Une Prairie en feu…
C’était il y a trois ans au Krakatoa de Mérignac. Dire qu’on avait été déçu par le concert de Luke Winslow King – qui concluait les Nuits de l’Alligator – serait exagéré. La présence du guitariste italien Roberto Luiti, à même de rehausser n’importe quel show et les qualites intrinsèques de Luke, donnaient le change. Non, le manque d’enthousiasme relatif du moment venait d’avant… du groupe d’avant : Theo Lawrence and the Hearts nous avaient gentiment mis la tête ailleurs ! Nous rendant du coup peu attentifs aux développements scéniques ultérieurs… Dans la salle, on remarquait quelques Possums bordelais. Le lien avec Theo, déjà enclenché, s’est sûrement raffermi dans cette longue soirée là. Retrouver l’équipe quelques années plus tard dans un studio de la campgne américaine a quelque chose de réjouissant et de salvateur. Pas besoin de faire appel aux mercenaires locaux. Les Possums ont rejoint les Hearts et l’ensemble se suffit à lui-même. Un disque à l’image des hommes qui le composent. Un fin-fond du temps qui suinte comme une prolongation de l’instant-krakatoa ou de ces moments à écouter de la country soul avec le guitariste des Possums, Thibaut Ripault, et l’harmoniciste texan Greg Izor. On pourrait évoquer un concert solo de Dan Penn dans un petit théâtre d’Austin ou sortir une guitare pour ponctuer le propos.
Theo Lawrence plante son décor avec une grâce naturelle, sans effet facile ou faux semblant. Les procès en « Eddy-Mitchelleries-Nashviliennes » (sic) intentés par d’aucuns paraissent dès lors dérisoires et hors de propos. Il flotte tout le long une vérité flamboyante. Les morceaux se suivent à l’unisson. L’ensemble reste toujours marqué par un géniteur qui ne se laisse jamais débordé par les inffluences extérieures. Un swamp pop personnel façon Bobby Charles/Tom McClain associé à un clin d’œil appuyé à Muscle Shoals n’obère en rien la manifestation d’une personnalité forte et attachante. Recevoir coup sur coup le dernier Nico Duportal et son hommage à Mavis Staple – Keep On Keeping On – dans lequel Theo fait les « cœurs » (resic) et le titre Prairie Fire à la fraîcheur inquiète, fait partie de ces instants d’écoute privilégiés dont on sait qu’ils se renouvèleront régulièrement au fil des ans, faisant rentrer ces morceaux dans une discothèque personnelle tout aussi virtuelle qu’intemporelle.
Références :
• Theo Lawrence; Sauce Piquante (Tomika Records/ BMG, 2019)
• Nico Duportal and the Sparks ; Dog, Saint and Sinner (Music Box, 2019)
Par Stéphane Colin