Jimmy Lewis

Jimmy Lewis. Photo DR, collection ABS Magazine.

Deep South Soulman

• S’il y a un artiste/soulman sous-évalué parmi les grands noms de la période allant de 1970 à 2000, c’est bien Jimmy Lewis (1937-2004), non seulement pour ses qualités de chanteur, mais aussi pour ses talents d’auteur-compositeur.

Jimmy Lewis lors d’un show télé, Los Angeles, Californie, circa 1965. Photo © Earl Leaf (collection Village Music Record Store).

Écoutons ce qu’en disent quelques grands noms de cette musique :
• «  Jimmy Lewis possède un immense talent et doit arriver très vite en haut de l’affiche » : Ray Charles (1970),
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«  J’ai écouté Ray Charles, Z.Z. Hill, Johnnie Taylor, Bobby Bland, Albert King, Rita Coolidge, Denise Lasalle, Dorothy Moore interpréter des chansons de Jimmy Lewis et c’était super, mais tant que vous n’aurez pas entendu Jimmy lui-même vous asséner ces sermons à travers ses chansons, vous ne saurez pas combien c’est bon » : Little Richard (1997),
« Ray Charles, Bobby Patterson, Solomon Burke, Jimmy Lewis, oui mon vieux, ces gens là sont mes All time favourites. Ils peuvent tout faire » : Swamp Dogg (1997).

45t Tangerine (collection Gilles Pétard).

Tout avait commencé pour lui dans la petite ville du Delta – Itta Bena près de Greenwood (Mississippi) – où il naît né le 19 novembre 1937. Mais il va rapidement émigrer vers Los Angeles. Il commence à composer avec son partenaire Clifford Chambers et produit une série de 45 tours pour Era Records. Son titre What Can I Do Now est remarqué par Bill Pinkney des Drifters et Jimmy est recruté par ce fameux groupe dont il va devenir le chanteur leader pendant deux ans (1963-65). En 1968, Ray Charles le remarque et lui demande de collaborer avec lui sur plusieurs projets dont un duo : If It Was Not For Bad Luck. Lewis va composer et arranger tous les titres sur l’album de Ray Charles « Doin’ His Thing » chez ABC. Il va aussi collaborer aux albums « Would You Believe » et « Strong Love Affair » de 1990 et c’est là que la carrière de Lewis va exploser, avec des faces gravées sur le label de Ray Charles, Tangerine (un label créé en 1962 comprenant une riche palette de grands artistes : Percy Mayfield, Lula Reed, Louis Jordan, Raelettes, Jimmy Scott, Ike et Tina Turner, Ohio Players, mais dont malheureusement beaucoup de titres sont restés dans les tiroirs, car le Genius n’avait pas le temps de s’occuper de tout cela).

Jimmy Lewis, photo promotionnelle (collection ABS Magazine).

Jimmy Lewis est un chanteur fortement influencé par le gospel bien qu’il n’ait jamais chanté à l’église. Ses influences principales restent Sam Cooke, Ray Charles et les leaders des grands groupes de gospel. Il va beaucoup composer, ce qui lui permettra de financer son propre label, Miss Butch. Ses chansons reprises par Z.Z. Hill, Dorothy Moore, Bobby Bland, Latimore, Johnnie Taylor, Solomon Burke, Ted Taylor, Frankie Lee et le tube Bill de Peggy Scott lui permettent de bien vivre. Ses textes – qui font une grande part aux relations entre les sexes dans un milieu habituellement machiste –, sont originaux car il prend souvent la défense des femmes : Light Skin Girls ou Stop Half Lovin’ These Women dans lequel il dit : « Lovin’ a woman is like a driver’s licence, a privilege not a right » (« aimer une femme est comme un permis de conduire, un privilège et non un droit ») et dans Who’s The Weaker Sex ? il prétend que les femmes sont le sexe fort et il prend le parti des très jeunes filles contre la violence des hommes. Il affirme également sa fierté d’être noir : Still Wanna Be Black, ou Give The Poor Man A Break dans lequel il est proche du Is It Because I’m Black de Syl Johnson.

LP « Totally Involved » – Hotlanta HA50000

Son album « It’s Getting Harder » a été élu par le magazine Living Blues album soul/blues de l’année. Malgré cela, il reste assez peu connu en Europe. S’il fallait définir son style – pour ceux qui ne le connaissent pas encore –, je dirais qu’il est un mélange de Sam Cooke pour la qualité de la voix, de Joe Tex pour les preaching moralisateurs et humoristiques (That Baby Ain’t Black Enough) et de Swamp Dogg pour l’originalité des textes, ce qui en fait un grand de cette musique afro-américaine et un artiste réputé pour ses concerts dans tous les états du Sud où le terme « légendaire » est souvent employé à son égard avec beaucoup de respect : sa stature ne fait que grandir au fil des années.

Jimmy Lewis, photo promotionnelle, DR (collection Gilles Pétard).

Ses meilleurs disques sont avant tout les deux rééditions Kent dont l’album « Totally Involved », véritable collector. Ses albums Miss Butch sont plus modernes avec des synthés et des musiques électroniques, mais il faut les écouter car ils sont très bien ficelés et même un vieil amateur de R’n’B classique y trouve beaucoup de plaisir et une réelle redécouverte des musiques actuelles.


Discographie :

« Totally Involved » – Hotlanta (1974)
« Still Wanna Be Black » – Kent 153 (réédition de « Totally Involved » plus 12 titres – 1997)
« Give The Poor Man A Break » – Kent 204 (2002)
« It’s Getting Harder » – Miss Butch (1995)
« Soul-Gasm » – Miss Butch 4004 (1997)
« Beauty Shop Gossip » – Miss Butch 4007 (1998)
« Never Met A Woman I Didn’t Like » – Miss Butch 4011 (1999)
« Christmas with Miss Butch » (avec Peggy Scott Adams et Billy Ray Charles) – Miss Butch 4014 (2000)
« That Baby Ain’t Black Enough » – Miss Butch 4016 (2001)
« Communication » – Miss Butch 4020 (2002)
« Soupbone » – Miss Butch 4024 (2004)
« Golden Classics » – Collectable 5188 (recueil de titres de diverses provenances)

+ évidemment de nombreux 45 tours sur divers labels dont Tangerine,Volt, RCA, Minit et Buddah

Autres productions de Jimmy Lewis : Peggy Scott Adams est une superbe chanteuse soul qui interprète les compositions de Lewis avec conviction et panache et une voix super sexy :
« Help Yourself » – Miss Butch 4003, « Contagious » – Miss Butch 4005, « Undisputed Queen » – Miss Butch 4009, « Live in Alabama » – Miss Butch 4013, « Hot and Sassy » – Miss Butch 4019


Par Marin Poumérol