Édito #75

De droite à gauche : Scott M. Bock, Carl Weathersby, Smilin’ Bobby, Austin, Texas, septembre 2019. Photo © Marcel Bénédit

Ce numéro commence une nouvelle fois par de bien  tristes nouvelles. Après avoir appris le 22 août le décès de Patrick Verbeke, figure du blues hexagonal, le 23 août nous étions littéralement bouleversés par la disparition d’un ami et collaborateur d’ABS Magazine : Scott M. Bock. Nous nous étions rencontrés à Chicago il y a bien des années, en présence de Jean-Luc Vabres et Jean-Pierre Urbain. La connivence fut immédiate car Scott – collaborateur régulier de Living Blues Magazine – avait trouvé l’esprit de notre revue totalement en phase avec ce qu’il aimait et il avait immédiatement proposé d’entrer dans l’équipe de rédaction. Ses articles, toujours très proches des musiciens, feront date ; ils étaient en général traduits par Robert Sacré qui le connaissait bien également. Scott était un passionné de blues et un humaniste. Dans ses interviews, l’approche de la carrière du musicien était d’abord humaine ; à chaque fois, cette plongée intime dans la vie souvent tumultueuse des artistes de blues était bouleversante. Résidant à Boston, loin des célèbres bastions du Blues, il connaissait néanmoins intimement nombre d’artistes qui étaient naturellement devenus ses amis. C’est grâce à lui notamment que l’harmoniciste Birdlegg, croisé dans un club, fut enregistré par Eddie Stout pour Dialtone. Il avait également créé à Boston un centre médical réputé. Notre point de ralliement chaque année était devenu le Eastside Kings Festival à Austin, Texas, où il se prêtait avec humour et beaucoup d’à-propos au rôle de MC que lui confiait Eddie Stout. Nous vivions des moments formidables à chaque fois. Il adorait partager. Il avait plein d’histoires sur les musiciens, mais pas seulement ; il avait beaucoup voyagé et nous avait entre autre conté cette anecdote où il avait découvert que l’appartement qu’il avait loué lors de son périple à Paris était celui de… Catherine Deneuve ! Il y a quelques semaines, il m’a écrit pour me dire qu’il avait une maladie incurable mais qu’il allait toutefois tenter le traitement qu’on lui proposait. Il y a quelques jours seulement du moment où j’écris ces lignes, il me disait que le traitement en question n’avait pas fonctionné, qu’il avait confié tout son matériel écrit et sonore à l’Université du Missouri à Kansas City, ses photos à l’Université du Mississippi, qu’il classait ses affaires pour s’en aller… avec une lucidité qui faisait froid dans le dos, sans oublier de prendre la peine – malgré la situation – de prendre de mes nouvelles… C’était Scott : la gentillesse incarnée et le souci permanent de l’autre. Nous sommes dévastés par son départ, il n’avait que 64 ans. Humble et discret, c’est une figure du monde du Blues qui s’en va. Son absence se fera cruellement ressentir à Austin comme à Chicago. Nous pensons fort à Maria, son épouse, et à toute sa famille. Ce numéro 75 d’ABS Magazine, Scott, il est évidemment pour toi.

Ce numéro 75 a l’honneur d’accueillir en couverture une jeune femme « pluriel », comme l’écrit Lola Reynaerts qui s’est entretenue avec elle pour ABS Magazine en avril dernier. Tasha Taylor est une artiste aux multiples facettes : actrice le jour, chanteuse la nuit, auteur-compositeur, productrice, musicienne. Et lorsqu’elle s’accorde un break, elle s’adonne à la peinture. Chanteuse de Soul, dans le sillage de son père – le regretté Johnnie Taylor –, en Europe nous la connaissons surtout au travers de son album « Honey For The Biscuit » signé sur le label Ruf Records, qui lui a valu une renommée mondiale. Gilbert Guyonnet nous parle ensuite d’un bluesman né dans l’Arkansas, devenu l’un des piliers du Chicago blues, figure emblématique de Maxwell Street : Robert Nighthawk. Fait du hasard, le label Jasmine Records sort un excellent CD sur cet artiste majeur, à découvrir dans les chroniques. Stéphane Colin a choisi de nous parler du MNOP Tour 2021. Voici ses mots – non sans humour – lorsque nous avons échangé sur cet article : « rédacteur à ABS Magazine et programmateur aux Musiques de la Nouvelle-Orléans en Périgord (MNOP), le conflit d’intérêt est patent ! Raconter l’histoire des 20 ans de ce festival l’année même des 20 ans d’ABS Magazine fera franchir quelques barrières… » Un retour sur image qui réjouira ceux qui y étaient et emplira les autres de frustration. Enfin, le label britannique Jasmine Records sort un CD compilation sur le thème « argent et blues » ; il n’en fallait pas plus pour que Marin Poumérol s’empare du sujet te fasse un petit tour d’horizon des thèmes pécuniaires dans notre musique chérie… Bonne lecture.

Notez que malgré les restrictions dues au Covid, trois festivals partenaires – à venir en septembre et octobre – offrent des programmations somptueuses : Meyreuil, Crissier (Blues Rules) et Villeneuve-sur-Lot. Leurs affiches et liens sont annexés à ce numéro. Allez-y !

Marcel Bénédit