Deep Soul from South Carolina
• Kipling T. Anderson, né le 24 janvier 1938 à Starr (en Caroline du Sud) et décédé le 29 août 2007 à Anderson (toujours en Caroline du Sud) fut un « deep » soulman accompli. Une de ces voix qu’on n’oublie pas. I Went off and I Cried, I Will Cry, That’s When The Crying Begin, That Don’t Make You Cry… sont des titres où les pleurs sont omniprésents. Pour se débrouiller avec ça, il faut avoir une voix sortant de l’ordinaire ! Gorgée de soul et directement forgée à l’école du gospel. Retour sur la carrière de cet artiste de grand talent.
Kip chante dès l’âge de cinq ans avec sa mère – Willie Mae Anderson – qui tient le piano à l’église de Starr, petite bourgade de la rurale Caroline du Sud. À treize ans, il est remarqué par la fameuse chanteuse de gospel Edna Gallmon Cooke qui l’emmène en tournée estivale avec elle. Il obtient là une solide formation et un amour pour le gospel qui ne le quittera plus.
Il chante au plan plan régional, puis a l’occasion d’enregistrer un disque en 1959 . Ce sera I Wanna Be the Only One qui parait chez VeeJay records. Sur son second disque, on trouve Mickey Baker à la guitare, mais le succès n’est pas au rendez-vous. Troisième single pour Everlast en 1962 : I Will Cry. En 1964, That’s When The Crying Begin monte à la 79e place dans le Hot 100 du Billboard. Ce petit succès va lui permettre d’obtenir un contrat avec Checker qui produira trois singles dont : Without A Woman, un classique intemporel de la Soul enregistré aux célèbres studios Fame sous la direction de Rick Hall.
Les choses sont calmes jusqu’en 1968 où il signe chez Excello. Il va enregistrer pour eux à Nashville trois singles qui vont lui donner une bonne visibilité. Letter From My Darling (Excello 2298), dédiée aux G.I. qui se battent au Vietnam, passe beaucoup sur les radios du Sud, et Watch You Work It Out est dans tous les juke-box. Après un 45 tours final sur le minuscule label Ala, on perd sa trace. On saura plus tard qu’Excello n’a pas renouvelé son contrat car il a alors de graves problèmes de drogue et en 1974 il est condamné à dix ans de prison pour possession d’héroïne. En prison, il forme un groupe de gospel et dira plus tard : « Cet emprisonnement m’a probablement sauvé la vie ». À sa libération, il grave un album de gospel et reprend ses activités d’animateur radio avec son show hebdomadaire sur WRIX- FM. Il s’occupe également de la promotion de groupes de gospel régionaux.
En 1990, il est recruté comme pianiste pour la chanteuse Trudy Lynn chez Ichiban Records, puis grave deux excellents CD pour ce label : « A Dog Don’t Wear No Shoes » en 1992 et « A Fork and a Knife » en 1994 dans lequel il reprend une de ses vieilles chansons disant : « Une fourchette et un couteau sont en train de creuser vos tombes, mangez moins, vous irez mieux ! » Il existe également un troisième album partagé avec Nappy Brown : « Best of Both Worlds, All New Rockin’ blues ». Il effectue plusieurs tournées en Europe et participe à la version 1992 du Chicago Blues Festival où il n’apparaît pas sous son meilleur jour entouré de musiciens de Chicago et n’ayant pas assez de temps pour s’exprimer. Je l’ai rencontré à cette occasion et nous avons immédiatement noué des relations amicales, correspondu et échangé des disques. Je lui envoyais des copies sur cassettes de vieux classiques du Gospel qu’il n’arrivait pas à trouver aux U.S. et lui m’envoyait des albums des groupes dont il s’occupait dont les “Powerful Singing Tornadoes”, un groupe de Greenville, sur le label Wisdom. Puis le temps a passé, plus de nouvelles jusqu’à l’annonce de son décès en août 2007 à Anderson County, sa chère région.
Les deux albums Ichiban sont excellents, mais il faut surtout rechercher ses vieux 45 tours qui ont été souvent réédités sur différentes anthologies : « The Heart of Southern Soul Volume 1 » – Ace CHD 568 (2 titres), « The Heart of Southern Soul Volume 2 » – Ace CHD 601 (3 titres). coffret Kent Box 12 « The Fame Studios Story » (1 titre : le fabuleux Without A Woman, qui est sans doute ce qu’il a fait de mieux !).
Dans son cas également (comme nous l’avons déjà espéré pour d’autres), l’édition d’une compilation de tous ses 45 tours serait la bienvenue…
Quoi qu’il en soit, Kip Anderson était un grand artiste : un de ces seconds couteaux qui font la richesse de la grande musique afro-américaine mais qui est aujourd’hui tombé dans l’oubli, bien que certains de ses 45 tours soient devenus « cultes » pour les amateurs de deep soul.
Par Marin Poumérol