wildflower, chanson d’amour, certainement sur une vision loufoque et personnelle, bref ! On l’adore, faisant le clown sur Mona Lisa, a moins que ce soit pour éviter de nous plonger dans une forme de profondeur qui serait rapidement insupportable. Sean Taylor est une référence d’un art honnête et engagé, qu’on aimerait bien voir sur scène, d’autant que ce nouvel album ne demande pas de grosse infrastructure au niveau instrumental. Souvent comparé à d’autres artistes, je ne prendrai pas ce chemin. Pour moi, il est un artiste original, sincère, avec sa propre définition musicale et vocale. En écoutant cet album, on peut particulièrement imaginer les longues heures d’écriture, les moments d’observation et cette façon que Sean semble avoir de s’amuser de la plupart des situations. – Thierry De Clemensat


Doug Duffey and BADD

Ain’t Goin’ Back

Fort Summer Music LLC

Voici le quatrième album de Doug Duffey and BADD, un groupe basé dans le nord de la Louisiane. Durant cinquante ans, Duffey a joué dans le monde entier et écrit des chansons pour de nombreux artistes comme Marcia Ball et George Clinton. Il est au chant et aux claviers dans « Ain’t Goin’Back », son nouvel album, avec Dan Sumner au chant, guitares, percussions et trompette, Ben Ford à la basse et Adam Ryland à la batterie. En mélangeant les initiales des prénoms de ces quatre musiciens, on obtient BADD. Avec des influences provenant du blues louisianais, de la soul et des rythmes de Memphis et de La Nouvelle-Orléans, voici onze morceaux par des musiciens solides dont les performances sont à découvrir. – Robert Moutet


Arlen Roth

Playing Out The String

Aquinnah Records AQ-202403

La carte de visite du guitariste Arlen Roth a de quoi impressionner. Il a accompagné Simon & Garfunkel ensemble ou individuellement, John Price, Phoebe Snow, Bob Dylan, les Bee Gees, Don McLean, Levon Help, Ry Cooder, Duane Eddy, Danny Gaton, Dusty Springfield, Johnny Winter et bien d’autres… Côté cinéma, il apparut avec Ramblin’ Jack Elliot et Patti Smith dans le film « Rolling Thunder » de Martin Scorcese, créant les parties guitare, et dirigea Ralph Macchio dans le film « Crossroads ». Arlen Roth apparaît comme une légende vivante de la guitare : il est classé dans le Top 100 des guitaristes les plus influents de tous les temps par Vintage Guitare Magazine et dans le Top 50 des guitaristes acoustiques par Gibson.com. Il a aussi écrit plusieurs méthodes reconnues d’enseignement de la guitare. C’est le registre acoustique qui a été choisi pour ce nouvel album, le vingtième disque solo d’Arlen Roth et le cinquième en acoustique. Changement de cap par rapport à « Super Soul Session », le précédent opus d’Arlen Roth en compagnie du légendaire bassiste Jerry Jemmott, qui rencontra les honneurs de la critique et le succès auprès du public. Ici, on a affaire à un disque beaucoup plus intimiste, qu’on pourrait croire « fait maison », avec néanmoins un excellent travail d’enregistrement et de mixage d’Alex Salzman. Church Street Blues, Blue Bayou, Everybody’s Talkin’, Playing Out The String sont autant de moments de plaisir, mais il est difficile de faire un choix parmi les onze titres de cet album d’une grande richesse.Marcel Bénédit


Sirjo Cocchi & Balta Bordoy ‘The blues way’

Heads up

Continental Blue Heaven CBHCD 2054

On dirait le Sud… Quand un majorquin et un milanais ont des idées à partager, ça se passe à Barcelone, Le Transalpin Sirjo Cocchi, chant et claviers et le guitariste ibérique Balta Bordoy ont connu auparavant des parcours musicaux bien différents, mais leurs regards ont convergé vers la voie du Blues, lorsqu’il s’est agi d’entreprendre un travail commun. Dans la diversité des expressions du Blues, c’est celle du West Side sound de Chicago qui revient le plus souvent aux oreilles. Et ce dès Love and Pain Blues, comme sorti du répertoire d’Otis Rush. Un original, à l’inverse des trois reprises qui peuplent le disque : Heads Up de Freddie King, Losing Hand de Ray Charles, Midnight Hour Blues de Leroy Carr. À leurs côtés, Santi Ursul, basse, et Micky Izquierdo, batterie, assurent une solide rythmique dans cet album de dix titres de belle facture, à la production soignée. Transmutation Blues bénéficie de la présence de l’harmoniciste Victor Puertas. Latins malins. – Dominique Lagarde


The Blues Bones

Live on Tour

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The Blues Bones est un groupe de blues-rock flamand formé en 2011. Les cinq membres sont Nico De Cock au chant, Stef Paglia à la guitare, Edwin Risbourg au piano et à l’orgue, Geert Boeckx à la basse et Jens Roelandt à la batterie. Ils ont déjà joué avec Jimmy Vaughan et Tommy Castro et leurs prestations sur scène sont permanentes, avec des concerts déjà programmés en 2026. Pour les amateurs qui n’ont pas eu la chance de les voir, ils ont publié le CD/DVD « Live @The Bosuil » en 2013. Pendant leur tournée de printemps et été 2024, plusieurs concerts ont été enregistrés. Une sélection de ces enregistrements est publiée dans l’album « Live on Tour ». Pour le groupe, ce disque n’est pas un concert live ni un album studio,  mais « un son du groupe on the road » avec l’énergie brute de la scène. La plupart des titres proviennent de « Unchained », leur dernier album studio. Du blues-rock explosif que produit le groupe, on appréciera le son à l’ancienne de l’orgue Hammond et le jeu puissant de la guitare bien servi par une section rythmique efficace. Voici donc des enregistrements live d’un des meilleurs groupes européens de blues-rock. – Robert Moutet


Nico Wayne Toussaint Band

From Clarksdale With Love

Autoproduit / Inouie Distribution

Chanteur, harmoniciste et auteur-compositeur, Nico Wayne Toussaint a débuté sa carrière professionnelle en 1998. Il a depuis enregistré quinze albums, majoritairement sur la label Dixiefrog et glâné un nombre conséquent de distinctions : French Blues Hall of Fame 2021, Best Harmonica Player (Memphis International Blues Challenge 2015), Best Blues Song (International Song Writing Competiton 2012) et fut trois fois finaliste de l’International Blues Challenge à Memphis (2014, 2015, 2023). Bref, une carrière déjà remarquable à bien des égards. Au cours des cinq dernières années, il a également adopté la guitare pour se produire tant en solo qu’en groupe. Clarksdale, Mississippi, est le point de chute de Nico pour ce nouvel album : « C’est là que j’ai choisi de vivre une retraite studieuse, spirituelle, musicale, à la belle saison de la récolte du coton, quand les températures avoisinent les 30 degrés mais que déjà arrive l’automne, et qu’à perte de vue les champs sont blancs de la fleur de coton. Ma retraite, je l’ai organisée dans un house boat en tôle et en planches, posé au bord d’une route agricole (NDLR : cf photo de couverture du CD), devant cet océan opalin. C’est là, avec mes guitares et mes harmonicas, que je me suis attelé à travailler en contexte, le répertoire des légendes du Mississippi : RL Burnside, John Lee Hooker, Muddy Waters, Fred McDowell… Et les clubs de la ville, comme les trottoirs de La Nouvelle-Orléans, sont devenus mon aire de jeu et mon lieu d’exercice public. Huit semaines à ce rythme m’ont permis de faire de superbes rencontres, de m’installer dans un quotidien, de beaucoup jouer, d’écrire des chansons et de trouver un nouveau son. C’est tout ce vécu que j’ai rapporté en France et que j’ai insufflé aux sessions de répétition de notre album à venir ». Mais si le son « juke joint » que Nico Wayne Toussaint a voulu imprimer à ce nouveau disque est omniprésent, il a aussi choisi de convier des cuivres et la version Big Band de son groupe au grand complet pour que la fête soit totale ; en somme, l’ensemble des musiciens avec lesquels Nico avait enregistré l’hommage à James Cotton en 2016. « From Clarksdale With Love » comporte douze titres originaux, dont certains avaient paru dans son album solo, mais cette fois-ci ré-arrangés pour le groupe et la section de cuivres avec un travail remarquable du trompettiste Pascal Drapeau. Nico est au chant, à l’harmo ou à la guitare selon les faces. Mélange intelligent de Mississippi blues et de Soul, ce disque est une totale réussite. – Marcel Bénédit


Blues Corner

Lonely Mile

Autoproduit

Blues Corner est un groupe de blues de la région parisienne fondé en 2020. Après de nombreuses prestations sur scène, voici donc leur premier album avec quatorze compositions personnelles. Les paroles décrivent les difficultés de la vie, l’amour et la tristesse, mais aussi l’espoir. Pour la musique, ils revendiquent leur influence « des trois Kings » : Albert, Freddy et B.B. Les deux fondateurs du groupe, Phil Roman au chant et à la guitare et Seb Oroval aux claviers et à l’harmonica sont, comme leurs comparses, d’excellents musiciens. On puise ici dans les racines du Blues en apportant des harmonies modernes, et c’est une réussite. Ce band affectionne particulièrement la scène, alors vivement les festivals !Robert Moutet


Check Out 

Blues Tape

Autoproduit

Check Out est un nouveau trio de blues et de rhythm’n’blues de la région de Cahors. Freddy Red est à la guitare et au chant, Mitch Teulet à la basse et au chant et Didier Brassac à la batterie et aux choeurs. « Blues Tape » est leur premier disque et comporte treize titres dont huit compositions personnelles et des reprises des années 60 à nos jours. Sur deux titres, Baby, Baby et I Wanna Party, ils ont invité Benjamin Conti aux saxophones (ténor et baryton) et Pierre-Jérome Atger à l’harmonica dans My Home. La musique afro-américaine en anglais est majoritairement à l’honneur dans cet album, avec toutefois une exception concernant l’ultime morceau du disque, J’ai choisi ; interpréter un blues avec des paroles en français était un choix pas évident, mais Check Out le réussit très bien. L’arrivée d’un nouveau groupe français dans le domaine du blues est une bonne nouvelle. Ce disque leur permettra, je l’espère, d’avoir un grand nombre d’engagements dans les festivals à venir. – Robert Moutet


Nfaly Diakité

Hunter Folk Vol 1 : Tribute To Toumani Koné

Mieruba Records MRB-ML 02/021

Les Donsos (ou Donsow) sont des chasseurs traditionnels animistes Bambara. Leur confrérie est très respectée au Mali car elle détient une somme de savoirs auxquels seuls les initiés peuvent accéder. Né en 1989 à Bamako, Nfaly Diakité porte le nom de son grand-père qui fût l’un des chefs Donso les plus emblématiques du Mali. Bien que son père ne jouait pas, on rapporte qu’il était toujours accompagné du musicien Yoro Sidibé, la star contemporaine du Mali. Prenez un bus de la Sotrama et si la volaille, les bruits du moteur gorgé d’huile et les bavardages des passagers vous laissent un peu de répit, vous pourrez l’entendre vous accompagner sur les routes de latérites où dans le petit maquis qui vous vendra la cigarette à l’unité. Nfaly fait ses classes avec cet homme qui ne quittera presque pas son continent et dont les disques (cassettes) ne se vendent que in situ. Son instrument privilégié est le Donso N’goni (« guitare des chasseurs », une harpe-luth voisine de la Kora) qui, contrairement aux luths et autres guitares, ne s’accorde que sur une note, restant dans une tonalité fixe pendant le jeu, rendant cette musique très hypnotique. Nfaly quitte les bancs de l’école pour suivre l’apprentissage de son instrument auprès de Oumar Sidibé et Diakaria Diakité, deux maîtres Donso de la région de Wassolo. Comme tout élève assidu et respectueux, il est rapidement sollicité pour jouer dans les cérémonies cultuelles. Plus tard, il fait la rencontre du percussionniste Ibrahim Sarr et rejoint le BKO Quintet (mélange fascinant de musique ancestrale et de sonorités électriques actuelles) avec lequel il enregistre plusieurs albums dont « Trad Actual Malian Sound » sur le label Not On Label en 2013 et « Bamako Today » en 2014 sur Buda Records. Sa virtuosité à l’instrument l’emmène rapidement sur les routes européennes et américaines, participant à de nombreux festivals. Kônô puisque initié, son rôle ne se cantonne pas à jouer d’un instrument, mais aussi à transmettre la culture et l’histoire du peuple Bambara à travers ses compositions. Le voilà donc seul pour son premier album qui est un hommage au grand conteur et poète Toumani Koné qui, avec N’gonifo Bourama, est considéré comme le plus grand joueur de Donso ngoni. Seul donc à assurer les cordes et les voix sur un album où la résonance de son instrument peut être « terreuse » comme aérienne, fluide et hypnotique, mais jamais ennuyeuse (tel le Hill Country blues), créant une transe profonde plutôt qu’une lassitude. Neuf titres au total dans cet album dont trois instrumentaux qui parviennent sans trop de difficultés à nous transporter hors de notre conformisme. Jouant entre urgence et sérénité, il pose sa voix (je devrais dire ses voix puisqu’il fait même les chœurs) dans une multitudes de dimensions, donnant une expressivité redoutable à sa musique. Nfaly réussit la prouesse de nous faire découvrir un monde qui ne se terre pas seulement dans la tradition, mais ouvre grand les portes de la modernité, nous obligeant même à bouger nos savates aux rythmes denses du monde Mandingue, riche de sens, mais pas si facile à déchiffrer. Nfaly Diakité s’en sort haut la main. Vivement un album fait de ses propres compositions. – Patrick Derrien


Various Artists

Super Disco Pirata
De Tepito Para El Mundo 1965/1980

Analog Africa AALP099

Ce n’est pas la première fois que Samy Ben Redjeb, le boss d’Analog Africa, se penche sur une musique qui a fait et fait encore danser l’Amérique Latine. On se souvient avec délectation de la compilation  «Ranil Y Su Conjunto Tropical » (mars 2020) qui visitait les productions péruviennes de Raul Lierena Vasquez, artiste activiste dans la forêt amazonienne côté Pérou. Quatre ans plus tard, revoilà Samy à Mexico en train d’éplucher des disques « pirates » (c’est-à dire sans licence d’exploitation) qui faisaient les beaux jours de la culture musicale alternative. Et si d’aucun s’enorgueillissent de mettre le label en porte à faux en pointant le fait que ces disques ont pu susciter bien des embarras pour les labels officiels, on lui pardonne volontiers d’avoir, à travers cette compilation, sauvé une partie du patrimoine mondial musical. À Mexico, la danse populaire à déjà une longue carrière derrière elle (on a retrouvé des flûtes en os datant du paléolithique supérieur, 40.000/10.000 av J.C. dans cette région). Les salons et les grands bals faits d’orchestres de chair et d’os, étaient alors très prisés dans la première moitié du siècle dernier. Puis, dans les années 1970 et 1980, les Sonideros remplaceront les orchestres au coin des rues à grands renforts de décibels, un peu à la manière des Sound System jamaïcains qui faisaient cracher les décibels dans des murs d’enceintes délirants. Dans les quartiers populaires, berceau de la culture sonidera, les DJ’s se faisaient la main sur des morceaux faits pour faire danser la foule et, si la Cumbia était reine, le Sonidero en était son serviteur. L’origine de ces « Sound System » mexicains peut remonter aux années 1920, dans des quartiers populaires tels que Tepido, San Juan De Aragon… Mais les Sonideros ne se cantonnaient pas qu’aux quartiers de Mexico, ils paradaient bien au-delà de la grande ville, passant la frontière (la musique en a t-elle une ?) avec les États-Unis. Musique tropicale donc au programme des boîtes à musiques mexicaines, musique qui prend ses racines avec l’incursion de la musique de Cuba dans les années 1930 (le port de Veracruz fut un vecteur musical important), puis sa consolidation dans les deux décennies suivantes grâce au cinéma et à la rumba qui croise ses notes avec celles du Guaganco, le Danzon et encore le Mambo… Vers 1950, Disco Peerless, le label officiel qui prenait toutes les couvertures, consolide sa réputation et ses tiroir-caisse à travers l’édition de vinyles. Problème, ils coûtent une blinde et les amateurs n’ont pas les moyens de se les offrir. Évidemment, la radio sera la voix du peuple, mais aussi les quelques personnes qui pouvaient s’offrir ces disques se retrouvaient à les jouer dans des cours ou petites placettes, et c’est ainsi que doucement, à l’aube des années 1960, les Sonideros prendront place jusqu’à foisonner dans les années 1980. Au milieu de cette décennie, des copies vinyles (les fameux “Pirata”) de certaines chansons qui avaient été apportées par les Sonideros, ont commencé à apparaître illégalement. Faites de pochettes blanches, parfois d’un simple papier recouvrant la galette, ne laissant qu’un trou au centre pour que le macaron puisse se voir, ces “Piratas” prenaient naissance dans des laboratoires clandestins à Tepito et passeront la main aux cassettes fin des années 1980. C’est de cela dont « Super Disco Pirata » parle, de ces disques pressés la nuit sur d’autres galettes recyclées, en édition évidemment restreinte, pouvant être vendues à des personnes qui, autrement, n’auraient pas eu les moyens de se les offrir. Elles étaient aussi le promontoire de certaines musiques tropicales enregistrées en Amérique Latine. « Super Disco Pirata » contient vingt-trois morceaux terriblement irrésistibles et dansants, aussi variés que cette musique peut l’être dans ses racines. Ces morceaux ont étés triés sur le volet et proviennent des meilleurs et étranges vinyles produits pendant « l’âge d’or » des sound system mobiles de Mexico et, si il devait y avoir un exemple de cette capacité à ingurgiter ce qui n’est pas du pays, c’est de se tourner vers le titre d’Enrique Lynch, La Quinta Sinfonia de Beethoven, une truculence musicale. Un double album  « déchaîné » qui comprend un livret de douze pages qui recontextualise cette musique et que je vous conseille fortement de mettre sous le sapin. – Patrick Derrien


Ike Turner

Rocks

Bear Family Records BCD 17679 – www.bear-family.com

Au tour de Ike Turner d’être intronisé dans la très respectable collection « ROCKS » de la firme allemande Bear Family. Et ce n’est que justice pour ce pionnier de la musique populaire américaine. Après avoir débuté comme pianiste, il devint un important innovateur de la guitare électrique et le Pygmalion (et bourreau ?) de Tina Turner. Je rappelle le principe de cette série : compiler 80 minutes de musique d’artistes de Blues, Rhythm & Blues, Rock’n Roll, Rockabilly et Country. La sélection des titres est rigoureuse, même si chacun peut discuter quelques choix. Un imposant et très informatif livret accompagne chaque compilation, ainsi qu’une discographie exemplaire. L’éminent Bill Dahl est le rédacteur des copieuses notes de ce CD, qui regroupe 33 chansons enregistrées entre le 15 mars 1951 (Rocket ‘’88’’ injustement attribuée à Jackie Brenston) à 1961 et It’s Gonna Work Out Fine avec Tina Turner. Sans ordre chronologique, principe de la collection, vous apprécierez les chanteurs Billy Gayles, Dennis Binder, The Sly Fox, Willie King, la chanteuse-pianiste Bonnie Turner, épouse d’Ike en 1952, avant la rencontre mémorable en 1956 avec Anna Mae Bullock que Ike Turner métamorphosera en la regrettée Tina Turner. La discographie de Ike Turner est si pléthorique qu’il est bon de bénéficier d’une compilation aussi bien pensée et réalisée. – Gilbert Guyonnet


Various Artists

West Coast Black Gospel 1940-1973
Won’t Have To Cry No More

Narro Way Records – www.gospelfriends.se

Ce formidable triple album passe brillamment en revue la musique sacrée de la Côte Ouest, de 1940 aux années 1970. Le compilateur Per Notini, bien connu des amateurs de musiques afro-américaines, nous propose une formidable immersion consacrée au gospel de l’après-guerre dans cette partie des États-Unis. Durant les années 1930, la scène sacrée était dans sa majorité entretenue par des artistes en provenance de Chicago ou du Sud profond. Après la guerre, beaucoup d’Afro-américains mettent le cap sur la Côte Ouest. De jeunes pasteurs s’installent et souhaitent, via la musique, intensifier leurs démarches pastorales. Les 74 titres proposés nous permettent d’apprécier des formations comme The Gold West Singers, Bishop Louis H. Narcisse, Odessa Parkins, ou encore les fameux The Mighty Clouds of Joy, Sondra Williams ou les formidables Pilgrim Travelers. Saluons, les passionnantes notes du livret qui passent en revue tous les groupes et chœurs présentés. Rapidement, les grandes compagnies de disques de Los Angeles flairent le potentiel économique à enregistrer la scène locale florissante. De fait, les artistes ne dépendirent plus uniquement d’institutions religieuses qui les soutenaient, mais également de labels ou de stations de radio qui allaient démultiplier leurs audiences. Au fil des compositions et des décennies, nous suivons l’évolution musicale du répertoire sacré mis ainsi en perspective, le rendant encore plus attractif et passionnant. Le travail présenté est ici exemplaire, il procurera à l’auditeur beaucoup d’émotions et permettra à ceux qui souhaitent en savoir plus sur certains artistes et formations californiennes, d’y retrouver avec bonheur certains de leurs meilleurs enregistrements. Vivement recommandé. – Jean-Luc Vabres


Ted Taylor

The Very Best OF Ted Taylor
Be Ever Wonderful 1955/1962

Jasmine Records JASCD 1207 – jasmine-records.co.uk

Le présent CD regroupe 32 titres issus de 16 singles – pour la plupart rarissimes – retraçant les débuts de la carrière de Ted Taylor. Chanteur à la voix inimitable et immédiatement reconnaissable qualifiée de néo-falsetto, il fut souvent comparé à Clyde McPhatter ou à Little Willie John… Les compositions se situent dans le droit fil des inspirations de l’époque : rock & roll (My Darling) au sein du groupe The Jacks ou encore (Do You Wanna Rock) avec The Cadets, puis en solo (Everywhere I Go, Little BoyHow OldAre You), doo wop (Saving My Love), bluesy (Time Has A Way, ballades sirupeuses particulièrement datées (Wrapped In A Dream, I Need You So) qui ne sont sauvées que par la magie de sa technique vocale. Mais son titre de gloire – et peut être unique succès d’estime puisqu’il ne fut classé que 133 au Billboard – pour lequel il passe à la postérité est Be Ever Wonderful dont l’interprétation est peut-être son chef-d’œuvre. Ce titre, qui connut même une édition française, fut fréquemment repris, notamment récemment par Sonny Green. La carrière de Ted Taylor se poursuivit, enregistrant pour Okeh, Epic, Atco (Help the Bear) puis il enregistra plusieurs albums pour le label Ronn dont un en duo avec le créateur de Part Time Love, Little Johnny Taylor. Il est décédé dans un accident de voiture le 22 novembre 1987. – Jean-Claude Morlot


Jimmy Wilson

Blues In The Alley
1948-1956

Jasmine Records JASMCD3274 – jasmine-records.co.uk

En voilà encore un qui se souciait peu de sa date de naissance… Si certains ont pu le localiser dans le temps entre 1921 et 1925, de récentes recherches indiquent le 21 janvier 1918. Quoi qu’il en soit, il est né et c’est tant mieux pour nous ! Beaucoup d’incertitudes traînent quant aux détails de sa vie. On le dit né à Gigsland en Louisiane, ou près de Lake Charles toujours en Louisiane. On ne connaît pas la date exacte de son arrivée au nord de la Californie, mais grand bien lui prit de faire le voyage. Jimmy Ned Wilson à l’état civil, traîne ses belles capacités vocales avec des groupes gospel comme les Pilgrim Travelers ou encore The Rising Star Gospel Singers, avec lesquels il enregistre quelques titres sur Pacific Records vers 1946/1947. Sa voix, bluesy à souhait, se devait d’être entendue pour elle-même et c’est Bob Geddins, l’impresario, qui le colle derrière un micro avec son groupe Bob Geddin’s Cavaliers pour son propre label Cava Tone Records (1). Bizarrement, ses premiers enregistrements ne se retrouvent pas sur cette compilation, seuls deux titres de 1949 sont retenus : It’s A Sin To Tell A Lie et la reprise de Roosevelt Sykes Mistake In Life qui paraissent en 1949. Exit donc quelques titres non dénués d’intérêts sur lesquels le fabuleux guitariste Lafayette Thomas lui procure des solos croustillants. Certains de ces morceaux font un véritable tabac dans la Bay Area et l’écho de ces titres tombent dans l’oreille des frères Eddie et Leo Mesner, fondateurs du célèbre Label Aladdin Records (à l’origine Philo Records avant de changer de nom en 1946), qui achètent certains des masters de Wilson à Geddins (les deux titres sus-cités seront édités en 1952 par Aladdin). Et satisfaction pour nous qu’Aladdin ait racheté certains de ces masters, car nous aurions été bien en peine de passer à côté de deux titres non parus sur Cava Tone mais édités en 1951 par Aladdin (Honey Bee et Please Believe Me) qui ouvrent et donnent le ton à une compilation qui me semble être la première consacrée à cet artiste. En 1953, Wilson signe à nouveau avec Geddins pour son nouveau label, Big Town Records. Le premier titre à y être gravé est Tin Pan Alley qui n’est pas de Wilson mais de Geddins, mais qui, devant un tel succès, devient bien malgré lui attribué à Wilson au fil du temps. La majeure partie des titres publiés dans cette première partie des années 1950 le sera sur Big Town (malgré quelques escapades chez Goldband Records, label basé à Lake Charles en Louisiane, sur 7-11, sous filiale de Aladdin, ainsi que sous le nom du Jimmy Nolan’s Band pour le label de San Francisco Rhythm Recording, ou encore Chart records, un petit label basé à Miami…). Certes, Jimmy Wilson continuera à enregistrer après 1956 sur les labels Irma, Goldband, Imperial, Duke…, mais jamais il ne retrouvera cette intensité des premiers titres que le label Jasmine met en exergue dans cette compilation qui, je le rappelle, est à ma connaissance la première « anthologie » d’un artiste qui partira « rejoindre les grandes prairies » en 1965 après avoir épongé plus que de raison, l’alcool qui lui faisait oublier ses peines. Saluons au passage la volonté de Jasmine Records de nous faire découvrir certains des plus grands parmi les « inconnus » qui auront marqué le Rhythm’n Blues du nord de la Californie. « Blues In The Alley » nous donne à écouter un bel aperçu non seulement de Jimmy Wilson, mais aussi de la scène blues de la Bay Area du début des années 1950 avec presque tous les enregistrements de musique profane que Wilson a enregistrés avec Geddins entre 1948 et 1956. – Patrick Derrien

Note (1) : pour pousser un peu plus loin l’histoire de Bob Geddins.


Jimmie Vaughan

Strange Pleasure

Bear Family Records BAF218051 – www.bear-family.com

Tout amateur de blues versant rock connait le guitariste et chanteur texan James Lawrence Vaughan aka Jimmie Vaughan. Il fut membre permanent du groupe The Fabulous Thunderbirds de la moitié des années 1970 à 1989, groupe avec lequel il enregistra six albums entre 1976 et 1990, tenant de nouveau la guitare dans leur très réussi « On The Verge » en 2013. L’unique album studio enregistré avec son frère cadet Stevie Ray Vaughan – « Family Style » – vit le jour en 1990, année de la disparition dans un accident, à seulement 36 ans, de Stevie Ray. Il faut attendre 1994 pour voir publier le premier album solo de Jimmie Vaughan, l’excellent « Strange Pleasure ». Masterisé de manière remarquable à l’époque par  Bob Ludwig, l’album est pressé par des feuilles DMM et joue à 45tours/minute pour une reproduction sonore parfaite. Cet album est marquant à plusieurs titres. D’abord par la qualité de morceaux comme Boom-Bapa-Boom, Flamence Dancer, Tilt A Whirl, Two Wings, le morceau titre Strange Pleasure ou le splendide hommage à son frère disparu, Six Strings Down. D’autre part, en raison de l’implication des musiciens, Jimmie au chant et à la guitare souvent « habité », Bill Willis à l’Hammond B3, George Rains aux drums, ou encre du “Good Doctor” (Dr John) invité de circonstance. L’album, produit par le génial Nile Rodgers, parut à l’époque en format CD et fit un chemin enviable, devenant un modèle musical et sonore pour les générations ultérieures. Hormis une édition vinyle aux Pays-Bas dans les années 1990, Bear Family Records publie pour la première fois une édition vinyle regroupant les onze titres du CD original complétés par une version un peu plus longue (4’52’’ au lieu des 3’55) du titre d’ouverture, Boom-Bapa-Boom. Cette édition est publiée sous la forme d’un double LP 180 grammes, lu à 45RPM. Difficile d’imaginer mieux en qualité sonore, franchement. Album à dominante blues, ce disque offre une multitude d’ambiances, avec de la bonne humeur mais aussi des faces d’une grande émotion. Quant au jeu de guitare de Jimmie Vaughan, il est percutant, d’une grande finesse, mais jamais démonstratif, un véritable exemple. J’imagine la joie, la fierté et l’émotion que cette formidable réédition limitée à seulement 1500 exemplaires (faites vite pour vous le procurer…) doivent procurer aujourd’hui à Jimmie Vaughan, après un tel parcours. – Marcel Bénédit


Albert King with Stevie Ray Vaughan

In Session

Stax/Craft Records 00888072525634

La télévision canadienne CHCH-TV, sise à Hamilton, Ontario, produisait en 1983 des émissions musicales de grande qualité. Elle filmait et enregistrait en direct des artistes de styles divers de la musique américaine. Le 6 décembre 1983, elle rassembla dans ses studios le vétéran du blues Albert King et l’étoile montante texane Stevie Ray Vaughan. Celui-ci a 29 ans, celui-là 60. Les deux hommes se sont rencontrés en 1973 au club Antone’s d’Austin quand le pas toujours amène Albert King accepta de laisser monter sur scène le jeune frère encore inconnu de Jimmy Vaughan. Albert King fut séduit par le jeu de ce jeune homme. Aussi accepta-t-il l’invitation de la télévision canadienne. Les voici rassemblés en compagnie de Tony Llorens (piano et orgue), Michael Llorens (batterie) et Gus Thornton (basse) pour un enregistrement qui ne verra le jour qu’en 1999, après la mort des deux artistes (990 pour Stevie Ray Vaughan et 1992 pour Albert King). Le disque original ne contenait qu’une heure de musique. Nous pûmes découvrir les titres qui manquaient quand apparut le DVD de l’émission en 2009. Stax/Craft publie une version audio de l’intégrale de cette soirée, remasterisée, respectant la chronologie de l’évènement, en un triple album vinyl et en deux CDs. Ont été ajoutés Born Under Bad Sign, les 20 minutes de Texas Flood et les 23 minutes de I’m Move To The Outskirts Of Town qui valent leur pesant d’or malgré leur longue durée. J’avoue que j’avais enterré la publication originale et ne l’avais jamais extirpée de ma discothèque depuis 1999. L’entente et la complicité entre les deux guitaristes qui ne cherchent à aucun moment à écraser l’autre, sont exceptionnelles. On sent qu’Albert King maîtrise parfaitement la situation et que Stevie Ray Vaughan, en vrai disciple amoureux, voue un grand respect et une incommensurable admiration à Albert King tout en n’imitant pas le maître. Impossible de ne pas distinguer les deux guitaristes malgré une grande complicité. Albert King, qui n’est pas connu pour être un guitariste rythmique, se met avec humilité au service de Stevie Ray Vaughan quand celui-ci se met en avant. En plus des titres cités plus haut, vous vous délecterez des interprétations de Call It Stormy Monday Blues, Matchbox Blues avec de subtils dialogues, guitares en mains des deux artistes. Albert King était un meilleur chanteur que Stevie Ray Vaughan. En attestent Pride And Joy et Texas Flood (une composition de Larry Davis et non Stevie Ray Vaughan comme l’annonce internet !) chantés par le jeune Texan. Le solo de piano de Ask Me No Question est superbe. L’épitomé du concert est le long titre final I’m Gonna Move To The Outskirts Of Town. Hélas, les accidents de la vie ont empêché que la transmission du sceptre entre les deux musiciens se concrétise. Ce remarquable document audio est un témoignage important. – Gilbert Guyonnet


Camille Howard  

The Empress of Boogie Woogie
1946-1956 

Jasmine records JASMCD 3288 (2 CD) – jasmine-records.co.uk 

Née à Galveston au Texas en 1914 et décédée en 1993 à Los Angeles, Camille Howard fut l’une des grandes pianistes et chanteuses de l’histoire du rhythm’n’blues. Elle fut surtout connue pour ses disques dans l’orchestre du “Grand Father of R’n’B”, The Solid Senders de Roy Milton, remarquable chanteur et batteur. Dans ce double album qui compte 60 titres, les meilleurs sont les faces d’origine Specialty (Camille’s Boogie, X- Temporaneous Boogie, Miraculous Boogie, Information Blues, R.M. Blues) et ses morceaux d’inspiration classique (Barcarolle Boogie, Schubert’s Serenade Boogie. Après Specialty, elle signa chez Federal en 1953 avec toujours d’excellentes faces (Hurry Back Baby, Excite Me Daddy), puis VJ en 1956 (avec les superbes Business Woman de Percy Mayfield et In the Bag Boogie). Peu après, elle se retira du monde de la musique, devint témoin de Jéhovah et disparut en 1993, âgée de 78 ans. Cet indispensable CD retrace très bien la carrière de cette impératrice du Boogie : un grand disque ! – Marin Poumlérol


B.B. King

Live In France
At The 1977 Nancy Jazz Pulsations Festival

Deep Digs Records / Elemental Records / DD 004

Disponible depuis le 29 novembre en version CD ou double LP à tirage limité, nous avons affaire ici à une session inédite enregistrée au cours du festival Nancy Jazz Pulsations, le 7 octobre 1977 par l’ORTF, qui était jusqu’à aujourd’hui dans les archives de l’INA. La prestation du King est formidable. Elle débute en guise d’intro avec le classique Blue Monk, puis rapidement le maître enchaine avec Caldonia, suivi d’une somptueuse interprétation de Sweet Little Angel. Des compositions à l’image de I like To Live The Life Love, Sweet Sixteen, The Thrill Is Gone ou encore Why I Sing The Blues sont évidemment de la partie. Deux titres interprétés en fin de concert, When I’m Wrong et Have Faith, ont vu le jour trois ans plus tôt avant ce magnifique concert, sur l’album intitulé « Lucille Talks Back ». Au total, 14 morceaux feront la joie des nombreux fans, ils retrouveront B.B. King accompagné de sa fidèle Lucille, au sommet de sa forme et de son art. La formation de haut-vol aux côtés du maestro est composée de Milton Hopkins (guitare), James Toney (orgue), Walter King (saxophone ténor), Ronnie Williams III (saxophone alto), Eddie Rowe (trompette), Joe Turner (basse) et Calep Emphrey Jr. (batterie). La plupart d’entre nous possèdent depuis des lustres l’album mythique « Live At The Regal ». Cette session inédite nancéenne est une vraie merveille, elle satisfera l’amateur le plus exigeant, sans parler des notes du livret qui sont signées par le toujours excellent Jean Buzelin. À noter que si vous souhaitez obtenir la version collector, il faudra faire vite, car seuls 3500 exemplaires ont été pressés. – Jean-Luc Vabres


Various Artists

Groovy and Bluesy Christmas    

Bear Family Records BCD 17766 – www.bear-family.com

Ça devait arriver ! En cette période de Noël, tout le monde sort sa compilation sur Christmas. Bear Family, qui en connait un rayon dans ce domaine, nous offre 28 titres à mettre sous le sapin. Normalement, je ne suis pas très friand de ce genre de choses… Mais quand le choix est bien fait comme ici, c’est bien. Jugez-en : The Moonglows, Ray Agee, Bull Moose Jackson, Joe Turner, Hank Ballard, B.B. King, Louis Jordan, Freddy King, Bill Doggett, Titus Turner, The Midnighters, Huey piano Smith, The Dominoes, Sonny Boy Williamson 2, Lightning Hopkins, Jesse Belvin, Charles Brown et Big Maybelle plus quelques autres. Chaque titre est commenté dans le livret avec composition des orchestres et photos : du beau travail ! Et puis, lorsque c’est Sonny Boy ou B.B. King qui vous souhaite un joyeux Noël, on ne peut que dire « Thank you so much ». – Marin Poumérol


Bessie Smith

Empress Bessie Smith
The Early Electric Recordings 1925-1926 

Jasmine Records JASMCD3286 – jasmine-records.co.uk 

Jasmine Records se lance dans une entreprise qui ressemble à une gageure : publier un cd de l’Impératrice du Blues, Bessie Smith, l’intégrale de ses enregistrements étant disponible en vinyls et cds sur d’innombrables labels. L’intention originelle de la production était de présenter une année complète d’enregistrements de Bessie Smith. La star de la firme de disques Columbia commença à graver des disques en 1923, à l’époque où la chanteuse et l’orchestre étaient enregistrés grâce à un immense cornet. En 1925, une nouvelle technique d’enregistrement apparut qui rendit obsolète la « méthode acoustique ». Le microphone avait été inventé. Columbia s’équipa très vite et invita Bessie Smith à enregistrer avec ce nouveau procédé d’enregistrement électrique. Le résultat fut une incommensurable amélioration de la qualité sonore des enregistrements de la diva. Entre le 5 mai 1925 et le 18 mars 1926, Bessie Smith grava 34 chansons. Seules 25 ont survécu. Pour des raisons techniques (limite de temps d’un cd), Jasmine en publie 24 ; le duo avec Clara Smith My Man Blues, du 1er septembre 1925, a été écarté. Ce cd n’est donc pas un « Best Of » ou un « Greatest Hits ». Les célèbres interprétations de The Yellow Dog Blues et Careless Love de W.C. Handy et The Gin House que popularisa, dans les années 1960, Nina Simone (fervente amatrice de Bessie Smith), apparaissent sur ce cd parce que gravées dans la période concernée. Tout comme le formidable Cake Walking Babies (From Home) avec le Fletcher Henderson Hot Six et At The Christmas Ball qui ne virent le jour qu’en 1940, bien après la mort de la chanteuse. Columbia gagna beaucoup d’argent grâce l’Impératrice du Blues jusqu’à la crise 1929. Quand elle mourut, à Clarksdale, Mississippi, en 1937, victime d’un accident de voiture, la firme de disques n’offrit aucune pierre tombale à une de ses plus grandes stars… Encore une excellente production du label anglais Jasmine. Livret rédigé par Tony Rounce et son de qualité vous inciteront à acheter ce cd. – Gilbert Guyonnet


Ethel Waters

His Eye is On the Sparrow

Jasmine Records JASMCD 2808 – jasmine-records.co.uk

Je vois déjà des amateurs décontenancés se demander, à l’écoute de ce CD, si Ethel Waters a bien sa place dans nos colonnes. Pas de guitare ou d’harmonica ni de vocaux low down expressionistes Pourtant, ceux qu’un tel doute taraude peuvent faire l’effort de farfouiller dans les riches ressources de leur ordinateur. Avec un peu de patience, le ciel s’éclaircira. Le blues « religieux » ou le vaudeville entretiennent bien souvent des éléments des discordances dans le monde si particulier du Blues. Certains amateurs ne ressentent rien devant un art fondé sur la solennité d’un langage souvent très « travaillé », tant au plan du swing qu’à celui d’une fantastique diction. De leur côté, d’autres ont besoin de la violence ou du désespoir reflétant leur condition… Au tournant du XXe siècle, les artistes afro-américains étaient bien peu nombreux et constituaient une minorité active face à une démographie américaine en plein essor. Malgré tout, au fil d’une maturation fertile, les musiques du ghetto ou de la plantation, les brass bands ou les medecine shows, ont tiré le meilleur parti d’un terreau dans lequel tout notre univers musical occidental a été marqué par son empreinte. Ce CD nous présente plusieurs exemples très éloquents du talent et de la maîtrise d’Ethel. Celle-ci nous offre un art véritable qui, sans contestation possible, la situe au tout premier rang. Pour l’atteindre, il a fallu gravir un parcours qui la conduisit du ghetto aux salons de la Maison Blanche. À ses débuts, elle n’hésite pas à affronter Bessie Smith. Cette dernière participant à une représentation dans un des nombreux théâtres qui animaient les quartiers noirs, aurait été impressionnée par cette toute jeune fille et, inquiète face à une concurrence naissante, lui aurait intimé la consigne : « Quand tu joues dans le même show que ce moi, tu ne chantes pas le blues ! ». D’un côté un univers sophistiqué qui lorgne parfois vers l’univers esthétique « blanc ». Souvenons-nous cependant que la musique sacrée demeure un élément qui n’a eu de cesse de perpétuer une part de la culture noire. Ceux qui ont eu la chance de rencontrer des artistes résolument modernes ont certainement remarqué que, pour eux, le blues, les chants religieux, demeurent vivants. Tout au long de sa carrière, Ethel Waters témoigne de la profondeur de son engagement religieux. Portée par sa foi, elle nous transporte, à l’instar d’une Mahalia, atteignant une sorte de plénitude. Sa version de Deep River, morceau a priori usé, a ici une majesté et une puissance qui ne pourront que vous toucher. Il en est de même pour Nobody Knows. Quelques morceaux m’ont plus particulièrement séduit. Stand By par exemple. Une si belle voix. Une voix qui se promène avec tant de légèreté. Avec aisance. Vous trouverez dans cette sélection de nombreux spirituals, ce qui est normal compte tenu du souhait de l’artiste. Chers lecteurs, n’oubliez pas de découvrir les enregistrements de la face jazzy d’Ethel. Ayez l’envie d’aller chercher des perles et de « déguster sa voix ». Si vous êtes curieux, vous serez surpris aussi de ses réussites cinématographiques, ses revues, son action au service de la communauté africaine américaine et, bien sûr, son talent littéraire qui s’affirme au fil de ses mémoires « His Eye is on the Sparrow ». Artiste photogénique, elle nous laisse de nombreux portraits qui expriment à merveille la nature de sa maîtrise. – André Fanelli


Various Artists

Noshville ! Songs for a Healthy Appetite  

Jasmine Records JASMCD 2824 – jasmine-records.co.uk

Des chansons pour vous donner un solide appétit . Pourquoi pas ? C’est une sélection de 30 titres qui nous parlent de nourriture sous tous ses aspects. De la salade Cole Slaw de Jesse Stone au Cabbage de Champion Jack Dupree soutenu par Mickey Baker à la guitare, en passant par Amos Milburn et ses French Fried Potatoes et ce vieux Cab Calloway qui prétend que Everybody Eats When They Come To My House au fumet du Crawfish d’Elvis et au Kidney Stew d’Eddie Vinson, on commence à être rassasié. Mais il y a un Birthday Cake de Jerry Lee Lewis, un Jumbalaya de Moon Mullican, des petits pois et du riz grâce à Ella Fitzgerald et le fameux « pied de cochon et une bouteille de bière » de Bessie Smith. Et puis le dernier repas, celui du condamné, My Last Meal, de Jack Hammer par Jimmy Rogers. De la très bonne musique, très variée, pour vous aider à avaler votre réveillon dans de bonnes conditions. – Marin Poumérol


Various Artists

Dictionnaire chronologique du rock 1945-1962
Chronological Dictionary

Frémeaux et Associés FA 5886 (coffret 4 CD) – www.fremeaux.com

Favorisé à la fois par la généralisation du CD et l’arrivée progressive du répertoire des années 1950/1960 dans le domaine public, le nombre d’anthologies retraçant l’histoire du rock’n’roll s’est multiplié au long des années 1990/2000. Spécialiste des compilations thématiques, Frémeaux s’est construit un savoir-faire incontesté dans le genre, et ce dictionnaire – dont l’intitulé peut sembler formel – ne diffuse que du bonheur. Attention, si la programmation est chronologique au fil des quatre cds, le livret, contenu dans le premier boîtier, recense, lui, les artistes choisis par ordre alphabétique, sous la forme d’une notice biographique bilingue, français et anglais. 98 titres, avec un bon équilibre entre classiques incontournables du rock et pépites moins connues, comme ce Rock Woogie du saxophoniste Jim Wynn qui ouvre les débats, refermés quinze ans plus tard par le Pipeline des Chantays, juste après Love Me Do des Beatles, quand les babies ont fait boum ! Apogée pour les uns, lente dégradation pour les autres. Au milieu de ces artistes venus du blues, du rhythm’n’blues, de la country, très majoritairement américains bien sûr, pionniers ou passagers inspirés, se glissent quelques anglais (Vince Taylor, Lonnie Donegan, déchaîné dans Rock Island Line), français, parodiques ou non (Salvador, Magali Noël, Chaussettes Noires, Johnny Hallyday, voix et guitare en avant, rythmique au fond de la cour, sur Souvenirs, Souvenirs, justifiant les critiques des puristes à l’époque) et des surprises (un jeune Lou Reed). Cadeau tout trouvé pour découvrir ou redécouvrir cette musique de jeunes (sauvageons ?) de l’après Deuxième Guerre Mondiale, que Frank Sinatra détestait. – Dominique Lagarde


The Chicago Blues of Joe & Charlie McCoy

Guido van Rijn

Agram Blues Books – 310 pages – Edition reliée

Guido van Rijn publie le sixième volume (livre avec cd inclus) d’une série consacrée à la biographie et la musique d’artistes de Blues. Après Smokey Hogg, Leroy Carr, Jazz Gillum, Washboard Sam et Walter Davis, c’est au tour des peu connus frères McCoy de bénéficier du travail de Guido van Rijn et ses collaborateurs. Il a fallu beaucoup de patience et de mérite à l’auteur pour rassembler quelques rares éléments biographiques des deux frères. Le cœur du livre, un long chapitre de 216 pages, transcrit et analyse les paroles de toutes les chansons enregistrées par les deux hommes. L’étiquette de chaque disque illustre chaque chanson. Les dates d’enregistrement et de publication de tous les disques sont indiquées ainsi que les musiciens des séances. En outre les musiciens découvriront la tonalité de chaque titre. Une sélection qui fut difficile, de vingt cinq chansons parfaitement restaurées et rassemblées sur un cd, accompagnent ce livre préfacé par l’éminent David Evans. Les frères Wilbur (ou Wilber) qui se baptisèrent Joe et Charlie McCoy venaient de Hinds County, Mississippi. Dès le début des années 1930, ils vécurent à Chicago. À l’écoute du cd, on se demande pourquoi ces véritables « Blues Brothers » n’ont pas atteint le statut qu’ils méritaient dans l’histoire du Blues. Commençons par le plus jeune, Charlie, parce qu’il fut le premier à participer à une séance d’enregistrement. Il avait 16 ans quand, en février 1928 à Memphis, il accompagna avec sa guitare et sa mandoline Ishman Bracey, Rosie Mae Moore et surtout Tommy Johnson. Son jeu à la mandoline sur le chef d’œuvre Cool Drink Of Water Blues est mémorable. Les musiciens des environs de Jackson, Mississippi, considéraient l’adolescent comme un prodige. Bien qu’il soit crédité comme auteur de deux standards du Blues, Corrine, Corrina (1928 pour Brunswick avec Bo Chatman) et Bottle It Up (1932 pour Vocalion), celle-ci est sur le cd qui accompagne le livre, il ne profita jamais de ces succès et n’émergea pas comme vedette. Etait-ce un choix personnel ou la malchance ? Personne n’a la réponse. En outre, son instrument de prédilection, la mandoline, passa de mode dans les années 1940. Il fut incapable de suivre l’évolution du Blues à Chicago et mourut bien jeune en 1950 à Chicago, complètement oublié. Il avait 39 ans. Guido van Rijn a sélectionné sept chansons gravées par Charlie McCoy pour le cd. Le chanteur et guitariste Joe McCoy, en réalité prénommé Wilbur ou Wilber, était l’aîné. Il débuta en studio en 1929 en gravant, accompagné par Memphis Minnie, I Want That, disponible sur le cd. Il adopta un nombre considérable de pseudonymes et se cacha derrière les noms : Georgia Pine Boy, Hallelujah Joe, Mississippi Mudder, Big Joe et Kansas Joe, … C’est avec cette identité qu’il épousa sa partenaire, la flamboyante et charismatique Memphis Minnie. Celle-ci était une aussi bonne guitariste, chanteuse et autrice-compositrice que lui. Joe McCoy, d’une jalousie maladive, la battait. Aussi le couple explosa-t-il justement. Comme son jeune frère, il ne gagna pas la notoriété qu’il méritait. Peut-être fut-il handicapé par la multiplicité de ses pseudonymes ? En 1936, les deux frères firent partie de la même formation, The Harlem Hamfats, qui préfigurait le Rhythm & Blues. Joe McCoy, avec sa voix rauque, en était le principal chanteur, Charlie le mandoliniste. Al Capone adorait cette formation ! En 1936, Joe McCoy écrivit avec le trompettiste des Harlem Hamfats, Herb Morand, Weed Smoker Dreams, en écoute avec le cd. Cette chanson devint Why Don’t You Do Right ? quand la chanteuse Lil Green l’enregistra en 1941. L’année suivante, Peggy Lee et l’orchestre de Benny Goodman en firent un immense tube. Quand Joe McCoy mourut en 1950, dans la misère, la même année que son frère Charlie, il travaillait dans une usine d’empaquetage de viande à Chicago et n’avait touché aucun droit d’auteur. Si vous possédez les cinq premiers volumes de cette exceptionnelle série, vous vous précipiterez sur ce nouvel exemplaire dédié à deux illustres injustement méconnus « Blues Brothers ». Tout ce que vous auriez voulu savoir sur eux est rassemblé ici. – Gilbert Guyonnet


Un Noël de Jelly Roll Morton  

par Alain Gerber    

Éditions Frémeaux et Associés – www.fremeaux.com

Une aventure de l’inventeur autoproclamé du jazz. Un petit bouquin fort bon sur ce vieux Ferdinand Joseph La Menthe, plus connu sous le nom de Jelly Roll Morton. Le livre d’Alan Lomax, « Mister Jelly Roll », paru en 1950, est souvent cité comme il se doit. Alain Gerber connait son sujet, il est l’auteur d’une trentaine de livres sur le jazz et de décennies d’émissions de radio sur France Musique et France Culture. Il éprouve une passion particulière pour la musique de Jelly Roll Morton qui fut certainement le premier grand pianiste et compositeur de jazz. Dans ce livre, il donne la parole à celui qui n’hésitait pas à écrire « inventeur du jazz » sur ses cartes de visite et qui était convaincu d’être le meilleur pianiste. C’est une saga à travers La Nouvelle-Orleans où l’on rencontre de légendaires personnages comme Anita Gonzales ou Mamie Desdoumes. La sorcellerie et le vaudou ne sont pas loin et l’autosatisfaction non plus : « Je n’avais pas dix ans lorsque je me suis aperçu que je possédais un don peu répandu : je parlais aux instruments de musique et ils m’écoutaient, ils m’obéissaient ». Tout cela donne une lecture plaisante, pleine d’optimisme, mais aussi un vécu teinté de fatalité, car Jelly Roll vécut des moments glorieux certes mais également des infortunes très pénibles qui le laissèrent sans doute très amer : il voyait d’autres musiciens qu’il trouvait très inférieurs à lui obtenir de grands succès… Tout cela devrait vous donner envie d’écouter Jelly Roll Morton et son jazz d’il y a un siècle dont il existe un excellent coffret chez Frémeaux :  « The Quintessence 1923-1940 » ( FA 203). – Marin Poumérol


Disco

Docu BD 176 pages/Cartonné/19×26

Petit à petit – www.petitapetit.fr

Vingt dessinatrices et dessinateurs de BD pour illustrer vingt gloires de l’âge d’or du (ou de la) disco de 1974 à 1980. Entre les pages de dessin, quatre à cinq chacune, des textes biographiques, illustrés de reproductions de pochettes de disques. Un volume qui vient enrichir une collection d’une vingtaine d’ouvrages dédiés à la musique populaire. Emboîtant le pas des années de libération sexuelle, érotique, hédoniste, extraverti, le disco demeure la première et sans doute la seule musique à avoir entraîné la planète dans un même tourbillon. La sono mondiale se mettait en marche. Là où le rock, le rap et d’autres styles, ont pu laisser des terrains en jachère, le disco à son zénith, a tout envahi. Souvent jusqu’à l’indigestion. Mais il a aussi permis à des publics très divers de s’émanciper, de se révéler, de se sentir – au détour d’une boule à facettes – dieu ou déesse de la danse, là où les kermesses d’avant vous laissaient cloué à votre siège. Abstraction faite de ses bidouillages de studio, de son allure kitchissime, de sa voracité commerciale, de son omniprésence à la radio ou dans le quotidien, le disco a fait danser le globe, de la boum des voisins aux temples consacrés des nuits métropolitaines. Et même si son arrêt de mort fut prononcé au tournant de la décennie, rien ne peut l’empêcher de renaître régulièrement de ses cendres. Petits ou grands, vous revivrez  dans cet ouvrage cette épopée universelle à travers ses interprètes fétiches, qu’ils soient oubliés, disparus, ou toujours actifs. Leurs tubes au moins, uniques ou multiples, ont franchi le temps et l’espace. – Dominique Lagarde