Johnny Mars

Johnny Mars. Photo promo, DR, courtesy of Johnny Mars.

Blues from Mars !

• C’était une surprise totale de retrouver en live un Johnny Mars en pleine forme, à 59 ans, à la Southern Blues Night de Heerlen en Hollande le 25 mars 2017 avec un Big Band de plus de 25 musiciens : le Northern European Jazz and Blues Orchestra. Johnny Mars – complètement disparu de nos radars depuis quelques années et que l’on considérait de ce côté de la Manche comme un retraité peu actif profitant peut-être de ses royalties et autres droits d’auteur… – était là et bien là. En Angleterre, où il s’est installé à demeure depuis la fin des années 70, il est non seulement hyperactif dans des projets pédagogiques avec des adolescents, à base de musique, danse, chant et théâtre, mais il reste aussi un bluesman très populaire au Royaume-Uni avec une activité débordante, en clubs et en festivals. Il s’en explique ici.

« Surprise… surprise ! C’est étonnant, n’est-ce pas, de me retrouver dans ce contexte avec un big band de Jazz et Blues ? Mais je reste un harmoniciste de blues (NDLR : et celui-ci était bien présent dans ce concert). Tu sais que j’ai eu une longue carrière dans le Blues.

Johnny Mars, Southern Blues Night de Heerlen en Hollande, le 25 mars 2017. Photo © Paul Jehasse

Je suis né en décembre 1942 à Laurens en Caroline du Sud, mes parents étaient sharecroppers, j’ai travaillé dans les champs avec eux mais on déménageait souvent au gré des fermes à louer : Caroline du Nord, Géorgie, Floride… J’ai découvert l’harmonica à l’âge de neuf ans et, quand ma mère est morte – j’avais 14 ans – le reste de ma famille est allée s’installer en Floride sauf mon plus jeune frère et moi, nous sommes allés à New Palz (New York). Après avoir fini mes études secondaires, j’ai commencé à jouer dans des clubs avec mon premier groupe, The Train Riders, puis avec le second, Burning Bush, et on a décroché un contrat avec Mercury Records. En 1966, poussé par Mercury Rec., je suis allé en Californie où j’ai fondé le Johnny Mars Band avec lequel j’ai pu accompagner des quantités de bluesmen comme Magic Sam, Earl Hooker, Jesse Fuller, Paul Butterfield, B.B. King, etc.

B.B. King et Johnny Mars sur scène, circa 80’s. Photo DR, courtesy of Johnny Mars.

En 1972, j’ai eu l’occasion de faire une tournée dans le Royaume-Uni où j’ai enregistré deux albums : « Blues From Mars» pour Polydor en 1972 et  « Oakland Boogie » pour Big Bear Records en 1976.

Affiche promo du LP « Blues from Mars » – Polydor.

En Angleterre, j’ai trouvé un environnement qui me plaisait. J’ai joué dans plein de clubs à Londres et ailleurs, par exemple au Greenwich Village, en alternance avec Jimi Hendrix encore peu connu à l’époque mais on est devenus bons copains. Du coup, en 1978, je me suis installé à demeure dans le Somerset. Dans le même temps, j’ai eu beaucoup d’engagements avec entre autres Spencer Davis, Ian Gillam, Do-Re-Mi, Bananarama, etc. c’était la belle vie, et en 1980 j’ai enregistré l’album « Mighty Mars » pour J.S.P. Records qui a reçu un accueil enthousiaste et m’a lancé dans la cour des grands.

CD « Mighty Mars », JSP Records (JSPCD2144).

Puis il y a eu d’autres albums pour Beat Goes On (« Life on Mars », 1984), pour J.S.P. à nouveau (« King Of The Blues Harp », 1994), pour MM&K (« Stateside », 1999) et Springboard Productions (« On my Mind »,2003). En 1992, j’ai été invité au San Francisco Blues Festival. Mais, après 2000, le rythme s’est ralenti de ma propre initiative ; j’avais enseigné pendant plus de quinze ans dans des écoles primaires où je donnais des cours de musique et d’expression orale et je voulais me consacrer davantage à des projets musicaux avec des ados, sans toutefois abandonner ma carrière musicale. J’ai joué avec The Barrelhouse Blues Orchestra en 2003 et 2004, puis j’ai fait équipe avec le guitariste Michael Roach et on a pu se produire au Bath Music Festival (UK) en 2008, au Pocono Blues Festival (USA), en Croatie et au Moyen-Orient en 2010.

Johnny Mars (harmonica) en compagnie du guitariste de Washington, Michael Roach. Pocono Blues Festival, Lake Harmony, Pennsylvanie, 26 juillet 2008. Photo © Gene Tomko

Depuis lors, je me suis fait plus rare sur les scènes européennes et américaines pour concrétiser mes projets ; je développe encore et toujours un concept imaginé en 1999 et qui est toujours d’actualité aujourd’hui : « Dare to Dream… Aim to Achieve » ou « Vision – One World » (NDLR : Oser faire des rêves et avoir pour but de réaliser ces rêves – Vision d’un seul monde pour tous). C’est un concept qui veut unir tous les ados en transcendant toutes les frontières, qu’elles soient politiques, raciales, sociales ou économiques. Il faut tendre vers une société mondiale multiculturelle et plurinationale. Le résultat sera une société en meilleure santé. J’organise sans relâche des réunions de jeunes dans ce but, encore de nos jours. En outre, tous les arts, la musique, la danse, le chant, le théâtre doivent être au centre de tout programme d’éducation, c’est ce qui m’a inspiré pour ce projet. Beaucoup d’ados ont une créativité qu’ils ignorent souvent eux-mêmes et je l’utilise pour qu’il créent un hymne célébrant ce qui est spécial et ce qu’ils aiment dans leur école ; c’est un travail collectif qui demande de développer des compétences personnelles et une capacité à travailler ensemble pour atteindre le but recherché. Ils doivent apprendre à formuler des textes structurés et cohérents, à partager leurs idées avec les autres avec empathie, à collaborer pour construire des chansons…. Leur estime d’eux-mêmes en est boostée à son max et ils réalisent que toutes ces compétences et cette capacité à collaborer leur ouvrent l’esprit et leur serviront dans leur vie d’adulte….

Johnny Mars, photo promo, DR Red Hot Media Marketing (courtesy of Johnny Mars).

C’est un beau projet et j’y travaille sans relâche avec de nouveaux groupes d’élèves du primaire et du secondaire. On démarre avec quelques classes et finalement c’est toute l’école qui se retrouve impliquée. J’adore faire cela. J’ai aussi poursuivi dans la même voie avec le Clod Ensemble dans « Zero », la pièce de théâtre/comédie musicale dont j’ai écrit la partition musicale très bluesy et dans laquelle je chante et joue de l’harmonica avec un groupe de musiciens très doués. C’est un mix assez percutant de danse, de musique et d’effets visuels qui a été joué de nombreuses fois en Angleterre avec grand succès. La pièce décrit un monde où rien n’est certain, où règnent les paradoxes, les femmes peuvent être des tigresses et les hommes des serpents, les rivalités entre enfants de la même famille sont exacerbées, ces familles se déchirent, les mariages et les amitiés se défont et sombrent dans la zizanie, etc. C’est un monde où on est tous à la merci de la tempête et des tornades…. Mais au moins on peut encore chanter le Blues. Et, à la fin, il y a l’espoir d’un monde meilleur.

Johnny Mars, Pocono Blues Festival, Lake Harmony, Pennsylvanie, 26 juillet 2008. Photo © Gene Tomko

Tous ces projets m’occupent disons à 80% de mon temps, mais il m’en reste assez pour participer à des festivals comme celui-ci et pour continuer à jouer et à chanter le Blues dans des clubs et autres lieux… Le Blues reste fondamentalement ma passion principale, d’où ma présence ici à Heerlen et autres lieux où tu es le bienvenu quand tu veux…. C’est dans cet état d’esprit que l’album « Harp Dance Studio » sur Stateside paraît. »


Propos recueillis par Robert Sacré
Remerciements à John Stedman – JSP Records