Eddie Stout

Eddie Stout devant sa Pontiac Star Chief de 1955, Austin, 1er février 2019. Photo © Sylvia Jonon

La bonne étoile du Texas blues

• Eddie Stout a le blues chevillé à l’âme ! Il connait par cœur la scène musicale d’Austin, Texas. Sa première aventure discographique débute avec Peewee Records, puis il travaille quelque temps pour le label Malaco Records gérant les licences internationales, avant de fonder un catalogue qui fait désormais référence : Dialtone Records. Voulant créer un événement mettant en valeur la musique de son Texas natal, il est désormais à la tête du Eastside Kings Festival, un rendez-vous à taille humaine qui fait la part belle aux musiciens de cette partie des États-Unis.

On aimerait en savoir plus à votre sujet ?

Je suis un pur produit du Texas ! Je suis né le 22 février 1956 à Austin, j’ai cependant vécu six ans à Dallas ; là-bas, musicalement, j’ai joué avec la formation de Mark Pollock and The Midnightriders, mais aussi aux côtés d’Anson Funderburg & The Rockets qui étaient alors avec Darrell Nulish, puis j’ai joué en compagnie de Sam Myers.

Vous avez travaillé pour le label Malaco ?

J’ai fondé mon premier label avant, en effet, de travailler pour Malaco. En 1999, j’ai sorti mon premier album – « A.C. Littlefield & The Original Bells Of Joy » – sous le label Dialtone. Auparavant, j’avais créé Pee Wee Records.

Eddie Stout à la basse au sein des Dynaflowes avec Stevie Ray Vaughan à la guitare, Rome Inn, Austin, Texas, 1982. Photo DR, courtesy of Eddie Stout.

Quels sont vos choix pour enregistrer un artiste ?

Je n’ai pas de barrière, si la musique est bonne ! Il est vrai toutefois que j’évolue selon mes goûts musicaux. J’aime le Blues afro-américain dans tous les styles qui ont été enregistrés après la seconde guerre mondiale, mais j’ai un faible aussi pour le pre war blues. Je suis fan du son de toutes ces sessions. Pour revenir à mon label, contrairement à d’autres confrères, quand un artiste signe chez Dialtone, je ne l’oblige pas à faire d’incessantes tournées. Je souhaite également préciser un point, je pense en effet qu’un musicien venant du Blues ne peut pas changer radicalement de style puis revenir à la musique qui l’a fait débuter ; je crois que sa crédibilité ne serait ensuite plus la même. Il en est de même pour mon parcours et ainsi que pour mon label et ses différentes productions.

Parlez-nous du Eastside Kings Band et de votre ami Steve Fulton ?

Avec Steve, nous avons grandi ensemble à Austin. Nous étions tous deux dans diverses formations lorsque nous avons débuté. Lorsque le groupe The Dynaflowes s’est séparé, nous nous sommes éparpillés dans plusieurs orchestres, puis nous nous sommes retrouvés six ans plus tard. Ensuite, j’ai monté mon label et Steve a créé l’un des plus beaux magasins de guitares des États-Unis. L’aventure du groupe des Eastside Kings a commencé avec la sortie du premier album, à l’origine j’avais donné l’autorisation à James Kuykendall (qui jouait sur mes premières productions) d’utiliser ce nom pour sa formation et cela durant quinze années. James suivant les conseils de son épouse qui n’aime pas trop le Blues, dirigea son talent vers la religion, j’ai donc récupéré ainsi le nom des Eastside Kings auquel se sont joint Stevie Fulton, PeeWee Calvin, Russell Lee et moi-même. Le groupe est calibré pour accompagner différents artistes du label Dialtone, mais aussi d’autres interprètes qui viennent lors du Eastside Kings Festival. C’est ce que nous avons fait également lors de l’édition 2017 du Lucerne Blues Festival. Nous venons juste de mettre en boîte une nouvelle session qui sortira en juillet prochain.

Eddie Stout, Lucerne Blues Festival, novembre 2017. Photo © Marcel Bénédit

Y-a t-il des musiciens dans le secteur d’Austin qui sont, à vos yeux, sous-enregistrés et dont le talent n’est pas encore reconnu ?

Vous pouvez les entendre sur les différents albums des Eastside Kings. Le temps passe, ici ce n’est plus trop l’âge d’or pour découvrir des artistes hors-normes, je pense que nous perdons en ce moment la dernière génération des musiciens qui avaient un lien direct avec le Blues. Le Blues se conjugue avec l’histoire de mon pays et malgré toutes les difficultés, il continue d’exister. Ici, à Austin et aux alentours, nous avons toujours un lien direct avec ces bluesmen qui continuent à perpétrer cette musique qui nous rassemble.

Quelques mots sur d’Hosea Hargrove qui nous a quittés quelques jours avant la dernière édition du Eastside Kings Festival ?

Je suis très fier de l’album qu’il a fait. Au cours de la session d’enregistrement, Hosea fut un peu à court de compositions pour finaliser l’album. Je lui demandai s’il avait des poèmes ou des histoires en mémoire. Il hocha de la tête et nous avons enregistré deux titres supplémentaires qui sont admirables. Je tiens à exprimer mes remerciements les plus sincères à Marcel Bénedit qui nous a aidés à venir avec Hosea au Cognac Blues Passion en 2011. Sans son aide, son œuvre n’aurait pas eu le même retentissement. Hosea est désormais entré dans la légende, il est à mes yeux le soldat inconnu du Blues, il est rentré dans le cœur de tous les musiciens.

De gauche à droite, Classie Ballou, Steve Fulton, Cookie McGhee, Jason Moller, Birdlegg, Eddie Stout et Nick Connolly, Lucerne, novembre 2017. Photo © Marcel Bénédit

Si l’on connait vos productions discographiques, nous découvrons que vous étiez à la tête dune série pour la télévision pour une chaine d’Austin intitulée Songwriters Across Texas !

C’était un bon programme, mais avec des producteurs qui avait des goûts musicaux bien différents des miens ! Pour cette série, j’ai rassemblé une bonne formation pour accompagner les artistes conviés et je me suis occupé d’engager les musiciens et aussi de réserver des endroits où nous allions tourner. Une fois en boîte, je me suis occupé du mixage et j’ai produit un CD avec les meilleurs moments du show. J’ai produit vingt épisodes mais, pour tout dire, ce n’était pas franchement du Blues, alors j’ai quitté rapidement ce rendez-vous.

Quels souvenirs gardez-vous du Blues Estafette à Utrecht en Hollande ?

Que de belles choses ! Le Blues Estafette est à mes yeux le meilleur festival au monde auquel j’ai assisté. Mon premier engagement au Vredenburg remonte à 1989, j’étais avec UP Wilson et l’harmoniciste Paul Orta. J’en parlais encore il y a peu à Bob Sullivan qui était l’ingénieur du son sur le CD « Texas Harmonica Rumble ». Sur ce grand festival, j’ai vraiment adoré accompagner des artistes comme Willie Foster, Willie Willis, Lazy Lester, Long John Hunter, Tom Hunter, Miss Candy, Texas Trumpets, Johnny and Jason Moeller, Hash Brown, Matthew Robinson, Barbara Lynn, Westside Horns, Major Burkes et Richard Earl. Tous ces musiciens sont venus sous la bannière de mes labels Pee Week Records et Dialtone Records. Je n’oublie pas également que j’ai été pour mon plus grand bonheur le maître de cérémonie du Blues Estafette durant six ans. Ce rendez-vous unique en son genre a permis de mettre sous les feux de la rampe une multitude d’artistes inconnus ou oubliés depuis des décennies aux USA. C’est ce que j’essaie à mon échelle de faire à Austin avec le Eastside Kings Festival. Il faut rendre ici un hommage appuyé à mon ami Jaap Hindriks qui était à la tête du Blues Estafette. Certes, c’est un amateur de blues avisé, mais ce que l’on sait moins c’est qu’il est un expert dans la traite des vaches (rires) !

Eddie Stout et Classie Ballou en scène, Lucerne Blues Festival, novembre 2017. Photo © Marcel Bénédit

Parlez-nous de votre premier label, Pee Wee Records ?

J’ai toujours rêvé de fonder une maison de disques. Enfant, j’y pensais déjà. Au lycée j’avais toujours cette idée en tête, mais je ne savais pas comment m’y prendre. Au début, j’ai commencé par éditer des cassettes, des 45 tours. Après m’être rendu plusieurs fois au MIDEM à Cannes, j’ai pu mettre en licence mes enregistrements effectués sur Pee Wee Records pour des compagnies européennes et japonaises.

Comment avez-vous rencontré l’harmoniciste Birdlegg ?

Un bon ami de Hash Brown, Scott M Bock, qui écrit notamment pour Living Blues magazine (et ABS Magazine), est à l’origine de cette belle amitié. Scott sait très bien que je suis toujours à la recherche de nouveaux talents ou enclin à rencontrer des artistes que je ne connais que de réputation. Birdlegg avait quitté la ville d’Oakland en Californie pour s’installer définitivement à Austin. Je suis allé le voir dans le club qui s’appelle le Maggie Mayes sur la 6e rue. Dès l’écoute de son premier morceau, j’ai su que c’était un artiste qui savait ce qu’était le Blues et qui était plus que doué quant à sa manière de se produire sur scène, c’est un sacré « showman ». Nous avons sympathisé de suite et sommes rentrés en studio aux côtés d’Omar, Jason Moeller, Kaz Kazanoff, Mike Keller, Johnny Bradley, Nick Connolly.

De gaude à droite, Steve Fulton, Steve Adler (Maire d’Austin), Eddie Stout, Crystal Thomas, reconnaissance par les ville d’Austin des Eastside Kings Festival Days, Austin, Texas, septembre 2018. Photo © Marcel Bénédit

Quelles sont les dates du Eastside Kings Festival 2019 et que pensez-vous de la dernière édition ?

Le 13 septembre 2019 ouverture du festival avec une soirée chez Antone’s. Le lendemain, dans l’après midi, rendez-vous chez Steve Fulton à Austin Vintage Guitar store pour des concerts. Puis, dès 17h jusqu’à 22h dans le quartier de Chicon Street, place au festival pour deux jours. L’an passé fut un bon millésime, un bel aperçu de la scène post war blues d’Austin ! De voir tout au long de ces deux soirées les gens heureux, d’entendre la musique des clubs du quartier qui s’évapore dans la rue, des gens qui déambulent sur le trottoir allant de club en club, cela fait vraiment du bien !

Eddie Stout et Cookie McGhee, Lucerne Blues Festival, novembre 2017. Photo © Marcel Bénédit

Jean-Luc Vabres
Remerciements à Eddie Stout, Martin Bruendler, Guido Schmidt et Michel Rolland