« Je veux atteindre le plus de gens possible »
• Slam Allen adore se produire en public. C’est dans ses gènes, dans son âme. Il joue de la musique et chante depuis qu’il est tout petit. Gamin, il était fasciné de voir son père et ses oncles se préparer pour des spectacles. Il les a vite rejoints dans le groupe familial. Connu de par son long passage comme chef d’orchestre, guitariste et chanteur dans le groupe de James Cotton, aujourd’hui Slam Allen travaille à être reconnu comme un musicien moderne et expérimenté. Il tourne beaucoup, enregistre et est enfin reconnu comme une tête d’affiche dans les festivals.
Allen est un guitariste « haute énergie », mais il sait tenir et travailler une note. Il veut que chacune de ses notes et des mots de ses chansons aient une signification et un feeling profonds. Écrire est important pour lui et il y travaille dur en se servant de ce qu’il voit autour de lui comme principale source d’inspiration. Ses disques montrent largement qu’il est capable de captiver un large auditoire. Il sait aussi préserver l’histoire du Blues, du Rhythm’nblues et de la soul et les la faire vivre. Bien sûr, ses influences sont nombreuses. Son père collectionnait des disques qu’il aimerait bien avoir conservé… – musique provenant de petits labels et d’artistes de deep soul sudiste – et puis il y a eu toute son expérience à Chicago où il fut bien accueilli par les musiciens locaux et rencontra James Cotton. Bien qu’il ait grandi dans une ville peu portée vers le blues – New-York – Allen et sa famille se sont toujours débrouillés pour y trouver des dates. La famille Allen restait néanmoins proche de son Alabama en y allant jouer dans le Chitlin’ Circuit ; c’est ainsi que le jeune Allen garda le feeling pour ce monde musical unique.
Véritable juke-box humain, Allen ne prépare jamais une playlist ; il écoute son audience et cherche dans sa tête les morceaux qui pourraient convenir pour la soirée en cours. Homme de stature imposante et qui rit facilement, Allen dit que ses dons sont venus naturellement, mais qu’il a ensuite beaucoup travaillé, surtout ,la guitare. Après son travail journalier, il se débrouillait pour avoir des « gigs » les soirs, même s’il devait dormir dans sa voiture. Il chante d’une voix claire et haut perchée. Il prononce bien chaque mot et sait prêcher, convaincre et raconter des histoires souvent d’amour et de leçons qu’il a reçues. Le son de sa voix permet de l’identifier immédiatement à la radio. Il a joué et écrit sur le CD de Cotton « Giant » qui a été nominé aux Grammys. Il est au New-York Blues Hall of Fame.
Il a sorti de très beaux albums : « Things sho’Done Changed » en 1998, « This World » en 2010 ou l’excellent « Feel These Blues » en 2015 nominé au Blues Music Awards (NDLR : chroniqué dans nos pages). Il a enregistré d’autres faces qui ne sont malheureusement plus disponibles. En 2016, il a ouvert un nouveau chapitre avec des chansons qui ont été diffusées dans le show télévisé très populaire « Rizzoli and Isles » ainsi que dans la série « Jennifer Jones ».
Une famille de musiciens
« Quand je monte sur scène, j’aime dégager de l’énergie, j’aime donner cette énergie au public et je me nourris de l’énergie qu’il me donne. Je me considère comme une sorte d’éponge… Plus je reçois d’énergie, plus je renvoie d’amour ! La scène est l’endroit où je me sens bien. Souvent, je suis anxieux, mais que je lance cette première note et tout s’en va. À mes débuts, je jouais de la guitare environ huit heures par jour. Maintenant, beaucoup moins. J’ai environ deux cents chansons dans ma tête. Tout au long des années, j’en ai appris beaucoup, plus les miennes. J’ai une vraie bibliothèque de chansons où je peux me servir ! Certaines sont gravées dans mon âme ; elles me viennent sans même y penser. J’ai beaucoup de plaisir aussi à écrire mes propres chansons. Je ne me considère pas comme un grand auteur, mais je pense qu’avec les années je m’améliore. L’inspiration peut venir de beaucoup de choses. Vous pouvez être en train de laver des assiettes ou être dans la salle de bain. Quelques fois, c’est la mélodie qui vient d’abord, d’autres fois ce sont les mots ou alors j’entends une mélodie et ça fait une étincelle dans ma tête. Avec les technologies modernes, vous pouvez enregistrer ça sur votre téléphone et y revenir plus tard. Une chanson que j’ai écrite l’autre jour – That’s Where You Are – c’est une chanson à propos de Dieu ; mais je ne dis pas aux gens que je parle de Dieu. J’essaie d’envoyer un message fort sur ce en quoi je crois et qui me donne toute cette énergie et cette force ; je l’envoie au public avec une douce mélodie et ils peuvent recevoir le message sans vraiment réaliser de quoi il s’agit… La plupart des gens ne le savent pas, mais mon vrai nom c’est Harrison Allen. Je suis né le 6 septembre 1966 dans une petite ville nommée Monticello dans l’État de New York. Mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs sont tous nés à Fair Hope (Alabama) près de la Floride.
J’ai grandi à Monticello. À cette époque, tout le monde aimait tout le monde ; les familles veillaient les unes sur les autres ; les gens étaient vrais. C’est une chose qui s’est perdue. Je pouvais courir dans les rues, tout le monde se connaissait, il y avait très peu de crimes , on prenait du bon temps. Mon père a fait un tas de différents boulots, comme conducteur de camions, ou de la maintenance pour un centre commercial. Tout le monde le connaissait et tout le monde l’aimait. Il était très amical. Il a toujours fait de la musique sous le nom de Harrison Allen Sr. Il jouait de la guitare, de la basse et de la batterie et possédait une voix unique ; il m’a beaucoup influencé. J’ai deux oncles, Cecil et Buddy. Ils avaient formé le groupe The Allen Brothers ; ils ont fait ça pendant au moins 40 ans. Ils jouaient déjà longtemps avant ma naissance ! Je voulais être comme mon père. La nuit où je suis né, il jouait dans une boite. C’était le genre de mec qui jouait avec ses dents et autres trucs de ce genre, mais c’est mon oncle Cecil qui m’a surtout beaucoup appris à la guitare. Puis c’est venu naturellement. J’avais de l’oreille ; il a fallu du travail et de la passion, mais j’avais des dons. Je sais lire la musique et tout ça !
À 13 ans, j’ai du remplacer le batteur absent. Je ne savais pas très bien comment faire, mais j’avais le feeling et ça s’est très bien passé. Quand j’étais à l’école, j’ai aussi eu l’occasion de jouer de la contrebasse dans l’orchestre. J’ai même joué de la musique classique pendant un certain temps. Mais j’ai toujours aimé la guitare et je me suis dit : « Cette basse, je ne pourrais pas la porter partout avec moi, c’est pas bon pour trouver des filles ! » Ainsi, à partir de 13 ans, j’ai tourné avec mon père dans le Sud. Ça a vraiment été une expérience. On jouait dans ces petits juke joints où il n’y avait même pas de toilettes, juste un trou dans le plancher ! Je me souviens que mon père avait une Gibson Les Paul. Si je l’avais encore aujourd’hui, elle vaudrait sûrement 50000 dollars ! Ma première guitare fut une Danelectro. Je la revois encore dans mes souvenirs. Je l’aimais vraiment. Pendant un certain temps, mon père a aussi été DJ. Ainsi il amassa une collection de 45 tours qu’il donna à ses amis ; je voudrais bien aussi les avoir aujourd’hui… »
Harrison aka “Slam”
« On me demande souvent d’où me vient ce nom : “Slam”. Tout jeune, je voulais devenir catcheur professionnel et un copain à moi portait toujours un bâton qu’il avait baptisé “Slam” et je me suis dit : ce nom me plait ! Dans le domaine du catch, il y avait des gars bien plus costauds que moi et c’était un monde un peu rude. J’ai disputé un seul match : ce fut le premier et le dernier. J’avais probablement 20 ou 21 ans. J’ai fait des études de psychologie, j’ai étudié et travaillé dans un groupe pendant une dizaine d’années pour la New York State Division of Youth. Je jouais les soirs et passais des études à la scène avec trop peu de repos et dormais souvent dans ma voiture. Je jouais dans les environs de New York et c’est là, dans une jam-session, dans un club nommé The Downtown Tavern, que j’ai rencontré mon futur manager Mike Moss. Le lendemain, avec le bassiste Lee Patterson, nous avons créé notre premier groupe professionnel. Nous avons commencé au Sidetrack à Poughkeepsie ; c’est là que j’ai rencontré Little Sammy Davis, qui était un grand harmoniciste, c’était il y a environ vingt-cinq ans. Sammy avait du caractère et s’imposait sur scène sans prévenir. Je l’adorais. Pour moi, un orchestre c’est guitare, basse, drums et un orgue Hammond. Mon père adorait des musiciens comme Jimmy Smith, Groove Holmes : ce son, cette chaleur, je suis tombé amoureux de cela. Il y avait un type dans le coin, Richard Diamond, qui était le meilleur joueur d’orgue Hammond que j’aie jamais entendu ! Il pouvait jouer la ligne de basse, le solo et discuter avec vous en même temps. Moi, j’essayais d’absorber le plus de choses et de grandir musicalement . C’est un business très dur si vous ne vous y mettez pas à fond. »
Les années Chicago, le James Cotton Band
« En 2001, j’ai décidé d’aller à Chicago. C’était peu de temps après le 11 septembre, aussi beaucoup de clubs étaient fermés et il y avait une certaine panique dans l’air. Mais pas mal de gens me connaissaient et je dois dire que je fus accueilli à bras ouverts. Il y avait beaucoup de compétition, mais ça ne me gênait pas. J’ai joué au Kingston Mines, au Rosa’s Lounge et j’ai rencontré James Cotton qui cherchait un guitariste. Je suis allé à l’audition qu’il avait organisée,il a aimé ce qu’il a entendu et m’a engagé pour une date à Thunder Bay, en Ontario. J’y suis allé et je suis resté avec lui durant neuf ans ! J’étais là pour que son groupe sonne bien. Je savais quel était mon rôle. Cotton m’a vraiment apprécié comme personne. Tout ce que je fais à une portée spirituelle. Je veux qu’on ressente mon énergie, mon honnêteté. Je ne mens pas, je suis franc et cherche à être apprécié pour moi-même. Je me suis dit : « Je vais tout étudier de Cotton, j’ai beaucoup à apprendre de lui ». J’ai joué un peu partout dans le monde avec lui – France, Italie, Espagne, Afrique du Nord, Japon, Israël, Tchéquie. Je me souviens d’une fois où nous étions à Willimantic (Connecticut) ; c’était en plein air et il y avait une foule de gens. Cotton avait un super orchestre et tous ces gens étaient vraiment des fans de Cotton depuis trente ans et de les voir réagir à ma musique comme à celle de Cotton, j’ai compris que j’étais vraiment dans le coup. Quand j’ai commencé dans le groupe, j’étais à la guitare rhytmique. Rico McFarland était le leader. Lorsqu’il est parti, j’ai assumé son rôle. Darrell Nulisch était le chanteur, puis je me suis mis au chant et suis devenu le leader du groupe. »
Voler de ses propres ailes…
« En 2010, j’ai quitté le James Cotton Band. Je me suis dit : « il faut que je fasse mon truc ». Puis j’ai eu une opportunité pour me produire dans l’industrie des croisières. C’est une chose à laquelle je ne m’attendais pas ! C’était un club qui organisait des croisières sur une ligne norvégiene et je fus l’un des premiers à faire ce genre de croisière musicale. J’ai tourné dans les Caraïbes et bien d’autres endroits. J’ai fait ça sérieusement. Je ne bois pas, ne fume pas, pas de drogue, je ne pense qu’à bien jouer et donner du plaisir à l’auditoire. Mon dernier voyage fut en mars 2014 . Je me suis dit : « Il faut que je retourne dans le monde normal », car j’avais peur d’être oublié. J’ai renoué mes connections avec les clubs, mais beaucoup de gens ne comprennent pas que je ne suis pas qu’un bluesman, je suis un entertainer, qui joue de la Soul, du Funk, du Rock’n’roll et bien d’autres choses. Enfant, j’avais l’habitude de regarder à la télé les shows de gens comme Sammy Davis Jr et cela me plaisait beaucoup. Comme je vivais dans les montagnes Catskill, j’ai souvent travaillé dans des hôtels où j’ai pu voir pas mal de shows. Un homme qui a réellement changé ma vie, c’est le comédien George Kirby. On l’appelait “l’homme aux mille voix”. Juste être en sa présence et lui serrer la main fut un grand moment pour moi. Je vis toujours dans les montagnes Catskill, dans une petite ville nommée Liberty (New-York), mais il n’y a presque plus d’endroits pour jouer dans cette région, alors je suis toujours prêt à partir sur la route, pour des mois s’il le faut, je l’ai déjà fait et je continuerai à le faire. »
Par Scott M. Bock
Travail de traduction et de mise en forme : Robert Sacré