« La musique m’habite depuis le tout début… »
• Crystal Thomas a pris l’avion en décembre 2018 pour le Japon et Hong Kong. C’est un bien grand voyage pour cette fille de la campagne des environs de Shreveport en Louisiane. Mais elle chante, écrit des chansons et joue du trombone depuis son enfance et elle est plus que prête pour de grandes choses. Elle n’a pas besoin d’aide pour raconter son histoire. Très ouverte pour parler de sa vie, très consciente des challenges qui l’attendent et pleine d’un enthousiasme pour la musique que trop de musiciens ont perdu en route…
À tout juste un peu plus de 40 ans, Crystal Thomas a deux CD à son actif, beaucoup d’engagements dans sa région et une réputation pour son style « old school », prenant son temps avec une chanson de manière à en tirer toute l’émotion possible. Sa vie musicale s’est accélérée depuis que Dialtone Records lui a organisé une tournée en Asie et l’a placée en vedette dans une compilation ou elle est soutenue par un orchestre japonais très cuivré – « Bloodest Saxophone, Texas Queens 5 » (Dialtone VT-DT0030) – et en sortant un bon vieux 45 tours avec deux de ses chansons (Woman Don’t Lie / They Call Me Crystal – Dialtone). Elle a aussi été remarquée sur la scène de la Soul sudiste avec la nouvelle star Jeter Jones et pour son duo avec le populaire rappeur de Houston, Big Pokey Bear, apparaissant sur un de ses CD. En 2017, on a pu la voir à Austin au South by Southwest. Crystal Thomas a beaucoup de caractère et une grande voix claire comme le cristal (sic) et la sorte de chaleur qui retient une audience. Elle déborde de musique, influencée depuis son enfance quand elle écoutait les disques de sa mère et les disques de Muddy Waters ou de Jimmy Reed de ses grands-parents. Son père jouait de la guitare et elle pratique le trombone depuis qu’elle va à l’école. Ce trombone l’a amené à une courte mais remarquable contribution avec Johnnie Taylor. Elle est l’une des rares chanteuses de soul/blues qui sache lire et écrire la musique, jouer d’un instrument, diriger un orchestre et composer ses chansons. Si vous ne l’avez jamais entendue chanter, ça va arriver très vite !
« Du plus loin que je puisse me souvenir, la musique a fait partie de ma vie. Ma mère chantait et toute la famille allait chanter à l’église. J’ai grandi en écoutant constamment de la musique. Mon père jouait de la guitare en solo, il était bon. Son nom est Henderson Bell, mais tout le monde l’appelle JR. Ma mère était Shirley Thomas et ma grand-mère Annie Bell. Ils n’étaient pas des professionnels, ils jouaient dans des églises, mais assez rarement ensemble.
Notre église était baptiste. Après l’office, nous avions du poulet grillé et on s’asseyait sous les arbres et mangions tous ensemble. Ma mère écoutait toutes sortes de choses. Elle avait une grosse collection de Gospel, mais elle écoutait aussi des disques de Dance. C’était l’époque du disco ; elle écoutait des groupes comme Confunction ou Zapp et Roger et elle adorait Johnnie Taylor. Mais j’ai surtout grandi avec mes grand-parents qui écoutaient Muddy, Lightnin’ Hopkins ou Jimmy Reed. Quand tout le monde jouait aux cartes, je jouais au dee-jay et je passais tous ces disques ; la musique me prenait complètement. C’est un don de Dieu. J’étais destinée à être dominée par la musique. Je pensais que ce monde et les amoureux de la musique seraient perdus sans moi ! (rires)
Je suis née le 25 mai 1977 à Shreveport en Louisiane. Mes parents sont ensuite partis pour Mansfield, La. C’est la campagne, les vaches, les poulets. Il y avait des cochons qui courraient partout. J’ai grandi dans une vieille maison en bois et dans une famille nombreuse. Il y avait des cousins et ma grand-mère avait douze enfants. La première fois ou j’ai vu ma grand mère tuer un poulet… Ooouh. J’ai eu peur ! J’avais un petit cochon qui était mon copain et un jour il n’était plus là et il y a eu un grand plat de charcuterie et autres…
Dès la troisième division, je créais déjà des chansons dans ma tête. Il y avait des instruments de musique à l’école. Je voulais jouer du piano et mon maître m’a mise dans un programme pour ça. Un jour, un homme est venu à l’école et nous a présenté tous les instruments. J’ai finalement eu le trombone parce que mon frère avait voulu en jouer, mais il a abandonné l’instrument et c’est moi qui en ai hérité ! C’était la seule façon de rester dans l’orchestre, alors je suis restée avec le trombone. Il y a peu de femmes qui jouent de cet instrument. Au début, je ne soufflais que de l’air sans aucun son, mais mon frère m’as appris comment mettre mes lèvres et tenir l’instrument. Mes grand-parents me laissaient m’entrainer à la maison, mais les chiens se sauvaient à l’extérieur ! En même temps, je chantais à l’école et à l’église. J’ai quitté l’école primaire en 1995 , puis je suis allée au collège à Jackson, Mississippi. J’étais très heureuse de quitter la campagne. Dans ma famille proche, seulement mon frère et moi sommes allés au collège.
J’ai eu une bonne scolarité et des diplomes de musique. C’était un programme de cinq ans et la meilleure expérience de ma vie. Puis, ma famille a eu besoin de moi. Je suis repartie à Mansfield pour m’occuper de ma grand-mère. Je l’ai perdue en 2009. Je vis maintenant avec mon grand-père. Je l’emméne à des shows avec moi. Le voir heureux me fait du bien. Pour lui, le fait de me voir sur scène est une bénédiction. Au collège, j’ai appris beaucoup de choses sur la musique et son histoire et d’avoir appris à lire et à écrire la musique m’aide à mieux chanter et à controler ce que je fais. Mon intention pour le futur est d’avoir toutes mes musiques écrites et disponibles parce qu’il m’arrive d’utiliser différents groupes, et je veux qu’ils jouent de la façon dont j’ai envie et non pas à leur façon.
Un de mes cousins avait des copains qui travaillaient chez un disquaire à Shreveport et il y avait un studio dans ce magasin. Ils m’ont dit : “Viens donc enregistrer une de tes chansons”. J’ai fini par chanter un morceau et tout le monde a aimé. Il y avait là un saxophoniste nommé Floyd Grigby qui a voulu que je fasse partie de son groupe qui était l’un des meilleurs de la région et qui jouait dans toutes les fêtes et festivals régionaux. J’ai fini par devenir leur chanteuse et tromboniste. Ce groupe s’est ensuite divisé en deux : Floyd Grigby and G et What’s Cookin’ et ça a duré une quinzaine d’années.
Le trompettiste du groupe, Don Crenshaw, m’a dit : “Tu es super. Johnny Taylor cherche un tromboniste”. Il avait déjà joué avec Johnny plusieurs années. Il m’a donné son numéro. Johnny m’a répondu et m’a demandé de venir à Dallas le week-end suivant. J’ai travaillé avec les cuivres le mercredi et le jeudi on a eu une répétition avec tout l’orchestre, le vendredi un show à Houston et le samedi un autre à New Orleans. J’ai été acceptée par tous… C’était super cool !
Certains de ces musiciens jouaient avec lui depuis des années. Ils étaient étonnés que je puisse me rappeler de toutes ces phrases musicales. J’ai commencé à jouer avec eux en mars et malheureusement Johnny Taylor est mort en mai. C’était Johnny Taylor ! Et quand il chantait Last Two Dollars, j’ai vu des femmes lui donner de l’argent ! C’était lui la vedette. Mais j’ai aussi vu Millie Jackson, et Peggy Scott est venue et m’a embrassée. Elle appréciait que je sois une femme qui joue du trombone. Johnny Taylor avait dit dans le bus en parlant de moi : “Elle sait chanter, je vais la faire entrer chez Malaco”. Le guitariste m’a dit : “Je suis là depuis près de 50 ans et il n’a jamais fait rentrer personne chez Malaco”. Il savait que je pouvais chanter !
J’ai fait pas mal de jobs au cours des années. J’ai travaillé dans une usine de papier, dans un centre d’appels, j’ai vendu des magazines en porte à porte. J’ai tout fait, mais je suis à plein temps avec la musique maintenant. J’ai deux CD. Le premier c’est « Lyrical Gumbo : The Essence of Blues”, paru en 2016 sur Jones Boy Entertainment. Ce sont mes compositions originales que j’ai souvent écrites sur des nappes. Maintenant, j’écris dans ma tête puis sur l’ordinateur.
Mon “Big Guy” et professeur est Gary Smith. Il joue des claviers mais aussi de la batterie et du trombone. Il est aveugle, mais c’est un musicien étonnant. Pour le deuxième CD paru en 2018 – « Drink of my Love » – j’ai aussi travaillé avec Gary Smith et je suis allée à Austin pour avoir Eddie Stout à la basse et Steve Fulton à la guitare et quelques autres musiciens qui ont bien voulu jouer en live sur ce projet.
Mes albums sont de la Soul et du Blues. Mais je suis avant tout une chanteuse. J’écoute toutes sortes de choses. J’écoute Janis Joplin, Donnie Hathaway et même les Dixie Chicks. J’ai une abondante discothèque. Dans une chanson, si c’est la mélodie qui m’accroche, je continue pour voir ou ça va et j’écoute le guitariste ou d’autres instruments, car j’ai cette culture de l’orchestration. J’ai beaucoup de dates de prévues. Tout est ouvert pour moi. Je chante surtout en Louisiane, Texas, Georgie, Mississippi. Je ne suis pas allée très loin, mais c’est en train de changer. Les Japonais ont parlé de moi à Eddie Stout. Le groupe japonais Bloodest Saxophone a joué à Austin au Eastside Kings Festival. J’ai enregistré quelques chansons avec eux qui sont sorties le 7 novembre. Je vais au Japon pour jouer avec eux pour Noel et la nouvelle année : c’est cool ! Qui pouvait penser que la fille de la campagne chanterait là ? »
Par Scott M. Bock
Traduction et mise en forme par Marin Poumérol