« The Mississippi Blues Child »
• Grâce à son travail acharné et sa persévérance, Mr Sipp est devenu un digne représentant du blues joué dans le Sud profond. Être reconnu pour ses textes intimistes, sa capacité de composition, son empreinte musicale, sa capacité à produire des disques d’égale valeur et à enflammer ses fans avec un show démonstratif, font dorénavant de Mr Sipp « The Total Package ». Ne vous laissez pas abuser par son apparence, par ses lunettes très fashion version « Urkel » que lui et ses collègues portent sur scène ou l’ascension foudroyante qu’il a obtenue après avoir remporté l’International Blues Challenge (IBC) en 2014. Mr Sipp est un musicien talentueux qui, à force de travail et d’abnégation s’en est allé, à la vitesse de la lumière, rejoindre les étoiles montantes du Blues. Véritable aubaine, il a été aidé financièrement par l’État du Mississippi qui lui a concédé le droit d’utiliser son nom… Ce n’est plus néanmoins un « jeunot du blues », comme pourrait le laisser penser le titre acronyme de son quatrième album, « The Mississippi Blues Child ». En réalité, Mr Sipp a 41 ans. En empruntant son nom « Mr Sipp » à la légende, il donne l’impression d’un retour aux sources du country blues et à la tradition des musiques du Sud avec, en écho, une part de mystère… bien entretenue !
Castro Coleman a-k-a Mr. Sipp, « The Mississippi Blues Child », est né le 25 août 1976 dans la petite ville de McComb (Mississippi). On sait que cette bourgade possède un don du ciel : celle de générer des stars à l’instar de Bo Diddley, King Solomon Hill, Omar Kent Dykes et Britney Spears. Sipp était un enfant prodige. Il est devenu, au fil du temps, un chanteur au volume imposant et un brillant auteur-compositeur qui a connu une carrière de vingt six ans dans le gospel avant de se laisser tenter par le blues.
En tant qu’Afro-américain, le feeling blues l’habite naturellement
Quelle en est la raison ? Mr Sipp explique vouloir participer à la transmission de son héritage culturel et musical et s’investir activement dans un courant musical en perte de vitesse. L’argument est certes convaincant mais l’enjeu est de taille. Comme il fallait s’y attendre, l’accueil de sa mutation vers le blues fut très mitigé dans la communauté gospel, sachant que les prédicateurs ne l’ont pas ménagé par leurs critiques acerbes… Car ici, et depuis des lustres, la musique du Diable reste persona non grata. Néanmoins, force est de constater qu’après avoir passé plus de la moitié de sa vie à jouer du gospel, l’envie de se consacrer à un nouveau projet musical s’est emparée de lui, avec ce sentiment fort que le « feeling blues » l’habite naturellement en tant qu’Afro-américain. En quelque sorte, il s’agissait-là d’un retour aux sources vers l’âme du « real » blues, ce qui lui réussit bien manifestement. Castro a commencé à jouer de la guitare à l’âge de six ans. Grâce à son travail acharné et sa persévérance, il est devenu un digne représentant du blues joué dans le Sud profond. Il est désormais reconnu pour ses textes intimistes, sa capacité de composition, son empreinte musicale, sa capacité à produire des disques d’égale valeur et à enflammer ses fans avec un show démonstratif.
Que l’on ne se méprenne pas. L’homme est exigeant et c’est un inconditionnel du travail bien fait tant dans les vocaux que dans les arrangements : il a collaboré à plusieurs projets proposés par un Grammy avec des groupes incluant The Williams Brothers, les Jackson Southernaires, Rhonda Chambers, les True Believers et le Jubilé Pilgrim Chanteurs, entre autres, et a voyagé dans le monde entier. Avec plus de 125 crédits d’enregistrement à son nom, Mr Sipp a joué sur plus de 50 enregistrements nationaux. Parmi ses nombreux succès, on peut citer l’album 2009 de Bryan Courtney Wilson, « Just Love », dont la chanson All I Need est restée sur Billboard Charts plus de 96 semaines !
Dans la série « savoir truster les récompenses », Mr Sipp a tiré une bonne pioche en étant vainqueur de l’International Blues Challenge 2014 (IBC) auquel il s’est présenté grâce à la Vicksburg Blues Society et dont il fut déjà finaliste en 2013. Une performance qui impose le respect. Il possède une force de conviction incroyable. En 2004, il s’est présenté à un concours musical (GRV) avec seulement six morceaux de blues à son répertoire ; la suite on la connaît ! Mr Sipp a aussi gagné le prestigieux prix du meilleur guitariste Gibson 2014 et fut le récipiendaire du prix des animateurs de Jusby Blues Bobby Rush en 2014. Il a également joué dans le film sur James Brown récemment paru, « Get on Up ». Il y a pire comme début de carrière, n’est-ce pas ? Gagner l’International Blues Challenge en 2014 lui a incontestablement ouvert des portes, l’a fait entrer dans le gotha du blues et l’a hissé tout en haut de l’affiche des festivals européens avec lesquels il n’aurait pas été en contact aussi facilement. Ainsi, depuis sa BIG WIN à The International Blues Challenge en 2014 et la sortie de son premier album, « It’s My Guitar », la communauté musicale a été conquise et l’a accueilli à bras ouverts. Pour ses débuts, Mr Sipp a chanté et joué de tous les instruments sur tout l’album. Le listing des crédits a donc été facile à rédiger…
The Mississippi Blues Child : un véritable storyteller
Pour son premier album pour Malaco, intitulé « The Mississippi Blues Child », Mr Sipp a écrit à nouveau tous les textes et a joué de nombreux instruments. Cette fois-ci, il a été rejoint par des musiciens piliers du label Malaco installé à Jackson (Ms). Tous les textes sauf un sont des originaux. En emprutant à différents styles, cet album se distingue de ses derniers enregistrements Delta Blues « cookie cutter », c’est-à-dire issus du même moule. La richesse de l’orchestration et des arrangements permet à Mr Sipp d’affirmer son leadership à la frontière des courants musicaux du Sud. Blues, soul, gospel, rock, R&B, funk forment un ensemble homogène parfaitement rôdé. Les thèmes de prédilection de Mr Sipp se déclinent en véritable storyteller qu’il est, où l’émotionnel est omniprésent. Toute la capacité du compositeur s’exprime notamment dans In the Fire. Sa voix chaude transporte littéralement. L’exemple d’un morceau accrocheur qui détonne et dont l’énergie chute jusqu’à devenir une ballade qui raconte que Sipp doit se défendre de la critique des prédicateurs – à leurs yeux, mettant son âme en feu – alors qu’il lançait sa nouvelle carrière… Tandis que Hole In My Heart exprime la douleur ressentie lorsque l’amour s’affaiblit… La culture historique de ses pairs et ancêtres saute aux yeux. Jump The Broom se réfère à une coutume entre mariée et marié datant du XVIIIè siècle qui est devenue une pratique courante lors des mariages afro-américains dans le Sud. Bref, le talent brut de Mr Sipp, quelle qu’en soit la nature, s’expose avec force et conviction tout au long de sa (encore) jeune discographie.
« Knock A Hole In It », son deuxième album chez Malaco semble constituer un hommage appuyé à Jimi Hendrix. L’empreinte et l’influence larvée du blues rock transpirent tout au long des morceaux. L’album s’ouvre sur le riff ravageur d’une guitare incandescente. L’énergie qui se dégage de ce morceau est bluffante. Stalking Me est un autre grand moment de blues mâtiné de rock sudiste. La magie opère immédiatement. Il faut parfois se pincer pour se dire que c’est bien Castro Coleman, un célèbre musicien gospel, qui chante et écrit ces chansons ! Le gospel est toujours en filigrane sur les ballades Sea Of Love et Baby Your Mine. Sa gamme vocale incroyable brille sur ces ballades. Coleman semble imparable avec sa guitare sur Gotta Let Her Go et Going Down portant l’album à un niveau élevé. Juke Joint met en lumière ses racines du Mississippi. Il y a de l’espace pour le blues lent sur Strings Attached et le blues dansant sur Turn Up. Sur les traces de Marvin Gaye, Love Yourself laisse une sensation de R&B magistralement interprétée. Quelle classe ! Conduite par la basse de Flanagan et les chants exceptionnels de Coleman, soutenus par The Jackson Horns (Kimble Funches à la trompette, Jessie Primer III au sax, Robert Lamkin au trombone), ce morceau distille un swing dangereusement efficace ! « Knock A Hole In It » se referme avec une superbe interprétation de Jimi Hendrix de huit minutes, Little Wing. Castro est resté fidèle à la version originale et a ajouté une version instrumentale de The Star-Spangled Banner à la fin du morceau.
Mr Sipp est un multi-intrusmentiste surdoué. Il peut jouer quasiment de n’importe quel instrument : basse, clavier, organe, batterie, harmonica etc… La marque d’un brillant musicien et d’un vocaliste hors pair à n’en pas douter.
Un showman né qui régale son public
Évidemment, le voir et l’écouter sur scène est un véritable régal. Son dernier album semble d’ailleurs avoir été construit dans ce but. Le talent brut du showman s’exprime d’emblée. Le public semble retenir son souffle comme lors de Jazz à Vienne au sein d’une superbe soirée blues le 6 juillet dernier, puis un peu plus tard dans le Club de Minuit. Avec ses complices Jeffrey Flanagan à la basse et Stanley Dixon aux drums, Mr Sipp a littéralement « mis le feu ». Descendu au milieu de la foule, arpentant les travées du théâtre antique, dans une arène romaine au son magique, Mr Sipp s’est amusé littéralement sur le manche avec des morceaux qu’il affectionne. Passant d’un riff appuyé à une ballade langoureuse, il a totalement conquis le public. Son concert fut brillant par la richesse de ses phrases à la guitare, son répertoire riche et varié. Il y a du B.B. King dans cet homme-là qui joue une facilité déconcertante, B.B. King qui est bien entendu un de ses mentors favoris. L’influence de Jimi Hendrix est aussi évidente. Parfois, son jeu fait aussi penser à un certain Albert King car il affectionne les longs déroulements instrumentaux et ses notes créent un effet hypnotique. La scène blues tient là un artiste abouti issu de la nouvelle génération. Ne le loupez pas s’il passe près de chez vous. Le blues n’est pas prêt de s’éteindre avec des bluesmen de ce calibre. Chapeau bas Mr Sipp !
Discographie
« It’s My Guitar », (2015)
« The Mississippi Blues Child », Malaco Records MCD 7547 (2015)
« Knock A Hole In It », Malaco Records MCD 7551 (2017)
Par Philippe Prétet
Remerciements à toute l’équipe de Jazz à Vienne, ainsi qu’à Wolf Stephenson et Malaco Records
Je l’ai vu au Bay Car Blues Festival de Grande-Synthe (FR) en 2016 et adoré. Il est des meilleurs représentants du Blues d’aujourd’hui… Mr Sipp je t’aime !
thanks a lot