Acantha Lang

Acantha Lang, photo promotionnelle, DR (courtesy of Acantha Lang).

Le Moment Cover d’Acantha Lang

• Dimanche de février. Une fin d’après-midi en halos. Les volutes de cheminée qui se répandent ça et là et des bouts d’esprit qui s’embrouillent et se disloquent… Un « moment-cover » s’impose mais pas n’importe lequel. Tomber le tempo pour désosser le standard : l’idée a germé lors d’une discussion initiée quelque temps auparavant avec la chanteuse Acantha Lang…

Acantha Lang, New Orleans, Louisiana, photo DR (courtesy of Acantha Lang).

Dire que l’exercice est familier à la native de New Orleans frise la gageure. Pendant le confinement, souvent accompagnée par son seul « partner guitarist », Acantha a colligé moult versions de titres connus au point d’en faire une espèce de feuilleton Youtube, enregistré directement depuis son appartement londonien. Au fil de la conversation avec une artiste qui donnera ses premiers concerts en France cet été, on appréhendera au mieux sa démarche. Loin de l’orchestre cuivré sur lequel elle s’appuie lors de prestations scéniques hautes en énergie, elle dévoile dans ces pièces débranchées une part d’intimité suffisamment remarquable pour ouvrir à l’auditeur certaines clefs personnelles.   

Acantha Lang sur scène avec son groupe, photo DR (courtesy of Acantha Lang).

Du coup, après ce passage par la case reprise, on écoutera différemment ses propres compositions. Des morceaux comme le funky He said/ She Said ou Lois Lang, l’hommage à sa « Creole Queen » de maman, y gagnent en épaisseur. Un passé qui surgit pour mieux imprégner. On a dès lors une meilleure idée du cheminement d’Acantha. Depuis sa ville native jusqu’à Londres – où elle réside désormais –, en passant par les clubs de Harlem où elle a tenu salon quelque temps, le voyage se mesure à l’aune de cette capacité à poser le tempo, à se confronter sans habillage à certains standards particulièrement marqués par leur géniteur. Cigarettes and Coffee arrive ainsi à se démarquer des racines Otis par la ferveur du chant d’Acantha. Un mélange d’humilité et de sobriété que ne renierait pas Candi Staton. La version orchestrale qu’elle fait du I’d Rather Be An Old Man’s Sweetheart de Candi (période « Fame flamboyante »), peut s’écouter par le biais de cette grille de lecture, à même de mélanger fureur et simplicité dans un bain de deep soul.

Acantha Lang, photo DR (courtesy of Acantha Lang).

Dès lors, on pourra rapprocher nombre de prolongements vertueux à cet exercice du « filet de chair sur le squelette ». Le passé récent des sœurs de soul en est évidemment rempli. On pense d’emblée à Cassandra Wilson et à cette version quasi arrêtée de I Can’t Stand the Rain qui a forcément marqué les esprits des plus jeunes. Quand Pip Millet décortique Try A Little Tenderness, quand Little Wing s’imprègne de la juvénilité grave de Valerie June ou quand Lianne de Havas reconquiert en solitaire Say A Little Prayer, il y a là comme un socle commun. À fleur de peau, sans filet de protection, ces morceaux embrasent nos souvenirs initiaux des originaux pour mieux les réactiver. Strange Fruit par Betty Lavette, Sometimes It Snows In April dans la hotte de Meshell Ndegoncello ou Redemption Song sur l’église acoustique de Marcy Gray, nous attrapent d’une manière similaire. À la fois incandescent et apaisé, le fond macére pour mieux s’épanouir et s’ouvrir. Une vraie gageure d’Acantha’s Sisters…


Par Stéphane Colin
mnop.fr